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César :
Notices de présentation (I) - traductions
françaises – hypertexte louvaniste
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César et son oeuvre - Notices de présentation (II)
Pour introduire aux aspects les plus importants de la personnalité et de l'oeuvre de Jules César, nous avons pensé intéressant de proposer cinq notices modernes, s'étalant sur près de 150 ans. La plus ancienne retenue, celle de T. Baudement (1845), que l'on trouvera dans un autre fichier (130 K) consiste essentiellement en une longue biographie. Les autres (ci-dessous) proviennent de manuels généraux de littérature latine, à savoir : R. Pichon (1903), J. Bayet (1966), H. Zehnacker & J.-Cl. Fredouille (1993) et P. Grimal (1994). Une analyse comparée de ces notices, sur le plan de la forme et du contenu, serait très révélatrice des préoccupations de chaque époque et de chaque auteur.
La BCS propose ailleurs la traduction française des oeuvres de César, également accessible dans la collection Hypertexte louvaniste, laquelle ne fournit pas seulement le texte latin et la traduction, mais permet aussi de multiples recherches et exploitations.
Jacques Poucet - 1 août 2004
César est, avec
Lucrèce peut-être, le seul grand écrivain issu de Rome, et ni l'un ni l'autre
ne sont des hommes de lettres. Pour Lucrèce, la poésie n'est qu'un moyen de
répandre ses doctrines. César recherche encore moins la gloire
littéraire ; il ne songe point à faire oeuvre d'art ; il ne
voit dans la littérature qu'un instrument d'action. Il s'est tracé de bonne
heure sa voie : dès sa jeunesse il s'est dit qu'il serait le maître de son
pays ; aussi ne s'amuse-t-il pas en route à cueillir les fleurs de la
poésie et de la rhétorique. Seulement il comprend son époque. Marius pouvait se
vanter d'ignorer la langue grecque et les secrets de l'art oratoire ;
aujourd'hui, même un démocrate doit savoir bien parler et bien écrire, s'il
veut ne pas être pris pour un rustre vulgaire. N'a-t-on pas vu un petit avocat
d'Arpinum, par le seul pouvoir de son éloquence, conquérir le premier
rang ? César sent que la littérature est une force, et il n'a garde de la
négliger. Il s'improvise grammairien ou historien comme il s'improvise général,
plutôt par effort de volonté et calcul de politique que par vocation spontanée,
parce qu'il faut être bon écrivain, bon général, bon administrateur pour être
le premier dans Rome. Napoléon disait qu'en signant ses proclamations
« Bonaparte, membre de l'Institut », il était sûr d'être compris de
tous, jusqu'au dernier tambour de son armée. De même, en écrivant ses Commentaires dans l'intervalle de deux campagnes,
en composant son traité de l'Analogie, suivant le mot de Fronton, « au bruit des clairons et des
trompettes », César sait bien ce qu'il fait ; ces livres, qui
semblent des divertissements d'amateur, sont en réalité des moyens de réclame.
Inspirée par
de telles ambitions, son oeuvre est la moins littéraire de toute la littérature
romaine. César fuit ce qui est de pur ornement, il va droit au précis et au
solide. Ainsi, dans ses études grammaticales, au lieu de chercher des théories
abstraites, il s'en tient à quelque chose de simple ; la règle, c'est
l'usage :
Habe
semper in memoria et in pectore ut tanquam scopulum sic fugias inauditum atque
insolens verbum.
« Il
faut fuir comme un écueil tout mot nouveau et insolite. »
Mais il y a
des cas où l'usage est incertain ; que suivre alors ? l'analogie,
c'est-à-dire l'art de régler les cas douteux d'après les cas incontestés,
l'analogie qui tire de l'usage même le remède aux aberrations de l'usage. La
méthode grammaticale de César est donc toute expérimentale ; ce sont les
faits eux-mêmes qui dictent les lois.
Si nous
connaissions mieux ses discours, nous y retrouverions sans doute ce même esprit
de précision. Cicéron dit que la correction et la netteté sont ses qualités
dominantes ; Quintilien parle de sa vivacité et de sa vigueur. Ce devait
être un avocat pratique, allant vite au but. Du reste, nous pouvons juger son
éloquence par les harangues de ses Commentaires.
Elles ne ressemblent pas du tout à celles de Tite-Live ; nulle
rhétorique ; rien que des faits matériels et tangibles. Auprès de
Besançon, ses soldats sont en proie à une sorte de terreur panique à l'idée de
combattre les Germains ; il s'agit de les rassurer. Tite-Live ferait là
une magnifique amplification sur le patriotisme et l'honneur, sur la grandeur
de Rome, sur la nécessité de mourir pour son pays. César s'y prend d'une
manière plus positive : il commence par dire à ses soldats qu'ils se
mêlent de ce qui ne les regarde pas, c'est-à-dire qu'il les ramène à un
sentiment plus juste de la situation. Puis, condescendant à discuter avec eux,
il les rassure par des faits précis : Rome a déjà vaincu les
Germains ; bien plus, les Helvètes les ont vaincus, et pourtant eux-mêmes
sont inférieurs aux Romains ; on a des approvisionnements de blés, etc.
Enfin, il leur met le marché à la main : « Si on ne le suit pas, il
marchera avec la dixième légion, qui lui est inébranlablement fidèle. » Si nemo
sequatur, tamen se cum sola legione iturum. Pas un argument sentimental, pas une phrase : un simple
exposé de la réalité, et un appel à l'intérêt matériel. Au moment de combattre en
Afrique contre Domitius, comme les troupes ont prêté jadis serment à Domitius,
leur chef Curion entame une vraie discussion juridique sur la valeur du serment
militaire ; il leur parle du butin, et c'est par ces considérations toutes
pratiques qu'il les décide. Dans toutes les harangues, très courtes d'ailleurs,
et généralement en style indirect, on retrouve cette éloquence réaliste ;
elle subsiste encore dans le discours que lui prête Salluste au sujet des
complices de Catilina : c'est l'éloquence d'un homme d'affaires.
Il porte les mêmes qualités dans le récit. Il supprime toute dissertation, toute digression. Il ne réfléchit pas sur les faits, ne les arrange pas, les note au jour le jour, écrit sous leur dictée. Un historien qui voudrait faire oeuvre d'art ou oeuvre de science commencerait par un préambule où il exposerait l'importance de son sujet : Tite-Live et Salluste le font, et même Thucydide. César entre brusquement en matière ; sans s'attarder à des considérations générales, il définit géographiquement le terrain de la guerre, et entame aussitôt le détail des opérations. Il a recueilli des détails sur l'origine et le genre de vie des diverses peuplades barbares ; mais, au lieu de les ramasser en un seul corps, il les enregistre au fur et à mesure qu'il se trouve en contact avec les peuples : les Belges au livre II, les Suèves au IVe, les Bretons au Ve, les Germains au VIe. Et, dans ces descriptions, il se préoccupe fort peu du pittoresque, beaucoup plus des contingents militaires de chaque nation, de son armement, des ressources matérielles, des animaux ou des plantes de chaque territoire. Il dédaigne absolument les racontars : « On prétend que dans les îles du nord de la Bretagne il y a des nuits de trente jours ; nous n'en savons rien », nos nihil de eo percontationibus reperiebamus ; « tout ce que nous savons par la clepsydre, c'est que les nuits sont plus courtes que sur le continent. » Il s'inquiète bien plus de faire connaître la topographie des lieux, l'itinéraire des marches, les phases du combat ou la fabrication des machines, que de faire admirer le courage des troupes ou de suspendre la curiosité. C'est un historien, non dramatique ou romanesque, mais technique et spécialiste. Ce n'est pas non plus un historien styliste. À part la pureté du vocabulaire et la netteté de la syntaxe, il n'y a absolument rien à remarquer dans son style, parce que l'auteur l'a voulu ; son grand mérite est de ne pas exister, d'avoir une transparence absolue. La phrase de César est unique dans toute l'histoire romaine ; elle n'a ni l'ampleur sonore et majestueuse de Cicéron, ni la subtilité de Salluste, ni même cet art à demi conscient qu'on aperçoit dans Caton. C'est une phrase dégagée et vive, disant juste ce qu'il faut, sans détour comme sans exagération. Cette probité, cette rapidité, cette absence d'ornements, nudi enim sunt, recti et venusti omni ornatu orationis, tanquam veste, detracta, ont de bonne heure frappé les contemporains ; et Cicéron les a célébrées avec un enthousiasme qui n'était pas sans mérite, car c'étaient justement les qualités les moins cicéroniennes.
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Pourtant il
ne faut pas être dupe de ces mots de simplicité et de naturel : c'est une
simplicité qui n'exclut pas la finesse et un naturel qui ne tombe pas dans la
naïveté. Il y a dans les Commentaires plus de dessous qu'il ne semble, des
intentions cachées, non pas littéraires, mais politiques. N'allons pas croire
que César a voulu seulement réunir des matériaux pour les historiens futurs.
Quoique Cicéron le dise par politesse, en réalité César n'est pas si
désintéressé. Les Commentaires sont,
non point une collection de documents, mais un instrument de propagande
politique.
