FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 14 - juillet-décembre 2007
Villas et campagnes en Gallia Belgica.
Recueil de textes par Paul Fontaine
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Évocation d'une villa (Dessin M.
Destrée)
© Société
Archéologique de Namur
Table des matières - I - II - III - IV - V
Plan
Le choix du site
26. Columelle, De l'agriculture, I, ii, 3-5
27. Caton, De l'agriculture, 1, 1-4
28. Varron, Économie rurale, I, 16, 6
29. Varron, Économie rurale, I, 11, 2-12, 1
30. Columelle, De l'agriculture, I, v, 6-7
31. Ausone, La Moselle, 320-344
Le bornage des terres
32. Siculus Flaccus, Des conditions des champs, 107, 14-21 Th
33. Codex Theodosianus, 270, 5-9 La
Les bâtiments et les aménagements annexes
34. Vitruve, De l'architecture, VI, vi, 1-7
35. Columelle, De l'agriculture, I, vi, 1-6, 9-10 et 19 (A) ; I, vi, 7-8 (B) ; I, iv, 8 (C) ;
I, vi, 24 (D)
36. Varron, Économie rurale, I, 13, 3-4
Les bains
37. Plaute, Poenulus, 217-227
38. Valère-Maxime, Faits et dits mémorables, 9, 1, 1
Le choix du site
26. Dépeint par Columelle, le domaine de ses rêves.
(Columelle, De l'agriculture, I, ii, 3-5 ; texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)
[3] Quod si uoto fortuna subscribit, agrum habebimus salubri caelo, uberi glaeba, parte campestri, parte alia collibus uel ad orientem uel ad meridiem molliter deuexis; terrenisque aliis atque aliis siluestribus et asperis, nec procul a mari aut nauigabili flumine, quo deportari fructus et per quod merces inuehi possint. Campus in prata et arua salictaque et harundineta digestus aedificio subiaceat. [4] Colles alii uacui arboribus, ut solis segetibus seruiant; quae tamen modice siccis ac pinguibus campis melius quam praecipitibus locis proueniunt. Ideoque etiam celsiores agri frumentarii planitias habere et quam mollissime deuexi ac simillimi debent esse campestri positioni. Alii deinde colles oliuetis uineisque et earum futuris pedamentis uestiantur, materiam lapidemque, si necessitas aedificandi coegerit, nec minus pecudibus pascua praebere possint, tum riuos decurrentes in prata et hortos et salicta uillaeque aquas salientes demittant. [5] Nec absint greges armentorum ceterorumque quadrupedum culta et dumeta pascentium. Sed haec positio, quam desideramus, difficilis et rara paucis contingit.
[3] Si la fortune souscrit à nos vœux, nous jouirons d’un domaine placé sous un ciel salubre, offrant un sol fertile, partie en plaine, partie sur des coteaux en pente légère vers l’est ou le sud ; consistant en cultures, en bois, en points sauvages ; ayant à portée la mer ou une rivière navigable, afin de pouvoir exporter les productions et importer les marchandises dont on a besoin. Qu'une plaine, partagée en prés et en labours, en saussaies et en plantations de roseaux, s’étendent au pied des bâtiments. [4] Que quelques collines soient privées d'arbres, afin de les réserver à la seule culture des céréales. Celles-ci prospèrent toutefois mieux dans les plaines dont la terre est grasse et médiocrement sèche, que sur les pentes raides. En conséquence, les champs à blé les plus élevés doivent s’étager en terrasses avec des pentes les plus douces possible, reproduisant de très près les conditions de plaine. Que d’autres collines encore soient revêtues d'oliviers, de vignes et de bois propres à fournir des échalas ; qu’elles puissent offrir de la pierre et du bois de charpente si on a besoin de bâtir, de même que des pâturages pour les troupeaux ; que de ces collines encore descendent des ruisseaux courant arroser les prés, les jardins et les saussaies, et des eaux jaillissant dans l’enceinte de la ferme. [5] Il ne manquera pas de troupeaux de gros bestiaux et d’autres quadrupèdes qui trouveront leur pâture dans les cultures et les broussailles. Mais ce fonds, dont nous rêvons, est difficile à trouver et rare, et peu de personnes en jouissent.
27. À qui projette d’acheter un domaine, Caton fournit ses conseils nourris de pragmatisme.
(Caton, De l'agriculture 1, 1-4 ; texte établi et traduit par R. Goujard, Paris, 1975)
[1] Praedium quom parare cogitabis, sic in animo habeto: uti ne cupide emas neue opera tua parcas uisere et ne satis habeas semel circumire; quotiens ibis, totiens magis placebit quod bonum erit.
[2] Vicini quo pacto niteant, id animum aduertito: in bona regione bene nitere oportebit. Et uti eo introeas et circumspicias uti inde exire possis. Vti bonum caelum habeat; ne calamitosum siet; solo bono, sua uirtute ualeat. [3] Si poteris, sub radice montis siet, in meridiem spectet, loco salubri. Operariorum copia siet bonumque aquarium ; oppidum ualidum prope siet aut mare aut amnis, qua naues ambulant, aut uia bona celebrisque. [4] Siet in his agris qui non saepe dominum mutant ; qui in his agris praedia uendiderint, eos pigeat uendidisse. Vti bene aedificatum siet. Caueto alienam disciplinam temere contemnas ; de domino bono colono bonoque aedificatore melius emetur.
