FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 8 - juillet-décembre 2004
Les langages secrets dans l'Antiquité gréco-romaine.
Chapitre troisième : La signalisation
par
Brigitte Collard
Licenciée en langues et littératures classiques
Diplôme complémentaire en relations internationales et politique comparée
Professeur au Collège Saint-Michel (Bruxelles)
Les FEC poursuivent ci-après la publication de la seconde partie du mémoire rédigé sous la direction du Prof. Jean-Marie Hannick et présenté par Brigitte Collard à l'Université de Louvain en 2002 en vue de l'obtention du grade de Licencié en langues et littératures classiques. Intitulé : Les langages secrets. Cryptographie, stéganographie et autres cryptosystèmes dans l'Antiquité gréco-romaine, il aborde un sujet généralement mal connu ou ignoré et propose avec clarté un aperçu des différentes techniques en usage chez les Grecs et chez les Romains.
Le fascicule 7 (janvier-juin 2004) a livré d'abord l'introduction générale du travail, la table des matières du mémoire ainsi que la bibliographie générale, puis, répartie sur quatre fichiers, l'intégralité du premier chapitre, qui traitait de la cryptographie.
Le présent fascicule 8 (juillet-décembre 2004) publie en deux parties les deux derniers chapitres ainsi que la conclusion générale : d'abord (première partie) le chapitre deuxième consacré à la stéganographie; ensuite (deuxième partie ci-dessous) le chapitre troisième, sur la signalisation, suivi de la conclusion générale du mémoire. La bibliographie figure dans le fascicule 7.
Note de l'éditeur - 25 juillet 2004
Chapitre premier : La cryptographie (FEC 7 2004)
Chapitre deuxième : La stéganographie (FEC 8 2004)
Chapitre troisième : La signalisation (le présent fichier)
· Les avancées de la technique
· Conclusion du chapitre troisième
Conclusion générale du mémoire (le présent fichier)
Bibliographie (FEC 7 2004)
Chapitre troisième
La signalisation
« In hoc signo vinces ! »
Expression latine reprenant la devise de l’étendard de Constantin.
Parallèlement à la cryptographie et à la stéganographie, un autre type de communication s’est développé durant l’Antiquité : la signalisation. Les signaux furent utilisés par les Anciens pour leur aptitude à transmettre des messages sur de longues distances mais ils ont également fait preuve d’une faculté cryptographique très utile en temps de guerre (Wrixon, 2000, p. 395-396).
La stratégie militaire a souvent fait usage des signaux pour rallier les troupes, pour communiquer des ordres ou pour signaler la présence de l’ennemi (Chapot, Signum, 1918, p. 1334). Leur qualité première est la transmission rapide d’un message. Certains de ces signaux étaient destinés à n’être vus et compris que par leurs destinataires, d’autres pouvaient être vus par l’ennemi sans pour autant qu’ils soient compréhensibles.
Les auteurs antiques ont souvent fait référence à des signaux employés en plein combat mais la plupart d’entre eux ne décrivent pas la nature du signal. Par exemple, lorsque César décrit le siège du camp romain de Servius Galba par les Sédunes et les Véragres dans les Alpes, il indique que les soldats devront sortir du camp ‘au signal’ sans donner de plus amples informations.
« Puis, au signal donné, ils feront irruption hors du camp, et n’attendront plus leur salut que de leur valeur. » (César, Gaules, III, V, 3)
Végèce (Mil., V), au IVe siècle, distingua trois types de signaux : les signes vocaux (ordres ou mots de passe), les semi-vocaux (tirés des instruments sonores) et les muets (enseignes, étendards,…). La signalisation que nous allons approfondir appartient aux signes muets. Les populations antiques ont éprouvé l’efficacité de ce genre de communication à de nombreuses reprises.
« Mais rien ne contribue plus à la victoire que d’obéir aux signaux. » (Vég., Mil., V)
Ce chapitre a pour objectif de donner un aperçu des différents signaux muets utilisés dans les campagnes militaires gréco-romaines. Il n’est pas exhaustif car la lecture des ouvrages des historiens antiques révèle un grand nombre d’exemples de transmission par le biais des signaux qu’il nous est impossible de répertorier dans le cadre de ce travail. Nous passerons en revue la signalisation à main, la signalisation maritime et les signaux lumineux. Les signaux retenus auront pour la plupart une visée secrète. Pour la catégorie des signaux lumineux, nous verrons que les Grecs, parmi lesquels Énée le Tacticien et Polybe, avaient mis au point des systèmes élaborés, témoins d’une véritable réflexion en la matière.
[Plan]
Contrairement à ce que pourrait sous-entendre le titre, il ne s’agit pas ici de traiter de la signalisation gestuelle à proprement parler. Cette catégorie comprend en fait les divers objets brandis par des hommes pour donner l’impulsion d’un assaut. Ces objets sont de véritables étendards. Le signal ne peut être compris par ses destinataires que s’il a été convenu d’avance avec l’émetteur. Pour cette raison, il peut être considéré comme le vecteur d’un message secret car même si l’ennemi l’aperçoit il ne peut pas saisir la véritable teneur d’un tel geste. Inventés par les Anciens pour une circonstance déterminée, ces signaux ont fréquemment servi de ralliement lors d’une attaque ou lors d’une conspiration.