Dans le De
bello Gallico, bien que
l'apologie soit très adroitement enveloppée sous le voile d'une simple
relation, on surprend les intentions de panégyrique personnel. Sans avoir l'air
de plaider pour soi-même, César parvient à présenter sa conduite sous un aspect
très noble. Des gens malveillants, Caton par exemple, s'alarment de ses projets
et déplorent ses succès, prétendent que la guerre des Gaules n'a été pour lui
qu'un moyen de s'assurer une grande renommée et de conquérir le dévouement des
légions. Quelle calomnie ! Est-ce qu'il ne ressort pas du simple exposé
des faits que ce n'est pas lui qui a cherché la guerre ? Tantôt ce sont
les Éduens, ou les Allobroges, qui réclament son appui contre les Helvètes, en
s'autorisant de leur longue amitié avec Rome ; c'est Divitiacus qui voit
déjà les Germains maîtres de toute la Gaule si Rome ne les chasse. Tantôt César
avoue qu'il attaque de lui-même les ennemis, mais il ne fait que prendre les
devants ; il lutte contre les Helvètes parce qu'il a peur qu'ils ne se
jettent sur la Provence ou sur Toulouse ; contre les Gaulois du nord,
parce qu'il connaît leur versatilité ; contre les Germains, parce qu'il
redoute leur invasion en deçà du Rhin ; contre la Bretagne, parce qu'il y
voit un foyer dangereux de résistance. L'offensive n'est que le meilleur
procédé de la défensive. Surtout il tient à montrer qu'il n'innove pas. Pour
refuser aux Helvètes le passage en Provence, il s'abrite derrière les maximes
politiques du peuple romain, more et exemplo populi Romani ; s'il prend le parti des Éduens, c'est qu'ils ont été appelés par le
Sénat frères et parents. Il se couvre volontiers de l'autorité du Sénat, pour
laquelle, comme on sait, il a tant de respect ! Il parle souvent aussi des
Dieux, et il fait bon le voir, lui le libre penseur, prendre un ton d'augure
pour avertir les Helvètes que « les Dieux ont coutume d'aveugler par une
fausse prospérité ceux qu'ils veulent punir », consuesse Deos
immortales, quos pro scelere eorum ulcisci velint, his secundiores interdum res
concedere. Qu'on vienne
donc le traiter de révolutionnaire ou d'athée !
Autant que
les motifs de la guerre, la façon dont César la conduit est à l'abri de tout
reproche. Il rencontre sans doute des difficultés : il commence la guerre
avec une seule légion ; il lui faut à la fois faire hisser le drapeau et
sonner la trompette, rassembler les soldats, les ranger en bataille, les
exhorter, leur donner le signal, le tout au milieu des attaques dont le harcèle
l'ennemi. Mais il triomphe de tous ces obstacles grâce à son sang-froid et à
l'affection de ses soldats. Chose plus méritoire : il est clément, pardonne
aux traîtres ou aux cités rebelles. - C'est dommage que César ne nous dise pas
tout, qu'il oublie de nous raconter ce que dit Suétone, que bien souvent il a
fait prendre d'assaut des villes qui ne demandaient qu'à se rendre, exprès pour
avoir un prétexte de les piller !
Le résultat
est naturellement fort glorieux. La première année il a terminé deux grandes
guerres. La seconde année, le Sénat lui vote une supplication de quinze jours,
honneur inouï jusqu'alors, puis une de vingt jours, puis une autre encore. -
Après avoir mentionné ces témoignages honorifiques, une petite allusion à la
mort de Clodius suffit pour établir le contraste entre les grands exploits de
César et l'anarchie de Rome.
La
préoccupation apologétique est plus visible dans le De bello civili ; à ce titre ce second ouvrage
est moins parfait. Dans l'histoire de la guerre des Gaules, César laissait
déposer les événements, sachant bien qu'ils déposeraient en sa faveur. Ici, où
la question est plus douteuse, il sollicite davantage les faits, compose à
plaisir son personnage et celui de ses adversaires.
Que peut-on
reprocher à un homme qui a conquis son pouvoir dans les luttes civiles ?
L'illégalité du but et la violence des moyens. Pour répondre à cette double
accusation, César s'applique à faire ressortir la droiture, l'innocence de ses
intentions, et l'esprit de paix et de clémence qu'il a toujours conservé.
Il avait le
droit pour lui. Qu'on ne dise pas qu'il est venu renverser le gouvernement de
son pays : il n'a fait que se défendre. Il ne demandait pas mieux que de
vivre en bonne intelligence avec le Sénat et avec Pompée : mais des gens
malveillants dirigeaient et Pompée et le Sénat ; on lui a retiré le
commandement avant le terme ; on a levé des armes contre lui, on a même eu
recours au terrible décret, senatus consultum ultimum, qui investit les consuls de la
puissance dictatoriale. Encore s'il ne s'était agi que de lui, il aurait fait
bien des sacrifices à la paix publique, tant est grand son patriotisme, omnia
pati rei publicae causa ! Mais on opprime le peuple ; on viole la
puissance tribunitienne ; on supprime les comices ; on arrive à une
tyrannie plus lourde que celle de Sylla. Dans sa harangue aux soldats, dans ses
pourparlers avec les émissaires de Pompée, c'est toujours là qu'il en revient.
Il ne veut pas violer les lois, mais les faire respecter ; il défend son
droit et celui du peuple.
Puisqu'il
fait la guerre à contrecœur, il n'y va pas apporter beaucoup de férocité. Il
est bon pour ses soldats ; son idéal est de venir à bout de l'ennemi par
la famine, sans risquer le sang des siens. Il est bon pour les populations dont
il traverse le territoire, préserve Marseille d'un assaut, et, à Cordoue,
indemnise les Espagnols de ce que leur ont enlevé les soldats de Pompée. Il est
bon pour ses ennemis, les accueille bien lorsqu'ils se remettent à sa
discrétion ; même après Pharsale il console les vaincus, les assure de sa
clémence et les recommande à ses troupes. Enfin il cherche à faire la
paix : avant de commencer la guerre, il fait plusieurs tentatives
infructueuses par l'intermédiaire des amis de Pompée ; dès qu'il est
rentré à Rome, son premier soin est de déclarer qu'il va reprendre les
pourparlers ; plus tard, il dit à Afranius qu'il ne demande pas mieux que
de déposer les armes ; avant Pharsale encore, il fait proposer la paix au
moment de combattre, proclame devant ses soldats son amour pour la paix. Bref,
dans ce récit de guerre, les négociations pacifiques tiennent autant de place
que les batailles. Il est vrai que lorsque ce sont ses ennemis qui font des
ouvertures de paix, César ne les accepte pas : ce n'est pas mauvaise
volonté ! ces propositions ne sont pas sincères ! Bref, il est
vainqueur et devient dictateur malgré lui.
La faute en
est à ses adversaires. Ce sont des esprits étroits, passionnés, fanatiques, qui
refusent les propositions de César, ou bien exigent des conditions
inacceptables. Ne veulent-ils pas qu'il désarme le premier ? le
malheureux ! que deviendrait-il une fois privé de secours ? Ils sont
de mauvaise foi, ils veulent la guerre. Ils annihilent le parti modéré, et
déclarent que si le Sénat cède à César, ils ne se gêneront pas pour lui
désobéir. Au reste ces défenseurs de la loi ne reculent pas devant les mesures
illégales, permettent à des particuliers d'avoir des licteurs, lèvent des
troupes supplémentaires, pillent les municipes et les temples, soulèvent la
colère des provinces, étalent dans leur camp un luxe honteux. Pompée traite en
ennemis tous les neutres, et Labienus ne veut faire la paix que lorsqu'il aura
entre les mains la tête de César.
Encore si
cette férocité venait d'une conviction sincère ! Mais presque tous sont
des égoïstes. César les passe tous en revue, met leur âme à nu : Caton
veut se venger de son échec, Lentulus veut échapper à ses créanciers, Scipion
pressurer les provinces, Pompée ne peut souffrir aucun rival. Aussi ne
s'entendent-ils pas très bien : les lieutenants de Pompée l'accusent de
vouloir éterniser sa dictature ; ils se partagent déjà les dignités et les
fonctions publiques ; peu s'en faut qu'ils ne se battent entre eux avant
même d'être vainqueurs.
Ils sont
donc odieux, mais César ne croirait pas sa victoire complète s'il ne les
rendait un peu ridicules. Il se moque des hésitations du pauvre Varron, qui,
sur le point de devenir son allié, choisit pour rompre avec lui la veille de sa
victoire ; des illusions de ces jeunes nobles, qui se croient
vainqueurs à chaque instant, aussi incorrigibles que nos émigrés de
1793 ; de la vanité de Pompée, qui promet la victoire, réunit des
forces colossales, dit fièrement qu'il veut bien passer pour un imbécile si
César peut se tirer de là, et accepte d'avance, à propos de rien, le titre
solennel d'imperator.
Cette ironie
maligne et spirituelle achève de faire comprendre la vraie nature du De bello
civili ; c'est moins
une histoire qu'un pamphlet, analogue à l'Anti-Caton
que César avait composé pour répondre au Caton de Cicéron. Le De
bello civili n'est point le
récit de la guerre civile, c'en est plutôt la continuation ; César achève
sa victoire, et poursuit ses ennemis par la satire après les avoir vaincus par
l'épée. Ce caractère polémique donne à l'ouvrage beaucoup de vie, mais lui
enlève beaucoup de sa valeur historique.
