FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 7 - janvier-juin 2004
La cryptographie dans l'Antiquité gréco-romaine.
Brigitte Collard
<bribricollard@hotmail.com>
Licenciée en
langues et littératures classiques
Diplôme complémentaire en relations
internationales et politique comparée
Professeur au Collège Saint-Michel
(Bruxelles)
On trouvera ci-après la suite de la publication du mémoire rédigé sous la direction du Prof. Jean-Marie Hannick et présenté par Brigitte Collard à l'Université de Louvain en 2002 en vue de l'obtention du grade de Licencié en langues et littératures classiques :
Les langages secrets. Cryptographie, stéganographie et autres cryptosystèmes dans l'Antiquité gréco-romaine.
Cette publication s'étend sur deux numéros des FEC. Le présent fascicule 7 (2004) contient d'une part l'introduction générale, la table des matières et la bibliographie, d'autre part le premier chapitre qui traite de la cryptographie. La matière de ce chapitre sera répartie sur quatre fichiers. Le premier donne l'introduction et début du chiffrement par substitution. Le deuxième fournit la fin du chiffrement par substitution. Le troisième est consacré au chiffrement par transposition, et le quatrième (ci-dessous) au code. Le fascicule 8 (juillet-décembre 2004) publie les deux derniers chapitres (la stéganographie et la signalisation) ainsi que la conclusion générale.
Note de l'éditeur - janvier-juillet 2004
Plan
Chapitre premier : La cryptographie
A. Introduction
- I. Le chiffrement par substitution
- II. Le chiffrement par transposition
C. Le code
- I. Sêmata lugra
- II. Symbolique de la nature
- III. Les noms de code
- 1. Gnaeus Pompeius Magnus
- 1.1. Epicrates
- 1.2. Hierosolymarius
- 1.3. Sampsicéramus
- 1.4. Arabarches
- 2. Clodia
- 3. Publius Clodius Pulcher
- 4. Sextus Clodius
- 5. Teucris
D. Conclusion
Avant dêtre secret, le code est une convention de communication, un système particulier de symboles ou de mots destinés à représenter et à transmettre une information. Les termes code et chiffre sont souvent employés à tort comme synonymes : le code opère sur des mots ou même sur lentièreté dun message tandis que le chiffre sappuie uniquement sur les lettres des mots. Par exemple, le mot clair grec sera chiffré CERG par transposition par inversion (un type de chiffre) mais il deviendra * ## par un code établi par lexpéditeur et le destinataire. En outre, contrairement aux chiffrements qui sappuient sur des systèmes pouvant transcrire nimporte quel texte, les codes sont absolument arbitraires et ne peuvent remplacer quun certain nombre de réalités : il sagit dun système cryptographique où mots, lettres, nombres, symboles et même phrases entières se substituent aux lettres, mots, phrases ou message du texte clair [1].
C. I. Sêmata lugra
Un passage de lIliade mentionne une forme rudimentaire de codification sur une tablette dont laura de mystère a suscité bon nombre de débats. Homère raconte quen Argolide, à Éphyre, le descendant dÉole, Bellérophon, fut chassé dArgos par le roi Proetos. Cet exil fut causé par lépouse de Proetos, Antée, qui devant le refus de ses avances, accusa Bellérophon de harcèlement. Son mari avait quelques scrupules à le mettre à mort car la mise à mort dun hôte était considéré comme un crime abominable (Flacelière, Homère, 1955, p. 908) : il lenvoya donc en Lycie chez son beau-père, porteur dune sinistre lettre de recommandation sur une tablette repliée.
"Mais il envoya Bellérophon en Lycie, en lui remettant des signes funestes. Sur des tablettes repliées il avait tracé maint trait meurtrier ; il lui donna lordre de les montrer à son beau-père, afin que ces signes fussent sa mort." (Il., VI, 168-170)
Lorsquil arriva en Lycie, Iobatès fêta larrivée de son hôte pendant neuf jours, le dixième jour, il lut les signes (sêma kakon) [2] de son gendre : il décida dexécuter le message par ruse. Il fit combattre son hôte avec les monstres des alentours, mais Bellérophon lemporta successivement sur la Chimère, sur les Solymes, sur les Amazones et enfin sur les meilleurs guerriers de la région. Le roi comprit alors que Bellérophon était dessence divine : il décida de lui donner sa fille et la moitié de son royaume.