Énée le Tacticien rapporte que lors de la révolte manquée des Parthéniens en 708 av. J.-C.[1], une dénonciation avait fait savoir aux magistrats que les conjurés se serviraient d’un bonnet brandi pour donner le signal de l’attaque. Pour mettre fin à cette entreprise, voici ce que firent les magistrats selon les dires du stratège :
« Ils firent donc avorter la tentative en ordonnant par une proclamation à ceux qui devaient lever en l’air leurs bonnets de n’en rien faire. » (Én., Pol., XI, 12)
Sans cette dénonciation, qui aurait pu donner tout son sens à un bonnet brandi au hasard d’une réunion ? La manière dont les magistrats matent la révolte est dans ce cas-ci exemplaire par sa simplicité.
Quelques siècles plus tard, Plutarque nous prouve que la transmission d’un message par le biais d’un signal à main préétabli peut être aperçu par le parti adverse au détriment de celui qui le fait. C’est ainsi que Tibérius Gracchus provoqua sa mort. Alors que celui-ci s’était mis à dos une grande partie du Sénat en détournant les lois romaines à plusieurs reprises et en briguant un deuxième tribunat au mépris de la Constitution, le sénateur Fulvius Flaccus le mit au courant d’un projet d’assassinat que fomentaient les autres sénateurs. Apprenant que ceux-ci n’hésiteraient pas à le tuer en pleine séance du Sénat (Plut., T. Gracch., XVIII, 2), il se hâta de rassembler ses partisans. Alors qu’il ne pouvait pas se frayer un chemin pour prévenir ceux de ses amis qui se trouvaient plus loin et alors que sa voix ne pouvait pas porter sur une si grande distance, il rappela ses troupes en faisant le signe convenu la veille au cas où un danger se présentait (App., Civ., I, II, 15).
« Alors Tibérius porta la main à sa tête pour leur indiquer le péril qui le menaçait. » (Plut., T. Gracch., XVIII, 2)
Or, ce signal fut remarqué par quelques-uns de ses adversaires parmi la foule. Ceux-ci, en voyant ce geste, crurent que Tibérius réclamait pour lui le diadème royal. Effrayés par une telle ambition, ils se précipitèrent au Sénat pour rapporter le signe qu’ils avaient vu. Le rapport de ces hommes provoqua un énorme tumulte : Scipio Nasica partit tout de suite vers le Capitole avec une foule de sénateurs et de clients pour tuer à l’instant celui qui piétinait encore les lois romaines. C’est ainsi que Tibérius fut assassiné au Capitole en 133 av. J.-C.
Suétone écrit que Jules César peu avant son édilité (65 av. J.-C.) projeta d’attaquer le Sénat. Il avait fomenté ce complot avec le consulaire Marcus Crassus. Le but de cette conjuration consistait à octroyer la dictature à Crassus tandis que lui-même prendrait la charge de ‘maître de la cavalerie’. Mais le jour de l’attaque, Crassus « par repentir ou par crainte » (Suét., César, IX, 2) ne parut pas en public. Par conséquent, le projet avorta et Jules César ne donna pas le signal de l’assaut qui consistait selon Suétone à faire tomber sa toge de son épaule.
« D’après Curion[2], ce signal consistait à faire tomber sa toge de son épaule. » (Suet., Caes., IX, 2)
Ammien Marcellin au IVe siècle apr. J.-C. nous apprend une autre manière d’utiliser le vêtement comme symbole signalétique. Lui-même fut chargé d’accomplir le signal lorsqu’il participa à la campagne de Julien en Perse dans les années 360 à 363 (cfr supra, chap. I). Alors qu’en Cilicie la rumeur d’une effervescence dans les rangs de l’ennemi parvenait au maître de la cavalerie Ursicin, il envoya Ammien Marcellin observer l’arrivée du commandant perse Sapor. Tandis qu’il se trouvait aux abords de la cité de Nisibe, Ammien Marcellin vit que les pillards des troupes ennemies avaient déjà envahi le territoire. En retournant vers les siens, il faillit être capturé par les Perses. Devançant quelque peu ses assaillants, il arriva près de son campement à Amudis et donna le signal d’alarme (de Jonge, 1980, p. 184-185) indiquant la présence de l’ennemi.
« Je tendis le bras autant que je pus et fis tournoyer bien haut les pans de mon manteau, annonçant ainsi par le signal habituel la présence de l’ennemi. » (Amm., XVIII, VI, 13)
Contrairement à la cryptographie et à la stéganographie qui n’impliquaient en général qu’un émetteur et qu’un destinataire, les signaux à main sont destinés à un grand nombre de destinataires. Ce type de transmission permet aux soldats de réagir avec promptitude. La vertu la plus importante de ces signaux est d’être vus de loin sans que les ennemis ne puissent donner de sens à l’objet brandi. Nous verrons que sur la mer, les Anciens utilisaient parfois le même type de procédé.