[1] Quand vous songerez à acquérir un domaine, ayez ceci présent à l'esprit : n'achetez pas en cédant à une envie, ne vous épargnez pas la peine de le visiter vous-même et ne vous contentez pas d'en faire le tour une fois; chaque fois que vous vous y rendrez, il vous plaira davantage si c'est un bon domaine.
[2] Prêtez attention à la mine des gens du voisinage : dans une bonne région, ils devront avoir bonne mine. Entrez dans la propriété et examinez comment vous pouvez en sortir. Que le climat soit bon, qu'elle ne soit pas exposée aux calamités agricoles; qu'elle vaille par la bonté du sol et par sa qualité propre. [3] Si possible, qu'elle soit au pied d'une colline, qu'elle soit exposée au midi, dans un endroit salubre. Qu'il y ait abondance de main-d'œuvre et un bon abreuvoir; qu'il y ait à proximité une ville importante ou la mer ou un cours d'eau où circulent les bateaux, ou une bonne route fréquentée. Qu'elle soit de ces champs qui ne changent pas souvent de maître ; que ceux qui, dans ces campagnes, auront vendu leur domaine, regrettent d'avoir vendu. Que les bâtiments soient bien construits. Gardez-vous de mépriser à la légère les leçons d'autrui; mieux vaudra acheter à un propriétaire bon cultivateur et bon constructeur.
28. Comme Caton,Varron insiste sur la proximité d’une voie routière ou fluviale, essentielle pour une villa de rendement.
(Varron, Économie rurale, I, 16, 6 ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)
Fundum fructuosiorem faciunt uecturae, si uiae sunt qua plaustra agi facile possint, aut flumina propinqua qua nauigari possit, quibus utrisque rebus euehi atque inuehi multa ad praedia scimus.
Ce qui augmente le revenu d'un domaine, ce sont les transports, s'il existe des routes où les chariots puissent circuler facilement, ou des cours d'eau à proximité, où l'on puisse naviguer : c'est par ces deux moyens, nous le savons, que beaucoup de choses sont portées au dehors ou au dedans des propriétés.
29. Pour qui préfère construire sa villa, Varron attire l’attention sur quelques points : la question de l’eau, la topographie du site et son exposition.
(Varron, Économie rurale, I, 11, 2-12, 1 ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)
[11, 2] Villam aedificandam potissimum ut intra saepta uillae habeat aquam, si non, quam proxime, primum quae ibi sit nata, secundum quae influat perennis. Si omnino aqua non est uiua, cisternae faciendae sub tectis et lacus sub dio, ex altero loco ut homines, ex altero ut pecus uti possit.
[12, 1] Danda opera ut potissimum sub radicibus montis siluestris uillam ponat, ubi pastiones sint laxae, item ut contra uentos qui saluberrimi in agro flabunt. Quae posita est ad exortos aequinoctiales, aptissima, quod aestate habet umbram, hieme solem. Sin cogare secundum flumen aedificare, curandum ne aduersum eam ponas; hieme enim fiet uehementer frigida et aestate non salubris.
[11, 2] On devra construire la ferme en veillant surtout à avoir de l’eau à l’intérieur de son enceinte, sinon le plus près possible : une eau qui, de préférence, y prenne sa source ou qui, à défaut, vienne y couler sans tarir. S’il n’y a pas du tout d’eau vive, il faut construire des citernes sous toit et un réservoir à l’air libre, les unes étant destinées aux hommes et le second au bétail.
[12, 1] On s’efforcera d’installer la ferme de préférence au pied d’une montagne boisée, où les pâturages soient vastes, et d’autre part exposée aux vents les plus salubres qui souffleront dans la propriété. Une ferme orientée au levant équinoxial se trouve dans une situation excellente car elle a de l’ombre en été, du soleil en hiver. Mais si l’on est forcé de la construire au bord d’un cours d’eau, il faut prendre garde de ne pas la placer en face : car en hiver elle sera extrêmement froide et en été malsaine.
30. À l’intention du candidat bâtisseur, Columelle épingle deux pièges à éviter.
(Columelle, De l'agriculture, I, v, 6-7 ; texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)
[6] Nec paludem quidem uicinam esse oportet aedificiis, nec iunctam militarem uiam, quod illa caloribus noxium uirus eructat et infestis aculeis armata gignit animalia, quae in nos densissimis examinibus inuolant ; tum etiam nantium serpentiumque pestes, hiberna destitutas uligine, coeno et fermentata colluuie uenenatas emittit, ex quibus saepe contrahuntur caeci morbi, quorum causas ne medici quidem perspicere queunt; et anni toto tempore situs atque umor instrumentum rusticum supellectilemque et inconditos conditosque fructus corrumpit ; [7] haec autem praetereuntium uiatorum populationibus et adsiduis deuertentium hospitiis infestat rem familiarem.