Ni dans le De bello civili ni même dans le De bello Gallico, César n'est un historien de premier ordre : trop préoccupé des querelles du moment, il manque de désintéressement et de profondeur. Que l'on compare le De bello Gallico à l'Agricola ou à la Germanie de Tacite : César est en contact avec un monde inconnu, curieux, important à connaître ; c'est à peine s'il en dit quelques mots ; il ne voit que l'effet à produire à Rome. Dans le De bello civili, touchant à une question d'un immense intérêt, il s'applique à la rapetisser, à la réduire à un conflit personnel. Ses livres ne sont ni d'un philosophe, ni d'un savant, ni même d'un politique à larges vues : ils manquent d'idées, non parce que César n'en avait pas, mais parce qu'il n'a pas voulu en mettre dans ses ouvrages. À quelques années de distance, un homme d'un esprit bien inférieur, mais qui, par sa situation, voit les choses dans une perspective plus reculée, va mettre dans l'histoire cette profondeur philosophique qui lui fait encore défaut. César est le plus pur et le plus clair des auteurs de mémoires : mais la véritable histoire romaine ne commence qu'avec Salluste.
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3. Jean Bayet, Littérature latine, Paris, Colin, 1966, p. 161-169 (Collection U)
[sans les
textes choisis et sans leurs notes]
C. Julius Caesar
n'est pas un homme de lettres, mais un politique ambitieux doté de tout
l'affinement aristocratique d'une race ancienne et d'une intelligence
personnelle hors ligne. Il ne s'imposa pourtant pas jusqu'à la quarantaine,
bien qu'il fût déjà parvenu, par des menées obliques, à se faire l'un des chefs
du parti démocratique-révolutionnaire. A partir de 6o, il est maître de Rome
avec Pompée et Crassus (premier triumvirat); son consulat (59) fut plein
d'illégalités; mais la conquête des Gaules (58-51) lui assura prestige,
richesses, et une armée incomparable. Il n'hésita que peu à s'engager dans la
guerre civile contre Pompée, resté seul en face de lui; il l'écrasa à Pharsale
(48), détruisit les armées «républicaines» d'Afrique et d'Espagne. Dictateur
perpétuel et maître absolu du monde romain, il fut assassiné en plein Sénat, à
57 ans, par Brutus et Cassius (15 mars 44).
Activité intellectuelle
de César
Clarté et
souplesse d'esprit ont permis à César de mener à la fois les tâches les plus
diverses. Et, pour une part, il n'est pas fort différent de ces jeunes gens de
bonne naissance comme Calvus et Catulle, pour qui la vie mondaine a ses
exigences, littéraires et galantes. Il avait écrit une tragédie (Oedipe),
un poème en l'honneur d'Hercule; plus tard (46), un autre sur son voyage en
Espagne; des épigrammes. Il dédia à Cicéron un traité de grammaire puriste Sur
l'Analogie (53-52 ?), et répondit à son apologie de Caton d'Utique par
un Anticaton en deux livres (45). Mais ce dernier ouvrage, qui attaquait
un pompéien de marque, est d'intérêt politique. Et les oeuvres de César qui
comptaient vraiment l'étaient au premier chef : ses discours bien entendu,
qui par leur netteté, la pureté de la langue, leur naturel, paraissent avoir
annoncé le néo-atticisme; et ses «Commentaires», qui seuls nous sont parvenus.
Les «Commentaires»
Ils
comportent 7 livres sur la guerre des Gaules (le septième, beaucoup plus long
que les autres, peut-être rédigé et publié après eux), suivie année par année
jusqu'à la reddition de Vercingétorix à Alésia; et 3 (ou 2, selon P. Fabre, I
et II étant relatifs à la seule année 49) sur la guerre civile jusqu'à la mort
de Pompée. Ces limites mêmes révèlent que César ne considère pas des sujets
historiques d'ensemble, mais entend travailler l'opinion publique à son
bénéfice : le but essentiel atteint, les «prolongements» ne l'intéressent
plus. Le nom de commentarii, d'autre part, indique un ensemble de notes,
ou un dossier qui réunit simplement les éléments d'un travail en forme. En
fait, César a pris un moyen terme très habile entre l'apologie personnelle que
pratiquaient plus ou moins bien tous les hommes d'état de cette époque et un
déballage de documents d'état-major ou d'archives : il a donné, même à
Cicéron, l'impression que ses commentarii tenaient lieu d'histoire;
mais, dispensé par le titre de rechercher l'effet, il a créé un style
historique, qui sera, par exemple, celui de Voltaire.
Documentation
La
documentation est, dans l'ensemble, de premier ordre, parce que César narre des
faits auxquels il a personnellement participé ou qu'il a connus par les
rapports précis de ses lieutenants (qu'il insère parfois tels quels,
semble-t-il, dans son récit, assez simple pour que d'ordinaire n'apparaissent
guère de disparates). Son réalisme et sa curiosité naturelle l'ont porté à bien
observer les lieux, les hommes, les peuples. Mais il a aussi jugé bon, pour
satisfaire l'imagination de ses lecteurs, d'insérer dans la Guerre des
Gaules d'assez longs développements ethnographiques ou géographiques (par exemple
sur les régions d'outre-Rhin), qui semblent de purs démarquages du Grec
Poseidônios et qui, parfois, sont pauvres jusqu'à la niaiserie.
Véracité
Le problème
de la véracité de César est beaucoup plus trouble. Il n'est pas douteux qu'il a
voulu expliquer ses actes de la façon qui lui était le plus favorable : il
cherche à prouver longuement qu'il a été entraîné malgré lui à la conquête de
la Gaule libre; il déguise ses intentions, atténue ses revers; blâme ou
félicite ses lieutenants, ses officiers, selon les nécessités de sa politique
et de son prestige; dans La Guerre Civile en particulier, les intentions
d'apologie personnelle, de dénigrement ironique des adversaires sont partout
visibles. Mais La Guerre des Gaules
garde, dans l'ensemble, une sérénité si froide, et qui paraît si objective
qu'elle donne l'impression du vrai. Et César s'est même appliqué à rendre
justice à certains de ses adversaires gaulois : d'abord son propre mérite
s'en trouvait rehaussé; puis il comptait beaucoup sur les ressources de la
Gaule et sur sa clientèle celtique pour la guerre civile. La Guerre des
Gaules possède une réelle valeur historique; mais il faut avec César
toujours savoir lire entre les lignes.
La narration
Quand César a
assisté en personne aux événements, rien de plus net que son récit. Du pays,
des circonstances, il ne note que l'essentiel, mais avec une précision qui
tient lieu de pittoresque. C'est l'action, l'enchaînement des faits, la part de
la volonté humaine et des hasards qui l'intéressent surtout. Sa lucidité lui
permet de donner à chaque élément sa valeur exacte. Aussi le lecteur se
croit-il en contact direct avec la réalité, sans désirer, à l'ordinaire, le
moindre éclaircissement supplémentaire. César lui a imposé sa propre vision des
faits.
Les qualités dramatiques
Quand César
narre les événements auxquels il n'a pas participé, il se les représente si
vivement, grâce à sa connaissance du pays et des hommes, et il revit l'action
avec une telle intensité qu'il semble en avoir été témoin oculaire. En ces
occasions surtout se révèle la puissance de son imagination dramatique et se
devine un art très conscient, mais très sobre, de la mise en scène; art attique
plutôt que romain par la discrétion de ses procédés, et qui ne crée dans le
récit aucune disparate.
Les discours
À l'exemple
des Grecs, les historiens latins s'étaient mis à composer des discours, même
fictifs, en tout cas outrepassant leur documentation réelle, qu'ils prêtaient
aux personnages principaux en des circonstances notables, et qui leur
permettaient d'exposer de façon vivante soit l'ensemble d'une situation, soit
les fondements d'une entreprise. Malgré le titre qu'il donnait à ses ouvrages,
César n'a pas fait fi du procédé; mais, avec un goût très sûr, il n'a pas
multiplié les discours, et il leur a presque toujours donné la forme du style
indirect, qui reproduit la pensée sans viser à transcrire les termes mêmes de
l'orateur. Ces discours ont pour principales qualités leur sobre fermeté et la
netteté logique de leurs déductions. Mais César a su y suggérer aussi des
sous-entendus, des réactions psychologiques, qui donnent l'impression de la
vie. Et il ne s'est même pas privé, aux instants pathétiques, du style direct,
dont l'effet sur le lecteur est beaucoup plus chaleureux. Là encore, l'art de
César est des plus conscients.
César dans son oeuvre
Les Commentaires
ne sont pas sans défauts : inégalités dans le développement, parfois même
embarras de style... C'est qu'ils furent rédigés fort vite, parfois même en
insérant tels quels dans le récit personnel du proconsul des rapports de ses
lieutenants ou de ses services techniques (par exemple : sur la
construction du pont sur le Rhin). Les dons de César n'en apparaissent que plus
étonnants. Encore s'y révèle-t-il surtout comme une intelligence qui se meut
avec une aisance souveraine dans les réalités de l'action et de l'ambition;
tout au plus devine-t-on sous l'élégance de son style le raffinement de sa
culture. Mais les séductions de l'homme, même sa générosité foncière n'y
transparaissent pas. Il ne s'émeut pas : l'étonnant, c'est que parfois, à
force de netteté évocatrice, il nous émeut; mais il ne l'a pas voulu.
Les continuateurs
de César
Pour qui considérait les Commentaires non comme oeuvres de circonstances, mais comme histoire, ils restaient inachevés. Un ami de César, Aulus Hirtius, composa avec une certaine élégance un 8e livre à la Guerre des Gaules, racontant les dernières résistances et la pacification (années 51-50). Peut-être est-ce lui aussi qui écrivit la Guerre d'Alexandrie (De bello Alexandrino : année 47); mais les deux livres qui traitent des campagnes de 46 et 45 en Afrique et en Espagne (De bello Africano, De bello Hispaniensi) sont d'un rédacteur incorrect et sans talent.