[Plan]
En mer, les signaux assuraient une communication rapide et fiable (Chapot, Signum, 1918, p. 1335). La flotte grecque possédait un système de signalisation destiné à transmettre un message d’un navire à l’autre : certains signaux se transmettaient grâce à un objet, d’autres entraient dans la catégorie des signaux lumineux.
Nous savons que durant la guerre du Péloponnèse les flottes athénienne et spartiate furent souvent aux prises. Thucydide nous apprend qu’avant leur victoire à Naupacte, les Athéniens durent essuyer une défaite dans le golfe de Corinthe. En effet, les Spartiates depuis peu maîtres des lieux attendaient leur arrivée. Une fois que les ennemis semblèrent pénétrer dans le golfe, les Péloponnésiens pivotèrent et s’avancèrent contre eux après en avoir reçu le signal :
« Tout à coup, au premier signal, ils firent effectuer une conversion à leurs navires et avancèrent de front, en donnant chacun toute sa vitesse, contre les Athéniens. » (Thuc., II, XC, 4)
Comme le fait remarquer A.W. Gomme (1956, p. 230), le signal convenu d’avance permettait de transmettre un ordre à l’ensemble de la flotte. Ce stratagème garantissait la rapidité de la manœuvre, contrairement à un signe transmis d’un navire à l’autre.
Hérodote, Xénophon et Plutarque relatent tous les trois l’usage d’un bouclier comme signal maritime. Hérodote rapporte qu’après la bataille de Marathon en 490 av. J.-C., les Perses, vaincus, entreprirent d’atteindre Athènes avant les soldats grecs. Les Grecs ont prétendu que cette attaque avait été inspirée aux ‘barbares’ par les Alcméonides. Ces derniers auraient soumis ce projet aux Perses lorsque ceux-ci contournaient Sounion. Ils transmirent le message à l’aide d’un bouclier reflétant les rayons du soleil :
« Eux (les Alcméonides) qui, s’étant entendus avec les Perses, leur auraient fait signe en élevant en l’air un bouclier quand ils étaient déjà sur leurs vaisseaux. » (Hérod., VII, 128)
L’auteur témoigne qu’il existait aussi, en plus des signaux de l’attaque, un signal pour lever l’ancre. Ainsi, lorsque Xerxès décida d’explorer l’embouchure du Pénée, il s’embarqua et « il donna aux autres navires le signal de lever l’ancre » (Herod., VII, 128). Xénophon et Plutarque racontent tous les deux le même épisode : la victoire de la flotte spartiate commandée par Lysandre à Aigos-Potamos en 405 av. J.-C. Alors que les flottes ennemies se concentraient dans l’Hellespont, les Lacédémoniens prirent la riche ville de Lampsaque, cité alliée des Athéniens. Ces derniers, lorsqu’ils apprirent que Lampsaque était prise, décidèrent d’attaquer les Lacédémoniens. Ils vinrent donc positionner leur flotte en face de Lampsaque, à Aigos-Potamos. De son côté, Lysandre avait ‘donné le signal’ (Xén., Hell., II, I, 22) à ses troupes d’embarquer. Mais, il leur avait aussi ordonné de ne pas faire avancer les navires. Plusieurs jours de suite, les Athéniens sous le commandement de Philoclès, avancèrent vers les navires spartiates mais aucun d’entre eux ne vint à leur rencontre : les galères restaient devant la ville serrées les unes contre les autres. Petit à petit, les Athéniens en vinrent à baisser la garde, à mépriser leurs adversaires trop peureux pour se battre, à débarquer sur terre le soir venu. Or, chaque, soir, Lysandre ordonnait à quelques navires rapides de surveiller les allées et venues des Athéniens. Le soir du cinquième jour, Lysandre envoya des navires de reconnaissance avec mission de retourner en arrière au milieu de la traversée et de lever un bouclier dès qu’ils s’apercevaient que les Athéniens avaient débarqué (Xén., Hell., II, I, 27).
« En ordonnant quand ils auraient vu les soldats débarquer, de revenir à toute vitesse et arrivés au milieu du détroit, d’élever de la proue un bouclier d’airain, comme signal d’attaque. » (Plut., Lys., XI, 2)
Lorsque Lysandre vit que ses hommes élevaient un bouclier, il ‘donna le signal’ (Xén., Hell., II, I, 28) de lancer l’offensive. Toute la flotte lacédémonienne s’ébranla vers les navires ennemis : les Athéniens furent pris de court. Disséminés à travers la campagne environnante, les soldats n’eurent pas le temps d’embarquer. Seuls huit navires dirigés par Conon arrivèrent à fuir et parvinrent à Chypre. Aigos-Potamos est la dernière défaite navale des Athéniens durant la guerre du Péloponnèse : elle sonna le glas de la puissance athénienne.