[6] Il ne faut pas non plus qu’un marais avoisine les bâtiments, ni qu’une route militaire passe à côté. Les eaux stagnantes exhalent, par l'effet des chaleurs, des miasmes empoisonnés et engendrent des insectes armés d'aiguillons hostiles, qui fondent sur nous en épais essaims. Elles répandent aussi la plaie des bestioles qui nagent et qui rampent et qui, privées de l’humidité de l’hiver, puisent leur venin dans la fange et l'ordure en fermentation. On en contracte souvent des maladies mystérieuses dont les médecins eux-mêmes ne peuvent démêler les causes. Là, toute l'année, la moisissure et l'humidité détériorent les instruments rustiques, les meubles et même les fruits de la terre, tant ceux qui sont serrés que ceux qui restent à découvert. [7] Par ailleurs, les voies publiques exposent le domaine aux déprédations des voyageurs qui passent, et à l’accueil incessant de gens qui s’écartent de la route, en quête d’un logis.
31. D’origine bordelaise, le poète Ausone, qui vécut au IVe s. ap. J.-C., a tiré un long poème d’une descente de la Moselle qu’il effectua depuis Trèves jusqu’au Rhin. Il y décrit la rivière et ses rives, avec leurs superbes villas.
(Ausone, La Moselle, 320-344 ; texte établi et traduit par E.F. Corpet, Paris, 1972)
...celsas, fluuii decoramina, uillas. 320
Haec est natiui sublimis in aggere saxi ;
Haec procurrentis fundata crepidine ripae,
Haec refugit captumque sinu sibi uindicat amnem,
Illa tenens collem qui plurimus imminet amni,
Vsurpat faciles, per culta, per aspera, uisus 325
Vtque suis fruitur felix speculatio terris.
Quin etiam riguis humili pede condita pratis
Compensat celsi bona naturalia montis
Sublimique minans irrumpit in aethera tecto
Ostentans altam, Pharos ut Memphitica, turrim. 330
Huic proprium est clausos consaepto gurgite pisces
Apricas scopulorum inter captare nouales.
Haec, summis innixa iugis, labentia subter
Flumina despectu iam caligante tuetur.
Atria quid memorem uiridantibus assita pratis, 335
Innumerisque super nitentia tecta columnis ?
Quid quae fluminea substructa crepidine fumant
Balnea, feruenti quum Mulciber haustus operto
Voluit anhelatas tectoria per caua flammas,
Inclusum glomerans aestu expirante uaporem ? 340
Vidi ego defessos multo sudore lauacri
Fastidisse lacus et frigora piscinarum,
Vt uiuis fruerentur aquis ; mox amne refotos
Plaudenti gelidum flumen pepulisse natatu.
...[320] les superbes villas qui sont la parure de la rivière. L'une se dresse sur un massif de roche naturelle ; une autre est assise sur la pointe avancée du rivage; celle‑ci s'éloigne et attire à elle un repli du fleuve; celle‑là, occupant une colline qui domine de très haut le fleuve, [325] contemple sans obstacle et en souveraine les lieux cultivés et sauvages et, grâce à la richesse du coup d'oeil, jouit de ces terres comme de son domaine. Une autre enfonce son humble pied dans les fraîches prairies mais les avantages naturels de la haute montagne sont compensés pour elle par l'élévation de son faîte qui s'élance menaçant dans les airs, [330] et par cette tour colossale qu'elle montre comme Pharos, soeur de Memphis. Cette autre a seule le privilège d’enfermer et de prendre le poisson que la rivière amène entre les cavités de ses rochers, dont les plateaux en jachère sont baignés de soleil. Une dernière repose sur un pic escarpé et n'entrevoit qu'à travers un brouillard le fleuve qui roule à ses pieds. [335] Que dirai‑je de ces portiques semés sur de vertes prairies, de ces toits soutenus de colonnes sans nombre ? Et de ces bains qui fument sur la grève, quand Vulcain, aspiré par l'étuve brûlante, souffle et roule ses flammes dans les conduits cachés de la muraille [340] et accumule une vapeur enfermée dont la chaleur s'exhale au dehors ? J’ai vu des baigneurs, qu'une sueur abondante avait épuisés, dédaigner les froides eaux des cuves et des piscines, pour jouir des eaux courantes et, retrouvant bientôt leur vigueur dans le fleuve, frapper et refouler en nageant ses vagues rafraîchissantes.
Le bornage des terres
32. Le bornage revêt dans le monde romain une grande variété de formes. Les arpenteurs officiels, opérant dans les territoires nouvellement conquis, étaient invités à examiner au préalable les coutumes locales en la matière, afin d’éviter toute innovation trop brutale. Siculus Flaccus, auteur d’un traité d’arpentage (IIe ou IIIe s. ap. J.-C.), évoque ainsi, entre autres procédés, l’usage des arbres pour matérialiser les limites d’un terrain.