[Retour]
4. Hubert Zehnacker & Jean-Claude Fredouille, Littérature latine, PUF, Paris, 1993, p. 112-119 (Collection Premier Cycle)
Le
personnage de César dépasse très largement les cadres d'une histoire de la
littérature ; mais nous ne pouvons qu'évoquer rapidement ses dimensions
sociale, militaire et politique.
César est
d'abord un aristocrate, issu d'une de ces familles qui se disaient d'origine
troyenne et même divine, la gens Iulia. Les politiciens de rang consulaire étaient nombreux dans son
ascendance ; sa tante Julia avait épousé le grand Marius, et lui-même, à
17 ans, s'était marié avec une Cornélia, la fille de Cinna. Ces alliances
(Marius, Cinna) nous montrent aussi que César appartient au clan des aristocrates
« populares »,
ce qui, au moment de la dictature de Sylla, ne manqua pas de lui causer des
difficultés.
César est
ensuite un militaire, et, disons-le, un soldat de génie. La conquête de la
Gaule, mais aussi ses victoires durant la guerre civile qui l'opposa à Pompée
et aux partisans de l'ancienne République en sont de retentissants témoignages.
Ses soldats l'adoraient et lui étaient dévoués à la vie, à la mort. Ses
batailles ont été disséquées dans les écoles de guerre et les états-majors de
tous les pays, à l'égal de celles de Napoléon. Il est peut-être le seul, ou un
des rares, qui n'ait jamais échoué dans une action militaire : ueni,
uidi, uici, pouvait-il
proclamer en 47, après la campagne éclair contre Pharnace, roi du Pont.
César est
aussi un homme politique, et dans ce domaine son génie est peut-être plus
éclatant encore. Il est le seul, en cette époque où la République finissait de
pourrir, qui ait compris ce qu'il fallait faire et qui s'en soit donné les
moyens. La dictature n'était pour lui qu'un instrument pour la réorganisation
du monde romain ; au terme de l'évolution se profilait la monarchie.
Assassiné en plein Sénat par un groupe de nobles envieux et nostalgiques de
l'ordre ancien, César ne put jeter que les fondements de ce régime, que son
successeur Octave-Auguste eut la difficile tâche de mener à maturité. Après
quoi la monarchie impériale se maintint, sans solution de continuité majeure,
jusqu'à la chute de Constantinople en 1453. Quant à César, il légua son nom aux
empereurs de Rome, qui en firent une partie intégrante de leur titulature, et à
quelques dynastes modernes, les Kaiser, les Tsars...
César,
enfin, est un lettré et un homme de culture, et à ce titre il recommence à nous
intéresser dans le cadre de cet ouvrage. Son premier professeur d'éloquence fut
un certain M. Antonius Gnipho ; mais cela ne lui suffit pas et, après un
brillant début de carrière, il partit en 75 à Rhodes écouter les conférences du
célèbre Molon. L'option philosophique de César était l'épicurisme ; mais son
goût littéraire penchait du côté de la sobriété attique, qui était d'ordinaire
l'apanage des stoïciens. Il s'intéressait à la littérature ; il aimait
échanger des pamphlets avec ses adversaires ou ses ennemis. Mais les oeuvres
qui en résultèrent sont perdues.
Ainsi, César
prit part à la querelle linguistique qui sévissait alors entre les partisans de
l'anomalie (qui admettaient, dans la langue, l'existence de nombreuses
exceptions), et ceux de l'analogie (qui soulignaient l'importance et la
permanence des règles), parmi lesquels se trouvait son maître Antonius Gnipho.
Entre deux campagnes en Gaule et après la lecture du De Oratore de Cicéron, il rédigea dans l'été 54
un De analogia en deux
livres. Il y recommandait de « fuir comme un écueil le mot étrange et
rare » (Aulu-Gelle, 1, 10, 4).
Plus tard,
pendant la guerre d'Espagne en 45, César s'émut de la manière, excessive selon
lui, dont on glorifiait le suicide de Caton, qui avait eu lieu à Utique l'année
précédente. Quelques républicains convaincus ainsi que des amis et admirateurs
de Caton avaient écrit des libelles à sa gloire. César répliqua par un Anticato en deux livres dont la
franchise un peu cynique fit au moins autant de bruit que ses exploits
militaires.
Il
subsistait de lui encore quelques discours qui paraissaient démodés à Tacite (Dialogue des orateurs, 21), mais qu'admirait Quintilien (10, 1,
114) ; un poème intitulé Iter sur
son voyage en Espagne en 45, etc.
Nous ne possédons plus que quelques lettres, insérées dans la correspondance de
Cicéron.
Aussi
l'oeuvre de César consiste-t-elle exclusivement, à nos yeux, dans ses Commentarii, qui rendent compte des
campagnes militaires de leur auteur entre 58 et 48. Le premier groupe est constitué par les Commentarii de bello
Gallico, dont les livres 1
à 7 ont été rédigés par César
lui-même. Le déroulement des opérations en Gaule et de la conquête du pays,
entre 58 et 52, y sont décrits
à raison d'une année par livre.
Le livre 1
(année 58), après une
présentation d'ensemble de la Gaule et de ses habitants, évoque la campagne
contre les Helvètes, puis contre les Germains d'Arioviste. - Le livre 2 (année 57) décrit la campagne contre les Belges, le livre 3 (année 56), celle de César contre les peuples de l'Armorique et celle de
Crassus en Aquitaine. - Au livre 4 (année 55), César se bat contre des Germains qui ont traversé le Rhin, puis
organise une première expédition en Bretagne insulaire. - Le livre 5 (année 54) contient le récit de la deuxième
expédition en Bretagne, puis les combats contre les Trévires et d'autres
peuples du nord de la Gaule. - Au livre 6 (année 53) on trouve le deuxième franchissement du Rhin et la suite des
campagnes contre les peuples du nord de la Gaule. - Le livre 7 enfin (année 52), le plus dramatique, relate le
soulèvement général des peuples gaulois, les efforts de Vercingétorix pour les
fédérer, les sièges d'Avaricum (Bourges), de Gergovie et d'Alésia.
Les dates de
composition et de publication de ces sept livres du De bello Gallico ont fait l'objet d'hypothèses
diverses, dont nous ne retiendrons que les plus vraisemblables. Les uns
envisagent une rédaction et une publication de ces sept livres année par année,
au rythme des campagnes successives ; ils font état de diverses
contradictions que l'on rencontre d'un livre à un autre, et décèlent des
allusions à la vie politique contemporaine à Rome. D'autres estiment que les
sept livres ont été rédigés et publiés pendant l'hiver 51-50 ; ils font
observer que certains passages du récit supposent la connaissance d'épisodes ultérieurs.
D'autres encore, combinant les deux hypothèses précédentes, admettent une
rédaction année par année, mais supposent une publication groupée dans l'hiver
51-50, pour préparer la candidature de César à un second consulat.
Il existe un
huitième livre du De bello Gallico,
qui est l'oeuvre d'A. Hirtius, un des principaux collaborateurs de César
(il sera consul en 43 et périra pendant le siège de Modène). Ce livre 8 relate
l'achèvement de la conquête dans les années 51-50 et relie directement
l'ouvrage au suivant, qui traite de la guerre civile à partir de l'année 49.
Hirtius l'a rédigé dans l'intervalle de temps compris entre la mort de César
(15 mars 44) et la sienne propre (avril 43).
Les Commentarii
de bello Gallico ne sont
sans doute pas le plus ancien texte qui nous parle de la Gaule indépendante,
mais ils sont de loin le plus long et le plus détaillé. Traçant le tableau de
la Gaule au moment précis où elle va cesser d'être gauloise pour devenir,
bientôt, gallo-romaine, ils constituent, en somme, le premier chapitre de
l'histoire de ce pays qui sera la France. Une bonne part de notre conscience
collective s'est alimentée au récit de la bravoure de Vercingétorix et de la
résistance héroïque d'Alésia, sans parler d'autres épisodes à peine moins
célèbres, l'entrevue avec Arioviste, le pont sur le Rhin, les expéditions en
Bretagne, le siège de Gergovie...
Le deuxième
groupe est constitué par les Commentarii de bello ciuili en trois
livres. Exceptionnellement, il faut deux livres à l'auteur (les livres 1 et 2) pour
rendre compte de l'année 49, très riche en événements ; le livre 3 traite
de l'année 48. L'oeuvre nous fait assister à la guerre civile sur l'ensemble
des théâtres d'opérations à tour de rôle : l'Italie, vite conquise ;
l'Espagne, où César vient à bout des Pompéiens à Ilerda ; le sud de la
Gaule, avec le récit du long et terrible siège de Marseille, qui mit un terme à
l'indépendance de cette ville grecque et ruina pour longtemps sa
prospérité ; l'Afrique, où Curion, un lieutemant de César, échoue devant
Utique ; l'Épire, où César se trouve un moment dans une extrême difficulté
à Dyrrachium ; la Thessalie enfin, où Pompée est vaincu lors de la
bataille décisive de Pharsale. À la fin du livre 3, César gagne l'Asie, puis
l'Égypte ; à Alexandrie il doit faire face à un soulèvement de la populace
et aux intrigues de la cour des Ptolémées.