[Plan]
Durant l’Antiquité, les signaux de feu furent fréquemment utilisés pour transmettre un message d’un endroit à l’autre. Dans la mythologie grecque aussi, le feu joue souvent le rôle de messager. La nouvelle de la chute de Pergame serait parvenue de Troie jusqu’à la forteresse d’Agamemnon à Mycènes grâce à de tels signaux. Dans l’Agamemnon (8-10; 20-21), Eschyle commence sa pièce par un monologue du veilleur qui aspire à voir la lumière, signal de victoire :
« Ah ! puisse donc luire aujourd’hui l’heureuse fin de mes peines et le feu messager de joie illuminer les ténèbres ! » (20-21)
Le sens de ces quelques mots est révélé de la bouche de Clytemnestre lorsqu’elle affirme au coryphée que Troie a été prise pendant la nuit. Sa source est fiable puisqu’elle avait convenu avec Agamemnon que l’annonce de la prise de Troie lui parviendrait promptement grâce à des relais de feu. Dès qu’Ilion fut prise, un feu brilla sur l’Ida, feu que d’autres postes ont allumé pour transmettre la nouvelle. Au total, la flamme étincela en neuf relais[3] : Ida, le roc d’Hermès à Lemnos, le mont Athos, le Makistos en Eubée, le Messapios, le roc du Cithéron, l’Epiglancte, le mont d’Arachné et Mycènes.
« Et c’est là l’indice, […] le signal que mon époux m’a lui-même transmis de Troie. » (Esch., Ag., 315-316)
Ce système de fanaux permet la transmission d’un message sur une longue distance. Même s’il n’a aucune intention secrète, ce feu n’est compris que par ceux qui sont dans la confidence.
De nombreux exemples historiques attestent l’emploi des torches ou des lampes placées en des points stratégiques pour communiquer un ordre ou pour donner l’alerte. Dans l’Antiquité, l’efficacité de ce moyen de transmission est reconnue et, selon Polybe (X, 43, 2 et 4), la plupart des succès dans les combats sont redevables aux signaux de feu :
« Or parmi les moyens qui aident à la saisir [la réussite des entreprises], la plus grande efficacité revient aux signaux de feu. […] De sorte que dans les situations où l’on a besoin de secours, c’est toujours contre toute attente qu’arrivent les renforts, grâce aux messages envoyés au moyen de signaux de feu. »
Thucydide (III, XXII, 8) rapporte que durant la quatrième année de la guerre du Péloponnèse, les Platéens, fidèles alliés des Lacédémoniens, furent assiégés par les Péloponnésiens et les Béotiens[4]. Quelques-uns parmi les Platéens décidèrent de tenter de s’échapper de la ville assiégée pour se réfugier à Athènes : alors qu’ils n’avaient plus qu’un mur à franchir, un fugitif provoqua la chute d’une tuile. L’alarme fut donnée dans le camp des assiégeants. Néanmoins, l’obscurité les empêchait de discerner la nature du danger. De plus, les soldats qui étaient restés dans la ville entreprirent d’attaquer la partie de l’enceinte opposée à leurs camarades pour détourner l’attention des Péloponnésiens et des Béotiens. Alors que la plus totale confusion régnait en dehors de la ville, les assiégeants signalèrent à la ville de Thèbes que des assiégés avaient fui, la transmission du message se faisant grâce à des torches :
« Mais les Platéens de la ville, eux aussi, agitaient sur leur rempart une quantité de torches qu’ils avaient préparées précisément à cette fin, pour brouiller les signaux de feu des ennemis et empêcher une intervention. » (Thuc., III, XXII, 8)
Voici un exemple très instructif sur l’emploi des torches car il dévoile sa vulnérabilité : sa transmission peut être brouillée par l’ennemi. Les Platéens avait dû observer longuement les assiégeants pour parvenir à cette fin. Le stratagème des Platéens restés défendre la ville fut couronné de succès étant donné que les fugitifs parvinrent à franchir les lignes ennemies : ils se réfugièrent à Athènes. Ceux qui restèrent dans la ville furent massacrés en 427 av. J.-C.
Dans le même livre, Thucydide relate un épisode qui prouve à quel point les torches pouvaient transmettre des informations très précises. Alors que les Péloponnésiens attaquaient les Corcyriens en 426 av. J.-C., des signaux de feu brandis pendant la nuit leur annoncèrent l’arrivée de soixante navires athéniens (Thuc., III, LXXX, 3). Se fiant à ce signal d’alerte, la flotte péloponnésienne leva l’ancre en toute hâte durant la nuit.
Polybe (X, XLII, 6-7) raconte qu’en 208 av. J.-C., Philippe de Macédoine gagna Démétrias en Magnésie. Pour garder un oeil sur les activités de ses alliés, il ordonna qu’on l’informe de tout au moyen de signaux de feu transmis jusqu’au mont Tisaïon en Thessalie. Cet exemple montre d’une part que les Anciens semblent avoir pu véhiculer un grand nombre d’informations grâce aux torches, d’autre part que la capacité des signaux lumineux à se jouer des distances faisait de ces moyens de communication un allié du pouvoir très puissant.
Cornélius Népos expose un événement savoureux de l’histoire antique car il montre que l’usage des signaux lumineux dans l’Antiquité pouvait provoquer des malentendus… En effet, lors de l’expédition punitive orchestrée par Athènes en 489 av. J.-C. pour mater les îles qui avaient prêté main-forte aux Perses lors de leur invasion, l’île de Paros repoussa toute offre de réconciliation. Face à ce comportement, l’armée athénienne commandée par Miltiade entreprit le siège de la ville. Alors que Paros commençait à céder, un incendie se déclara pendant la nuit dans un bois du continent.