(Siculus Flaccus, Des conditions des champs,, 107, 14-21 Th : extrait tiré de C. Thulin, Corpus Agrimensorum Romanorum, Leipzig, 1913 [rééd . 1971] et traduit par G. Chouquer-F. Favory, L’arpentage romain. Histoire des textes - Droit - Techniques, Paris, 2001, p. 186)
Si arbores finales obseruabuntur, uidendum erit quae sint arborum genera. Nam quidam in finibus naturales qualescumque arbores intactas finales obseruant ; quidam, cunctis excisis arborum generibus, unum tantum genus in finibus relinquunt, quo manifestius appareant finales. Alii diuersas hoc animo serunt, ut materiae differentia argumento sit. Quidam ex conuentione in ipsis finibus communes serunt.
Si ce sont des arbres qui sont reconnus comme limites, il faudra regarder quelles sont les espèces d’arbres. En effet, certains reconnaissent comme limite n’importe quels arbres, qui n’ont jamais été taillés et qui poussent à l’état naturel à l’emplacement de la limite ; d’autres, après avoir abattu tous les arbres d’une autre essence, n’en laissent que d’une seule essence sur les limites, pour qu’ils apparaissent encore plus manifestement comme arbres-limites. Certains plantent des arbres différents, dans la pensée que la différence de bois servira de preuve. D’autres plantent en accord avec le voisin des arbres mitoyens, juste sur les limites.
33. Le code Théodosien, entré officiellement en vigueur en 439 ap. J.-C., recueille l’essentiel des textes législatifs promulgués lors des siècles précédents. Il recèle notamment un série de dispositions relatives aux limites des propriétés, comme ces sanctions contre ceux qui détruisent les bornes. Dans le monde romain, un tel délit fut toujours passible de très lourdes peines.
(Codex Theodosianus, 270, 5-9 La ; extrait tiré de F. Blume - K. Lachmann, Die Schriften der römischen Feldmesser, Berlin, 1848 et traduit par G. Chouquer - F. Favory, L’arpentage romain. Histoire des textes - Droit - Techniques, Paris, 2001, p. 391).
Qui terminos effodiunt uel exarant arboresue finales uel terminales euertunt, si quidem serui ex sua sponte fecerunt, in metallum damnabuntur, humiliores in opus publicum, honestiores in insulam amissa tertia portione bonorum relegantur.
Ceux qui déterrent des bornes ou qui les enlèvent en labourant ou qui retournent des arbres servant de limites ou de bornes, si ce sont bien des esclaves qui ont agi de leur propre chef, ils seront condamnés à la mine, si ce sont des humbles (humiliores), aux travaux publics, si ce sont des nobles (honestiores), à la relégation dans une île et à la perte du tiers de leurs biens.
Les bâtiments
34. Dans son manuel d’architecture publié à l’époque d’Auguste, Vitruve énonce les règles à suivre pour dessiner les plans - designare - d’une villa.
(Vitruve, De l'architecture, VI, vi, 1-7, partim ; d'après le texte établi, traduit et commenté par L. Callebat, Paris, 2004)
[1] Magnitudines earum ad modum agri copiasque fructuum conparentur. Chortes magnitudinesque earum ad pecorum numerum, atque quot iuga boum opus fuerit ibi uersari, ita finiantur.
In chorte culina quam calidissimo loco designetur. Coniuncta autem habeat bubilia, quorum praesepia ad focum et orientis caeli regionem spectent, ideo quod boues lumen et ignem spectando horridi non fiunt; item agricolae regionum <non> imperiti non putant oportere aliam regionem caeli boues spectare nisi ortum solis.
[2] Balnearia item coniuncta sint culinae; ita enim lauationi rusticae ministratio non erit longe. Torcular item proximum sit culinae ; ita enim ad olearios fructus commoda erit ministratio. Habeatque coniunctam uinariam cellam habentem ab septentrione lumina fenestrarum ; cum enim alia parte habuerit, qua sol calfacere possit, uinum, quod erit in ea cella, confusum ab calore efficietur inbecillum.
[4] Granaria sublimata et ad septentrionem aut aquilonem spectantia disponantur ; ita enim frumenta non poterunt cito concalescere, sed ab flatu refrigerata diu seruantur. Namque ceterae regiones procreant curculionem et reliquas bestiolas quae frumentis solent nocere.
Equilibus, quae maxime in uilla loca calidissima fuerint, constituantur dum ne ad focum spectent ; cum enim iumenta proxime ignem stabulantur, horrida fiunt.
[5] Horrea, fenilia, farraria, pistrina extra uillam facienda uidentur ut ab ignis periculo sint uillae tutiores.
Si quid delicatius in uillis faciendum fuerit, ex symmetriis quae in urbanis supra scripta sunt constituta ita struantur, uti sine inpeditione rusticae utilitatis aedificentur.
[6] Omniaque aedificia ut luminosa sint oportet curari ; sed quae sunt ad uillas faciliora uidentur esse, ideo quod paries nullius uicini potest obstare, in urbe autem aut communium parietum altitudines aut angustiae loci inpediundo faciunt obscuritates. [7] Cum autem in tricliniis ceterisque conclauibus maximus est usus luminum, tum etiam in itineribus, cliuis, scalis quod in his saepius alii aliis obuiam uenientes ferentes sarcinas solent incurrere.
