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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


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Historiographie du XVe au XVIIIe siècle

 

Jean-Baptiste Vico (1668-1744)


Texte :

-- * Principes d'une science nouvelle relative à la nature commune des nations, trad. A. DOUBINE, Paris, 1953.

-- La science nouvelle (1725) [lire 1744], trad. Christina TRIVULZIO princesse de BELGIOJOSO, Paris, 1993 pour la préface de Ph. RAYNAUD (Tel. Gallimard).

-- La science nouvelle. Principes d'une science nouvelle relative à la nature commune des nations, 1744, prés., trad. A. PONS, Paris, 2001.

-- L'antique sagesse de l'Italie, trad. J. MICHELET, Paris, 1993 (GF - Flammarion).

-- Vie de Giambattista Vico écrite par lui-même - Lettres - La méthode des études de notre temps, trad. A. PONS, Paris, 1981.

Études :

-- BERLIN I., Vico and Herder. Two Studies in the History of Ideas, Londres, 1980.

-- BURKE P., Vico, Oxford, 1985.

-- CRISTOFOLINI P., Vico et l'histoire, Paris, 1995 (Philosophies, 58).

-- DONZELLI M., Vico ou l'anticartésianisme historique, dans Ch. GRELL - J.-M. DUFAYS, Pratiques et concepts de l'histoire en Europe XVIe-XVIIIe siècles, p.125-139.

-- GIRARD P., Le vocabulaire de Vico, Paris, 2001.

-- MICHEL A., Vico juge et témoin de la pensée romaine, dans Dix-huitième siècle, 27, 1995, p.201-212.

-- NICOLINI F., Jean-Baptiste Vico dans l'histoire de la pensée, dans Cahiers d'histoire mondiale, VII 2, 1963, p.299-319.

-- NICOLINI F., Commento storico alla seconda Scienza Nuova, 2 vol., Rome, 1978 (Storia e letteratura. Raccolta di studi e testi, 24-25).

-- USCATESCU G., Actualité et perennité de Vico, dans Bulletin de l'Association G. Budé, déc. 1987, p.360-371.

Sur la toile :

-- MENASSEYRE A.- S., Bibliographie vichienne en langue française : http://www.cerphi.net/vico/vicobibl.htm


Les études de Vico

Pour toutes ces raisons, Vico bénit le ciel de n'avoir pas eu de maître par les paroles de qui il eût juré, et il rendit grâce à ces forêts au milieu desquelles, guidé par son bon génie, il avait accompli la plus grande partie de ses études sans aucun esprit de secte, loin de la ville où, comme en matière de mode vestimentaire, on change de goût littéraire tous les deux ou trois ans. Le dédain général dans lequel la bonne prose latine était tenue le détermina à la cultiver avec d'autant plus d'ardeur. Et comme il avait appris que [Tommaso] Cornelio n'avait pas été très versé dans la langue grecque, ne s'était pas occupé de la langue toscane, n'avait guère pris de plaisir à la critique peut-être parce qu'il avait remarqué que les polyglottes, à cause de la multitude des langues qu'ils savent, n'usent jamais d'aucune parfaitement, et que les critiques ne parviennent pas à atteindre les vertus des langues parce qu'ils s'attardent à observer les défauts des écrivains Vico décida d'abandonner le grec qu'il avait commencé à apprendre à l'aide des Rudiments de Gretser étudiés dans la seconde classe des jésuites, ainsi que le toscan (c'est pour la même raison qu'il ne voulut jamais non plus apprendre le français), et de s'attacher exclusivement au latin. Il avait observé également qu'avec l'apparition des lexiques et des commentaires la langue latine était entrée en décadence : aussi résolut-il de ne plus jamais se servir de livres de cette sorte, à l'exception du seul Nomenclator de Junius, pour la compréhension des termes techniques, et de lire les auteurs latins sans l'aide d'aucune note, en pénétrant leur esprit au moyen d'une critique philosophique, comme l'avaient fait les écrivains latins du XVIe siècle… (Vie de Giambattista Vico, p.69-70).