« La flamme fut aperçue à la fois des habitants et des assiégeants et fit croire aux uns et aux autres que c’était un signal donné par les marins du grand roi. » (Nép., Mil., VII, 3- 4)
La vision de ce feu redonna du courage aux assiégés tandis que Miltiade, redoutant de tomber sur la flotte royale, rentra à Athènes où il fut accusé de trahison et condamné à une amende. Il mourut peu après dans une prison.
Lucain (39-65 apr. J.-C.) nous apprend que lors de la guerre civile, Jules César, de retour à son campement, s’aperçut qu’un combat y faisait rage lorsqu’il vit que le signal du combat – une torche – était accroché au sommet d’une tour de guet (Chapot, Signum, 1918, p. 1335).
« À peine César s’était-il aperçu du combat que révéla un feu allumé au sommet du signal […] » (Luc., VI, 278-279)
Dans cet exemple, la torche pourrait être comparée à un étendard. Elle est le symbole du combat qui se déroule à ses pieds, elle est aussi un signe de ralliement.
La lecture du patrimoine littéraire grec et latin dévoile un très grand nombre d’exemples de messages envoyés à l’aide de torches. La méthode utilisée ne diffère pas des passages qui viennent d’être analysés : la plupart indiquent que, grâce à ces signaux lumineux, les populations sont informées de l’arrivée imminente de l’ennemi (Thuc., II, XCIV, 1 ; Thuc., VIII, CII, 1. ; Hérod., VII, 183 ; César, Gaules, XXXIII, 3). Nous savons aussi que pour communiquer de jour comme de nuit, il était courant d’utiliser la fumée le jour et le feu la nuit pour plus de performance dans la communication[5].
Petit à petit, les Grecs ont développé des procédés plus complexes fonctionnant entre cités ou d’une île à l’autre (Wrixon, 2000, p. 22). Énée le Tacticien et Polybe ont tous les deux mis au point un système de transmission très structuré sur base de torches.
Énée le Tacticien a inventé une technique de communication combinant le feu et l’eau qui nous est parvenue grâce au témoignage de Polybe (X, XLIV) puisque l’ouvrage d’Énée concernant les signaux de feu a quant à lui disparu. Le système conçu par Énée peut être rapproché du principe de la clepsydre (Debidour, 2002, pp. 194-195). Pour transmettre un message, deux groupes, composés chacun au minimum de deux hommes (Wrixon, 2000, pp. 423-424), disposent d’un côté comme de l’autre d’un matériel construit pour ce type de transmission. Il s’agit de deux récipients en terre cuite parfaitement identiques en diamètre et en hauteur : chaque vase mesure 1,35 m sur 0,45 m environ. La base des vases est percée d’un trou de grosseur parfaitement identique pour chacun des récipients. Alors que ce trou est bouché, les deux récipients sont remplis d’un mètre d’eau. Dans chacun des vases, les soldats disposent sur l’eau un bouchon de liège en guise de flotteur. Fichée verticalement sur ce bouchon, une baguette est gravée sur toute sa longueur d’une succession de termes militaires placés à un distance déterminée les uns des autres. Ces termes militaires représentent des événement possibles en temps de guerre (Chapot, Signum, 1918, p. 1335).
« Comme par exemple, sur la première, ‘cavaliers arrivés dans le pays’, sur la seconde, ‘fantassins lourds’, sur la troisième, ‘fantassins légers’, ensuite ‘fantassins avec cavaliers’, puis ‘navires’, après quoi ‘blé’, et ainsi de suite. » (Pol., X, 44, 5-6)
Voici une représentation de ce système, tirée de Wrixon, 2000 p. 424 :
Lorsqu’un des événements inscrits sur la baguette se produit, des simples mouvements de torches suffiront pour que les groupes entrent en contact. Une fois que les deux groupes ont établi un contact, ils masquent les torches. À partir de ce moment, les trous des deux récipients sont débouchés. Par conséquent, les bouchons de liège s’abaissent en même temps que le liquide. Lorsque le terme militaire visé par un des deux groupes atteint le bord supérieur du récipient, l’opérateur agite à nouveau sa torche pour transmettre au second groupe l’ordre de boucher l’orifice du vase. Les destinataires s’exécutent et n’ont plus qu’à lire les termes inscrits sur leur baguette. Mais comme le fait remarquer Polybe (X, XLIV, 13), « ce sera l’événement signifié, si tout est fait à la même vitesse de part et d’autre ».
