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[César], Guerre d'Afrique : Chapitres 1-48 - Chapitre 49-98 - Hypertexte louvaniste

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[César]

Guerre d'Afrique (49-98)

 


Chapitres

 

[I à XLVIII]
[XLIX] [L] [LI] [LII] [LIII] [LIV] [LV]

[LVI] [LVII] [LVIII] [LVIX] [LX]

[LXI] [LXII] [LXIII] [LXIV] [LXV] [LXVI] [LXVII] [LXVIII] [LXIX] [LXX]

 [LXXI] [LXXII] [LXXIII] [LXXIV] [LXXV] [LXXVI] [LXXVII] [LXXVIII] [LXXIX] [LXXX]

[LXXXI] [LXXXII] [LXXXIII] [LXXXIV] [LXXXV] [LXXXVI] [LXXXII] [LXXXVIII] [LXXXIX]

[XC] [XCI] [XCII] [XCIII] [XCIV] [XCV] [XCVI] [XCVII] [XCVIII]


 

Fondamentalement, cette traduction française est celle de la Collection Nisard: Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus: oeuvres complètes, Paris, 1865, 727 p. Le texte a été saisi optiquement. Quelques modifications ont été apportées à l'original de 1865: ainsi des divisions en paragraphes ont été ajoutées; l'orthographe a été modernisée, et la graphie des noms propres adaptée aux éditions modernes. Les sous-titres proviennent de l'édition Bouvet-Richard (C.U.F.).

La présente traduction s'intègre dans le vaste projet louvaniste des Itinera Electronica, et en particulier dans la rubrique Hypertextes, où ce livre de César a sa place propre. Les possibilités de cette réalisation "Hypertextes" sont multiples; non seulement elle permet une lecture de l'oeuvre avec le texte latin et la traduction française en regard, mais elle donne également accès à un riche ensemble d'outils lexicographiques et statistiques très performants.

  


 

César s'assure d'importantes positions (49-50)

[49] (1) César voyant que Scipion avait à peu près reçu tous les secours qu'il attendait et que le combat ne serait plus différé, s'avança avec ses troupes par les hauteurs, fit tirer des lignes de communication de l'une à l'autre, construisit des forts sur chacune, et s'approcha de Scipion de plus en plus, en s'emparant de tous les points élevés. Les ennemis, en comptant sur la multitude de leurs troupes, se saisirent d'une colline voisine, et, par ce moyen, ils arrêtèrent sa marche. (2) Labiénus avait projeté de s'emparer de ce même poste, et comme il en était le plus près, il y arriva aussi le premier.

[50] (1) Il y avait dans cet endroit une vallée assez large, d'une pente escarpée, et remplie de crevasses en forme de cavernes, que César avait à passer avant d'arriver à la colline dont il voulait s'emparer; au-delà du vallon était un vieux bois d'oliviers fort épais. (2) Labiénus, qui connaissait les lieux, comprit que, pour s'emparer de la colline, César serait obligé de traverser cette vallée et ce bois, s'y mit en embuscade avec son infanterie légère et une partie de sa cavalerie, et cacha le reste derrière la montagne et les collines, afin que tandis qu'il attaquerait nos légions surprises, sa cavalerie parût en même temps sur la hauteur, et que l'armée de César, effrayée de cette double attaque, ne pouvant ni avancer ni reculer, fût ainsi enveloppée et taillée en pièces. (3) César, qui ignorait l'embuscade, avait fait marcher devant sa cavalerie; lorsqu'elle fut arrivée au vallon, les soldats de Labiénus, oubliant ou exécutant mal ses ordres, ou bien craignant d'être écrasés dans le vallon par la cavalerie, sortirent l'un après l'autre de leur rocher et gagnèrent la hauteur. (4) Les cavaliers de César, s'étant mis à leur poursuite, en tuèrent une partie, firent les autres prisonniers, et, gravissant aussitôt la colline, en chassèrent le poste et s'y établirent. C'est à peine si Labiénus put se sauver avec quelques-uns de ses cavaliers.

[Début]

 

Le camp et les travaux de César devant Uzitta (51)

[51] (1) Après ce succès, César distribua le travail à ses légions et se retrancha sur la colline dont il venait de s'emparer. (2) Ensuite, de son camp principal, il fit ouvrir à travers la plaine deux tranchées en face d'Uzitta, située dans la même plaine, entre son camp et celui de Scipion, et au pouvoir de ce dernier: elles devaient aboutir aux deux angles de la ville, à droite et à gauche. (3) Son intention, en faisant exécuter ces travaux, était que, lorsqu'il s'approcherait de la ville pour en faire le siège, ses flancs fussent couverts par ses retranchements et que la cavalerie ennemie, qui était nombreuse, ne pût l'envelopper et retarder ses attaques. Il voulait encore par là faciliter ses pourparlers avec la ville, et offrir à ceux qui voudraient passer dans son camp les moyens de venir à lui aisément, sans s'exposer, comme autrefois, à de grands périls. (4) Il voulait voir en même temps, en se rapprochant de l'ennemi, si celui-ci pensait à en venir aux mains. (5) Enfin, ce terrain étant fort bas, il pourrait y creuser des puits; car il était obligé d'envoyer chercher l'eau bien loin et n'en avait pas suffisamment. (6) Pendant qu'une partie des légions était occupée aux travaux dont je viens de parler, l'autre couvrait les travailleurs, rangée en bataille devant l'ennemi. La cavalerie des Barbares et leur infanterie légère ne cessaient de nous livrer de légers combats.

[Début]

 

Succès de cavalerie (52)

[52] (1) Un soir, comme César retirait ses légions du travail pour les faire rentrer au camp, Juba, Scipion et Labiénus vinrent fondre sur nous avec toute leur cavalerie et leur infanterie légère. (2) Les cavaliers de César surpris par l'attaque inattendue de tant d'ennemis, plièrent un peu. (3) Mais nous eûmes aussitôt notre tour; car César ayant fait revenir ses légions qui se retiraient, les mena au secours de ses cavaliers; et ceux-ci, ranimés par ce renfort, tournèrent bride, et chargeant les Numides qui s'étaient dispersés en nous poursuivant avec ardeur, en tuèrent un grand nombre et les poussèrent jusqu'au camp du roi. (4) Si l'action n'eût pas commencé dans la nuit, et si la poussière que le vent soulevait n'eût pas aveuglé les soldats, Juba et Labiénus seraient tombés au pouvoir de César, et toute leur cavalerie ainsi que leur infanterie légère auraient été détruites. (5) Cependant un nombre incroyable de soldats de la quatrième et de la sixième légion abandonnèrent Scipion et se réfugièrent les uns dans le camp de César, les autres en divers pays, où ils purent. De même, beaucoup de cavaliers de l'armée de Curion, ne se fiant pas à Scipion et à ses troupes, vinrent aussi se rendre à nous.

[Début]

 

L'odyssée des 9e et 10e légions. Mesures de discipline (53-54)

[53] Tandis que ces choses se passaient aux environs d'Uzitta, deux légions, la neuvième et la dixième, parties de Sicile sur des vaisseaux de transport, n'étaient plus qu'à une distance peu éloignée du port de Ruspina, lorsque ayant aperçu les vaisseaux de César qui étaient à l'ancre devant Thapsus, et craignant de tomber dans la flotte ennemie qu'elles croyaient placée là en embuscade, elles gagnèrent le large fort mal à propos. Enfin, après plusieurs jours, ayant été longtemps le jouet des vents, mourant de faim et de soif, elles arrivèrent au camp de César.

