Hodoi Electronikai - Helios - Bibliotheca Classica Selecta - Plan du précis grammatical


SYNTAXE  DES PROPOSITIONS : INFINITIF (1600-1712)


Plan

Infinitif seul dans ses fonctions multiples [1661]
    
Infinitif fonctionnant comme nom [1662]
    Infinitif de « destination ou de but »
[1663]

Proposition infinitive subordonnée [1670]
    Propositions sujets de verbes impersonnels [1675]
    Propositions compléments directs de certains verbes [1680]
    Propositions infinitives (infinitifs) + ἄν en style indirect [1690]
    Propositions  de conséquence à l'infinitif [1695]
    Propositions temporelles introduites par πρίν à l'infinitif [1700]
    Proposition de but, exprimée par τοῦ + infinitif [1705]

Infinif  indépendant [1710]
    Infinitif  d'ordre et infinitif exclamatif [1711]
    Infinitif dans des locutions lexicalisées [1712]

 


    Forme nominale du verbe, exprimant l'idée verbale, l'infinitif grec est dans beaucoup de ses emplois comparable à l'infinitif français. Les temps de l'infinitif sont plus souvent choisis pour leur valeur aspectuelle que pour leur valeur temporelle.

 

1661. Infinitif seul dans ses fonctions multiples
 

1662. Infinitif fonctionnant comme nom

   L'infinitif peut être substantivé et décliné à l'aide de l'article neutre singulier. Il peut être accompagné de compléments généralement insérés entre l'article et l'infinitif. Il peut remplir dans une phrase toutes les fonctions d'un nom. Les exemples sont multiples :

Θεῷ μάχεσθαι δεινόν ἐστι καὶ τύχῃ (Mén., Mon., 341). [sujet]
Il est redoutable de combattre la divinité et le destin.

Τίς δ'᾿οἶδεν εἰ τὸ ζῆν μέν ἐστι κατθανεῖν, τὸ κατθανεῖν δὲ ζῆν κάτω νομίζεται (Eur., fr. 638). [sujet et attribut d'un verbe impersonnel]
Qui sait si la vie (= le fait de vivre) n'est pas la mort, et si la mort n'est pas considérée comme une vie sous terre.

Ἀλλὰ γὰρ ἤδη ὥρα ἀπιέναι... (Plat., Ap., 42a). [complément de nom]
Mais il est déjà l'heure de partir...

Ἐνίοις τὸ σιγᾶν κρεῖττόν ἐστι τοῦ λαλεῖν (Mén., Mon., 258). [sujet ; complément d'un comparatif]
Pour certains, le silence vaut mieux que la parole.

Καὶ ἡμεῖς ἀκούσαντες ᾐσχύνθημέν τε καὶ ἐπέσχομεν τοῦ δακρύειν (Plat., Phéd, 117e). [complément de verbe au génitif]
Et nous, l' (= Socrate) entendant, nous eûmes honte et nous retînmes de pleurer.

Ἀπώλλυντο οὖν ὑπὸ τῶν θηρίων διὰ τὸ πανταχῇ αὐτῶν ἀσθενέστεροι εἶναι (Plat., Prot., 322b). [complément prépositionnel, de cause]
Aussi périssaient-ils
(= les hommes) sous les coups des bêtes sauvages, du fait qu'ils étaient en toutes circonstances plus faibles qu'elles.

Προεῖπον δὲ ταῦτα τοῦ μὴ λύειν ἕνεκα τὰς σπονδάς (Thuc., 1, 45, 3). [complément prépositionnel, de but]
Ils prescrivirent cela, dans le but de ne pas rompre le traité.

Νίκησον ὀργὴν τῷ λογίζεσθαι καλῶς (Mén., Mon., 528). [complément circonstanciel de moyen (ou modalité)]
Domine ta colère par un raisonnement sensé.

Δειναὶ γὰρ αἱ γυναῖκες εὑρίσκειν τέχνας (Eurip., I.T., 1032). [complément d'adjectif]
Les femmes sont habiles à découvrir des ruses.
 

1663. Infinitif de « destination ou de but »

    Complément de verbes signifiant donner, prendre, abandonner ; choisir, désigner ; envoyer, l'infinitif sert à exprimer le but.

Ἀριστάρχῳ ἔδοτε ἡμέραν ἀπολογήσασθαι (Xén., Hell., 1, 7, 28).
Vous avez accordé à Aristarque un jour pour se défendre.

Οἱ ἄρχοντες οὓς ὑμεῖς εἵλεσθε ἄρχειν μου... (Plat., Ap., 28e).
Les chefs que vous-mêmes avez choisis pour me commander...   