Polybe ne se limite pas à la description du système inventé par Énée, il critique amplement ses faiblesses. Par exemple, il fustige l’impossibilité de transmettre une autre réalité que celles qui sont présentes sur la baguette :
« Il fallait faire le nécessaire au moyen de signaux convenus, préalablement définis ; mais comme les événements sont indéfinis, la plupart sortaient du cadre d’utilisation des signaux de feu. » (Pol., X, XLIII, 6)
Le système d’Énée nécessitait une amélioration : Polybe proposa un système plus performant. Une technique de transmission basée sur la méthode de Kléoxénos et Démokleïtos mais perfectionnée par Polybe. Elle a été largement explicitée précédemment dans la substitution monoalphabétique à représentations multiples (cfr supra, chap. I). Il s’agit du carré de Polybe ou du carré de 25. Selon l’explication de Polybe (X, XLV, 6-XLVII ), le système de transmission est basé sur un système de conversion des lettres par mouvements de torches. Les lettres de l’alphabet sont disposées dans un carré de vingt-cinq cases (Chapot, Signum, 1918, p. 1335). Elles y sont réparties en cinq groupes de cinq lettres disposées en colonnes et en rangées. Pour transmettre un message, il suffisait de lever des torches à gauche pour indiquer la colonne et des torches à droite pour indiquer la rangée.
Ce procédé de communication qui avait au départ l’unique objectif de transmettre des messages devint un système cryptographique qui se perfectionna au fil des siècles. Cette technique de transmission évolua ainsi pour devenir une technique cryptographique. Cette évolution vient peut-être du fait que son système, par sa nature et sa complication, garantit la protection d’une communication vis-à-vis des regards indiscrets. En effet, durant l’Antiquité, même si un ennemi pouvait observer les signaux échangés avec cette méthode, il aurait sans doute eu besoin de temps pour en comprendre la signification.
[Plan]
L’exploitation des signaux qu’ils soient à mains, à bras, par pavillons, lumineux, pyrotechniques, mécaniques ou électroniques n’a pas cessé de croître depuis l’Antiquité. Les experts de la signalétique se sont adaptés aux diverses évolutions techniques : la signalisation est restée par conséquent un moyen de communication performant et fort prisé.
Au XVIIe siècle, l’invention du télescope va révolutionner l’univers de la transmission des signaux visuels. Forts de ce nouveau champ de vision, les militaires réadaptent les signaux par torches (Wrixon, 2000, p. 396). Au XVIIIe siècle, les mécanismes réflecteurs sont remplacés par la télégraphie. Petit à petit, la radio, le téléphone, les torches électriques et bien d’autres sont autant de nouveaux systèmes qui bouleversent l’univers de la signalisation (Wrixon, 2000, p. 397). Désormais, les signaux électroniques ont supplanté tous les autres vecteurs signalétiques.
[Plan]
Au travers de notre troisième chapitre, nous avons voulu présenter des procédés omniprésents dans l’histoire antique. Ces techniques sont quelque peu oubliées par les historiens alors qu’elles témoignent d’une facette importante et riche de la stratégie militaire dans l’Antiquité.
Nous avons vu que, dans la plupart des cas, les informations véhiculées par ce type de transmission sont déterminantes pour l’issue d’un combat et exigent une obéissance immédiate. Mais, par rapport à la stéganographie et à la cryptographie, beaucoup d’éléments peuvent ici brouiller la communication entre l’émetteur et le destinataire : la signalisation est un procédé fragile. Les conditions météorologiques (brume, vent), l’incompréhension ou des ennemis qui élèvent d’autres torches sont autant d’éléments qui mettent à mal ces procédés signalétiques.
[Plan]
Conclusion générale
« L’envie de pénétrer les secrets est profondément ancrée dans l’âme humaine – même le moins curieux des esprits s’enflamme à l’idée de détenir une information refusée à d’autres. Certains ont la chance d’exercer un métier qui leur demande d’élucider des mystères, mais la plupart d’entre nous sont réduits, pour satisfaire à ce besoin, à résoudre des casse-tête artificiels, inventés pour notre distraction. Les romans policiers et les mots croisés suffisent au plus grand nombre, la résolution des codes secrets peut être la quête de quelques-uns. »
John Chadwick, Le déchiffrement du linéaire B.
L’objectif de ce travail était double. Dans un premier temps, il s’agissait de faire découvrir l’univers des messages secrets dans l’Antiquité et de montrer son importance dans l’histoire tant grecque que romaine. Dans un second temps, il consistait à souligner l’impact des inventions des populations antiques sur l’usage actuel des disciplines cryptographique, stéganographique et signalétique.
Nous avons atteint le premier objectif de notre travail lorsque nous constatons qu’au terme de ce mémoire, il est impossible de nier la place importante qu’occupe la science du secret dans le monde antique. Les Grecs et les Romains n’ont pas cessé d’innover dans les domaines cryptographique, stéganographique ou signalétique. Ces trois disciplines ont fait l’objet d’une perpétuelle réflexion, comme l’attestent le chiffre de Jules César, le carré de Polybe et la signalisation par torches conçue par Énée le Tacticien. Ces trois disciplines étaient en effet les seuls moyens de communiquer en toute sécurité durant l’Antiquité. Depuis Homère au VIIIe siècle av. J.-C., les inventeurs eux-mêmes (Énée le Tacticien, César, Polybe) mais aussi les historiens, les politiciens, les stratèges comme les tragédiens se sont faits l'écho de techniques plus ingénieuses les unes que les autres. Une des données essentielles à retirer de ce travail serait les répercussions de cette culture du secret sur l’histoire de ces civilisations, comme par exemple lors des guerres médiques.