[54] (1) Ces légions débarquées, César se souvenant des extorsions et des désordres que certains hommes avaient commis en Italie, saisit le premier prétexte pour les en punir; et sur ce que C. Aviénus, tribun militaire de la dixième légion, avait, à son départ de Sicile, rempli un vaisseau de provisions, d'esclaves et de chevaux, sans y mettre un seul soldat, dès le lendemain il monta sur son tribunal, et ayant convoqué les tribuns et les centurions de toutes les légions: (2) "Je voudrais bien, dit-il, que certains hommes eussent mis fin à leurs désordres et à leur insolence, et qu'ils n'eussent pas abusé de ma patience, de ma douceur et de ma bonté; (3) mais puisqu'ils ne gardent ni règle ni mesure, je vais agir contre eux suivant la coutume militaire, afin que d'autres se gardent d'imiter leur conduite. (4) C. Aviénus, parce que tu as soulevé en Italie les soldats du peuple romain contre la république, exercé des rapines dans les villes municipales; parce que tu as été inutile à la république et à moi; que tu as rempli mes vaisseaux de tes gens et de tes chevaux, au lieu d'y mettre mes soldats; et qu'avec cette conduite tu es cause que la république manque de soldats au moment où elle en a besoin: par ces motifs, je te bannis ignominieusement de mon armée, et t'ordonne de partir dès ce jour et au plus tôt de l'Afrique. De même, toi, Aulus Fontéius, tribun des soldats, je te renvoie de l'armée comme séditieux et mauvais citoyen. (5) Et vous, Titus Saliénus, M. Tiro, C. Clusinas, puisque après avoir obtenu un commandement dans mon armée, non par votre courage, mais par pure faveur, vous n'avez montré ni valeur dans la guerre, ni bonnes qualités dans la paix, et que vous vous êtes plus appliqués à soulever les troupes contre votre général qu'à remplir votre devoir avec honneur et modestie, je vous juge indignes d'avoir un commandement dans mon armée; je vous congédie, et vous ordonne de quitter l'Afrique au plus tôt." En conséquence César les livra à des centurions, et les fit embarquer chacun séparément et avec un seul esclave.

[Début]

 

Diversion des Gétules contre le royaume de Juba (55)

[55] (1) Cependant les Gétules transfuges que César, comme nous l'avons dit, avait envoyés vers leurs concitoyens avec des lettres et des instructions, arrivent dans leur pays: leurs compatriotes, aisément entraînés par leur autorité et par le nom de César, abandonnent le parti de Juba, prennent aussitôt les armes, et, sans balancer, les tournent contre le roi. (2) À cette nouvelle, Juba se voyant par là engagé dans trois guerres, est forcé de tirer de l'armée qu'il avait amenée contre César six cohortes qu'il envoie protéger ses frontières contre les Gétules.

[Début]

 

César établit un camp avancé. Défection des chefs Gétules (56)

[56] (1) César ayant achevé ses deux lignes et les ayant poussées jusqu'à la ville, mais hors de la portée du trait, fortifie son camp. Il disposa sur tout le front, du côté de la place, un grand nombre de balistes et de scorpions, avec lesquels il ne cessait de harceler ceux qui défendaient les remparts, et y amena cinq légions tirées de l'ancien camp. (2) Grâce à ce rapprochement, les hommes les plus distingués et les plus connus du parti contraire pouvaient voir ceux de leurs amis et de leurs proches qui étaient dans le nôtre, et ils avaient ensemble des pourparlers. (3) César n'ignorait pas combien ces entrevues pouvaient lui être avantageuses. En effet, les Gétules de la cavalerie du roi, et des préfets de cavalerie, dont les pères avaient servi sous Marius, et obtenu en récompense des terres dans le pays, et qui, après la victoire de Sylla, avaient passé sous la domination du roi Hiempsal, prirent le temps de la nuit, lorsque déjà les feux étaient allumés, pour se rendre avec leurs chevaux et leurs valets, au nombre de mille environ, au camp que César avait établi près d'Uzitta.

[Début]

 

Juba parle en maître à Scipion (57)

[57] (1) Scipion et les autres chefs de son parti, informés de cette désertion, en étaient encore tout troublés, lorsque dans le même temps à peu près ils virent M. Aquinius s'entretenant avec C. Saserna. (2) Scipion envoya dire à Aquinius qu'il ne convenait pas qu'il fût en conférence avec les ennemis. Comme, malgré cet avertissement, celui-ci avait répondu qu'il voulait achever ce qu'il avait à dire, Juba lui envoya un de ses courriers, lequel lui dit en présence de Saserna: "Le roi te défend de continuer." (3) À ces mots, effrayé, il se retira et obéit au roi. Est-il donc possible qu'un citoyen qui avait reçu du peuple romain tant d'honneurs, n'ayant d'ailleurs à craindre ni pour sa liberté ni pour ses biens, ait mieux aimé obéir à un roi barbare, que de se rendre aux ordres de Scipion, ou de revenir libre dans sa patrie après la ruine de ceux de son parti? (4) Au reste, Juba ne montra pas seulement son insolence à l'égard de M. Aquinius, homme nouveau, sénateur obscur, mais envers Scipion lui-même, distingué à la fois par sa naissance, par sa réputation et par ses dignités. (5) En effet, comme Scipion, avant la venue du roi, portait le manteau de pourpre, Juba, dit-on, lui fit entendre qu'il ne devait pas le porter de la même couleur que le sien; (6) en sorte que Scipion prit le blanc pour complaire à Juba, le plus vain et le plus lâche des hommes.

[Début]

 

Scipion offre le combat (58-61)

[58] (1) Le lendemain, tous les chefs font sortir toutes leurs troupes de leurs divers camps, les rangent en bataille sur une éminence assez rapprochée du camp de César, et s'y arrêtent. (2) César, de son côté, fait aussi sortir ses troupes, et les ayant promptement rangées en bataille dans la plaine, à la tête de ses retranchements, il les y retient, persuadé que les ennemis, forts de leur nombre et des secours du roi, après avoir montré tant d'empressement, seront les premiers à marcher en avant, à attaquer. (3) Ayant parcouru les rangs à cheval et exhorté les légions, il donne le mot et attend l'ennemi. (4) Pour lui, divers motifs l'empêchaient de trop s'éloigner de ses lignes: la ville d'Uzitta, dont Scipion était maître, avait été garnie de cohortes; et César, dont la droite était appuyée à cette ville, avait lieu d'appréhender que, s'il avançait au-delà, ces cohortes ne fissent une sortie pour le prendre en flanc. (5) Ce qui l'arrêtait encore, c'est que le centre de Scipion était couvert par un terrain d'un abord difficile, qui aurait gêné dans l'attaque les troupes de César.

[59] (1) Il convient, ce me semble, que j'indique l'ordre de bataille des deux armées. Voici celui de Scipion. (2) Il avait en front ses légions et celles de Juba, appuyées par derrière sur les Numides, dont les bataillons étaient si étendus et avaient si peu de profondeur, que, de loin, ce centre ne paraissait former qu'une seule ligne, composée de légionnaires, au lieu qu'il paraissait y en avoir deux sur les ailes. (3) Les éléphants étaient distribués sur la droite et sur la gauche à égale distance, soutenus par l'infanterie légère et les troupes auxiliaires. (4) II avait placé à son aile droite toute la cavalerie régulière; car sa gauche était couverte par la ville d'Uzitta, et l'espace manquait de ce côté pour y déployer de la cavalerie. (5) Il avait jeté l'innombrable multitude de ses Numides et de ses troupes légères en avant de son aile droite, à plus de mille pas de distance, et il l'avait presque adossée à la colline, de sorte qu'elle s'étendait assez loin au-delà de son armée et de la nôtre. Le but de cet arrangement était qu'au moment où les deux armées engageraient le combat, cette cavalerie nombreuse, se déployant à l'aise, enveloppât tout à coup l'armée de César, et l'accablât de traits après l'avoir mise en déroute. Tel fut ce jour-là l'ordre de bataille de Scipion.