Δέκα δὲ τῶν νεῶν προὔπεμψαν ἐς τὸν μέγαν λιμένα πλεῦσαί τε καὶ κατασκέψασθαι... (Thuc., 6, 50, 4).
Ils envoyèrent dix de leurs navires pour faire voile vers le grand port et pour observer...

    Autres expressions du but : ὅπως, ὡς + indicatif [1445] ; ἵνα +  subjonctif [1520] ; ὡς + participe futur [1750] ; τοῦ + infinitif ou proposition infinitive [1705].

 

1670. La proposition infinitive subordonnée
 

    La proposition infinitive, ayant son sujet à l'accusatif et son prédicat à un temps de l'infinitif, se rencontre dans diverses constructions. Son sujet, à la différence du latin, est souvent omis en grec, et la tournure personnelle est souvent préférée à la tournure impersonnelle, si bien que la proposition infinitive n'est pas toujours distincte d'un simple infinitif.
 

1675. Propositions sujets de verbes impersonnels

    La proposition infinitive sert de sujet à des verbes et à des tournures impersonnels. Toutefois la tournure personnelle est fréquente en grec.

Ἀνάγκη ἦν με πείθεσθαι τῷ λόγῳ (Xén., Cyr., 1, 6, 6). [sujet d' expression impersonnelle]
Il était nécessaire que j'obéisse à ce discours.

Ἔδοξέ μοι εἰς λόγους σοι ἐλθεῖν (Xén., An., 2, 5, 4). [sujet d'un verbe impersonnel]
Il m'a paru bon de venir à toi pour discuter.

Δίκαιος εἶ βοηθεῖν τῷ ἀνδρί (Plat., Prot., 339e). [tournure personnelle]
Il est juste que tu aides cet homme. (= δίκαιόν ἐστί σε βοηθεῖν)
 

1680. Propositions compléments directs de certains verbes

    La proposition infinititive, dont le sujet est omis notamment quand il est le même que celui du verbe introducteur, fonctionne comme complément direct de nombreux verbes. Cette tournure est souvent concurrencée par une proposition en ὅτι, ὡς [1441] ou par une proposition participiale [1730]. Les dictionnaires signalent ces tournures. Voici quelques verbes construits avec la proposition infinitive :

 - 1681. Verbes d'opinion (négation οὐ)
    οἶμαι, νομίζω, δοκῶ(έω), ἡγοῦμαι(έομαι) je pense, je crois
    κρίνω
je juge
    ὑποπτεύω
je soupçonne
    ἐλπίζω
j'espère
  
   etc.

- 1682. Verbes de déclaration (négation οὐ)
    ὁμολογῶ(έω) reconnaître, avouer
    ὑπισχνοῦμαι(έομαι) je promets
    ὄμνυμι je jure
    φημί, οὐ φημί
je dis, je dis que ne pas ou je nie

      etc.
      La plupart des verbes déclaratifs se construisent aussi avec ὅτι et l'indicatif [1441].

- 1683. Verbes de volonté (négation μή)
    ἐπιθυμῶ(έω), χρῄζω je désire, j'ai besoin de
    αἰτῶ(έω)
je demande
    βούλομαι, ἐθέλω, ἀξιῶ(όω)
je veux, je consens
    ἐάω, ἐπιτρέπω, δίδωμι
je permets, j'accorde
    συμβουλεύω, παρακελεύομαι, πείθω
je conseille, je persuade
    κελεύω, παραγγέλλω
j'ordonne
    ψηφίζομαι je décrète
    ἀναγκάζω
j'oblige, je force
    κωλύω
j'empêche
      
etc.

Πάντες Ἕλληνές τε καὶ βάρβαροι νομίζουσιν εἶναι θεούς (Plat., Lois, 886a). [complément de verbe d'opinion]
Tous les Grecs et tous les barbares croient que des dieux existent.

Οἴονται γὰρ κερδαίνειν ταῦτα ποιήσαντες (Plat., Phéd, 116e). [complément de verbe d'opinion, sans sujet exprimé]
Ils pensent en effet, en agissant ainsi, tirer un profit.

Τὸν μὲν γὰρ καλὸν κἀγαθὸν ἄνδρα καὶ γυναῖκα εὐδαίμονα εἶναί φημι, τὸν δ᾿ἄδικον καὶ πονηρὸν ἄθλιον (Plat., Gorg., 470e). [complément de verbe déclaratif]
Je dis que l'homme et la femme de bien sont heureux, mais que l'homme injuste et mauvais est misérable.