[1] Leur importance [= celle des bâtiments] doit être fonction de celle des terres et des ressources qu'elles offrent. La grandeur des cours doit être déterminée par le nombre de têtes de bétail et l'ensemble de paires de boeufs qu'on aura besoin d'y avoir. On choisira pour la cuisine l'endroit le plus chaud de la cour. Juste à côté, on aura les étables dont les mangeoires regarderont vers le foyer et dans la direction de l'est, la raison étant que les boeufs qui regardent le feu et la lumière n'ont pas le poil qui se hérisse. Les paysans, qui ne sont pas sans connaître les zones du ciel, estiment de même que la seule bonne direction dans laquelle doivent regarder les boeufs est celle du soleil levant.
[2] Les bains seront également attenants à la cuisine ; il n'y aura pas loin ainsi pour assurer le service du bain à la campagne. Le pressoir devra être également tout près de la cuisine ; cela rendra plus facile, en effet, le traitement des olives. Elle aura, attenant, le cellier, dont les jours seront ouverts sur le nord ; quand ils donnent en effet sur une autre direction d'où la chaleur du soleil peut venir, le vin qui sera dans ce cellier se dénaturera et perdra son caractère.
[4] Les greniers à blé seront placés haut et tournés vers le nord ou le nord-est ; de cette manière, le grain sera protégé contre un échauffement rapide et, avec la fraîcheur de l'air qui circule, il se conserve longtemps. De fait, les autres expositions amènent les charançons et tous ces insectes qui gâtent habituellement le grain.
On affectera aux écuries la partie la plus chaude possible de la ferme, en veillant seulement à ce qu'elles ne regardent pas vers le foyer : quand les bêtes de trait ont en effet leur litière à proximité d'un feu, leur poil se hérisse.
[5] Les hangars, les granges à foin et à épeautre, les moulins seront opportunément construits à l'écart de la ferme, de manière que celle-ci soit bien à l'abri des risques d'incendie.
S'il faut introduire quelque élégance dans la maison de campagne, on mettra en oeuvre les principes de rapports modulaires posés plus haut à propos des habitations urbaines, à condition toutefois que rien dans ces constructions ne contrarie les intérêts d'une exploitation agricole.
[6] S'il convient, pour toute construction, de rechercher un bon éclairage, la chose apparaît beaucoup plus facile s'agissant d'une maison de campagne, pour la raison qu'aucun mur voisin ne peut faire écran, alors qu'en ville la hauteur des murs mitoyens ou le manque d'espace gênent et font de l'ombre. [7] Mais si les triclinia et autres salles ont un très grand besoin de lumière, cela est particulièrement vrai pour les corridors, les rampes, les escaliers car ce sont là, en général, des endroits où se heurtent, bien souvent, des personnes venant, les bras chargés, en sens inverse.
35. Quelques générations après Vitruve, Columelle expose à son tour comment concevoir une villa. Son propos est beaucoup plus étoffé et nourri de considérations qui révèlent une connaissance plus directe et concrète du sujet. Nous en reproduisons ici quatre extraits.
A. Les bâtiments et leur agencement
(Columelle, De l'agriculture, I, vi, 1-6, 9-10 et 19 partim : texte établi par H.B. Ash, Londres-Cambridge, 1941 et trad. nouvelle à partir de L. Du Bois, Paris, 1844 et M. Nisard, Paris, 1856)
[1] Modus autem membrorumque numerus aptetur uniuerso consaepto et diuidatur in tres partes, urbanam, rusticam et fructuariam.
Vrbana rursus in hibernacula et aestiua sic digeratur ut spectent hiemalis temporis cubicula brumalem orientem, cenationes aequinoctialem occidentem. [2] Rursus aestiua cubicula spectent meridiem aequinoctialem, sed cenationes eiusdem temporis prospectent hibernum orientem. Balnearia occidenti aestiuo aduertantur, ut sint post meridiem et usque in uesperum illustria. Ambulationes meridiano aequinoctiali subiectae sint, ut et hieme plurimum solis et aestate minimum recipiant.
[3] At in rustica parte magna et alta culina ponetur, ut et contignatio careat incendii periculo et in ea commode familiares omni tempore anni morari queant. Optime solutis seruis cellae meridiem aequinoctialem spectantes fient; uinctis quam saluberrimum subterraneum ergastulum plurimis, sitque id angustis inlustratum fenestris atque a terra sic editis, ne manu contingi possint.
[4] Pecudibus fient stabula, quae neque frigore neque calore infestentur ; domitis armentis duplicia bubilia sint, hiberna atque aestiua ; ceteris autem pecoribus quae intra uillam esse conuenit, ex parte tecta loca, ex parte sub diuo parietibus altis circumsaepta, ut illic per hiemem, hic per aestatem sine uiolentia ferarum conquiescant. [5] Sed ampla stabula sic ordinentur ne quis umor influere possit et ut quisque ibi conceptus fuerit, quam celerrime dilabatur, ut nec fundamenta parietum corrumpantur, nec ungulae pecudum. [6] Lata bubilia esse oportebit pedes decem uel minime nouem, quae mensura et ad procumbendum pecori et iugario ad circumeundum laxa ministeria praebeat. Non altius edita esse praesaepia conueniet quam ut bos aut iumentum sine incommodo stans uesci possit.