[Début]

[60] (1) Voici maintenant celui de l'armée de César; je vais de gauche à droite. La neuvième et la huitième légion étaient à l'aile gauche; la trentième et la vingt-huitième à la droite; les treizième, quatorzième, vingt-neuvième et vingt-sixième au centre; (2) plusieurs cohortes tirées de ces légions, soutenues de quelques autres de nouvelles levées, formaient, à l'aile droite, une seconde ligne. (3) Il avait porté sa troisième ligne vers son aile gauche, et l'avait prolongée jusqu'à la légion qui était au milieu de son corps de bataille, de façon que son aile gauche formait trois lignes. (4) Ce qui lui avait fait adopter cette disposition, c'est que ses retranchements couvraient son aile droite, tandis que sa gauche avait à soutenir tout l'effort de la nombreuse cavalerie des ennemis; aussi y jeta-t-il toute la sienne. Et comme il ne comptait pas beaucoup sur elle, il la fit soutenir par la cinquième légion, et l'entremêla d'infanterie légère. (5) Les archers avaient été distribués çà et là sur différents points et surtout aux ailes.

[61] (1) Les deux armées, ainsi rangées à trois cents pas au plus l'une de l'autre, demeurèrent en présence depuis le matin jusqu'à la dixième heure du jour, sans en venir aux mains, ce qui peut-être ne s'était jamais vu. (2) Déjà César commençait à faire rentrer ses troupes dans les retranchements, quand tout à coup la cavalerie des Numides et des Gétules, que Scipion avait placée en arrière du reste de l'armée, se mit en mouvement vers la droite et marcha sur le camp de César qui était sur la colline, tandis que la cavalerie bridée de Labiénus demeurait à son poste et tenait nos légions en échec. (3) Alors une partie de celle de César, suivie de l'infanterie légère, marcha sans en avoir reçu l'ordre, et imprudemment, contre les Gétules, au-delà d'un marais; mais elle ne put soutenir l'effort des ennemis beaucoup plus nombreux, et, abandonnée des troupes légères, elle fut repoussée et maltraitée par l'ennemi. Après avoir eu un cavalier tué, beaucoup de chevaux blessés, et après avoir perdu vingt-six hommes d'infanterie légère, elle regagna le reste de l'armée en désordre. (4) Scipion, charmé de cet avantage, fit, sur le soir, rentrer ses troupes au camp. (5) Mais la fortune ne lui laissa pas longtemps cette joie. En effet, le lendemain, une partie de la cavalerie de César, étant allée chercher du blé à Leptis, rencontra en chemin des maraudeurs numides et gétules, tomba sur eux, et en tua ou prit environ une centaine. (5) Pendant ce temps, César ne cessait de conduire ses légions dans la plaine, de les occuper à toute sorte de travaux: par exemple, à creuser un fossé profond à travers la campagne, pour empêcher les excursions des ennemis. (7) De son côté, Scipion se retranchait également, et s'empressait, pour que César ne lui ôtât pas ses communications avec la hauteur. (8) Ainsi, les deux chefs travaillaient à leurs retranchements, et en même temps leur cavalerie se livrait chaque jour des combats.

[Début]

 

Raid de Varus sur Leptis. Intervention de César (62-64)

[62] (1) Cependant Varus, apprenant que la septième et la huitième légions étaient arrivées de Sicile, fit sortir sa flotte du port d'Utique où il l'avait retirée pendant l'hiver; et, l'ayant remplie de rameurs et de matelots gétules, il s'avança pour croiser, et arriva à Hadrumète avec cinquante-cinq vaisseaux. (2) César, ignorant son arrivée, envoya Lucius Cispius avec vingt-sept galères se poster à Thapsus pour escorter ses convois, et fit partir dans le même but, vers Hadrumète, treize autres galères sous la conduite de Quintus Aquila. (3) Cispius arriva bientôt à sa destination; mais Aquila eut le vent contraire, et ne put doubler le cap; toutefois, ayant trouvé une anse commode, il s'y mit à couvert hors de la portée des ennemis. (4) Le reste de notre flotte était en rade devant Leptis; les matelots, descendus à terre, étaient en partie dispersés sur le rivage, et en partie étaient allés dans la ville pour acheter des vivres: elle se trouvait ainsi sans défense. (5) Varus, en ayant été informé par un transfuge, profita de l'occasion: il sortit du port d'Hadrumète, arriva à la pointe du jour à Leptis avec sa flotte, brûla les vaisseaux de charge qui étaient à l'ancre loin du port, et prit, sans opposition, deux galères à cinq rangs, sur lesquelles il n'y avait point de soldats.

[63] (1) Cependant César, ayant appris cette nouvelle tandis qu'il visitait les travaux qui étaient éloignés du port d'environ six mille pas, quitte tout, monte à cheval et arrive promptement à Leptis. Là, après avoir exhorté toute sa flotte à le suivre, il part en avant sur le premier petit bâtiment qui se présente, se renforce, en passant, d'Aquila, que le nombre des vaisseaux ennemis avait effrayé, et se met à leur poursuite. (2) Alors Varus, étonné de l'activité et de l'audace de César, rebrousse chemin et s'enfuit vers Hadrumète avec toute sa flotte. (3) César le poursuit l'espace de quatre milles, reprend une de ses galères à cinq rangs avec tout l'équipage et cent trente soldats ennemis qui la gardaient. Une galère à trois rangs, qui avait voulu se défendre, fut prise avec tous les matelots et les rameurs dont elle était chargée. (4) Le reste de la flotte ennemie doubla le cap et rentra au port d'Hadrumète. (5) César ne put doubler le cap avec le même vent. Il passa la nuit à l'ancre dans la rade, s'approcha au point du jour d'Hadrumète, brûla les vaisseaux de transport qui étaient en rade, s'empara de tous les autres ou les repoussa dans le port, et, après avoir attendu quelque temps pour voir si la flotte ennemie voudrait lui livrer combat, il se retira dans son camp.

[64] (1) Dans la galère qui fut prise se trouvait P. Vestrius, chevalier romain, et P. Ligarius, du parti d'Afranius, que César avait fait prisonnier en Espagne et relâché avec les autres. Depuis il était allé rejoindre Pompée, et, ayant échappé à la déroute de Pharsale, il était venu trouver Varus en Afrique. César le fit mourir à cause de son parjure et de sa perfidie. (2) Quant à P. Vestrius, il eut son pardon, tant parce que son frère avait payé à Rome la somme à laquelle il avait été taxé, que parce qu'il justifia sa conduite, en prouvant qu'après avoir été pris par la flotte de Nasidius et sauvé par Varus au moment où on le menait au supplice, il n'avait trouvé depuis aucun moyen de rejoindre César.

[Début]

 

Embuscade de Labiénus (65-66)

[65] (1) C'est une coutume parmi les habitants de l'Afrique d'avoir dans presque toutes les campagnes et tous les villages des souterrains où ils serrent leur blé; cela, principalement, en vue de la guerre et des incursions de l'ennemi. (2) César en fut informé: il fit partir à la troisième veille deux légions avec sa cavalerie, et les envoya à dix mille pas de son camp, d'où elles revinrent chargées de blé. (3) Labiénus, en ayant eu avis, s'avança l'espace de sept mille pas par les mêmes hauteurs par où César avait passé le jour précédent, et y fit camper deux légions. Persuadé que César enverrait souvent chercher du blé par la même route, il se tint lui-même chaque jour en embuscade dans les lieux propices avec une nombreuse cavalerie et des troupes légères.

[66] (1) Cependant César, averti par des transfuges du piège que lui tendait Labiénus, laissa passer quelques jours, attendant que l'ennemi se lassât de faire continuellement le même exercice, et devint plus négligent; et, tout à coup, un matin, il ordonne à huit légions de vétérans et à une partie de la cavalerie de sortir par la porte décumane et de le suivre. La cavalerie, ayant pris les devants, tomba sur les postes cachés en embuscade dans les vallons, tua environ cinq cents hommes d'infanterie légère, et fit fuir le reste honteusement. (2) Alors Labiénus vint à leur secours avec toute sa cavalerie. (3) Comme les cavaliers de César étaient trop peu nombreux pour résister à cette multitude, ils commencèrent à plier, lorsqu'il parut lui-même avec ses légions rangées en bataille. À cette vue, Labiénus, étonné, s'arrêta, et César fit retirer ses cavaliers sans avoir eu aucune perte. (4) Le lendemain Juba fit mettre en croix tous les Numides qui avaient abandonné leur poste pour se réfugier dans le camp.