Pour Stéphanie West [3], ces signes funestes ne représentent pas un code mais les lettres dun message clair. Walter Leaf (Homère, 1971, p. 270) et G.S. Kirk (1990, p. 180-182) considèrent que ce passage fait référence de façon directe à lutilisation de lécriture, perçue comme magique par des nations qui lemployaient pour la première fois. Pourtant, cette seule mention de lécriture dans les poèmes homériques pose quelques difficultés : de façon assez générale, les philologues [4] concluent quil sagit dune allusion à lécriture mycénienne (Linéaire B) plutôt quau nouvel alphabet grec emprunté à lalphabet sémitique au IXe siècle. Ce dernier se trouverait de façon quelque peu anachronique dans ces vers épiques : Homère ne peut que difficilement, à cette époque, faire part dune telle innovation dans son récit. Néanmoins, R.H. Jordan et J.A. Harrison (Homère, 1985, p. 31) considèrent que lallusion à lécriture mycénienne na pas de sens après la chute des palais mycéniens. Cette affirmation très tranchée peut être quelque peu nuancée : les poèmes homériques ont pu faire référence à une pratique connue par les récits oraux véhiculés à cette époque, préservés par la tradition poétique et traitant dune réalité plus reculée que le poète a voulu faire revivre. M.M. Willcock (Homère, 1978, p. 245) penche pour cette interprétation lorsquil écrit que lhistoire de Bellérophon remonte à lépoque mycénienne et quelle fut transmise au fil des siècles par des aèdes.
De toute façon, il est évident quHomère ajoute un certain mystère à son récit par des termes dont la signification reste opaque. En conséquence, ces sêmata lugra furent souvent identifiés à des marques de convention ou à des dessins symboliques, relevant dun code préétabli par Proetos et par Iobatès [5]. David Khan (1980, p. 7) affirme même que lIliade est le récit "qui fait pour la première fois mention de lécriture secrète".
C. II. Symbolique de la nature
La transmission dun code basé sur des éléments naturels a été largement diffusé dans lAntiquité : Hérodote, Euripide, Aristote, Tite-Live et Ovide s'en font lécho dans leurs ouvrages respectifs. Le code utilisé et la signification de celui-ci sont restés identiques chez chacun de ces auteurs mais le contexte dans lequel ce code apparaît diffère quelque peu. Les Grecs insérèrent ce fait aux VIIe et VIe siècles av. J.-C. sous les tyrannies de Thrasybule à Milet et de Périandre, tyran de Corinthe, tandis que les Romains ont appliqué le canevas du récit de Périandre et de Thrasybule à lhistoire de la prise de Gabies sous le règne de Tarquin le Superbe au VIe siècle av. J.-C. Si les récits grecs mettent tous en scène un champ de blé, les Romains ont introduit la fleur de lis (Ovide) et le pavot (Tite-Live).
1. La tradition grecque : les épis
Hérodote (490-425 av. J.-C.) est chronologiquement le premier auteur a nous avoir transmis ce récit : lhistorien rapporte le discours que Sosiclès le Corinthien adressa aux Lacédémoniens afin de les empêcher de soutenir létablissement des régimes tyranniques chez leurs alliés. Pour leur démontrer le caractère arbitraire de ce genre de régime, il raconte que Périandre, tyran de Corinthe de 625 environ à 585 av. J.-C. demanda à Thrasybule, tyran de Milet, comment gouverner sans aucune résistance. Ce dernier répondit en utilisant un code bucolique : en menant le messager hors de la ville, il le guida au cur même dun champ de blé. Là, tandis quil na de cesse de faire répéter la question au messager, il coupa tous les épis qui dépassaient.
"Il coupait tous les épis quil voyait dépasser des autres et coupés, les jetait à terre, jusquà ce quil eut détruit ce quil y avait de plus beau et de plus haut dans ce blé." (Hérod., V, 92)
Après avoir parcouru le champ sans avoir daigné adresser un message verbal à lenvoyé de Périandre, il congédia le héraut sans aucune recommandation. Une fois rentré à Milet, le messager raconta lentretien quil avait eu avec Thrasybule, insistant sur le fait que cet homme était fou au point de gaspiller son bien en coupant ses plus beaux épis. Le tyran comprit le sens du code de Thrasybule et laccomplit avec promptitude.
"Il saisit que le conseil de Thrasybule était de mettre à mort les citoyens qui dépassaient les autres." (Hérod., V, 92)
Selon Hérodote, sil avait été plus doux que son père au début de sa tyrannie, il devint désormais plus cruel que Kypsélos après être entré en relation avec le tyran de Milet.
Il sagit dune curieux cas de transmission sans message ! Linformation a été véhiculée sans lettre officielle et sans aucun code convenu entre lémetteur et le destinataire. Ce dernier devine le sens du geste du tyran de Milet. Cette transmission saccomplit sans lassurance que le message parviendra bien à celui à qui il est destiné.
Aristote (384-322 av. J.-C.) intervertit les rôles des deux tyrans : dans sa version du récit, cest Thrasybule qui vient demander conseil à Périandre pour asseoir son pouvoir.