Il nous faut
expliquer d'abord le sens de ce mot de Commentarii employé par César. La traduction
paresseuse qu'on en donne habituellement, par « commentaires », est
tout à fait inexacte. Les commentarii sont ce qu'on appelle en grec, à l'époque hellénistique et
impériale, des hypomnêmata, c'est-à-dire
des « documents » ou des « mémoires », susceptibles de
fournir l'information à l'état brut. Parlant des récits de César, Plutarque (Vie
de César, 22) emploie le
mot ephemerides, équivalant à
« journal », ce qui revient presque au même. De tels textes ne
prétendent pas égaler une oeuvre d'histoire ; celle-ci possède une
dimension morale et artistique qui est censée leur faire défaut. La modestie
intentionnelle des Commentarii explique
aussi l'espèce de froideur impersonnelle qu'on a souvent relevée dans le ton
adopté par César.
Les Commentarii sont donc ce qu'on pourrait appeler
une oeuvre de journalisme militaire et politique. C'est ce qui apparaît aussi
lorsqu'on scrute de plus près la manière dont ils ont été composés. César s'est
largement servi des rapports d'état-major rédigés par ses légats (qui sont des
officiers supérieurs), ainsi que des rapports qu'il envoyait lui-même,
périodiquement, au Sénat de Rome pour justifier son action et se faire
prolonger dans ses fonctions. L'ensemble de ces documents a donné lieu à un
habile montage, après réduction des parties jugées trop techniques - mais il en
reste, comme on peut s'en apercevoir en lisant la célèbre description du pont
sur le Rhin (De bello Gallico, 4,
17), qui est de nature à
intéresser un officier du génie plus qu'un amateur de belles lettres ! À
la documentation militaire ainsi réunie César a joint des développements
géographiques, ethnographiques, tactiques, etc., qui paraissent le plus souvent
d'origine livresque. On peut citer en exemple les développements sur les Suèves
(BG, 4, 1-3), sur la Bretagne et ses habitants (BG, 5, 12-14), sur les moeurs des Gaulois et des Germains (BG, 6, 11-28), sur les murs que construisent les Gaulois (BG, 7, 23). Le célèbre début de la Guerre des Gaules, Gallia est omnis
diuisa in partes tres, fait
immanquablement songer à Polybe.
Une fois le
tout réuni, César en a naturellement lié les éléments par une rédaction
soignée, d'une sobriété exemplaire. C'est pour l'élégance et la pureté de leur
langue que Cicéron (Brutus, 252 et suiv.) admirait ses Commentarii ; et pourtant, nous savons bien
que l'atticisme de leur auteur était à l'opposé du style cicéronien, qui
recherchait plutôt les effets de nombre et d'abondance. Mais la stricte
sobriété de César avait de quoi séduire ; grâce à leurs qualités
dramatiques et au « suspense » que César sait ménager avec une
habileté consommée, grâce aussi à l'impression (d'ailleurs trompeuse) de clarté
qui s'en dégage, ses mémoires, qui étaient des écrits de circonstance, ont
continué à trouver des lecteurs pendant des siècles.
Impression
trompeuse de clarté, disions-nous : ainsi se trouve posé le problème de la
véracité de César. Pouvons-nous ajouter foi au témoignage que le conquérant et
l'homme politique nous offre de lui-même ? Dit-il toujours ce qu'il croit
être la vérité ; et lorsqu'on le prend en flagrant délit de contradiction,
est-ce un mensonge ou une erreur ? Il faut se garder, nous semble-t-il, de
toute position tranchée sur ce point. Si l'on a beaucoup insisté, naguère, sur
son « art de la déformation historique » (M. Rambaud), on est
davantage disposé, aujourd'hui, à lui faire confiance. À la condition, bien
sûr, de prendre l'oeuvre pour ce qu'elle est ! Examinons quelques
exemples.
Les
descriptions géographiques sont souvent vagues et ne correspondent pas à un
paysage identifiable ? Mais les anciens ne disposaient pas, comme nous, de
cartes précises et de photographies ; et, de plus, l'aspect du terrain a
pu changer considérablement en vingt siècles. Il n'est pas étonnant qu'on ne
s'y retrouve pas toujours, dans les récits de batailles et les mouvements de
troupes.
César est-il
partial ? Mais bien entendu, et il arrive même qu'il déforme sciemment la
vérité. Il souligne la cruauté de ses ennemis pour justifier celle de ses
troupes et la sienne propre ; il masque ses échecs ou les camoufle en
retraits stratégiques. Au début de la guerre civile (De bello ciuili, 1, 8), il note qu'après avoir gagné Rimini, le 12 janvier 49 avec la
13e légion, il alerte les autres légions dans leurs quartiers d'hiver et leur
donne l'ordre de le rejoindre. Cela est notoirement faux : il a donné cet
ordre bien plus tôt, sinon les légions en question, qui hivernaient chez les
Belges et les Héduens, n'auraient pas pu se trouver en Italie dès le début de
février ! Et tout à l'avenant.
Mais on sait
bien que les Commentarii sont
une oeuvre de propagande ; il faut donc les prendre comme telle. Le De
bello Gallico cherche à
montrer que la conquête était inévitable et qu'elle constituait une parade
anticipée à la menace que les Gaulois faisaient peser sur l'Italie ; dans
le De bello ciuili, l'auteur
a voulu montrer qu'il avait déployé tous ses efforts pour éviter le
déclenchement de la guerre civile. Asinius Pollion, qui écrivit plus tard une
histoire des guerres civiles, prétendit que le récit de César était mal écrit
et plein d'erreurs, volontaires ou involontaires (Suétone, Vie de César, 56). Ce genre de méchanchetés est
chose courante entre auteurs rivaux ; mais le choix de la postérité a
donné tort à Asinius Pollion.
La fin du De
bello ciuili paraît
écourtée, peut-être inachevée, et on a l'impression que César envisageait de
continuer la narration. Il n'en eut jamais le temps. Après sa mort, trois
officiers de son armée prolongèrent ses Commentarii en faisant l'historique des
opérations jusqu'à la bataille de Munda (17 mars 45).
Le premier
de ces textes est un Bellum Alexandrinum, qui prenait la suite du récit à l'endroit où César l'avait
laissé. Les Anciens en attribuaient la composition à C. Oppius ou à A. Hirtius,
dont on se rappelle qu'il était déjà l'auteur du livre 8 du De bello Gallico. S'inspirant de la structure du De
bello ciuili, l'auteur de
cette Guerre d'Alexandrie s'efforce
de présenter successivement les événements qui se sont passés sur les
différents théâtres de la guerre. Au début du livre, la bataille fait rage à
Alexandrie même et dans les environs immédiats. Quand César peut quitter la
ville pour se rendre en Asie, en mai 47, s'ouvre le récit des opérations en
Arménie ; on passe ensuite à la campagne de Vatinius en Illyrie, puis à
l'histoire du propréteur Cassius Longinus en Espagne Ultérieure. Après quoi
notre auteur reprend le récit des exploits de César, jusqu'à la bataille de
Zéla et à son départ pour Rome, en été 47.
On a souvent
fait observer que le titre du Bellum Alexandrinum ne correspondait pas exactement à son contenu, d'autant moins
que le récit du début de cette guerre se trouve déjà dans le De bello ciuili. Mais, outre sa commodité, le titre
peut se justifier par la gravité et la nouveauté des dangers que César dut
affronter durant cette campagne d'Egypte, et par le sang-froid et le
savoir-faire exceptionnels qu'il déploya en cette occasion.
Le livre
suivant, qui s'intitule Bellum Africum, présente, au contraire, une forte unité d'action. Au début de
l'ouvrage, César passe de Sicile en Afrique, où il arrive dans les premiers
jours de novembre 47. Il doit s'enfermer dans Ruspina qu'il transforme en camp
retranché, en attendant l'arrivée de renforts. Puis ce sont les différentes
phases de la guerre, jusqu'à la bataille de Thapsus (février 46), qui vit la
défaite des Pompéiens. Le livre se termine par quelques considérations sur les
conséquences de cette campagne.
Le dernier
texte du corpus est un Bellum Hispaniense, dont le récit aboutit à la défaite des fils de Pompée à Munda,
en Espagne. Comme le précédent, cet ouvrage respecte strictement l'unité du
sujet et la succession chronologique des événements.
Ces trois
textes présentent entre eux de fortes dissemblances. Le meilleur des trois, la Guerre
d'Alexandrie, offre les
analogies les plus nettes avec les Commentarii césariens. Comme eux, il est fondé sur des rapports d'état
major et divers documents ; comme eux aussi, il s'efforce d'embrasser les
événements qui se sont produits dans une grande partie du monde romain. Son
style, quoique moins parfait que celui de César, est généralement considéré
comme très honorable. S'il est d'Hirtius, il a été écrit avant avril 43 ;
mais des différences avec le style du livre 8 du De bello Gallico ont fait parfois douter de cette
hypothèse.
La Guerre
d'Afrique est sans doute
l'œuvre d'un officier de l'armée de César, qui vit avec la troupe et voue à son
chef une admiration aveugle. Ecrite de mémoire ou fondée sur une sorte de
journal de campagne, elle offre une langue peu classique, très différente de
celle de César. La Guerre d'Espagne, enfin, paraît constituée d'une succession de rapports
militaires assez mal reliés entre eux ; la langue en est vulgaire et
fautive, parfois grandiloquente ; c'est celle d'un officier subalterne et peu cultivé.
Ces oeuvres adventices sont intéressantes par l'évolution des mentalités dont elles sont le reflet. Les Commentarii de César lui-même étaient des textes de propagande et d'auto-justification. Mais dès la préface du livre 8 du De bello Gallico, Hirtius en avait souligné, aussi, la valeur documentaire. C'est cet aspect que privilégient les auteurs anonymes qui ont complété le corpus ; pour eux désormais, comme pour nous, César est un historien. En même temps, ces trois récits de guerre nous font assister à la naissance d'une légende qui facilita l'établissement de l'Empire.