[Début]

 

César campe à Aggar. Prise de Zeta (67-68)

[67] (1) Cependant César, voyant qu'il n'avait plus de blé, rassemble toutes ses troupes dans le camp, met garnison dans Leptis, dans Ruspina, dans Acylla, laisse la flotte sous le commandement de Cispius et d'Aquila, avec ordre de croiser, l'un devant Hadrumète, l'autre devant Thapsus; puis, ayant mis le feu à son camp, il en part à la quatrième veille en bataille, ses bagages à l'aile gauche, et arrive devant Aggar, ville souvent assiégée par les Gétules, et toujours vaillamment défendue par ses habitants. (2) Là, après avoir formé un seul camp dans la plaine, il part lui-même avec une partie de son armée pour aller chercher des vivres aux environs, et revient au camp avec beaucoup d'orge, d'huile, de vin, de figues, peu de blé, mais son armée rafraîchie. (3) Scipion, de son côté, apprenant que César était parti, le suivit par les hauteurs avec toutes ses troupes, et prit position à une distance de six mille pas, où il forma trois camps séparés.

[68] (1) Il y avait une ville nommé Zeta, située à cinq mille pas de Scipion, du côté de son camp, mais plus éloignée du camp de César, car elle en était séparée par un espace de treize mille pas. (2) Scipion y envoya deux légions pour avoir du blé. César, averti par un transfuge, transporte son camp de la plaine sur les hauteurs, dans une position plus sûre, y laisse une garde; et, étant sorti à la quatrième veille, passe devant le camp ennemi avec ses troupes et se rend maître de la ville. (3) En même temps il apprit que les légions de Scipion étaient allées plus loin chercher du blé. Mais, comme il s'efforçait de les poursuivre, il aperçut les troupes de Scipion qui s'avançaient à leur secours; ce qui arrêta sa marche. (4) En s'emparant de Zeta, il fit prisonniers deux chevaliers romains, C. Minucius Réginus, l'un des plus intimes amis de Scipion et commandant de la place, et P. Atrius, membre du conseil d'Utique: il y trouva aussi vingt-deux chameaux du roi qu'il emmena avec lui, quand, après avoir laissé dans cette ville une garnison sous les ordres de son lieutenant Oppius, il reprit le chemin de son camp.

[Début]

 

Labiénus tente d'obliger César à camper loin de tout point d'eau (69-70)

[69] (1) Lorsqu'il fut arrivé à peu de distance du camp de Scipion, près duquel il lui fallait passer pour se rendre dans le sien, Labiénus et Afranius, qui étaient en embuscade avec toute leur cavalerie et leurs troupes légères, parurent sur les coteaux voisins et s'avancèrent sur son arrière-garde. (2) Se voyant ainsi attaqué, César leur opposa d'abord sa cavalerie, et aussitôt ordonna à ses légions de mettre leur bagage en un morceau, et de marcher promptement sur l'ennemi. (3) Elles obéirent, et, dès leur premier choc, la cavalerie et les troupes légères de Scipion furent sans peine repoussées et culbutées de dessus la colline. (4) César croyait, qu'après avoir si maltraité les ennemis, ils cesseraient de le harceler; mais dès qu'il se remit en marche, il les vit aussitôt descendre des coteaux voisins et revenir à la charge contre nos légions; car il n'est pas croyable. avec quelle vitesse et quelle agilité l'infanterie légère des Numides, mêlée avec leur cavalerie, savait combattre avec elle, la suivre dans l'attaque et dans la retraite. (5) Comme cette manoeuvre se renouvelait trop souvent, que l'ennemi ne cessait de nous attaquer dès que nous nous mettions en marche et prenait la fuite dès que nous tenions ferme; et que, fidèle à ce singulier genre de combat, il se contentait de nous accabler d'une grêle de traits, César comprit qu'il n'avait d'autre but que de l'obliger à camper où l'eau manquait entièrement, afin que ses hommes et ses chevaux, qui n'avaient pris aucune nourriture depuis la quatrième veille jusqu'à la dixième heure du jour, périssent de soif.

[70] (1) Comme le soleil était près de se coucher, César voyant qu'il n'avait pas fait cent pas en une heure, et que sa cavalerie avait perdu beaucoup de chevaux, la retira de l'arrière-garde et y fit venir alternativement chaque légion. (2) Par ce moyen, sa marche fut plus lente mais plus tranquille, et, avec ses légionnaires, il soutenait mieux les attaques de l'ennemi. (3) Cependant la cavalerie numide s'était saisie des hauteurs, qu'elle couronnait à droite et à gauche, et cherchait à envelopper, par sa multitude, l'armée de César, tandis qu'une partie s'attachait à suivre l'arrière-garde. (4) Mais dès que seulement trois ou quatre de nos soldats vétérans tournaient la tête et lançaient avec vigueur leurs javelots contre les Numides, plus de deux mille prenaient aussitôt la fuite; puis ils revenaient en troupe à la charge, nous suivant dans notre marche et accablant nos légions d'une grêle de traits. (5) Ainsi, tantôt marchant, tantôt combattant, César, qui n'avançait qu'avec peine, arriva enfin au camp vers la première heure de la nuit, sans avoir perdu un seul homme et n'ayant eu que dix blessés. (6) Labiénus eut environ trois cents hommes de tués, un grand nombre de blessés, et se retira avec ses troupes harassées. Scipion, qui était demeuré en bataille à la tête de son camp avec ses éléphants pour inspirer plus de terreur, fit aussi rentrer ses troupes.

[Début]

 

César entraîne ses troupes à la lutte contre les Numides et les éléphants (71-73)

[71] (1) César, pour former ses troupes à combattre cette nouvelle espèce d'ennemis, était obligé de s'y prendre, non comme un général qui commande une armée aguerrie et victorieuse, mais comme un maître d'escrime qui dresse ses gladiateurs novices. Il leur apprenait comment elles devaient se garantir de l'ennemi; comment elles devaient se présenter à lui et lui résister suivant l'étendue du terrain; comment elles devaient tantôt avancer, tantôt reculer, tantôt feindre une attaque; enfin il leur enseignait presque où et comment il fallait lancer le javelot. (2) En effet, les troupes légères de l'ennemi embarrassaient et inquiétaient beaucoup notre armée. Nos cavaliers avaient peur de les aborder, parce qu'elles tuaient leurs chevaux à coups de traits; et quand nos légionnaires les poursuivaient, leur agilité les avait bientôt lassés. Lorsque nos soldats pesamment armés s'arrêtaient pour repousser leur attaque, elles échappaient au danger par une fuite rapide.

[72] (1) César était fort chagrin de cet état de choses, parce que, toutes les fois que sa cavalerie en venait aux mains sans être appuyée par les légionnaires, elle ne pouvait tenir contre celle des ennemis ni contre leurs troupes légères. (2) Cela le tourmentait d'autant plus qu'il n'avait pas encore eu lieu d'éprouver leurs légions, et qu'il ne voyait pas comment il pourrait leur résister quand elles se joindraient à cette cavalerie et à cette infanterie légère qui était admirable. (3) Un autre sujet d'inquiétude pour lui, c'est que la taille et la multitude des éléphants épouvantaient le soldat: (4) mais à cela il avait trouvé un remède. Il avait fait venir d'Italie des éléphants, afin que nos soldats, en les voyant de près, apprissent à connaître la force et le courage de ces animaux, et la partie de leur corps où il fallait frapper; et qu'en les considérant armés et bardés, ils remarquassent la partie du corps qui restait nue. et sur laquelle ils devaient lancer leurs traits. Il voulait aussi par là accoutumer les chevaux à leur odeur, à leur cri, à leur figure, afin qu'ils n'en eussent point peur. (5) Ce moyen lui avait admirablement réussi; car ses soldats touchaient de la main ces animaux et en connaissaient la lenteur; les cavaliers s'exerçaient à lancer contre eux des javelots émoussés, et grâce à leur patience, les chevaux s'étaient familiarisés avec eux.