"On dit que Périandre ne fit aucune réponse au héraut envoyé pour lui demander conseil, mais que, enlevant les épis qui dépassaient, il égalisa le champ. Le héraut, tout en ignorant la raison de ce geste, rapporta le fait et Thrasybule comprit par là quil fallait écarter les hommes qui dépassent les autres." (Arist., Pol., III, XIII, 1)
Linterprétation grecque de ce récit illustre très bien, selon W.W. How et J. Wells (1912, p. 54), le fait que loligarchie est le véritable adversaire de la tyrannie. Ils considèrent que la reprise de la structure de lhistoire par les Romains a fait perdre au récit sa coloration politique.
Pour Ph.-E. Legrand (Hérodote, 1946, p. 127), Hérodote aurait puisé sa version des faits en Orient où le machiavélisme et limportance de Thrasybule avaient flatté lamour-propre des Grecs dAsie Mineure. J. Aubonnet (Aristote, 1971, p. 260) pense quAristote a repris le récit dHérodote mais de façon abrégée et en y glissant une erreur. Au contraire, W.W. How et J. Wells (1912, p. 54) considèrent quAristote modifia de façon volontaire le récit et que sa version a plus de sens car le tyran de Corinthe fut rangé parmi les Sept Sages ce qui présuppose une sagesse pratique et une grande faculté de gouvernement.
Aristote fait par deux fois référence à ce code [6] ; à chaque reprise, il montre que la démocratie possède les vices de la tyrannie lorsque par ostracisme, elle bannit dans un souci d’égalité ceux qui semblent dépasser les autres.
Léchange entre les deux tyrans par le biais de ce fameux code semble avoir été un véritable lieu commun dans lAntiquité comme le prouve Euripide (485-406 av. J.-C.), dans les Suppliantes, où Thésée se sert de la métaphore du champ de blé pour condamner la tyrannie.
"De plus, dans les pays où le peuple gouverne, il se plaît à voir croître une ardente jeunesse. Un tyran hait cela : les meilleurs citoyens, ceux dont il croit quils pensent, il les abat, craignant sans cesse pour son trône. Que peut-il donc rester de force à la patrie, lorsque, comme en un champ que le printemps fleurit, on y vient moissonner lépi de la vaillance ?" (Eur., Suppl., 442-449)
Selon R. Goossens (1962, p. 420-422), ce passage sintègre dans le débat du Ve siècle av. J.-C. concernant la meilleure forme de gouvernement. Le thème du tyran soupçonneux et gouvernant par la terreur est alors un lieu commun de léloquence démocratique. Euripide oppose à ce type de pouvoir le gouvernement populaire. Or à cette époque, il nexiste plus de tyrans en Grèce mais plusieurs parties du monde grec sont gouvernées par loligarchie. Il est devenu habituel de transférer le nom et les caractéristiques de la tyrannie pour représenter en fait cette oligarchie. Le meilleur exemple de cette tendance se retrouve sous lappellation des "Trente Tyrans" en 404, représentant en réalité un pouvoir oligarchique. Le passage dEuripide oppose donc la démocratie à la tyrannie contrairement aux autres exemples intégrant lhistoire des têtes de pavots qui eux opposaient la tyrannie à loligarchie. Malgré cette contradiction, le code reste identique.
2. La tradition latine : les pavots ou les fleurs de lis
Tite-Live (59 av. J.-C. - 17 apr. J.-C.) et Ovide (43 av. J.-C. - apr. 17 apr. J.-C.) adaptèrent le récit de Thrasybule et de Périandre pour lintroduire dans le récit de la prise de Gabies [7] au VIe siècle av. J.-C. La seule différence entre les deux auteurs réside dans lespèce de la plante utilisée comme code. H. le Bonniec (Ovide, 1969, p. 105) considère quOvide a remplacé le pavot, une plante utilitaire, en un plante plus poétique, la fleur de lis.
Afin dassujettir la ville de Gabies, Tarquin le Superbe entreprit dintroduire son fils Sextus dans la ville ennemie. Sextus devait feindre que suite aux mauvais traitements que son père lui avait infligés, il cherchait refuge dans une cité capable de le protéger de la violence paternelle. Après avoir gagné la confiance des Gabiens, il simpliqua dans les débats politiques. Bientôt, il fut élu général de larmée de Gabies. Sa puissance au sein de la ville était telle que Tite-Live a écrit : non pater Tarquinius potentior Romae quam filius Gabiis esset. Cest alors quil envoya un émissaire chez son père, à linsu des Gabiens, chargé de lui demander un moyen danéantir Gabies maintenant quil était tout-puissant dans la ville. Tarquin reçut le mandataire clandestin dans le jardin qui jouxte le palais.