[9] Pars autem fructuaria diuiditur in cellam oleariam, torculariam, cellam uinariam, defrutariam, faenilia paleariaque et apothecas et horrea, ut ex iis, quae sunt in plano, custodiam recipiant umidarum rerum tamquam uini aut olei uenalium ; siccae autem congerantur tabulatis, ut frumenta, faenum, frondes, paleae ceteraque pabula. [10] Sed granaria, ut dixi, scalis adeantur et modicis fenestellis aquilonibus inspirentur. Nam ea caeli positio maxime frigida et minime umida est, quae utraque perennitatem conditis frumentis adferunt.
[19] Fumarium quoque, quo materia, si non sit iam pridem caesa, festinato siccetur, in parte rusticae uillae fieri potest iunctum rusticis balneis. Nam eas quoque refert esse, in quibus familia, sed tamen feriis, lauetur ; neque enim corporis robori conuenit frequens usus earum.
[1] La taille de la villa et le nombre de ses parties seront adaptés à l'étendue de la propriété et on divisera les constructions en trois groupes : l'habitation du maître, les bâtiments rustiques et ceux à provisions.
L'habitation du maître se répartira en appartements d'hiver et en appartements d'été, de telle sorte que les chambres à coucher pour l'hiver regardent le lever du soleil au solstice d’hiver (sud-est), et les salles à manger le couchant équinoxial (plein ouest). [2] À leur tour, les chambres à coucher pour l’été feront face au midi équinoxial (plein sud), et les salles à manger pour la même saison, à l'orient d'hiver (sud-est). Les bains seront tournés vers le couchant d’été (nord-ouest), afin qu'ils soient éclairés par le soleil de l'après-midi, et jusqu'au soir. Les galeries pour la promenade seront exposées au midi équinoxial, afin qu'elles reçoivent le plus de soleil en hiver et le moins durant l'été.
[3] Dans la partie rustique, on installera une grande et haute cuisine, afin que la charpente ne soit pas exposée au risque d'incendie et qu’à tout moment de l’année les esclaves puissent s'y tenir commodément. Les chambres des esclaves qui ne sont point enchaînés seront idéalement tournées vers le midi équinoxial ; pour ceux qui sont enchaînés, il faut une prison souterraine, la plus salubre possible et éclairée par d’étroites fenêtres, situées à une hauteur telle qu’on ne puisse les atteindre avec la main.
[4] Pour les bestiaux, on fera des étables qui n’auront rien à redouter ni du froid ni de la chaleur. Pour les bêtes de travail, qu’il y ait de doubles étables, les unes pour l'hiver, les autres pour l'été. Pour les autres bestiaux qu'il faut tenir à l'intérieur de la ferme, on installera de hauts enclos, les uns sous toit, les autres à ciel ouvert afin que, placés dans les premiers pendant l'hiver, dans les seconds durant l'été, ils puissent se reposer à l'abri des attaques des bêtes sauvages. [5] Les étables seront spacieuses et arrangées de manière qu'il n'y puisse filtrer aucune humidité et que celle qui s'y serait formée, s'en écoule le plus promptement possible et ne pourrisse ni la base des murs ni la corne des pieds des animaux. [6] Les bouveries devront être larges de dix pieds ou de neuf au moins : ces dimensions donnent toute latitude au boeuf pour s’étendre, et au bouvier pour circuler autour de l'animal. Il ne faudra pas que les mangeoires soient placées trop haut pour que le boeuf ou le cheval puisse atteindre sans difficulté sa nourriture, en étant debout.
[9] Les bâtiments à provisions se divisent quant à eux en huilerie, pressoir, cellier à vin, pièce à cuire le moût, fenils, paillers, magasins et greniers. Dans cet ensemble, les pièces de plain-pied serviront à entreposer les liquides, comme le vin et l'huile destinés à la vente, tandis qu’on stockera dans les étages planchéiés les productions sèches, comme les blés, le foin, les feuilles, les pailles et tous les autres fourrages. [10] Mais que les greniers, comme je l’ai dit, soient accessibles par des escaliers et qu’ils soient aérés par de petites fenêtres au nord. Car ce point du ciel est le plus froid et le moins humide, double avantage qui assure à la récolte une fois serrée, une longue conservation.
[19] Le fumoir, dans lequel le bois, s'il n'est pas coupé depuis longtemps, doit être promptement séché, peut être établi dans la partie rustique de la ferme, jouxtant les bains des ouvriers. De tels bains sont en effet nécessaires, où les esclaves puissent se laver, mais seulement les jours de fête ; en effet, leur fréquent usage n’est pas indiqué pour maintenir une bonne forme physique.