[73] (1) César était devenu, par les motifs que j'ai dits, plus lent et plus circonspect, et il avait renoncé à cette activité que jusque-là il avait toujours portée dans la guerre. (2) Cela devait être. En effet, dans la Gaule, ses troupes étaient accoutumées à faire la guerre dans un pays plat, et contre les Gaulois, hommes francs et sans finesse, qui n'employaient que la force et jamais la ruse; maintenant il devait habituer les soldats à connaître les ruses, les pièges, les artifices de l'ennemi, leur apprendre quand il fallait le poursuivre, quand il fallait l'éviter. (3) Afin donc que ses soldats fussent plus tôt au fait, il avait soin de ne pas tenir ses légions renfermées; il les menait çà et là sous prétexte de chercher des vivres, persuadé que l'ennemi ne manquerait pas d'aller à leur poursuite. (4) Le troisième jour, il rangea soigneusement ses troupes en bataille; passa avec elles devant le camp des ennemis et leur présenta le combat en rase campagne. Voyant qu'ils n'avaient nulle envie de se battre, il ramena sur le soir ses légions au camp.

[Début]

 

Prise de Vaga par Juba (74)

[74] (1) Cependant il lui arrive des députés de Vaga, ville voisine de Zeta, dont nous avons dit que César s'était rendu maître; ils le prient, ils le conjurent de leur envoyer garnison, promettant de le pourvoir de beaucoup de choses nécessaires à la guerre. (2) Dans le même temps les dieux, par bienveillance pour César, permirent qu'un transfuge vint avertir ces députés que Juba, prévenant la garnison que César envoyait, était accouru promptement avec ses troupes vers la ville, l'avait assiégée avec sa multitude, l'avait prise, et, après en avoir massacré les habitants jusqu'au dernier, l'avait livrée au pillage et à la destruction.

[Début]

 

Scipion refuse le combat. Insuccès de Labiénus. Prise de Sarsura (75-76)

[75] (1) Le douzième jour des calendes d'avril, César fit la revue de son armée, et, le lendemain, étant sorti de son camp avec toutes ses forces, il s'avança près de cinq mille pas dans la plaine, et parut en bataille à environ deux milles du camp de Scipion. (2) Après être resté là assez longtemps en invitant les ennemis au combat, voyant qu'ils ne voulaient pas l'accepter, il ramena ses troupes. Le jour suivant il décampa et marcha vers la ville de Sarsura, où Scipion avait une garnison de Numides, et des magasins de blé. (3) Instruit de sa marche, Labiénus se mit à poursuivre avec sa cavalerie et son infanterie légère l'arrière-garde de César, et après avoir enlevé quelques chariots de vivandiers et de marchands, fier de ce succès, il s'approcha de nos légionnaires, qu'il croyait chargés d'un bagage pesant, épuisés de fatigue, et incapables de résistance. (4) Mais César, prévoyant cela, avait dans chacune de ses légions trois cents hommes qui ne portaient aucun bagage. Il les envoya donc soutenir sa cavalerie contre celle de Labiénus. (5) Aussitôt celui-ci, effrayé à la vue de nos enseignes, tourna bride et s'enfuit honteusement., (6) après avoir eu un grand nombre d'hommes tués et beaucoup plus encore de blessés. Les légionnaires rejoignirent les drapeaux et continuèrent leur marche. Labiénus nous suivit de loin sur la droite par les hauteurs.

[76] (1) Arrivé devant Sarsura, César la prit à la vue des ennemis, et massacra la garnison sans qu'ils osassent la secourir. P. Cornélius, vétéran, qui commandait la place, se défendit vaillamment, fut enveloppe et tué. César donna à ses troupes tout le blé qu'il y trouva, et arriva le lendemain devant la ville de Thysdra, où Considius s'était jeté avec des troupes nombreuses et sa cohorte de gladiateurs. (2) César, ayant reconnu la place et manquant des choses nécessaires pour l'assiéger, partit aussitôt, campa environ à quatre mille pas de là, dans un endroit où il trouva de l'eau, et, quatre jours après, il revint au camp qu'il avait occupé près d'Aggar. Scipion fit de même et ramena ses troupes dans ses anciens retranchements.

[Début]

 

Occupation de Thabena. Arrivée de nouvelles troupes (77)

[77] (1) Cependant ceux de Thabena, ville située à l'extrémité des côtes maritimes et de la domination de Juba, massacrèrent la garnison qu'il avait mise chez eux, et envoyèrent des députés à César pour lui apprendre ce qu'ils avaient fait, le priant avec instance de les soutenir, en considération du service qu'ils avaient rendu au peuple romain. (2) César, approuvant leur action, leur envoya le tribun Marcius Crispus avec une cohorte, des archers, et quantité de machines pour la défense de leur place. (3) À cette même époque, les légionnaires qui, par suite de maladies ou de congés, n'avaient pu passer en Afrique avec leurs corps, arrivèrent en un seul convoi au camp de César, au nombre de quatre mille soldats, de quatre cents cavaliers, et de mille archers ou frondeurs. (4) César, ayant fait sortir avec ces troupes toutes ses légions, s'avança en bataille à huit mille pas de son camp, et s'arrêta à quatre mille pas de celui de Scipion.

[Début]

 

Bataille d'Aggar (78)

[78] (1) Au-dessous du camp de Scipion était une ville nommée Tegea, où il tenait ordinairement un poste de quatre cents chevaux. (2) Il les rangea à droite et à gauche de cette place, fit sortir ses légions du camp, et les mit en bataille sur le bas de la colline, à mille pas environ de ses retranchements. (3) Comme Scipion se tenait là immobile et que le jour se passait à rien faire, César ordonna à sa cavalerie d'attaquer celle de l'ennemi, qui était postée près de la ville, et envoya en même temps toute son infanterie légère avec ses archers et ses frondeurs pour la soutenir. (4) Cet ordre ayant été exécuté, et la cavalerie de César ayant chargé avec ardeur, Pacidéius commença à déployer la sienne sur un grand front pour nous envelopper, sans cesser néanmoins de combattre avec beaucoup de vigueur et de courage. (5) César, voyant cela, détacha de la légion la plus proche trois cents de ces soldats qu'il faisait marcher sans bagages, et les envoya au secours de sa cavalerie. (6) Labiénus, de son côté, envoyait sans cesse de la cavalerie fraîche relever et secourir ceux qui étaient blessés ou fatigués. (7) Comme les cavaliers de César, qui n'étaient que quatre cents, ne pouvaient tenir contre quatre mille cavaliers ennemis, et que, pressés par l'infanterie légère des Numides, ils commençaient à plier, César fit partir aussitôt son autre aile, qui arrêta les plus avancés. (8) Ce secours ayant ranimé les siens, ils chargèrent tous ensemble les ennemis, les mirent en fuite, en tuèrent et blessèrent un grand nombre, et après les avoir poursuivis l'espace de trois mille pas, et les avoir repoussés jusque dans les montagnes, ils vinrent rejoindre l'armée. (9) Après être resté en bataille jusqu'à la dixième heure, César se retira dans son camp sans aucune perte. (10) Dans cette action, Pacidéius fut dangereusement blessé à la tête d'un coup de javelot, et un grand nombre de chefs et de braves furent tués ou blessés.