[Retour]
5. Pierre Grimal, La littérature latine, Paris, Fayard, 1994, p. 183-192
Né à Rome le
13 juillet 101 av. J-C., d'une famille patricienne prétendant remonter à Iule, le
fils d'Énée et de Créüse, il perdit son père en 86 et ce fut sa mère, Aurelia,
qui guida son adolescence. L'année précédente, il avait perdu son oncle
paternel, C. Julius Caesar Strabo, mis à mort par les partisans de Marius.
Strabo était lui-même un excellent orateur auquel Cicéron rendit maintes fois
hommage [par exemple Brutus,
207; 309; De oratore,
II, 98; III, 30, etc.].
Le jeune
César fut, à Rome même, l'élève du grammairien M. Antonius Gnipho, qui écrivit,
entre autres, deux livres Sur la langue latine. Gnipho lui apprit à user d'une langue pure, le latin du
Latium, et à éviter tout provincialisme et les formations nouvelles calquées
sur le grec. En 75, César trouva le loisir de se rendre à Rhodes, où il passa
une année entière. C'est pendant ce séjour qu'il entendit l'enseignement de
Molon. Il avait donc alors vingt-cinq ans, son goût était déjà formé. Il avait
maintes fois pris la parole au forum, le plus souvent comme accusateur, et
composé des oeuvres sur lesquelles nous sommes assez mal renseignés, qui
montrent seulement l'attrait qu'il ressentait pour l'expression littéraire.
Nous ignorons si son Éloge d'Hercule était un poème ou, peut-être, plus
vraisemblablement, un discours du genre « encomiastique» . Faut-il le
rapprocher du fait que, comme son héros, César devait parcourir les pays de
l'Occident et atteindre le rivage de l'Océan ? Si cela n'était pas si
hasardeux, on pourrait imaginer que la conquête des Gaules et l'incursion en
Bretagne furent la réalisation d'un rêve de jeunesse. César, sans doute vers le
même temps (mais cela n'est pas certain), écrivit une tragédie d'Œdipe,
probablement en grec, comme l'était l'Éloge d'Hercule [Plutarque, Vie de César, 2; Suétone, Diuus Iulius, 56, 7], et aussi un recueil de
« mots célèbres» , dont il aurait poursuivi la rédaction jusqu'aux
dernières années de sa vie [Cicéron, Ad familiares, IX, 16, 4]. Auguste, plus tard,
jugeant que ces petits ouvrages étaient indignes de César, interdit qu'on les
conservât et les bannit des bibliothèques publiques.
Comme Varron
à la même époque, César s'intéressait aux problèmes concernant le langage,
peut-être sous l'influence de son maître Gnipho, mais sans doute aussi parce
qu'il n'a jamais cessé de considérer comme l'une des valeurs les plus sûres de
l'esprit romain la création d'un langage capable d'exprimer, avec précision,
clarté et élégance, les idées surgies tout au long de la tradition implantée
sur le terroir latin. On devine chez lui le désir de ramener l'usage, en
matière de langage, à des principes intelligibles, plus ou moins rationnels.
C'est dans cet esprit qu'en 54, tandis qu'il traversait les Alpes pour se
rendre en Gaule, il composa deux livres De analogia [Suétone, Diuus
Iulius, 56, 5] dédiés à Cicéron,
sur la question de savoir si les langues obéissent à des lois saisissables ou
si elles sont abandonnées à la fantaisie de qui en use [Cicéron, Brutus, 253]. César prenait pour règle
l'usage, non seulement pour la syntaxe mais en premier lieu pour le choix des
mots (eloquentia), refusant les
termes inusités ou archaïques [Aulu-Gelle, Nuits Attiques, I, 10, 4; XIX, 8, 3].
Cependant,
même au moment où l'on aurait pu penser que son esprit était totalement occupé
par les affaires les plus graves, il composa un poème sur son voyage en Espagne
(Iter) en 45 et deux livres en prose, l'Anti-Caton, dictés sur le
champ de bataille de Munda, la même année, afin de conjurer le mythe de Caton
d'Utique, qui commençait à surgir, notamment grâce à Cicéron.
Consul en 59,
il se fait attribuer la Gaule cisalpine et la Gaule transalpine (Narbonnaise).
Intervenant, en cette qualité, pour empêcher les Helvètes de traverser en masse
cette dernière, il s'engagea profondément dans les affaires du monde celtique
et, de 58 à 52, s'assura la maîtrise des Gaules. Lorsque, dès 51, il comprit
que le sénat ne prolongerait pas son commandement, il se prépara à résister par
les armes. En janvier 49 il franchit le Rubicon (frontière entre l'Italie et la
Cisalpine). Ce fut le début de la guerre civile, entre lui et l'armée
sénatoriale, aux ordres de Pompée. Vainqueur à Pharsale, en Thessalie, en juin
48, il dut ensuite pacifier l'Orient puis combattre en Afrique, où s'étaient
regroupés les Pompéiens. Il les défit à Thapsus. Une nouvelle campagne, en
Espagne, lui assura, en mars 45, à Munda, la victoire sur le fils aîné de
Pompée. Un an plus tard, le 15 mars 44, il était assassiné à Rome.
*
L'oeuvre
conservée de César consiste en sept livres sur la guerre des Gaules et trois
livres sur la guerre civile. Cicéron, dans le Brutus (écrit, nous l'avons dit, deux ans avant la mort du
dictateur) exalte l'oeuvre littéraire de César. Il fait l'éloge de son
éloquence (dont nous ne pouvons plus juger) et, plus généralement, loue son
élégance, ajoutant à propos de ses écrits en général : « Ils sont
nus, bien faits, gracieux, dépouillés de tout ornement oratoire, comme si on
leur avait enlevé leurs vêtements. Mais, en voulant fournir aux autres des
matériaux tout préparés, où puiseraient ceux qui voudraient écrire l'histoire,
il s'est peut-être attiré la reconnaissance des sots, qui voudraient friser
tout cela au petit fer, mais aux gens sensés il a ôté l'envie d'écrire, car
rien n'est plus agréable, en histoire, qu'une brièveté pure et lumineuse [Cicéron,
Brutus, 262].»
Cicéron
salue donc ici l'apparition d'une nouvelle manière d'écrire l'histoire, de
nouveaux rapports établis, entre celle-ci et l'art oratoire. Parlera-t-on d'un
style « attique» ? Mais César s'éloigne de Thucydide et rien
dans ses ouvrages ne ressemble au fameux discours de Périclès. C'est vraiment
un genre neuf qui apparaît, et cela, pour des raisons bien précises.
César, en
les composant, s'était fixé un but qu'il est aisé de découvrir. Ce n'était pas
un auteur essayant de créer une oeuvre d'art, mais un politique poussé par la
nécessité de convaincre un public : intention commune avec celle d'un
orateur composant une suasoria, mais réalisée par des moyens qui ne
seront pas tout à fait les mêmes.
Cette oeuvre
historique de César, nous la connaissons sous le titre de Commentarii,
Commentarii de Bello Gallico et Commentarii de Bello Ciuili. Ces
titres ne figurent pas dans les manuscrits. Ils n'en semblent pas moins être
authentiques et remontent très vraisemblablement à César lui-même, comme en
témoignent un passage du Brutus [262] et un autre de Suétone [Diuus
Iulius, 56, 1]. Le mot de commentarius
désigne, nous l'avons vu, toutes sortes de notes, insoucieuses d'une quelconque
mise en forme littéraire. Les orateurs, avons-nous dit, utilisaient de tels
aide-mémoire, qui leur servaient à ne rien oublier de ce qu'ils devaient dire
dans le discours qu'ils prononceraient. Tels sont donc les Commentarii
de César, non pas des mémoires personnels (comme on commençait à en écrire
autour de lui), mais des notes qui n'auraient d'autre but, si l'on en croit
César, que de préserver de l'oubli la suite des événements auxquels il a été
mêlé. Les préserver de l'oubli et, en même temps, de la malveillance qui
s'efforcerait de les déformer, fixer une vérité - d'aucuns diront
« sa» vérité. Et, à ce moment, dans la mesure où cet exposé des
faits, aussi simple, aussi dépouillé qu'il soit, répond au désir de persuader,
la rhétorique se trouve réintroduite. Mais une rhétorique qui n'est plus celle
de l'École.
Cette
intention explique l'absence, dans ces Commentarii, des ornements
habituels. On y trouve, par exemple, fort peu de discours
« composés» , dans lesquels l'artifice de l'historien entend révéler
la pensée, et aussi la personnalité du personnage dont il raconte les actions.
Aucun « discours de Périclès» , nous l'avons dit. César s'interdit,
en principe, d'introduire des discours « directs» . Il se contente de
résumer, au style indirect, les propos qu'il rapporte et qui deviennent, de ce
fait, de simples comptes rendus objectifs. Ainsi se trouvent déjoués les pièges
de la rhétorique. De même César ne parle de lui-même qu'à la troisième
personne. Il n'apparaît que comme un personnage parmi les autres. Et ce procédé
confère au récit une apparence de totale objectivité : César témoin se
confond avec le César acteur. Ce qu'il dit de lui-même n'en persuade que mieux.