Ἐκέλευσα αὐτὸν ἐνεγκεῖν τὴν ἐπιστολήν (Xén., Cyr., 2, 2, 9). [complément de verbe de volonté]
Je lui donnai l'ordre de m'apporter la lettre.
 

1690. Propositions infinitives (ou infinitifs) + ἄν en style indirect

    Dans le discours indirect, quand le verbe introducteur exige une proposition infinitive, les principales « potentielles » (ἄν + optatif [1557]) et les principales « irréelles » (ἄν + indicatif imparfait ou aoriste [1435]), dépendant de ce verbe, se mettent à l'infinitif + ἄν. La particule ἄν donne à l'infinitif une valeur de « potentiel » ou d' « irréel ». Si le sujet de l'infinitif est le même que le sujet du verbe introducteur, il est régulièrement omis.

Ἐνόμιζον παρὰ Κύρῳ, ὀντες ἀγαθοί, ἀξιωτέρας ἄν τιμῆς τυγχάνειν ἢ παρὰ βασιλεῖ (Xén., An., 1, 9, 29). [potentiel, même sujet que celui du verbe principal]
Ils pensaient que, se montrant braves, ils obtiendraient une récompense plus importante auprès de Cyrus qu'auprès du roi.

Ἆρ' οὖν ἄν με οἴεσθε τοσάδε ἔτη διαγενέσθαι, εἰ ἔπραττον τὰ δημοσία... ; (Plat., Ap., 32e). [irréel]
Pensez-vous que j'aurais vécu tant d'années, si j'avais fait de la politique...?

Κῦρός γε εἰ ἐβίωσεν, ἄριστος ἂν δοκεῖ ἄρχων γενέσθαι (Xén., Écon., 4, 18).
S'il avait vécu, Cyrus serait devenu, semble-t-il, un excellent souverain. [irréel, même sujet que verbe principal]
 

1695. Propositions de conséquence à l'infinitif

    Une proposition de conséquence introduite par ὥστε (rarement ὡς) a son prédicat à l'infinitif et son sujet, s'il est exprimé, à l'accusatif. Négation μή. Ὥστε est souvent annoncé dans la principale par un adverbe, par exemple : οὕτως, τοσοῦτον...

    Dans cette tournure, la conséquence est généralement présentée comme la simple suite logique du fait énoncé dans la principale, sans qu'on se prononce sur sa réalisation. C'est différent de la tournure à l'indicatif (ou aux autres modes des indépendantes), où la conséquence est souvent présentée comme réalisée [1465]. La distinction toutefois n'est pas toujours évidente et, selon certains spécialistes, l'infinitif présenterait plutôt la conséquence de façon plus abstraite et les modes personnels de façon plus concrète.

Ἐνθάδε οὔτε ἀργύριον ἔχομεν ὥστε ἀγοράζειν (Xén., An., 7, 3, 5).
Ici, nous n'avons pas d'argent qui nous permette d'acheter (le nécessaire).

Καὶ κραυγὴν πολλὴν ἐποίουν καλοῦντες ἀλλήλους ὥστε καὶ τοὺς πολεμίους ἀκούειν · ὥστε οἱ μὲν ἐγγύτατα τῶν πολεμίων καὶ ἔφυγον ἐκ τῶν σκηνωμάτων (Xén., An., 2, 2, 17). [conséquence possible et conséquence réalisée]
Et en s'appelant mutuellement, ils (= les Grecs) faisaient grand bruit, au point d'être entendus par les ennemis, si bien que ceux des ennemis les plus proches s'enfuirent de leurs tentes.

Ποιητὴς ὁ θεὸς σοφὸς οὕτως ὥστε καὶ ἄλλον ποιῆσαι (Plat., Banquet, 196e).
Le dieu est un poète habile au point même d'en faire un autre.

Φῦναι δὲ ὁ Κῦρος λέγεται... ψυχὴν δὲ φιλανθρωπότατος καὶ φιλομαθέστατος ὥστε κίνδυνον ὑπομεῖναι τοῦ ἐπανεῖσθαι ἕνεκα. (Xén., Cyr., 1, 2, 1).
On raconte... que Cyrus naquit doté d'une âme très généreuse et très curieuse d'apprendre, au point d'affronter le danger pour obtenir des éloges.

Καὶ (οἱ Ἕλληνες) ἐνετύγχανον τάφροις... ὕδατος πλήρεσιν, ὡς μὴ δύνασθαι διαβαίνειν ἄνευ γεφυρῶν (Xén., An., 2, 3, 10).
Les Grecs rencontrèrent des fossés pleins d'eau, de telle sorte qu'il était impossible de traverser sans ponts.
 