[Début]

 

César investit Thapsus (79)

[79] (1) Quand César vit qu'il ne pouvait, par aucun moyen, attirer l'ennemi dans la plaine, ou le décider à combattre nos légions, et qu'il eut en outre considéré que le manque d'eau l'empêchait de rapprocher son camp de celui de Scipion, ce qui enhardissait encore plus ses adversaires que leur propre courage, il partit d'Aggar, un jour avant les nones d'avril, à la troisième veille, s'avança pendant la nuit d'environ seize mille pas, et alla camper devant Thapsus, où Vergilius commandait une forte garnison. Le même jour il investit la place, et se saisit de plusieurs postes avantageux, qui devaient lui servir à empêcher l'ennemi de venir jusqu'à lui, ou d'approcher de la ville. (2) Cette entreprise de César obligea Scipion à livrer combat, pour n'avoir pas la honte d'abandonner lâchement Vergilius et les habitants de Thapsus, si fidèles à son parti. Il suivit donc César par les hauteurs, et arrivé à huit mille pas de Thapsus, il y forma deux camps.

[Début]

 

Tentative de blocus par Scipion (80-81)

[80] (1) Il y avait un étang salé et, entre cet étang et la mer, un passage d'environ quinze cents pas, par où Scipion voulait pénétrer, afin de secourir les assiégés. (2) César, qui s'y attendait, y avait établi un fort dès la veille, et avait mis dans ce fort une triple garnison, tandis qu'avec le reste des troupes, campées en forme de croissant, il continuait les travaux autour de la ville. (3) Scipion, ayant trouvé le passage fermé, et ayant passé le jour suivant et la nuit au-dessus de l'étang, vint, le surlendemain, dès la pointe du jour, camper du côté de la mer, environ à quinze cents pas de nos lignes et du fort dont nous avons parlé, et commença à s'y retrancher. (4) Dès que la nouvelle en arrive à César, il retire ses troupes des travaux, laisse le proconsul Asprénas avec deux légions à la garde du camp, et lui-même il marche en diligence avec une troupe légère vers l'ennemi. (5) En partant, il avait laissé une partie de sa flotte devant Thapsus, et ordonné à l'autre de se porter derrière Scipion le plus près possible du rivage, d'y attendre le signal, et, dès qu'il serait donné, de jeter soudain de grands cris, afin d'épouvanter l'ennemi, et que, troublé, effrayé, il fût obligé de prendre la fuite.

[81] (1) César, à son arrivée, trouva l'armée de Scipion rangée en bataille à la tête de ses retranchements, les éléphants sur les deux ailes, tandis qu'une partie des troupes travaillait avec ardeur à fortifier le camp. Il rangea lui-même son armée sur trois lignes, plaça la dixième et la seconde légions à l'aile droite, la huitième et la neuvième à la gauche, et cinq légions au centre. Il plaça, en quatrième ligne, à la tête de ses deux ailes, cinq cohortes qu'il opposa aux éléphants, distribua sur les mêmes points ses archers et ses frondeurs, et entremêla sa cavalerie d'infanterie armée à la légère. Après cela, il parcourut à pied tous les rangs, rappelant aux vétérans leurs anciens combats et leurs exploits et les appelant avec bonté par leur nom; par là, il excitait les courages. (2) Quant aux troupes de nouvelles levées, dont c'était la première bataille, il les exhortait à rivaliser de valeur avec les vétérans, et à obtenir, par la victoire, la même renommée et les mêmes honneurs.

[Début]

 

Déroute de Scipion (82-83)

[82] (1) Tandis qu'il parcourait ainsi son armée, il aperçut dans le camp ennemi des mouvements qui marquaient de la terreur: les soldats, éperdus, allaient çà et là, tantôt rentrant par les portes, tantôt sortant en tumulte. (2) Comme plusieurs avaient observé la même chose, les lieutenants et les volontaires le conjurèrent de ne pas balancer à donner le signal, l'assurant que les dieux immortels lui présageaient ainsi la victoire. (3) Tandis que César hésitait, qu'il résistait à leurs désirs, en leur déclarant que cette façon d'attaquer ne lui plaisait pas, et qu'il s'efforçait de tout son pouvoir de les contenir, tout à coup, à l'aile droite, sans attendre son ordre, un trompette, forcé par les soldats, sonne la charge. (4) Aussitôt toutes les cohortes s'ébranlèrent et marchèrent à l'ennemi, malgré les centurions qui tâchaient vainement de retenir les soldats de force, en les conjurant de ne pas engager le combat sans l'ordre du général.

[83] (1) Alors César, voyant qu'il n'y avait aucun moyen d'arrêter l'élan des soldats, donna pour mot d'ordre le mot bonheur, poussa son cheval, et marcha contre l'ennemi à la tête des légions. (2) Cependant, à l'aile droite, les frondeurs et les archers accablent les éléphants d'une grêle de traits; ces animaux, effrayés du sifflement des frondes et des pierres, se retournent contre leurs propres gens qui se pressent derrière eux, les écrasent sous leurs pieds, et se précipitent en foule vers les portes du camp non encore achevées. (3) Les cavaliers maures, placés à la même aile que les éléphants, se voyant abandonnés par ces auxiliaires, prennent les premiers la fuite. (4) Après avoir promptement cerné ces animaux, nos légions enlevèrent les retranchements des ennemis: quelques-uns furent tués en se défendant avec courage; les autres se sauvèrent en désordre vers le camp qu'ils avaient quitté la veille.

[Début]

 

Belle conduite d'un vétéran de la 5e légion (84)

[84] (1) Je ne dois pas, ce me semble, oublier ici l'action courageuse d'un vétéran de la cinquième légion. À l'aile gauche, un éléphant blessé, et que le mal rendait furieux, s'était jeté sur un valet d'armée, l'avait mis sous son pied, le pressait de son genou, et, tenant sa trompe haute en mugissant, il écrasait ce malheureux du poids de sa masse. Le soldat ne put soutenir ce spectacle, et marcha sur la bête ses armes à la main. (2) Alors l'éléphant, le voyant venir le javelot levé, quitte le cadavre, et, enveloppant le soldat de sa trompe, l'enlève tout armé. (3) Mais le vétéran, conservant son sang-froid dans cet étrange péril, ne cesse de frapper de toutes ses forces avec son épée la trompe dont il est enveloppé, jusqu'à ce que l'animal, vaincu par la douleur, lâche prise, et s'enfuie en poussant de grands cris vers les autres éléphants.

 

Tentative de diversion des Thapistains. Massacre des survivants de l'armée de Scipion (85-86)

[85] (1) Cependant les soldats qui étaient en garnison à Thapsus firent une sortie du côté de la mer, soit pour secourir les leurs, soit pour abandonner la ville et chercher leur salut dans la fuite. Ils entrèrent dans l'eau jusqu'à la ceinture, et tâchèrent ainsi de gagner la terre. (2) Mais les valets de l'armée et les esclaves qui étaient dans le camp les repoussèrent en leur lançant des pierres et des traits, et les forcèrent à rentrer dans la place. (3) Les troupes de Scipion, ayant été mises en déroute, et fuyant de tous côtés dans la plaine, nos légions les poursuivirent sans leur donner le temps de se reformer. (4) Arrivées à leur dernier camp, où elles s'étaient réfugiées avec l'espoir de pouvoir encore s'y retrancher et s'y défendre, elles cherchèrent un chef qui pût les commander et les conduire. N'y voyant personne, elles jetèrent leurs armes et s'enfuirent au camp du roi. (5) Mais en y arrivant, elles le trouvèrent déjà occupé par les troupes de César. Désespérant alors de se sauver, elles s'arrêtèrent sur une hauteur, mirent bas les armes, et firent le salut d'usage dans la guerre. Mais cette soumission ne servit pas beaucoup à ces malheureux; (6) car nos vétérans, transportés de fureur et de rage, non seulement ne purent d'aucune façon se résoudre à leur pardonner; mais ils tuèrent même ou blessèrent plusieurs personnages considérables qu'ils accusaient de favoriser les ennemis. (7) De ce nombre fut Tullius Rufus, ancien questeur, qui mourut percé d'un javelot par un soldat; et Pompéius Rufus, qui, déjà blessé au bras d'un coup d'épée, n'échappa à la mort qu'en courant se réfugier auprès de César. (8) Effrayés de ces actes, plusieurs sénateurs et plusieurs chevaliers romains s'empressèrent de se retirer pour n'être pas les victimes des soldats qui, après une si grande victoire, se croyaient tout permis, et s'imaginaient que leurs exploits leur assuraient l'impunité. (9) Aussi les soldats de Scipion, quoiqu'ils implorassent la clémence de César, et que César lui-même demandât grâce pour eux, furent tous massacrés en sa présence jusqu'au dernier.