Il lui
arrive, pourtant, de manquer à cette règle et d'introduire un discours au style
direct, prononcé par un autre. Deux exemples se trouvent au livre VII, le
dernier que César ait composé lui-même. Une fois, lorsque Vercingétorix, accusé
de trahison par les siens, se justifie en deux ou trois phrases à la première
personne [Bellum Gallicum,
VII, 20], qui ont pour effet de dresser le chef arverne en face de ses hommes,
de le montrer comme un conducteur de peuple. C'est l'âme même de celui qui va
être l'adversaire par excellence, et le symbole de la lutte contre Rome que
nous révèlent ces peu de mots. César recourt au vieux procédé oratoire, et le
fait seulement lorsque cela est utile pour l'image de cette guerre.
Le long
discours prêté à l'Arverne Critognatus, quelques pages plus loin, lorsque, dans
Alésia, la situation est désespérée [Bellum Gallicum, VII, 77, 3-16], continue
l'intention que nous croyons discerner derrière les propos de Vercingétorix. Il
s'agit de montrer, cette fois sans équivoque possible, la véritable nature de
cet ennemi que, certains, à Rome, lui reprochent de combattre depuis tant
d'années, et dont la résistance met en péril la maiestas du peuple
romain. L'exposé objectif fait place à une véritable mise en scène dramatique,
d'autant plus apte à persuader que César n'y recourt jamais. Naturellement, on
ne pensera pas un moment que ce soient là les propres paroles du Gaulois, pas
plus que ce n'étaient, chez Thucydide, celles de Périclès. César, pour
persuader le public auquel étaient destinés les Commentaires, use de ce
que les rhéteurs appelaient une « prosopopée» , un discours direct
prêté à un personnage, réel ou supposé, voire à une entité imaginaire. Les
orateurs s'en servaient volontiers devant un tribunal, lorsqu'ils prétendaient,
par exemple [Quintilien, Institution oratoire, IX, 2, 30], dévoiler sous une forme frappante les pensées de
l'adversaire. Cette fiction, dit Quintilien, est fort efficace; elle ne
laissera l'auditeur incrédule que si l'orateur fait exprimer à son personnage
des pensées qu'il est absurde de lui prêter. Il n'est nullement certain que
Critognatus ait voulu persuader ses compatriotes de se dévorer entre eux. Mais
les Romains avaient conservé le souvenir du siège de Numance, au cours duquel,
manquant de vivre, les ennemis avaient consommé de la chair humaine. Ils ne
pouvaient manquer de faire le rapprochement et de trouver plausible qu'il en
eût été de même dans Alésia. César prenait ainsi place, dans les esprits, aux
côtés de Scipion Émilien [Appien, Iberica, 96-97]. S'il avait enfreint, dans ces quelques pages, la règle
d'objectivité qu'il s'était imposée ailleurs, ce n'était pas sans raison. Le
dénouement est proche. Comme dans une péroraison, il est urgent d'agir sur
l'imagination et la sensibilité des auditeurs.
*
Les sept
livres de la Guerre des Gaules correspondent aux sept campagnes,
annuelles, menées par César : le premier à l'année 58, contre les
Helvètes, puis contre le Suève Arioviste; le livre second à l'année 57, contre
les Suessions et les Nerviens, en Gaule Belgique; le troisième livre résume
d'abord quelques actions qui s'étaient déroulées à la fin de 57; puis, c'est la
révolte des Vénètes, finalement tenue en échec, et celle des Aquitains, qui
sont vaincus par Crassus. Le quatrième livre couvre les opérations de l'année
55 : au début de l'année, les Germains se font menaçants. César décide
alors de porter la guerre au-delà du Rhin. Il construit un pont, passe sur la
rive droite, ce qui frappe, dit-il, les Germains de terreur. Jugeant que
c'était là un résultat suffisant, il se retire et prépare, bien que la saison
fût déjà avancée, un débarquement en Bretagne. L'année s'acheva avec le retour
en Gaule de l'armée romaine. Le cinquième livre raconte les expéditions de
l'année 54. Ce fut d'abord une incursion en Bretagne, l'île que César
n'abandonna qu'après y avoir remporté une victoire et obtenu un traité avec les
habitants. Mais voici qu'en Gaule, à l'automne, les révoltes se succèdent, et
une armée romaine est massacrée. Pourtant, César parvient à rétablir la
situation, mais il doit rester sur place, au lieu de revenir en Italie. Il
passe en Gaule la mauvaise saison.
Le sixième livre
s'ouvre, avec l'année 53, sur la menace d'un soulèvement général. Pendant cette
veillée d'armes, César dresse un tableau politique et social de la Gaule. C'est
là que se trouve le texte fameux relatif aux druides. Puis, en parallèle, il
décrit les moeurs des Germains. Ces exposés ethnographiques sont une tradition
de l'historiographie, depuis le temps d'Hérodote. Ils avaient été remis à la
mode par Posidonius, au début du siècle. Celui du Bellum Gallicum ne
sera pas sans influence sur la Germanie de Tacite et il n'est
probablement pas gratuit, mais sert d'argument dans la suasoria sous-jacente aux Commentaires. Ce tableau, où
César souligne les différences qui séparent le monde barbare de la cité
romaine, ne pouvait que mettre en lumière la supériorité humaine de Rome et
justifier la « pacification» .
Cependant,
cette année-là, César et ses lieutenants mènent avec succès des campagnes
d'intimidation en diverses régions de la Gaule. Au livre VII, nous sommes en
52, à la veille de la grande rébellion, celle que provoquera Vercingétorix,
nostalgique du grand royaume arverne. C'est le livre des opérations de
siège : Avaricum, Gergovie, Alésia. Le livre, et l'année, se terminent par
la soumission des Éduens et celle des Arvernes.
Cette
composition par année est conforme à la tradition des Annales officielles. Ce
cadre s'imposait tout naturellement, étant donné le rythme obligé des
opérations, interrompues pendant l'hiver. César se rendait alors en Gaule
cisalpine pour exercer les fonctions de sa charge, dont les campagnes
militaires n'étaient qu'un aspect. Il devait tenir ses assises, rendre la
justice, administrer. Les Commentaires, ainsi composés, pouvaient tenir
lieu de rapport officiel, adressé au sénat après chaque année d'exercice.
Publiés, ils s'adressaient du même coup à l'ensemble des citoyens, auxquels
César « rendait compte» directement.
Pour ces
différentes raisons il nous serait précieux de savoir les conditions dans
lesquelles ont été rédigés et publiés les Commentarii. L'ont-ils été
livre par livre, et rendus publics à la fin de chaque campagne ? Ou bien
l'ouvrage entier a-t-il été composé en 51, une fois acquise la victoire sur
Vercingétorix ? Ou encore, écrits livre après livre, à la fin de chaque
campagne, publiés après la défaite de l'Arverne ?
Il semble
probable que César avait rédigé, au terme de chaque année, un compte rendu
(pour le sénat et pour lui-même) des événements qui venaient de se dérouler. Il
est possible que certains de ces textes aient été diffusés dans un public plus
large au fur et à mesure de leur rédaction mais que l'ensemble ait fait l'objet
d'une publication globale en 51, au moment où les attaques dirigées contre
César, au sénat, étaient de plus en plus vives. Même s'il n'existe aucune
preuve formelle, on peut considérer comme des indices d'abord le fait que le
récit de la campagne de 51 ne figure pas dans les Commentarii, ensuite
l'introduction, dans le sixième livre, de la longue digression ethnologique. Ce
tableau, contrasté, des moeurs gauloises et de celles des Germains n'est pas le
résultat d'une révélation que César aurait eue au cours des années précédentes,
d'une meilleure connaissance qu'il aurait acquise des peuples qu'il combat. Les
relations entre les Romains et les différentes tribus gauloises étaient anciennes.
Les Germains, depuis l'invasion des Cimbres et des Teutons, n'étaient pas non
plus des inconnus à Rome. César ne récite pas ce qu'il vient d'apprendre, il
rassemble des notions répandues depuis longtemps, celles dont Cicéron, par
exemple, avait usé dans le discours Pro Fonteio. S'il le fait, en 51,
c'est qu'il le juge nécessaire pour les besoins de sa suasoria qui a
déjà été esquissée par Cicéron dans le discours Sur les provinces
consulaires, où il est démontré que César assure, dans sa province, la défense
lointaine de Rome contre les peuples barbares, jusqu'à lui menaçants aux
frontières de l'Empire. Le souvenir des Teutons et des Cimbres n'est pas
effacé. Grâce à César, la Ville n'aura plus à trembler à l'idée que les
cavaliers barbares peuvent dévaler jusqu'à ses murailles. Avant César, dit
Cicéron, on avait peur des Gaulois. Après lui la puissance gauloise est liée à
Rome « par des liens éternels [Cicéron, Sur les provinces consulaires,
32ss]» . La conclusion de Cicéron est, en 55, précisément la même que
César entendait suggérer, sans le dire expressément, ce qui eût excité la
défiance, en publiant ses Commentaires : il faut maintenir l'imperator
dans sa province, lui donner les moyens d'achever sa mission, dont l'issue est
vitale pour Rome. Les expéditions de Bretagne et le passage du Rhin
apparaissent alors, ainsi que le veut César, comme des opérations avancées pour
garantir la sécurité de Rome et non, comme le disent bien des modernes, des
tentatives avortées pour pousser plus avant la conquête.
La
« démonstration» de César, et ce que nous avons appelé sa suasoria, ne réussit pas à persuader
les dirigeants du sénat, et la guerre civile éclata. La publication des Commentarii eut cependant pour effet
de rendre César populaire non seulement à Rome mais en Cisalpine, la province
la plus exposée à la menace gauloise. Virgile en apportera le témoignage le
plus éclatant.