1700. Propositions infinitives temporelles introduites par πρίν

    Après une principale affirmative, la circonstancielle temporelle introduite par πρίν (πρότερον... πρίν) avant que, avant de se construit le plus généralement avec l'infinitif. Après une principale négative, πρίν se construit le plus généralement avec l'indicatif [1460] ou (ἄν) + subjonctif [1532]. Cette règle n'est cependant pas absolue, comme le montre le second exemple.

Ἐπὶ τὸ ἄκρον ἀναβαίνει Χειρίσοφος πρίν τινας αἰσθέσθαι τῶν πολεμίων (Xén., An., 4, 1, 7). [principale affirmative]
Chirisophe arrive en haut de la colline, avant que certains ennemis le remarquent.

Ἐγγύς τε οἰκῶν τῆς ἀγορᾶς οὔτε πρὸς δικαστηρίῳ οὔτε πρὸς βουλευτηρίῳ ὤφθην οὐδεπώποτε πρὶν ταύτην τὴν συμφορὰν γενέσθαι (Lys., Biens d'Aristoph., 55). [principale négative]
Habitant près de l'agora, je ne fus jamais aperçu ni dans un tribunal ni au Conseil, avant que ce malheur survienne.
 

1705. Proposition de but, exprimée par τοῦ + infinitif

   Une tournure, assez rare, constituée de l'article au génitif suivi d'une proposition infinitive, exprime le but. [C'est comme si la préposition ἕνεκα en vue de, pour,  était sous-entendue]

Τοῦ δὲ μὴ διαφεύγειν τὸν λαγὼ σκοποὺς καθίστης (Xén., Cyr., 1, 6, 40).
Tu disposes des gardes, pour que le lièvre ne s'échappe pas.

Τό τε λῃστικόν... καθῄρει ἐκ τῆς θαλάσσης... τοῦ τὰς προσόδους μᾶλλον ἰέναι αὐτῷ (Thuc., 1, 4).
Il (Minos) purgeait la mer de la piraterie... pour que plus de revenus lui reviennent.

Autres expressions du but : ὅπως, ὡς + indicatif [1445] ; ἵνα +  subjonctif [1520] ; ὡς + participe futur [1750].

 

1710. Infinif indépendant
 

1711. Infinitif d'ordre et infinitif exclamatif

    Dans des propositions indépendantes ou incises, l'infinitif prédicat peut exprimer un ordre ou une défense, une exclamation, une protestation. Négation μή.

Ὦ ξεῖν', ἀγγέλλειν Λακεδαιμονίοις ὅτι τῇδε κείμεθα, τοῖς κείνων ῥήμασι πειθόμενοι (Hérodote, 7, 228). [ordre]
Étranger, annonce aux Lacédémoniens que nous gisons ici, en obéissant à leurs lois.

Μὴ ἐμὲ αἰτιᾶσθαι τούτων... (Plat., Soph., 218a). [défense]
Ne m'accuse pas de cela.

Ἐμὲ παθεῖν τάδε, φεῦ... (Esch., Eum., 837). [exclamation, protestation]
Moi, souffrir cela, hélas !
 

1712. Infinitif dans des locutions lexicalisées

    Un infinitif sans sujet se rencontre très fréquemment dans des expressions lexicalisées, figées, et dans des locutions adverbiales, constituant en quelque sorte des propositions incises, telles :
    ὀλίγου / μικροῦ / πολλοῦ δεῖν peu s'en faut, il s'en faut de beaucoup
   
(ὡς) ἐμοί δοκεῖν à ce qu'il me semble
   
(ὡς) (ἔπος) εἰπεῖν pour ainsi dire
    τὸ σύμπαν εἰπεῖν pour tout dire
    ὡς συντόμως εἰπεῖν / (ὡς) συνελόντι εἰπεῖν pour le dire brièvement
    ὡς (οὕτως) ἀκοῦσαι à l'entendre ainsi
   
τὸ νῦν εἶναι pour l'instant
    τὸ κατὰ τοῦτον εἶναι pour autant que cela le concerne
    τὸ ἐπ' ἐμοὶ εἶναι
pour ce qui dépend de moi.

Καίτοι ἀληθές γε, ὡς ἕπος εἰπεῖν, οὐδὲν εἰρήκασιν (Plat., Ap., 17a).
Et pourtant ils n'ont, pour ainsi dire, rien dit de vrai.


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