[86] (1) César, maître des trois camps des ennemis, après leur avoir tué dix mille hommes et mis le reste en fuite, se retira dans ses retranchements, avec une perte de cinquante hommes et quelques blessés; de là il vint se présenter devant Thapsus, en faisant marcher à la tête des troupes soixante-quatre éléphants armés en guerre et chargés de tours, qu'il avait pris sur les ennemis, pour voir si ces preuves de leur défaite ne rendraient pas Vergilius et les siens plus dociles. (2) Ensuite il appela lui-même Vergilius, et l'engagea à se rendre, en lui faisant tout espérer de sa douceur et de sa clémence. (3) Ne recevant aucune réponse, il s'éloigna de la ville. Le lendemain, après les sacrifices, il assembla les soldats à la vue des assiégés, loua leur valeur, fit des largesses à tous les vétérans, et, du haut de son tribunal, distribua les récompenses aux plus braves, selon leur mérite. Ensuite, laissant le proconsul Rébilus avec trois légions au siège de Thapsus, et Cn. Domitius avec deux autres au siège de Thysdra, où Considius commandait, il marcha sur Utique, après avoir envoyé devant M. Messala avec la cavalerie.

[Début]

 

Difficultés de Caton à Utique. Mort de Caton (87-88)

[87] (1) Cependant la cavalerie de Scipion qui s'était sauvée de la bataille, avait pris la route d'Utique, et était arrivée à la ville de Parada. (2) Les habitants, instruits par la renommée de la victoire de César, ayant refusé de la recevoir, elle entra de force, dressa un bûcher au milieu de la place, y jeta tous les meubles des habitants, et, après y avoir mis le feu, les y précipita eux-mêmes vivants et garrottés, sans distinction d'âge ni de sexe, les faisant ainsi périr du plus affreux supplice. De là elle se rendit en toute hâte à Utique. (3) Peu auparavant, M. Caton, qui ne croyait pas cette ville fort dévouée à son parti, à cause des privilèges qui lui avaient été accordés par la loi Julia, en avait fait sortir la populace désarmée, et l'avait forcée à demeurer hors de la porte Belica, dans un camp entouré d'un faible retranchement, autour duquel il avait mis des gardes; mais, pour le sénat, il le retenait dans la ville. (4) La cavalerie de Scipion, n'ignorant pas que ce peuple favorisait le parti de César, attaque leur camp dès son arrivée, afin de venger, par leur mort, la honte de sa défaite; (5) mais ceux d'Utique, enhardis par la victoire de César, s'armèrent de pierres et de bâtons, et la repoussèrent. (6) Alors, désespérant de s'emparer du camp, elle se jeta dans Utique, massacra un grand nombre d'habitants, pilla et ravagea leurs maisons. (7) En vain Caton s'efforça d'empêcher ce désordre et d'engager les cavaliers à se joindre à lui pour défendre la place, et à s'abstenir du meurtre et du pillage: il vit ce qu'ils voulaient, et, pour les satisfaire, leur distribua à chacun cent sesterces. (8) Faustus Sylla leur en donna autant de son propre argent, et partit d'Utique avec eux pour se rendre dans le royaume de Juba.

[88] (1) Cependant les fuyards ne cessaient d'arriver à Utique. Caton les ayant tous assemblés, ainsi que les trois cents citoyens qui avaient fourni de l'argent à Scipion pour faire la guerre, les exhorta à mettre les esclaves en liberté et à défendre la ville. (2) Voyant que quelques-uns seulement goûtaient cet avis, et que les autres, effrayés et consternés, ne songeaient qu'à fuir, il laissa là sa proposition, et leur donna des vaisseaux pour aller où ils voudraient. (3) Pour lui, après avoir mis ordre à tout, et avoir recommandé ses enfants à L. César, qui était alors son questeur, il se retira dans sa chambre comme pour prendre du repos, sans que rien sur son visage ni dans ses discours pût éveiller les soupçons; et, ayant emporté secrètement son épée, il s'en traversa le corps. (4) Comme il ne mourut pas du coup et qu'il tomba par terre, le bruit de sa chute fit accourir son médecin et ses domestiques qui n'étaient pas sans pressentiments. Ils voulurent fermer et bander sa plaie; mais lui-même arracha cruellement les bandes de ses propres mains et se fit mourir en conservant toute sa présence d'esprit. (5) Les habitants d'Utique lui rendirent les honneurs funèbres: ils le détestaient à cause du parti qu'il avait embrassé; mais ils agirent ainsi en considération de son extrême probité qui le rendait si différent des autres chefs, et parce qu'ils lui devaient les fortifications magnifiques de leur ville, et les tours qu'il y avait ajoutées. (6) Après sa mort, L. César voulant tirer avantage de cet accident, assembla le peuple, le harangua, et l'exhorta à ouvrir ses portes à César, l'assurant qu'il espérait tout de sa clémence. (7) En conséquence les portes furent ouvertes, et lui-même sortit d'Utique et alla au devant de César. Messala, conformément à l'ordre qu'il avait reçu, arriva en ce moment même et mit des gardes à toutes les portes.

[Début]

 

Occupation d'Uzitta et Hadrumète. César à Utique (89)

[89] (1) Cependant César qui était parti de Thapsus, arriva à Uzitta où Scipion avait un fort approvisionnement de blé, d'armes, et d'autres choses pour la guerre. Il n'y avait qu'une faible garnison. (2) Aussi s'en rendit-il maître dès l'abord: ensuite il marcha sur Hadrumète. Il y entra sans opposition, et, s'étant fait donner un état de l'argent, des vivres et des armes, il fit grâce de la vie à Q. Ligarius et à C. Considius, le fils, qui se trouvaient alors dans cette ville; (3) il y laissa Livinéius Régulus avec une légion, partit le même jour et marcha droit à Utique. (4) En chemin, il rencontra L. César, qui d'abord se jeta à ses pieds et lui demanda la vie pour toute grâce. (5) César, naturellement porté à la clémence, la lui accorda sans peine, selon sa coutume, ainsi qu'à Cécina, à C. Atéius, à P. Atrius, à L. Ocella père et fils, à M. Eppius, à M. Aquinius, au fils de Caton et aux enfants de Damasippus. Il arriva à Utique le soir aux flambeaux et passa la nuit hors de la ville.

[Début]

 

Clémence envers les Trois Cents (90)

[90] (1) Le lendemain matin il entra dans la ville, convoqua les habitants, les loua et les remercia de leur affection pour lui; mais pour les citoyens romains et les trois cents qui avaient fourni de l'argent à Varus et à Scipion, il les censura avec sévérité et s'étendit longuement sur l'énormité de leur crime. Toutefois, en finissant, il leur annonça qu'ils pouvaient se montrer sans crainte. "Il consent à leur accorder la vie. Mais il fera vendre leurs biens. Seulement ils pourront les racheter en payant par forme d'amende, et pour leur grâce, la somme qui serait provenue de la vente." (2) Ceux-ci, qui jusqu'alors, glacés de frayeur, désespéraient d'échapper à la mort qu'ils avaient méritée, voyant à quel prix on leur offrait la vie, acceptèrent la condition sans balancer et avec joie, et prièrent César d'imposer lui-même une somme sur tous les trois cents solidairement. (3) En conséquence, César les taxa à deux millions de sesterces qu'ils paieraient au peuple romain en trois années et en six paiements. Bien loin de refuser, tous le remercièrent, disant que ce jour-là César leur avait donné une seconde existence.