Il est
difficile de nier que les Commentarii, en raison de leur apparente
objectivité, n'aient eu une grande force persuasive sur l'opinion. Dans
l'histoire de la littérature, ils représentent une innovation par rapport à la
tradition d'une historiographie partagée entre les Mémoires personnels et une
présentation « oratoire» , qui n'est pas absente, nous avons essayé
de le montrer, mais qui se dissimule et ne garde de la rhétorique qu'une
exigence d'élégance et de clarté, ce que l'on appelait, non sans abus, le style
attique.
*
Les Commentarii
sur la guerre civile reprennent la tactique suivie dans le Bellum Gallicum.
Ici encore, il s'agit de frapper l'opinion publique et de justifier la
politique de César en face de l'oligarchie sénatoriale. La démonstration devait
se poursuivre, en principe, jusqu'à l'anéantissement de l'ennemi. En fait, nous
ne trouvons là que les événements de l'année 49 et ceux de l'année 48, où le
récit s'arrête brusquement au mois de novembre, devant Alexandrie. La guerre
est loin d'être terminée.
Les
manuscrits divisent le texte en trois livres, l'année 49 étant répartie entre
le livre I et le livre II. Cette division ne remonte certainement pas à César.
L'ouvrage est resté inachevé, les nécessités de la guerre contre les Pompéiens,
qui avait repris après la mort de Pompée lui-même, ayant entraîné César dans
une série de campagnes qui ne devaient se terminer, nous l'avons dit, qu'en
mars 45. À ce moment les conditions politiques et la supériorité militaire de
César rendaient moins nécessaire d'agir sur une opinion politique presque
entièrement conquise.
Le livre I
(vrai, y compris le pseudo livre II) contient l'histoire de plusieurs
actions : la descente de César le long de l'Adriatique, tandis que se
poursuivent de vaines négociations avec les Pompéiens, jusqu'au départ de
l'armée sénatoriale pour Dyrrhachium. Puis viennent la campagne contre les
armées conduites par des legati de Pompée en Espagne, avec le siège de
Marseille, enfin les désastreuses opérations de Curion, chargé par César de
défendre l'Afrique. L'année 49 s'achève avec la victoire de César en Espagne et
son retour à Rome dans le courant du mois de décembre du calendrier officiel.
Le livre III
commence avec le début de janvier 48 et le départ de César pour l'Épire, à la
poursuite de Pompée. Puis vient le récit de la guerre, marquée par des
opérations diverses, parmi lesquelles de véritables sièges, jusqu'à la bataille
de Pharsale, le 10 août (du calendrier officiel). Après quoi, c'est la campagne
d'Orient, d'abord à la poursuite de Pompée, puis, après l'assassinat de
celui-ci sur l'ordre du jeune Ptolémée, en Égypte, jusqu'au 17 novembre (du
même calendrier), où César s'empare de l'île de Pharos et fait exécuter le
gouverneur du roi, le « ministre» Pothin, qui le trahissait. Les Commentaires sur la guerre civile ne
sont qu'une ébauche. Ils ne possèdent pas l'unité d'inspiration et de ton qui caractérise
les Commentaires sur la guerre des Gaules. L'enjeu n'est pas le même. Ce
n'est plus Rome qu'il s'agit de préserver. C'est une Rome divisée, qui retourne
ses propres forces contre elle-même. César décrit sans joie cette lutte,
essayant, quand il le peut, de montrer que l'ennemi est parfois un peuple
étranger, et que la guerre devient alors légitime. Ainsi s'explique peut-être
le long développement consacré à la campagne autour de Marseille.
Une question
souvent posée, à propos des Commentaires - et, tout particulièrement,
ceux qui concernent la guerre des Gaules - est celle de l'exactitude, voire la
sincérité de César. Un livre célèbre parle, expressément, de
« déformation» . Il est certain que César tend à présenter ses
actions sous le meilleur jour possible et choisit pour cela les éclairages les
plus favorables, omettant ici un détail, ailleurs en majorant un autre,
laissant dans le flou des indications numériques, disjoignant des faits qui,
dans la réalité, avaient été en relation étroite, etc. Mais il arrive aussi que
notre jugement soit faussé par les idées que se sont forgées les Modernes, et
que César, finalement, ait été plus exact qu'on ne se l'est longtemps imaginé.
Il « pensait» le monde gaulois dans les cadres que lui fournissait
la tradition romaine, ce qui, sans doute, pouvait influencer sa politique. Les
idées reçues par les Modernes peuvent n'être pas moins déformantes. C'est ainsi
que, depuis le XIXe siècle, au moins, on a tendance à parler d'une
« nation gauloise» , ce qui est certainement anachronique. César sert
souvent de prétexte à des interprétations « nationalistes» de
l'histoire au moins aventurées.
Cela
apparaît tout particulièrement lorsque l'on cherche à préciser la topographie
des Commentaires. On sait, par exemple, qu'il existe autour d'Alésia une
polémique toujours renaissante, l'identification de la cité gauloise avec Alise
Sainte-Reine étant périodiquement contestée. Mais il y a aussi un problème de
Gergovie, un autre d'Uxellodunum, et les controverses, souvent passionnées, ne
semblent pas sur le point de s'apaiser. Elles montrent surtout l'extraordinaire
fortune des Commentarii, depuis le temps de Cicéron jusqu'à nos jours.
Les Commentaires
sur la guerre civile sont rédigés selon les mêmes principes que ceux où César
avait retracé les péripéties de la guerre des Gaules. Même parti pris
d'objectivité. César ne parle de lui-même qu'à la troisième personne et use, le
plus souvent, du style indirect. Mais les exceptions à cette dernière règle
sont plus nombreuses que dans le De Bello Gallico. On discerne plus
nettement les sentiments de César lui-même, en particulier dans le récit des
opérations de Curion, en Afrique, où les simples « notes»
habituelles font place à une mise en forme littéraire. Ainsi nous lisons deux
discours prêtés à Curion, avant la bataille décisive l'un adressé à son
conseil, l'autre aux soldats. L'un et l'autre sont des suasoriae, où,
comme le voulait le genre, l'orateur faisait appel à des arguments de caractère
général, des considérations sur le rôle de la Fortune et l'honneur militaire [Bellum
ciuile, II, 31 et 32]. Une
telle page apparaît comme une sorte de « tombeau» , un hommage au
jeune héros mort au combat. Il fait apparaître le personnage même de Curion,
exalte ses vertus, estompe les défauts de son caractère, que nous révèlent
d'autres sources, en particulier la correspondance de Cicéron.
Inversement,
César ne dit rien de la conduite de L. Domitius Ahenobarbus pendant le siège de
Corfinium et de sa tentative de suicide. Il s'agit sans doute pour lui de ne
rien dire qui soit à l'honneur de celui qui, après avoir reçu le pardon de
César, s'empressa de soulever contre lui les habitants de Marseille.
*
Aux sept
livres de la Guerre des Gaules, aux trois (ou deux ?) de la Guerre
civile s'ajoutent, pour la première, un huitième livre et, pour la seconde,
trois volumes traitant, respectivement, de la guerre d'Alexandrie, de la guerre
d'Afrique, de la guerre d'Espagne. Ces ouvrages, qui n'ont pas été écrits par
César, forment ce que l'on appelle le Corpus caesarianum. Il semble à
peu près certain que le huitième chapitre de la Guerre des Gaules soit
l'oeuvre de A. Hirtius, compagnon de César, puis consul en 43, mort cette
année-là devant Modène, avec son collègue Pansa. Il l'est beaucoup moins qu'il
ait écrit les trois autres ouvrages. Plusieurs noms ont été proposés, sans
indices bien assurés. On a pensé à C. Oppius, l'un des agents de César les plus
actifs, qui, en l'absence de César, était resté à Rome où il conduisait les
affaires pour le compte de son ami. On a pensé même à L. Munatius Plancus,
légat et proche collaborateur de César en Gaule et pendant les campagnes
suivantes.
On a tenté de dresser un portrait de tel ou tel continuateur de César en s'appuyant sur le style de l'ouvrage. C'est ainsi que l'on a pu écrire, non sans vraisemblance, de l'auteur du Bellum Africum que c'était un homme « non dénué de culture mais inexpert, césarien enthousiaste mais esprit naïf et parfois mal informé. L'auteur peut avoir été un [...] jeune officier...» . D'une manière générale la langue des ouvrages du corpus est beaucoup moins pure que celle des Commentarii remontant à César lui-même. On y relève des traits appartenant à la langue parlée, des tours bannis de la prose classique, ce qui nous permet de mieux comprendre l'esthétique littéraire de César, la discipline qu'il s'impose pour parvenir à une grande pureté dans le choix des mots, pour se conformer à l'usage, mais en se référant à des règles bien précises, qui sont celles de l'analogie, en refusant d'introduire des termes qui ne seraient que des calques du grec. La discipline qui préside à de tels choix répond à la volonté de demeurer fidèle à la langue latine la plus traditionnelle, sans les innovations que suggère souvent la facilité. Tout cela justifie le qualificatif d'imperatoria appliqué dès l'Antiquité à la langue de César. Elle possède, a-t-on dit, la précision et la clarté d'un ordre militaire. Elle répond à cette tendance, que nous avons cru pouvoir relever, dans l'art oratoire de ce temps, celle que les théoriciens qualifiaient d'atticisme mais qui, en réalité, répondait à une exigence profonde de l'esprit romain.
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César :
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