 

Langue et droit : reflets des mœurs anciennes

152. Une langue ancienne qui serait restée dominante jusqu'à ce qu'elle fût parvenue à sa perfection doit constituer un précieux témoignage des mœurs des époques primitives.

153. Cet axiome garantit la grande valeur des preuves philologiques puisées à la langue latine relativement au droit naturel des gens car la nation romaine a nettement surpassé toutes les autres dans cette matière. Pour une raison identique, la même chose sera observée par les connaisseurs de la langue allemande qui présente cette même propriété de l'ancienne langue romaine.

154. Si la loi des XII Tables reflète les mœurs des peuples du Latium dès l'âge de Saturne, mœurs que les Romains fixèrent dans le bronze et que la jurisprudence romaine conserva religieusement alors qu'elles ne cessèrent de changer ailleurs, s'il en est ainsi, cette Loi constitue un important témoignage de l'antique droit naturel des peuples du Latium.

155. Nous en avons montré la vérité, il y a de cela de longues années, dans nos "Principes du droit universel"; dans cet ouvrage nous en établirons une démonstration plus claire.

156. Si les deux poèmes d'Homère constituent l'histoire civile des anciennes coutumes de la Grèce, ils sont pour nous deux magnifiques trésors du droit naturel des peuples de la Grèce.

157. Nous proposons ici cet axiome quitte à démontrer plus tard la chose (Principes d'une science nouvelle, p.67-68).

 

Grandes étapes de l'histoire humaine

243. D'abord apparaissent dans l'humanité des caractères cruels et grossiers tels que Polyphème, puis des magnanimes et des orgueilleux comme Achille ; viennent ensuite les braves et les justes tels qu'Aristide et Scipion l'Africain ; plus près de nous l'histoire nous offre l'exemple d'hommes aux apparences vertueuses mais qui cachent des vices profonds, ceux mêmes que le vulgaire entoure d'une véritable gloire tapageuse, tels sont les Alexandre et les César ; puis viennent les caractères réfléchis mais méchants à la manière de Tibère ; ce sont enfin les furieux qui, sans honte, se laissent aller au libertinage, les Caligula, les Néron et les Domitien.

244. Cet axiome montre que les premiers furent nécessaires pour que l'homme, en obéissant à son semblable durant l'état des familles, fut disposé à obéir aux lois durant l'état ultérieur des cités ; les seconds, qui naturellement n'acceptaient point de céder devant leurs semblables, furent nécessaires pour fonder sur les familles les états aristocratiques ; les troisièmes frayèrent la voie à la liberté populaire, les quatrièmes établirent les monarchies, les cinquièmes les consolidèrent et les derniers les renversèrent.

245. Cet axiome rapproché des précédents nous donne une partie des principes de l'histoire idéale éternelle sur le plan de laquelle évoluent dans le temps toutes les nations dans leur naissance, leurs progrès, leur établissement, leur décadence et leur disparition (Principes d'une science nouvelle, p.83-84).

 

Connaissance humaine et divine et fondements de la Science nouvelle

331. Mais au milieu de ces ténèbres qui couvrent les temps les plus reculés de l'antiquité, apparaît une lumière et qui ne peut s'éteindre, une vérité qu'on ne peut révoquer en doute : le monde civil est certainement l'œuvre de l'homme, et par conséquent on peut, on doit en retrouver les principes dans les modifications de son intelligence même. Qui réfléchit à la question, ne pourra que s'étonner de ce que les philosophes qui ont entrepris l'étude du monde physique que Dieu seul, qui en est l'auteur, peut connaître aient négligé le monde civil des nations que les hommes peuvent connaître parce qu'ils l'ont fait. Cela provient on l'a vu dans un axiome d'une infirmité de notre esprit; enseveli dans son enveloppe corporelle, il est naturellement porté à considérer les choses matérielles alors qu'il lui faut un grand effort pour se comprendre lui-même ; ainsi l'œil voit tous les objets mais pour se voir il lui faut un miroir.