[Début]

 

Zama ferme ses portes à Juba (91-92)

[91] (1) Cependant le roi Juba, qui s'était sauvé du combat, fuyait avec M. Pétréius, ne marchant que la nuit, et se cachant le jour dans les habitations isolées. Enfin il arriva dans son royaume. II se présenta d'abord à Zama, où il résidait d'habitude, où étaient ses femmes, ses enfants, ses trésors et tout ce qu'il avait de plus précieux, et où il avait fait, dès le commencement de la guerre, des fortifications considérables. (2) Mais les habitants, qui, à leur grande satisfaction, venaient d'apprendre la victoire de César, lui fermèrent leurs portes, parce que Juba, après avoir déclaré la guerre au peuple romain, avait fait dresser sur la place de la ville un bûcher immense, dans le dessein, s'il était vaincu, de les y jeter tous, avec tous leurs biens, après les avoir égorgés, de se tuer lui-même sur leurs cadavres et de se brûler comme eux avec ses femmes, ses enfants, ses sujets et tous ses trésors. (3) Il resta longtemps devant les portes de Zama à menacer les habitants, mais voyant qu'il n'obtenait rien, il eut recours aux prières, et les supplia de lui permettre de revoir ses dieux pénates. Comme ils persistaient dans leur refus, et que ni menaces ni prières ne pouvaient les engager à le recevoir, il demanda qu'au moins on lui rendit ses femmes et ses enfants pour les emmener avec lui. (4) N'ayant pas obtenir la moindre réponse, il s'éloigna de Zama et se rendit à sa maison de plaisance avec M. Pétréius et quelques cavaliers.

[92] (1) Cependant ceux de Zama envoient des députés vers César, à Utique, pour l'informer de l'état des choses, et le conjurer de leur envoyer du secours avant que Juba ait rassemblé des forces pour venir les attaquer: tant qu'ils vivront, eux et leur ville seront à ses ordres. (2) Après les avoir loués de leur zèle, César les renvoie chez eux annoncer sa prochaine arrivée. En effet, dès le lendemain, il sort d'Utique, et marche avec sa cavalerie vers le royaume de Juba. (3) Sur la route, plusieurs chefs ennemis viennent vers César et le prient de leur pardonner. (4) Il cède à leurs prières. Il arrive à Zama. Le bruit de sa douceur et de sa clémence, répandu partout, attire auprès de lui presque tous les cavaliers du royaume; il les rassure et les met à couvert de tout péril.

[Début]

 

Mort de Considius. Reddition de Verginius (93)

[93] (1) Tandis que ces choses se passaient, Considius, qui commandait à Thysdra, avec toute sa maison, des gladiateurs et une troupe de Gétules, ayant appris la défaite de son parti et redoutant l'arrivée de Domitius et des légions, désespéra de pouvoir garder la place, en sortit secrètement avec quelques Barbares en emportant ses trésors, et s'enfuit vers le royaume de Juba; (2) mais les Gétules qui l'accompagnaient le tuèrent en chemin, pour avoir son argent, et se retirèrent chacun où ils purent. (3) Pour C. Vergilius, quand il vit qu'enfermé dans Thapsus par mer et par terre il était hors d'état de rien entreprendre; que tous les siens étaient morts ou en fuite; que M. Caton s'était tué lui-même à Utique; que Juba était errant, abandonné, méprisé; que Sabura avait été défait avec ses troupes par Sitius; que César avait été reçu à Utique sans opposition; qu'enfin d'une si grande armée il ne restait personne pour le défendre lui et les siens, il se rendit au proconsul C. Caninius qui l'assiégeait, et, sur sa parole, lui livra la ville et tous ses biens.

[Début]

 

Mort de Juba et Pétréius (94)

[94] Cependant le roi Juba, repoussé de toutes les villes, désespéra de se sauver. Après avoir soupé avec Pétréius, voulant tous deux paraître mourir avec courage, ils prirent chacun une épée et se battirent. Comme Juba avait plus de force que Pétréius, il le tua sans peine. Il essaya ensuite de se percer de son épée; mais, ne pouvant y réussir, il pria un de ses esclaves de le tuer; ce qu'il obtint.

[Début]

 

Victoire de Sittius. Mort d'Afranius et Faustus (95)

[95] (1) Dans le même temps, P. Sittius, après avoir défait et tué Saburra, lieutenant de Juba, venait rejoindre César à travers la Mauritanie avec une troupe peu nombreuse, lorsqu'il rencontra par hasard Faustus et Afranius à la tête de ces cavaliers qui avaient pillé Utique: ils se dirigeaient vers l'Espagne au nombre d'environ quinze cents. (2) Sittius, leur ayant dressé une embuscade pendant la nuit, les attaqua à la pointe du jour; et, à la réserve de quelques cavaliers de l'avant-garde qui s'échappèrent, tous furent tués ou faits prisonniers: Faustus et Afranius eux-mêmes furent pris, avec la femme et les enfants du premier. (3) Quelques jours après dans une émeute de l'armée, on massacra Faustus et Afranius. César accorda à Pompéia, épouse de Faustus, et à ses enfants, la vie et tous leurs biens.

[Début]

 

Mort de Scipion (96)

[96] (1) Cependant Scipion s'était embarqué sur ses galères avec Damasippus, Torquatus et Plétorius Rustianus, dans le dessein de passer en Espagne. Après avoir été longtemps le jouet des flots, ils furent enfin déportés vers Hippone Royale, où était alors la flotte de P. Sittius. (2) Leurs vaisseaux, peu nombreux, furent enveloppés et coulés à fond par ceux de Sittius, qui étaient plus grands: Scipion périt avec ceux que j'ai nommés tout à l'heure.

[Début]

 

Règlement des affaires d'Afrique (97)

[97] (1) César fit à Zama la vente publique des biens de Juba et de ceux des citoyens romains qui avaient porté les armes contre la république, récompensa les habitants de la ville qui avaient conseillé d'en fermer les portes au roi, et, après avoir réduit la province en royaume, il y laissa Crispus Sallustius, en qualité de proconsul. De là il se rendit à Utique (2) où il vendit les biens de tous ceux qui avaient eu des commandements sous Juba et Pétréius. De même il imposa la ville de Thapsus à deux millions de sesterces, et son territoire à trois millions; la ville d'Hadrumète à trois millions, et à cinq son territoire: à ces conditions, ces villes et le pays furent exempts du pillage. (3) Ceux de Leptis, dont Juba avait, les années précédentes, ravagé les terres, et pour qui, sur leurs plaintes, le sénat avait nommé des arbitres auxquels ils avaient dû la restitution de leurs biens, furent condamnés à fournir tous les ans trois cent mille livres d'huile, parce que, dans le principe, par suite de la division des chefs, ils s'étaient alliés à Juba et lui avaient donné des armes, des soldats et de l'argent. (4) Quant à la ville de Thysdra, comme elle était peu considérable, elle fut seulement taxée à une certaine quantité de blé.

[Début]

 

César en Sardaigne. Retour à Rome (98)

[98] (1) Après tout ce que nous venons de raconter, César s'embarqua à Utique, aux ides de juin, et trois jours après, il arrive à Caralis en Sardaigne. (2) Là, il condamne les habitants de Sulci à une amende de dix millions de sesterces, pour avoir reçu la flotte de Nasidius dans leur port et lui avoir fourni des troupes. Au lieu du dixième qu'ils payaient, il les taxe au huitième, et fait vendre les biens de quelques-uns. Enfin, le troisième jour des calendes de juillet, il remonta sur sa flotte, et, de Caralis, il côtoya les terres; mais les vents contraires l'ayant retenu dans les ports, il n'arriva à Rome que le vingt-huitième jour.

 


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