B. Où loger le uilicus, le procurator1, les domestiques attachés aux troupeaux ?
(Columelle, De l'agriculture, I, vi, 7-8)
[7] Vilico iuxta ianuam fiat habitatio, ut intrantium exeuntiumque conspectum habeat, procuratori supra ianuam ob easdem causas ; et is tamen uilicum obseruet ex uicino sitque utrique proximum horreum, quo conferatur omne rusticum instrumentum, et intra id ipsum clausus locus, quo ferramenta recondantur. [8] Bubulcis pastoribusque cellae ponantur iuxta sua pecora, ut ad eorum curam sit opportunus excursus. Omnes tamen quam proxime alter ab altero debent habitare, ne uilici diuersas partes circumeuntis sedulitas distendatur et ut inter se diligentiae et negligentiae cuiusque testes sint.
[7] À côté de la porte, on établira l'habitation du régisseur, afin qu'il puisse voir tous ceux qui entrent et qui sortent. Pour le même motif, le procurateur aura son logement au-dessus de la porte et ce voisinage lui fournira en outre les moyens de surveiller le régisseur. À proximité de l'un et de l'autre devra se trouver un hangar à rangement pour tout le matériel agricole ; à l'intérieur du hangar même, il y aura un local fermé pour y garder les outils en fer. [8] Les chambres des bouviers et des bergers seront placées à côtés des bêtes confiées à leur responsabilité, afin qu’ils puissent courir les soigner aux moments opportuns. Tous ces domestiques doivent, au surplus, habiter le plus près possible les uns des autres, afin de ne pas éreinter la diligence du régisseur quand il fait son tour et pour que chacun soit témoin du zèle ou de la négligence de ses camarades.
1 Le procurator, de condition libre, était l’administrateur financier de la villa. Il agissait en toute indépendance et gérait souvent les comptes de plusieurs exploitations à la fois, n’étant responsable que vis-à-vis des propriétaires.
C. La construction de la pars urbana de la villa
(Columelle, De l'agriculture, I, iv, 8)
Pro portione etiam facultatum quam optime pater familiae debet habitare, ut et libentius rus ueniat et degat in eo iucundius. Vtique uero, si etiam matrona comitabitur, cuius ut sexus ita animus est delicatior, amoenitate aliqua demerenda erit, quo patientius moretur cum uiro. Eleganter igitur aedificet agricola nec sit tamen aedificator atque areae pedem tantum complectatur, quod ait Cato, quantum « ne uilla fundum quaerat, neue fundus uillam. »
En outre, le père de famille doit être logé aussi bien que possible en fonction de ses moyens, afin qu'il se rende plus volontiers à sa campagne et qu'il y séjourne avec plus de plaisir. Mais surtout, si en plus sa femme l’accompagne, puisque son esprit, comme son sexe, a plus de délicatesse, il faudra la séduire par quelque agrément de la demeure, afin qu’elle y reste plus patiemment avec son mari. Que l’agriculteur bâtisse donc avec élégance, sans toutefois verser dans la manie des constructions, et qu’il lotisse une étendue telle, comme dit Caton, « que la ferme n'en cherche pas le terrain, ni le terrain la ferme. »
D. Les jardins et vergers
(Columelle, De l'agriculture, I, VI, 24)
Pomaria et hortos oportet saepto circumdari et esse in propinquo atque in ea parte qua possit omnis stercorata colluuies cohortis balneariorumque et oleis expressa amurcae sanies influere. Nam quoque eius modi laetatur alimentis et holus et arbor.
Les vergers et les jardins doivent être clôturés et situés près de la villa, à l’endroit où peuvent s’écouler les eaux d’égout venant de la cour et des bains, ainsi que le marc liquide issu de la pression des olives. Car et les légumes et les arbres prospèrent aussi en se nourissant de ces substances.
36. À propos des cours et des fosses de la ferme, Varron avance des recommandations concrètes
(Varron, Économie rurale, ;I, 13, 3-4, partim ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)
[3] Cohortes in fundo magno duae aptiores . Vna ut † interdius † conpluuium habeat lacum, ubi aqua saliat, qui intra stylobatas, cum uelit, sit semipiscina. Boues enim ex aruo aestate reducti hic bibunt, hic perfunduntur, nec minus a pabulo cum redierunt anseres, sues, porci. In cohorte exteriore lacum esse oportet ubi maceratur lupinum, item alia quae demissa in aquam ad usum aptiora fiunt.
[4] Secundum uillam duo habere oportet stercilina aut unum bifariam diuisum. Alteram enim partem fieri oportet nouam, alteram ueterem tolli in agrum, quod enim quam recens quod confracuit melius. Nec non stercilinum melius illud cuius latera et summum uirgis ac fronde uindicatum a sole. Non enim sucum, quem quaerit terra, solem ante exugere oportet. Itaque periti, qui possint, ut eo aqua influat eo nomine faciunt - sic enim maxime retinetur sucus - in eoque quidam sellas familiaricas ponunt.