332. Puisque le monde civil est l'œuvre des hommes, voyons en quoi ils ont toujours été et restent d'accord ; c'est là que nous puiserons nos principes qui, comme ceux de toute science, doivent être universels et éternels, principes destinés à montrer la formation et la conservation des sociétés.

333. Observons les peuples barbares aussi bien que civilisés, séparés par d'immenses intervalles de temps et d'espace, fondés séparément les uns des autres ; ils sont tous fidèles aux trois coutumes humaines suivantes : tous ont une religion, chez tous, les hommes contractent des mariages solennels et ensevelissent leurs morts ; et dans toutes les nations, les plus sauvages soient-elles, il n'est pas de manifestations qui se célèbrent avec plus d'éclat et de solennité que la religion, le mariage et les sépultures. Or, nous avons vu que « des idées uniformes nées chez des peuples inconnus les uns des autres, doivent avoir un fonds commun de vérité » ; il faut donc que ces nations aient appris que l'humanité a partout commencé par ces trois coutumes et que les nations doivent les observer religieusement pour que le monde ne retombe pas dans la barbarie primitive et ne se recouvre de forêts. C'est pourquoi nous faisons de ces trois coutumes éternelles et universelles les trois premiers principes de cette Science (Principes d'une science nouvelle, p.101-102).

 

Qui fut Solon ?

414. Chef du parti de la plèbe à l'époque où Athènes était une république aristocratique, Solon fut un sage ; mais cette sagesse dont il fit preuve fut toute vulgaire et non point philosophique. Cette époque aristocratique est prouvée par le fait qu'Athènes, comme le narre l'histoire grecque, fut d'abord entre les mains des grands ; nous avons d'ailleurs montré, et c'est là un principe important auquel presque tous les sujets ici traités se rattachent, qu'il en fut ainsi dans toutes les républiques héroïques ; les héros ou les nobles s'y attribuent en effet une origine divine, prétendant qu'il sont seuls à avoir des dieux et que par conséquent le droit des auspices leur est réservé ; ceci a pour effet, dans les cités héroïques de laisser au seul ordre de la noblesse le privilège des droits publics et privés ; quant aux plébéiens réputés d'origine bestiale et par conséquent privés de dieux et du droit des auspices, il ne leur reste que le seul usage de leur liberté. Solon dut donc faire remarquer aux plébéiens, les incitant à y réfléchir, qu'ils étaient d'une nature identique aux nobles et qu'en conséquence ils avaient les mêmes droits; à moins que Solon ne soit la personnification de ces plébéiens même, considérés sous cet aspect politique (Principes d'une science nouvelle, p.142).

 

Origine de la diversité des langues

445. Une grande difficulté subsiste, nous dira-t-on: comment expliquer qu'il y ait autant de langues vulgaires qu'il existe de peuples ? Pour y répondre, nous partirons de cette importante vérité que la diversité des climats ayant contribué à la formation de tempéraments fort différents, il en est résulté des us et coutumes variables de peuple à peuple ; et cette diversité de tempéraments et de mœurs a entraîné une diversité de langues. Différant les uns des autres par leur caractère, les hommes ont en effet considéré tout ce dont ils avaient besoin ou qui était nécessaire à leur vie sous différents aspects ; d'où ces usages si variables, parfois même entièrement opposés entre eux ; on ne peut expliquer autrement le fait qu'il y ait autant de langues qu'il existe de nations différentes. Les proverbes en sont une évidente démonstration ; ces maximes de la vie journalière, partout les mêmes en substance, revêtent autant de formes différentes qu'il y a eu et qu'il y a encore de nations, comme on l'a déjà observé dans les Axiomes. Les origines héroïques des expressions qui apparaissent difficilement derrière la concision des langues vulgaires, expliquent ce qui a tellement étonné les exégètes, c'est-à-dire la différence des noms dont les rois sont revêtus dans l'histoire sainte et l'histoire profane. Or, cela provient de ce que l'une a pu, par hasard, considérer l'homme sous le rapport des apparences, de la puissance, et l'autre, sous celui de ses mœurs et de ses entreprises ou même pour autre qu'il ne fût ; il en est ainsi de nos jours où les villes de Hongrie sont diversement appelées par les Hongrois, les Grecs, les Allemands et les Turcs, et l'allemand qui est une langue héroïque vivante, transforme presque tous les noms des langues étrangères et leur donne un sens propre à cette langue ; nous pouvons supposer que Latins et Grecs en firent de même lorsque nous les voyons parler de choses qui appartenaient en propre aux barbares dans un grec ou un latin d'une remarquable pureté. C'est ce qui explique l'obscurité de la géographie ancienne comme aussi de l'histoire naturelle des fossiles, des plantes et des animaux (Principes d'une science nouvelle, p.158-159).