"Tout en se promenant sans mot dire, il décapitait, dit-on, avec une baguette les pavots les plus élevés."(T.L., I, 54, 6) [8]
"Avec une baguette, il fauche la pointe des lis." (Ov., F., II, 706) [9]
Fatigué dattendre une réponse, le messager retourna chez le fils et lui rapporta que le roi navait rien voulu répondre. Ensuite, il rendit compte de ce quil avait vu et entendu. Sextus comprit alors ce silence énigmatique et fit périr les premiers de la cité. La cité de Gabies seffondra une fois que ses remparts furent privés de leurs chefs.
Les versions grecques et romaines se trouvent liées chez Denys dHalicarnasse (A.R., IV, 55-58). Celui-ci considère que Tarquin le Superbe a imité Thrasybule : "Il me semble quil a imité la façon de procéder de Thrasybule de Milet." (A.R., IV, 56, 3)
C. III. Les noms de code
Le recueil de la correspondance de Cicéron permet de se familiariser avec un nouveau type de code destiné à masquer lidentité dune personne. Ce système - encore largement répandu aujourdhui - se manifeste essentiellement dans ses lettres à son ami Atticus. Alors qu'il confie à son ami ses idées politiques et ses réflexions avec spontanéité et sincérité, la crainte de voir intercepter ses lettres lamène quelquefois à une certaine prudence et à des subterfuges, notamment celui de coder les nomina [10].
"Je ne veux te dire que quelques mots de la situation politique. Car à présent je redoute que le papier même ne nous trahisse." (Ad Att., II, 20, 3)
Dans une série de lettres écrites entre 61 et 59 av. J.-C., Cicéron fait part à Atticus de ses craintes concernant le tournant politique que Rome est en train de vivre : Pompée, Crassus et César forment le premier triumvirat en décembre 60 av. J.-C. Atticus qui séjourne à Rome est la principale source dinformations de Cicéron sur lévolution jour après jour de la politique : lécrivain commente les renseignements que son ami lui a envoyés et lui pose de nouvelles questions. La verve critique des lettres et le désir déchapper à lindiscrétion des porteurs poussèrent lécrivain à substituer les noms propres de Pompée, de Clodia, la sur de P. Clodius et la femme de Métellus Céler (consul en 60 av. J.-C.), de Clodius, de Sextus Clodius et de Gaius Antonius par des sobriquets.
1. Gnaeus Pompeius Magnus
Pompée, qui dans certaines lettres est cité nommément, se cache parfois derrière des mots volontairement flous : "Ton grand ami (tu sais qui je veux dire ?)" (Ad Att., I, 13, 4). Les messagers suscitent la méfiance de Cicéron.
"Je técrirai là-dessus une autre fois avec plus de détail : [ ] et dautre part je nose pas confier une lettre sur de tels sujets à ce messager sorti je ne sais doù." (Ad Att., I, 13, 4)
Pour pallier les indiscrétions des porteurs, Pompée est désigné dans de nombreuses lettres par quatre surnoms Epicrates, Sampsicéramus, Hierosolymarius et Arabarches lorsque les propos de Cicéron se font plus tranchants (Constans, Cicéron, 1940, p. 192-194).
Epicrates est le premier nom de code utilisé par Cicéron et par Atticus : il apparaît dans une lettre écrite à Rome en décembre 60 av. J.-C. alors quAtticus se trouvait à Arpinum.
"Et je soupçonne Epicrates, comme tu lécris, de sêtre déchaîné." (Ad Att., II, 13, 1)
Selon L.-A Constans (Cicéron, 1940, p. 193), ce sobriquet fait référence à un amiral rhodien [11] qui lutta avec succès contre la piraterie lors de la seconde guerre de Macédoine et lors de la guerre contre Antiochus : il sagirait donc dune discrète allusion à la campagne que Pompée a menée contre les pirates en 67 av. J.-C. D.R. Shackleton Bailey (Cicero, 1965, p. 355) propose une autre interprétation - même sil reconnaît la plausibilité de lhypothèse de L.-A. Constans -, le surnom appliqué à Pompée serait utilisé ici dans son sens étymologique "puissant, vainqueur" : épikratês en grec.
Hierosolymarius dérive de Hierosolyma, Jérusalem : cet hapax fait allusion à la victoire et à la prise de la ville par Pompée en 63 av. J.-C. Cicéron a écrit cette lettre à Antium, le 17 ou le 18 avril 59 av. J.-C. Son exil pour Antium, loin de la capitale, semble avoir été provoqué par ladoption de Clodius par un plébéien P. Fonteius, âgé de vingt ans à peine. Cette adoption avait été votée à lassemblée curiate sous la présidence de Jules César, en qualité de grand pontife. Pompée, en tant quaugure, avait prêté son concours à cette nomination (Constans, Cicéron, 1940, p. 188-192). La puissance du triumvirat ne fait que saccroître et Cicéron voit amèrement Pompée, son appui, se détourner de lui. Désormais, dans sa retraite dAntium, il est impuissant politiquement : ses seuls liens avec la politique sont les missives que lui envoie Atticus.