[3] En fait de cours, dans un grand domaine, deux sont particulièrement indiquées : l’une, à l’intérieur, contiendra un bassin qui recueillera les pluies ; il aura un jet d’eau et pourra prendre, si l’on veut, la forme d’une piscine demi-circulaire entre les bases d’une colonnade. C’est là en effet que boivent les boeufs ramenés du labour en été, c’est là qu’ils se baignent, tout comme les oies, les porcs et les cochons lorsqu’ils reviennent de la pâture. Dans la cour extérieure, il faut qu’il y ait un bassin pour faire macérer le lupin et tout ce qui, plongé dans l’eau, devient plus propre à l’usage.
[4] À côté de la ferme, on doit avoir deux fosses à purin, ou une seule divisée en deux : car une partie des immondices, la nouvelle, doit se faire ; une autre, l’ancienne, doit être emmenée dans les champs car celle qui a pourri est meilleure que la récente. Et l’on obtient une meilleure fosse en l’abritant du soleil, sur les côtés et sur le dessus, avec des branches et du feuillage. En effet, il ne faut pas que le soleil absorbe prématurément le suc dont la terre a besoin. C’est pourquoi les experts, si du moins ils le peuvent, y font couler de l’eau pour cette raison - car ainsi le suc se conserve au maximum - et certains établissent sur la fosse les latrines des esclaves.
Les bains
37. Dans le contexte de la campagne et de ses activités rustiques, les bains de la villa devaient, à n’en pas douter, apporter une note d’hygiène et de détente hautement appréciée. Et l’on peut imaginer que certains ou certaines s’y attardaient plus que de raison. Le texte qui suit est de Plaute, célèbre auteur de comédies, dont le floruit se situe autour de 200 av. J.-C. Une jeune femme y décrit le bonheur de sa journée passée avec sa soeur, dans la salle de bain....
(Plaute, Poenulus, 217-227 ; texte établi et traduit par A. Ernout, Paris, 1938)
Nam nos usque ab aurora ad hoc quod diei est
Ex industria ambae numquam concessamus
Lauari aut fricari aut tergeri aut ornari, 220
Poliri expoliri, pingi fingi ; et una
Binae singulis quae datae nobis ancillae,
Eae nos lauando, eluendo operam dederunt ;
Aggerundaque aqua sunt uiri duo defessi.
Apage sis ; negoti quantum in muliere una est ! 225
Sed uero duae, sat scio, maxumo uni
Populo cuilubet plus satis dare potis sunt.
« Depuis l’aurore jusqu’à l’heure qu’il est, nous n’avons eu toutes deux qu’une occupation, nous n’avons pas cessé un moment [220] de nous laver, de nous frotter, nous essuyer, nous équiper, nous polir, nous repolir, nous farder, nous pomponner ; et encore avait-on donné à chacune de nous deux servantes qui ont passé tout leur temps à nous laver, à nous relaver, sans compter deux hommes qui se sont éreintés à nous apporter de l’eau. [225] Ne m’en parlez pas, voulez-vous ? Que d’embarras peut donner une femme ! Mais par exemple deux, j’en suis certaine, sont capables de donner à tout un peuple, si grand soit-il, plus d’occupation qu’il ne lui en faut. »
38. Les bains chauffés par hypocauste, si fréquents dans les villas romaines de nos régions, n’existaient pas encore à l’époque de Plaute. D’après Valère-Maxime, compilateur du début de l’Empire, on doit leur invention, vers la fin du IIe s. av. J.-C., à un certain Sergius Orata, richissime romain, également amateur de poissons frais et d’huîtres.
(Valère-Maxime, Faits et dits mémorables, 9, 1, 1 ; texte établi par J. Briscoe, Stuttgart‑Leipzig, Teubner, 1998, et traduit à partir de M. Nisard, Paris, 1850)
C. Sergius Orata pensilia balnea primus facere instituit; quae impensa <a> leuibus initiis coepta, ad suspensae caldae aquae tantum non aequora penetrauit. Idem uidelicet ne gulam Neptuni arbitrio subiectam haberet, peculiaria sibi maria excogitauit, aestuariis intercipiendo fluctus pisciumque diuersos greges separatis molibus incluendo, ut nulla tam saeua tempestas inciderit qua non Oratae mensae uarietate ferculorum abundarent; aedificiis etiam spatiosis et excelsis deserta ad id tempus ora Lucrini lacus pressit, quo recentiore usu conchyliorum frueretur.
C. Sergius Orata imagina le premier de construire des bains suspendus, dépense d’abord assez modique, mais qu’on poussa bientôt jusqu’à élever dans l’espace comme des mers d’eau chaudes. Ce fut encore lui qui, pour ne pas abandonner à la discrétion de Neptune ses appétits gloutons, se créa des mers particulières, en confisquant pour ses viviers les flots marins et en y enfermant diverses troupes de poissons, séparées par des môles ; de sorte qu’il ne pouvait survenir de tempête assez violente pour frustrer la table d’Orata de l’abondance et de la variété des mets. Il chargea aussi l’entrée du lac Lucrin, restée jusque là déserte, d’édifices d’une étendue et d’une élévation immenses, dans le seul but de manger des huîtres plus fraîches.
Table des matières - I - II - III - IV - V
FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 14 - juillet-décembre 2007
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