 

Signification de la légende de Cadmus

446. ...

De ce qui vient d'être dit, il faut conclure que les langues héroïques furent à leurs débuts extrêmement confuses et c'est là une des causes de l'obscurité des fables ; citons à titre d'exemple célèbre Cadmus qui, après avoir tué le serpent, en sème les dents ; des sillons sortent des hommes tout armés ; Cadmus leur jette une pierre et les voilà qui s'entretuent ; finalement Cadmus est changé en serpent. Voilà celui qu'on nous présente comme un subtil héros, celui qui fit connaître aux Grecs l'usage de l'alphabet ; mais nous verrons que cette fable qui nous a été léguée contient en réalité plusieurs siècles d'histoire poétique!

...

679. C'est une traduction très infidèle de l'histoire divine et héroïque des poètes théologiens qui nous a été proposée avec la fable de Cadmus. En voici, selon nous, le sens véritable : ayant tué le serpent, il en sème les dents, ce qui signifie qu'après avoir déboisé les forêts, les hommes labourèrent ces premières terres qu'ils avaient ainsi aménagées ; ils se servirent à cet effet de pièces de bois recourbées qui furent les plus anciens socs avant que ne fût connu l'usage du fer  le terme « dent » a pour cette raison gardé entre autres significations celle de soc ; la grosse pierre qu'il lance représente la terre durcie que les clients voulaient travailler pour leur propre compte. Des sillons surgissent des hommes armés ; il s'agit des contestations héroïques qu'avait occasionnées la première loi agraire ; maîtres des terres, les nobles les avaient abandonnées pour unir leurs forces contre la plèbe ; ils ne combattirent donc pas entre eux mais contre les clients révoltés ; les sillons symbolisent ces ordres constitués par les nobles qui fondèrent les premières cités sur la force des armes. Cadmus est ensuite métamorphosé en serpent ; par quoi il faut entendre l'apparition des sénats aristocratiques ; les anciens Latins dirent à ce sujet : « Cadmus fundus factus est », et les Grecs firent de ce serpent Dracon, le héros qui, selon la fable, aurait écrit ses lois avec du sang. Comme nous nous étions promis de le montrer, cette fable de Cadmus contient plusieurs siècles d'histoire poétique et c'est une preuve de la simplicité enfantine avec laquelle les premiers hommes tentèrent de s'exprimer ; nous verrons que c'est là une des sept sources d'erreurs dans l'interprétation des fables (Principes d'une science nouvelle, p.160 ; 279-280).

 

Signification de la légende de Vulcain

650. Rappelons également la légende de Vulcain il s'agit ici du plébéien – ; ayant voulu s'interposer entre Jupiter et Junon, il en fut quitte pour un coup de pied qui le précipita du ciel et dont il resta boiteux. Il s'agit probablement là des luttes que les plébéiens entreprirent pour obtenir des héros le droit aux auspices et au mariage légal auxquels présidaient Jupiter et Junon; vaincus, ils en restèrent boiteux, c'est -à-dire « humiliés » (Principes d'une science nouvelle, p.265-266).


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