"En vérité, si les conventions qui ont été faites à mon sujet ne sont pas observées, je me sens transporté au ciel : il saura notre vainqueur de Jérusalem, qui sentend si bien à faire passer dans la plèbe, de quelle ingratitude il a payé mes discours les plus achevés." (Cic., Ad Att., II, 9, 1)
Sampsicéramus [12] est le surnom de Pompée que Cicéron emploie le plus fréquemment : ce nom de code fait référence à la victoire remportée par le général romain sur un dynaste oriental de ce nom qui régnait sur Émèse et Aréthuse en Syrie. Dans cette lettre, Cicéron senquiert auprès de son ami de la teneur des conversations quil a eues avec Bibulus [13] lors dun dîner. Il écrivit cette lettre à Formies, entre le 24 et le 29 avril 59 av. J.-C. : la situation politique à Rome lavait en effet poussé à se retirer de la capitale. La précarité de la position de Cicéron trouve son origine dans le pacte conclu entre Pompée, César et Crassus en décembre 60 av. J.-C. Ce triumvirat a quelque peu éloigné Cicéron de son protecteur Pompée dont il craint désormais les réactions.
"Pourtant il nest rien désormais plus à craindre que de voir notre grand Sampsicéramus [...] se précipiter dans la violence." (Ad Att., II, 14, 1)
Peu de temps après cette missive, Cicéron utilise le même nom de code dans une lettre écrite à Formies, entre le 2 et 5 mai 59 av. J.-C. : Pompée venait alors de divorcer davec Marica pour épouser Julie, la fille de Jules César qui représentera par la suite le lien le plus fort entre les deux hommes.
"Je suis tout à fait de ton avis : Sampsicéramus est un révolutionnaire. Il y a matière à craindre : il vise de laveu de tous, à la tyrannie."(Ad Att., II, 17, 1)
Un peu plus loin, dans la même lettre, il désigne à nouveau Pompée sous ce pseudonyme.
"Les titres de Sampsicéramus à la reconnaissance de la patrie ne paraîtraient-ils pas, dans quelques siècles, supérieurs aux miens ?" (Ad Att., II, 17, 2)
Ce doute que nourrit Cicéron ne tourmente plus son esprit car les exactions des membres du triumvirat se font de plus en plus nombreuses.
Cicéron écrit la lettre suivante à Rome, sans doute au mois daoût. Son contenu la situe en tout cas avant le 18 octobre 59 av. J.-C., date à laquelle Bibulus a renvoyé les élections (Ad Att., II, 20). Atticus se trouve alors en Épire. À lépoque où Cicéron écrit, le triumvirat vit une situation difficile.
"Donc, je veux dabord tapprendre que Sampsicéramus, notre ami, regrette vivement de sêtre mis dans la situation où il est, et voudrait bien retrouver celle doù il est tombé." (Ad Att., II, 23, 2)
Dans la même lettre, Cicéron relate à son ami les menaces proférées à son encontre par Clodius, menaces que celui-ci nie avoir faites devant Pompée, encore lallié de Cicéron.
"Devant Sampsicéramus, il nie quil ait de tels projets, mais devant les autres il sen vante et les étale." (Ad Att., II, 23, 3)
Arabarches, "chef des Arabes", est une autre façon pour Cicéron de faire allusion au général par le biais de ses campagnes orientales. La lettre où apparaît ce nom de code a été écrite à Formies, entre le 2 et le 5 mai 59 av. J.-C., peu après lannonce du mariage entre Pompée et la fille de Jules César, Julie. À quelques lignes dintervalle, Cicéron va utiliser deux sobriquets pour désigner Pompée : celui de Sampsicéramus (cfr supra) à deux reprises et une fois celui dArabarches.
"Si au contraire tu viens [14], comme tu lécris, je voudrais que tu obtiennes de Théophane [15] des renseignements sur les dispositions dArabarches." (Ad Att., II, 17, 3)
2. Clodia
Clodia est la deuxième personne à laquelle Cicéron attribue un nom de code de façon assez régulière : elle apparaît derrière lépithète homérique dHéra Boôpis, "la déesse aux grands yeux" ou de façon moins poétique, "la déesse aux yeux de vache". L.-A. Constans (Cicéron, 1935, p. 194) y décèle une allusion aux murs incestueuses de Clodia : Héra est à la fois la sur et la femme de Zeus.