La première partie de ce mémoire concernait les techniques cryptographiques : nous avons pu constater que les chiffres et les codes étaient bien représentés durant l’Antiquité.
Le chiffrement se répartit en deux disciplines différentes selon les procédés utilisés : la substitution et la transposition. Le chiffrement par substitution nous a entraînée dans des techniques qui allaient de la simplicité évidente (le principe de substitution monoalphabétique symbolique d’Énée le Tacticien) aux systèmes plus complexes (la substitution par simple décalage de César et la substitution monoalphabétique à représentations multiples de Polybe). Le chiffrement par transposition était représenté dans l’Antiquité avec la scytale lacédémonienne qui n’a cessé d’alimenter non seulement la littérature antique – depuis Archiloque au VIIe siècle av. J.-C. à l’Etymologicon Magnum au VIIe siècle apr. J.-C.– mais aussi les débats modernes.
Le code trouve quant à lui sa première mention dans l’Iliade d’Homère. Ensuite, nous avons vu que les sources antiques décrivent également un curieux code sans message utilisant la symbolique de la nature. Enfin, le constat le plus flagrant de la protection d’une missive par un code se retrouve dans les différents noms de code utilisé par Cicéron pour correspondre en toute sincérité avec son ami Atticus.
Néanmoins, si la cryptographie a toujours eu une place importante dans l’Antiquité, elle était supplantée par la stéganographie, discipline qui constitue le deuxième chapitre de ce travail. Énée le Tacticien y a consacré un chapitre entier traitant autant des sémagrammes que des codes camouflés, procédés qui appartiennent à la stéganographie linguistique. Il n’omet pas pour autant de décrire quelques procédés relevant de la stéganographie technique : les camouflages physiques. L’ingéniosité en la matière semble ne s’être jamais tarie comme l’atteste le grand nombre de sources antiques traitant de ce sujet. D’autres auteurs tels que Pline l’Ancien, Ovide ou Ausone exposent l’autre facette de la stéganographie technique à savoir les encres sympathiques.
La troisième partie de ce mémoire a été consacrée à la transmission rapide d’informations via la signalisation. Qu’ils soient manuels, maritimes ou lumineux, ces signaux ont été omniprésents durant l’Antiquité. Ils pouvaient être aussi bien d’une simplicité désarmante que le fruit d’une mûre réflexion (Énée le Tacticien, Polybe).
Au terme de ce voyage à travers les récits des Anciens, comment ne pas résister à citer Rabelais (repris de Kahn, 1980, p. 336-337) qui, dans une parodie de la cryptologie antique, nous entraîne dans l’univers des messages secrets. Il révèle, par sa connaissance, l’incroyable richesse des sources antiques.
[Plan]
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…[Pantagruel] reçut d’une dame de Paris (laquelle il avait entretenue bon espace de temps) une lettre inscrite au dessus :
Au plus aimé des belles et moins loyal des preux,
P.N.T.G.R.L.
Quand Pantagruel eut lu l’inscription, il fut bien ébahi et, demandant au dit messager le nom de celle qui l’avait envoyé, ouvrit la lettre et rien ne trouva dedans l’écrit, mais seulement un anneau d’or avec un diamant en table [=taillé à plat, sans facette]. Lors appela Panurge et lui montra le cas.
A quoi Panurge lui dit que la feuille de papier était écrite, mais c’était par telle subtilité que l’on n’y voyait point d’écriture.
Et pour le savoir, la mit auprès du feu, pour voir si l’écriture était faite avec du sel ammoniac détrempé en eau,
Puis la mit dans l’eau, pour savoir si la lettre était écrite du suc de tithymalle [sorte d’euphorbe].
Puis la montra à la chandelle, pour voir si elle était point écrite du jus d’oignons blancs.
Puis en frotta une partie d’huile de noix, pour voir si elle était point écrite de lexif de figuier [lessive de cendres de figuier ].
Puis en frotta une part de lait de femme allaitant sa fille première née, pour voir si elle était point écrite de sang de rubettes [crapauds].
Puis en frotta un coin de cendres d’un nid d’hirondelles, pour voir si elle était écrite de rosée qu’on trouve dans les pommes d’Alicacabut [Physalis].
Puis en frotta un autre bout de la sanie des oreilles, pour voir si elle était écrite de fiel de corbeau.
Puis la trempa en vinaigre, pour voir si elle était écrite de lait d’épurge [sorte d’euphorbe].
Puis la graissa d’axunge [graisse] de chauve-souris, pour voir si elle était écrite avec sperme de baleine qu’on appelle ambre gris.
Puis la mit tout doucement dans un bassin d’eau fraîche et soudain la tira, pour voir si elle était écrite avec alun de plume.
Et voyant qu’il n’y connaissait rien, appela le messager et lui demanda :
« Compagnon, la dame qui t’a ici envoyé t’a-t-elle point baillé de bâton pour apporter ? », pensant que fut la finesse que met Aulu-Gelle.