Cicéron, dans ses lettres couvrant la période allant du mois davril au mois doctobre, apparaît préoccupé par ladoption de Clodius par un plébéien au début du mois davril. En effet, grâce à son passage dans la plèbe, Clodius va être élu comme tribun pour lannée 58 av. J.-C. Fort de cette élection, il multiplie les menaces à lencontre du vainqueur de Catilina. Pompée, son ancien allié, lui assure quil retiendra Clodius mais Cicéron sait que Crassus fait pression sur Pompée afin quil abandonne sa cause. Cest dans ce contexte terriblement menaçant pour lui que Cicéron veut sassurer de lappui de son plus fidèle allié, Atticus. Il voudrait bien, que ce dernier apprenne les projets de Clodius par lintermédiaire de sa sur, Clodia : nous ignorons comment et pourquoi Atticus avait établi une solide relation avec une telle femme, mais il paraît évident quil la rencontrait fréquemment (Constans, Cicéron, 1940, p. 195-196)
La première trace de ce sobriquet apparaît dans une lettre écrite à Antium, le 17 ou le 18 avril 59 av. J.-C. Cicéron cherche à connaître par lintermédiaire dAtticus, les divers comptes-rendus des entretiens de Clodia avec son frère.
"Mais quant à celui qui ne sest pas encore produit, que notre déesse aux grands yeux doit te rapporter, lorsquelle sera rentrée de Solonium." (Ad Att., II, 9, 1)
Dans une lettre écrite le lendemain, le 19 avril 59 av. J.-C. aux Trois Tavernes [16], sur la voie Appienne, le contexte est identique : Cicéron sinsurge contre les conditions illégales de ladoption de Clodius par un plébéien. Grâce à la lettre dAtticus, il peut imaginer leffervescence dans laquelle se trouve Rome : il se représente notamment les plans de Clodius et de sa sur.
"Les trompettes guerrières de la déesse aux grands yeux." (Ad Att., II, 12, 2)
Une missive écrite à Formies, entre le 24 et le 29 avril av. J.-C., montre à quel point Cicéron attend avec impatience les informations politiques que lui envoie son ami. Sa retraite forcée loin de Rome semble lui peser.
"Quelle envie tu minspires de connaître les propos de Bibulus, et ton entretien avec la déesse aux grands yeux." (Ad Att., II, 14, 1)
Vers le 25 juillet 59 av. J.-C., Cicéron, rentré à Rome, envoie quelques nouvelles de la capitale à son ami Atticus qui sest absenté quelque temps pour séjourner en Épire. Cicéron a su renouer des amitiés efficaces et sa maison ne désemplit pas. Pompée lui a même assuré quil veillait personnellement à sa sécurité. Néanmoins, Cicéron craint quelque perfidie et il veut quAtticus lui témoigne un véritable appui. Il est le seul qui puisse connaître les véritables pensées de ses ennemis par le biais de Clodia.
"Si tu es là, toi qui a les moyens, par la déesse aux grands yeux, de savoir de lintéressé lui-même quelle est la sincérité de ces gens-là." (Ad Att., II, 22, 4)
La dernière occurrence du sobriquet de Clodia apparaît sous sa forme latine : Boopis. La lettre est écrite à Rome, avant le 18 octobre 59 av. J.-C., sans doute au mois daoût. Le contenu de cette missive est encore et toujours la menace que représente Clodius pour la vie de Cicéron.
"Mais le frère de notre Boopis lance et profère publiquement de terribles menaces." (Ad Att., II, 23, 3)
3. Publius Clodius Pulcher
Clodius est désigné par Cicéron, dans une lettre écrite à Antium. Au début davril 59 av. J.-C., comme le sacerdos Bonae Deae : il sagit dune discrète allusion à son sacrilège. En effet, ce sobriquet rappelle un fait qui sest déroulé à Rome dans la nuit du 3 au 4 décembre 62 av. J.-C., date à laquelle se déroulait les mystères de la Bona Dea. Cicéron relate cet événement à son ami qui se trouvait alors en Épire (Ad Att., I, 12, 3).
Clodius était lamant de Pompéia, la femme de César. Aidé par celle-ci et par son esclave, Abra, il avait pu assister aux célébrations des mystères de la Bonne Déesse, une cérémonie rigoureusement réservée aux femmes et célébrée dans la demeure de César, alors préteur. Pour la circonstance, il sétait déguisé en joueuse de cithare : vite découvert, il put prendre la fuite grâce à laide dAbra. Cette affaire provoqua un véritable scandale. Cette nuit fut à lorigine de la haine que porta Clodius à légard de Cicéron : ce dernier était en effet intervenu violemment dans son procès, mettant en pièces son alibi. Suit alors une longue liste daltercations qui ne feront que senvenimer (Constans, Cicéron, 1935, p. 120-121).
Dans le passage qui suit, Cicéron apprend que Clodius, lami du triumvirat, va accomplir une mission diplomatique auprès du roi dArménie, Tigrane. Espérant que cette mission lui sera octroyée plutôt quà son ennemi, Cicéron entreprend de noircir le portrait de Clodius afin que les hommes du triumvirat changent davis.