Et le messager lui répondit « Non, Monsieur. »
Alors Panurge lui voulut faire raire [raser] les cheveux, pour savoir si la dame avait fait écrire avec fort moret [sorte d'encre] sur sa tête rase ce qu’elle voulait mander, mais voyant que ses cheveux étaient fort grands, il désista, considérant qu’en si peu de temps ses cheveux n’eussent crû si longs.
Alors dit Pantagruel :
« Maître, par les vertus de Dieu, je n’y saurais que faire ni dire. J’ai employé, pour connaître si rien y a ici écrit, une partie de ce qu’en met Messer Fransesco di Nianto, le Toscan, qui a écrit la manière de lire lettres non apparentes, et ce qu’écrit Zoroaster, Peri Grammato acriton et Calphurnius Bassus, De literis Illegibilibus [trois auteurs imaginaires] ; mais je n’y vois rien et crois qu’il n’y a autre chose que l’anneau. Or le voyons. »
Lors, le regardant, trouvèrent écrit par dedans en hébreu :
lamah hazabthani
Dont appelèrent Epistémon, lui demandant ce que c’était à dire. A quoi il répondit que c’étaient mots hébraïques signifiant : Pourquoi m’as-tu laissée ?
Dont soudain répliqua Panurge :
« J’entends le cas. Voyez-vous ce diamant ? C’est un diamant faux. Telle est donc l’exposition de ce que veut dire la dame :
« Dis, amant faux, pourquoi m’as-tu laissée ? »
Une partie de ce récit se réfère aux sources antiques, témoin d’une part de l’érudition de Rabelais, d’autre part de la connaissance à cette époque de la cryptologie antique. L’autre partie du texte n’est que pure invention : le sang de crapaud, le cérumen, la graisse de chauve-souris ne font qu’alimenter le mystère qui plane autour des messages secrets.
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Le second objectif de ce mémoire visait à démontrer que les cryptologues antiques ont jeté les fondements d’une science qui ne cessera de se développer. En effet, nous avons vu que les cryptologues ultérieurs ont employé les techniques des Anciens en filigrane de leurs propres inventions même si les progrès de la chimie, de l’électronique, l’évolution des mathématiques et le développement de l’informatique ont totalement bouleversé la société et ses techniques.
Au terme de ce travail, nous espérons avoir suscité de l’intérêt pour ces disciplines quelque peu oubliées de l’Antiquité. Alors que la cryptologie moderne se réfère à l’Antiquité par des ‘on-dit’, nous avons pu répertorier en différentes catégories les apports antiques dans ce domaine. Par conséquent, nous avons pu démontrer non seulement que les sources anciennes existent bien mais aussi qu’elles sont plus riches que ce que les cryptologues modernes imaginent.
En plus d’une présentation des différentes méthodes en usage dans l’Antiquité pour assurer la confidentialité des missives, ce mémoire se voulait être l’intégration active de la culture classique dans le monde actuel : comment le pourrait-il mieux alors que le XXe siècle pourrait être appelé l’ère du chiffrement. En effet, les codes et les chiffres sont omniprésents dans notre environnement. L’universalité de l’informatique et l’explosion du réseau Internet en témoignent ; de plus les informations quotidiennes font maintes fois mention des briseurs du code de la carte bancaire[6] ou du téléphone portable, des virus, de la sécurité sur Internet. Mais en témoigne aussi le décryptage le plus fondamental de l’histoire de l’humanité, celui du génome humain. En effet, si nous avons principalement étudié la cryptologie dans le domaine de la guerre et de la diplomatie, à notre époque, la médecine doit interpréter le fruit du code originel de l’humanité pour développer les thérapeutiques futures.
La sécurité et la confidentialité sont plus que jamais des impératifs dans le domaine privé comme dans le domaine public. Peu de personnes ont conscience que ces préoccupations étaient aussi celles des Anciens et que la cryptologie, cette spécialité ésotérique, peut revendiquer à une certaine échelle une histoire trouvant ses racines il y a de cela plus de vingt siècles.
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[1] C’est à la suite de cet échec que les Parthéniens fondèrent en 706 av. J.-C. la colonie de Tarente. [Retour au texte]
[2] Gaius Scribonius Curion a mentionné cette conjuration dans ses édits (Suét., César, IX, 2). Selon T. R. S. Broughton, vol. II (1984), p. 92, ce magistrat fut consul en 76 av. J.-C. Homme politique actif dans les années soixante à cinquante, il fut un farouche opposant de César. Il mourut en 53 av. J.-C.
[3] Selon P. Mazon, Eschyle (1961), p. 20, note 1, des vers lacunaires indiquaient probablement encore un relais.
[4] Polyn, VI, XIX, 2 raconte le même épisode.
[5] Frontin, II, V, 16 ; Y. Renouard, « L’information et la transmission des nouvelles avant l’âge du cheval », dans Samaran C., L'Histoire et ses méthodes (1961), p. 98.
[6] Patarin J., « La cryptographie des cartes bancaires », dans Pour la science, n° 36. L’art du secret (2002), p. 66-68. [Retour au texte]
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FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 8 - juillet-décembre 2004