"Il me convient mieux, pour me faire donner une mission [...] que nous sachions quelle sorte de tribun sera notre prêtre de la Bonne Déesse." (Ad Att., II, 4, 2)
Il sagit plus ici dune raillerie sarcastique sans grande intention de mystère, que dun véritable nom de code car le sacrilège de Clodius sétait répandu et un grand nombre de personnes aurait pu pénétrer le code de Cicéron et dAtticus sans grande difficulté.
4. Sextus Clodius
Sextus Clodius était un client de Publius Clodius Pulcher et son homme de main. Recruteur de ses bandes armées, il était redouté. Cicéron lui attribue le nom de code "Athenion porte-enseigne" (Ad Att., II, 12, 2) par référence à un chef des esclaves révoltés en Sicile. Il y avait eu en Sicile deux grandes révoltes desclaves dans les années 139-132 av. J.-C. et dans les années 104-100 av. J.-C., à une époque où de grandes quantités desclaves de même nationalité étaient réunis.
5. Teucris
Un sobriquet que lon découvre dans les lettres à Atticus datées de lannée 61 av. J.-C. a posé quelques difficultés dinterprétation. Un personnage désigné par le seul nom de code "Teucris" apparaît à trois reprises dans des tractations concernant le payement dune maison que Cicéron a acquise sur le Palatin. L.-A. Constans (Cicéron, 1940, p. 121-122) constate que ce nom fut souvent compris comme un sobriquet cachant Gaius Antoine, le collègue de Cicéron au consulat qui est à cette époque gouverneur de la Macédoine. Pour lui, au contraire, "il sagit dune parente ou amie dAntoine qui servait dintermédiaire entre la proconsul et son ancien collègue". Cette interprétation paraît plus probable car Cicéron parle bien dune femme : "Je ne connais rien de plus effronté, de plus fourbe, de plus lent que cette femme" (Ad Att., I, 12, 1). L.A. Constans propose même le nom de Cornélia, la femme de P. Sestius, proquesteur dAntoine. D.R. Shackleton Bailey (Cicero, 1965, p. 297) soumet lhypothèse de la femme dAntoine lui-même. Il est possible que Cicéron ait demandé à ce dernier un prêt dargent pour payer la maison quil venait dacquérir au Palatin en échange dune aide juridique au cas où il serait cité en justice pour détournement de fonds publics après son gouvernement en Macédoine.
Dans une lettre écrite à Rome, le premier janvier 61 av. J.-C., Cicéron charge Atticus, qui devait rejoindre Antoine, de tirer au clair des bruits quAntoine faisait courir concernant un pacte qui le liait à son ancien collègue et qui stipulait quils devaient se partager largent volé de Macédoine. En même temps quil sinquiète pour cette rumeur, Cicéron cherche toujours un accord pour une tractation dargent.
"Cette Troyenne-là est vraiment la lenteur en personne." (Ad Att., I, 12, 1)
Néanmoins, dans une autre missive écrite à Rome le 25 janvier 61 av. J.-C., Cicéron signale à Atticus que ses tractations pour obtenir des prêts concernant sa maison continuent.
"La Troyenne nen finit pas ; pourtant il y a de lespoir." (Ad Att., I, 13, 6)
Le 13 février 61 av. J.-C., à Rome, Cicéron annonce que son intermédiaire a enfin tenu ses promesses : laffaire de prêt semble toucher à sa fin. D.R. Shackleton Bailey (Cicéro, 1965, p. 297) considère que le passage qui suit prouve quAntoine a avancé largent et il affirme également que, en échange, Cicéron le défendit en 59 av. J.-C.
"Pour en revenir à mes affaires particulières, la Troyenne a tenu ses promesses." (Ad Att., I, 14, 7)
Ce dernier exemple de nom de code montre lutilité et lefficacité dun tel procédé indécryptable des siècles après son invention. Le codage quutilisait Cicéron permettait facilement à son ami Atticus de reconnaître la personne qui se cachait derrière le sobriquet. Toute autre personne - et par conséquent nous au XXIe siècle - ne pouvait que faire des conjectures pour donner une identité à chacun des noms de code. Néanmoins, il est probable que si une des lettres de Cicéron avait été ouverte, le lecteur contemporain de lauteur naurait pas eu de difficulté à percer le code. Mais, malgré cette probabilité, la correspondance de Cicéron était protégée puisque personne ne pouvait laccuser en prouvant quil parlait bien de personnages connus.
Selon André Muller (1982, p. 127), la cryptographie "a été et reste encore le moyen le plus sérieux dassurer la sécurité des correspondances." Étroitement liée à leffort de guerre, elle na pas cessé de se développer depuis ses origines antiques.
Les Anciens avaient déjà perçu dans cette technique quelque peu ésotérique le meilleur moyen de garantir la confidentialité de leurs missives. Ils lont développée dune façon simple mais efficace, ladaptant aux divers besoins et employant à la fois des chiffres et des codes. Leurs innovations nous été transmises soit par le concepteur lui-même (César, Polybe) soit par des historiens qui en admiraient lingéniosité. La qualité de ces méthodes a suscité lintérêt des cryptologues ultérieurs qui employèrent ces techniques en filigrane de leurs propres inventions peu à peu affranchies des contraintes mécaniques et conceptuelles.
Se basant sur cette réalité, Jacques Stern (1998, p. 8-9) répartit lhistoire de la cryptologie en trois âges : lâge artisanal, lâge technique et lâge paradoxal. Lâge artisanal va de lAntiquité à lentre-deux guerres mais ses procédés ont coexisté tout au long du XXe siècle avec les méthodes mécaniques.
Cette spécialité confinée dans lAntiquité aux univers discrets de la guerre et de la diplomatie sest peu à peu transformée en une partie dune science de linformation née dans la seconde moitié du XXe siècle : linformatique. En effet, de nos jours, la cryptographie ne se limite plus aux documents graphiques mais elle se déploie sur dautres supports dinformation souvent électroniques.
Nous verrons dans le deuxième chapitre que durant lAntiquité, la cryptographie sest, en quelques occasions, appuyée sur la stéganographie et quelle a même été devancée par celle-ci. De même, alors que la répression de lusage de la cryptographie sur lInternet est un débat important de nos jours, les techniques stéganographiques sont considérées par quelques-uns comme un moyen de contourner linterdit tout en conservant leur manière de correspondre [17].
[1] F. Pratt (1940), p. 11 ; S. Singh (1999), p. 14 et 412 ; Fred B. Wrixon (2000), p. 321. [Retour au texte]
[2] Hom., Il., VI, 178 : Selon W. Leaf, Homère (1971), p. 271, ces termes nont pas la même signification que les sêmata lugra (Hom., Il., VI, 168). Pour lui, il sagit dans ce cas-ci dune tessera hospitalis. Cf. G. Lafaye, "Tessera" dans DAGR V (T-V), s.d., p. 125-136. Néanmoins, larticle de Ch. Lécrivain "Hospitium", dans DAGR III 1 (H-K), s.d., p. 294, conteste linterprétation de W. Leaf : sans donner le sens quaurait le terme sêma selon son interprétation, il réfute lidée que lexpression sêma kakon puisse représenter une tessera hospitalis sans donner les raisons de cette affirmation. W. Leaf distingue les sêmata lugra qui constituent des symboles illustrant le contenu du message, et le sêma kakon, un signe permettant de reconnaître un hôte. Le sens de lépithète kakon est sans doute lié à la nature de lambassade envoyée par Prtos à Iobatès : le père dAntée doit appliquer une peine à celui qui a tenté de déshonorer sa fille. [Retour au texte]
[3] S. West, "Archilocus’ message-stick", dans Classical Quarterly 38 (1988), p. 42. [Retour au texte]
[4] Parmi lesquels se range M.M. Willcock, Homère (1978), p. 245. [Retour au texte]
[5] A. Jacob, "Epistolae Secretae", dans DAGR II 1 (D-E), 1892, p. 708. [Retour au texte]
[6] Arist., Pol., III, XIII, 16-17 ; V, X, 12-13. [Retour au texte]
[7] La ville de Gabies se trouvait à une quinzaine de kilomètres à lest de Rome, sur la Via Praenestina. À lépoque de ces deux auteurs, elle nétait plus quune bourgade sans importance mais elle avait compté parmi les principales cités du Latium primitif. [Retour au texte]
[8] T.L, I, 54, 6 : Ibi inambulans tacitus summa papauerum capita dicitur baculo decussisse. [Retour au texte]
[9] Ov., F., II, 706 : Virga lilia summa metit. [Retour au texte]
[10] H. Zehnacker et J.-C. Fredouille (1998), p. 74. [Retour au texte]
[11] Tite-Live fait allusion à ce personnage au livre XXXVII, 13. [Retour au texte]
[12] M. Schottky, "Sampsigeramos", dans Der Neue Pauly, vol. 11. Sam-Tal (2001), col. 29 [1]. [Retour au texte]
[13] Marcus Calpurnius Bibulus partagea la charge du consulat en 59 av. J.-C. avec Jules César. [Retour au texte]
[14] Cicéron espérait revoir rapidement Atticus à Rome mais ce dernier projetait de rejoindre Cicéron dans sa retraite à Arpinum. [Retour au texte]
[15] Théophane de Mitylène est un ami intime de Pompée. [Retour au texte]
[16] Station de la voie Appienne, à 45 kilomètres de Rome. [Retour au texte]
[17] http://glu.freeservers.com/artsteg.htm [Retour au texte]
FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 7 - janvier-juin 2004
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