Itinera Electronica Du texte à l'hypertexte Virgile Aeneis, Livre XII |
4. Le serment des rois (161-215)
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Commentaireles rois (12, 161). Essentiellement Latinus et Énée, respectivement flanqués des "princes" Turnus et Ascagne. Pour le serment des rois, Virgile a pris comme modèle, au chant 3 de l'Iliade d'Homère (vers 245-309), le pacte conclu entre Priam et Agamemnon, avant le combat singulier que se livreront Pâris et Ménélas.
stature imposante (12, 161). Dans l'Iliade aussi, les rois ont une stature imposante; on verra chez Virgile l'impression que donne Priam mort en 2, 557. Certains Modernes traduisent toutefois "avec une escorte imposante".
Soleil, son aïeul (12, 164). Virgile, on l'a vu, fait de Latinus le fils de Faunus et de la nymphe Marica. Selon Servius (ad locum), beaucoup identifiaient Marica à Circé, fille du Soleil. Mais il se pourrait que Virgile évoque ici la tradition d'Hésiode (Théogonie, 1011-1013), qui faisait de Latinus un fils d'Ulysse et de Circé. Quoi qu'il en soit, par Circé, nous remontons au Soleil.
serrant dans sa main (12, 165). Ce vers reprend textuellement 1, 313.
un porcelet au dos soyeux et une jeune brebis (12, 170). Dans le cérémonial de la conclusion d'un traité, les Latins immolaient un porc ou une truie (8, 639-641). Le texte latin précise qu'il s'agit d'une brebis "de deux dents", ce qu'explique M. Rat (p. 420, n. 3307) : "À un an, les ovins perdent les deux dents du devant de la mâchoire inférieure, à dix-huit mois les deux dents voisines. La brebis 'de deux dents' est donc une brebis qui a entre un an et dix-huit mois, celle que les paysans appellent une brebis antenaise, c'est-à-dire née l'année précédente". Ces jeunes brebis, que les Romains immolaient comme victimes, n'avaient pas encore subi la tonte. Pour le sacrifice d'une brebis lors de la conclusion d'un traité, il n'existe pas d'autre parallèle dans le rituel romain. Il est probable que Virgile ait suivi sur ce point son modèle homérique, où ce sont des agneaux qui sont sacrifiés (Iliade, 3, 292).
farine salée (12, 173). C'est, dans le rituel romain, le cérémonial de l'immolatio (au sens technique du terme) : avant de la tuer, on aspergeait la victime de mola salsa, c'est-à-dire de la farine de blé torréfié additionnée de sel et préparée rituellement par les Vestales trois fois par an. Cfr aussi, 2, 133.
marquent au fer (12, 173). Toujours avant de la tuer, on passait le couteau sur le dos de la victime, de la tête à la queue. C'était une prise de possession symbolique, qui achevait la consecratio. Dans le rite grec, on coupait quelques poils sur la tête de la victime (Iliade, 3, 273).
libations (12, 174). Des libations de vin (sur l'autel, sur la tête aussi de la victime) complétaient le cérémonial. On utilisait pour cela des patères, qui étaient des vases peu profonds de forme circulaire.
épée dégainée (12, 175). Ce détail ne semble pas correspondre à quelque chose de précis dans le rituel romain. On soupçonne l'influence du modèle homérique, où Agamemnon tranche lui-même la gorge aux animaux (Iliade, 3, 292).
cette prière (12, 175). Il est intéressant de rapprocher la prière d'Énée de celle d'Agamemnon (Iliade, 3, 276-291), pour ses similitudes et ses différences. Cfr la note de J. Perret (Virgile. Énéide, III, 1980,p. 131, n. 1 : "De là [= d'Homère] viennent Jupiter et les puissances cosmiques (soleil, astres, terre et fleuves), mais Énée omet les dieux infernaux. En revanche, il ajoute les dieux de la mer (ses navigations), Junon (dont il doit désarmer la colère), Mars (père des Romains), et s'approprie de façon émouvante l'invocation à la terre".
Soleil (12, 176). Le Soleil était une divinité romaine, à laquelle on offrait un sacrifice public le 9 août, mais le culte du Soleil ne prendra de l'extension que sous l'empire au moment de la diffusion des divinités orientales (les Baals syriens; Mithra).
Terre (12, 176). La Terre était aussi une divinité romaine (Tellus Mater ou Terra Mater), mais il semble qu'Énée ait ici à l'esprit la terre du Latium.
ton épouse, la Saturnienne (12, 178). Énée tente toujours d'amadouer l'ennemie acharnée des Troyens, ce qui ne sera définitif qu'à la fin du chant 12.
père (12,180). L'appellation "père" paraît heureuse (en dépit de l'anachronisme), Mars étant père de Romulus et partant de la nation romaine.
la ville d'Évandre (12, 184). Pallantée, d'où viennent les Arcadiens qui combattent aux côtés d'Énée et dont le jeune chef, Pallas, a été tué par Turnus au chant 10.
Iule (12, 185). La victoire de Turnus impliquerait la mort d'Énée, et ferait de Iule le chef des Troyens, ou Énéades.
Victoire (12, 187). La déesse Victoire avait dès le IIIe siècle a.C. sa statue à Rome sur le Forum. En -294, le consul Mégellus lui construisit un temple sur le Palatin à l'endroit où se trouvait autrefois, dit-on, un autel dédié à la déesse par Évandre. Auguste restaura le temple construit par Mégellus, fit de la Victoire, après Actium, la protectrice du nouveau régime, lui dressa un autel en plein Sénat et institua la fête annuelle du 28 août, où la Victoire, "compagne de l'Empereur" était associée à la Fortune impériale. À Lyon, l'énorme autel de Rome et d'Auguste fut dominé par la double image de la Victoire de Rome et de la Victoire d'Auguste. Virgile n'a pas omis de faire invoquer par Énée une divinité à la fois si ancienne et si fort à la mode (d'après M. Rat).
invaincues (12, 191). Aucune ne souffrira la honte de la conquête; aucune ne vivra sous les lois de l'autre.
Lavinia donnera son nom à la ville (12, 194). La ville que fondera Énée à côté de la cité des Laurentes s'appellera Lavinium (par exemple, Tite-Live, I, 1, 11). Sur l'ensemble de cet engagement d'Énée, on verra le commentaire de J. Perret (Virgile. Énéide, III, 1980, p. 246), résumé ci-après : "L'avenir envisagé est celui d'une communauté unique dont Énée réglera la vie religieuse; les Troyens n'auront pas de royaume distinct. Dans cette communauté, Énée ne revendique pas l'autorité royale : les Italiens ne seront pas les sujets des Troyens; les deux peuples originels seront égaux sous de mêmes lois. Dans cet organisme nouveau, Latinus ne peut, évidement, conserver telles quelles ses fonctions anciennes, en rapport avec l'exercice d'une autorité qui se limitait aux Laurentes et aux Latins; mais avec l'agrandissement de son peuple, elles seront plutôt dilatées que réduites : il aura le pouvoir militaire; il aura aussi l'autorité politique dans toute son étendue et telle que la confèrent les rites. Énée organisera la vie religieuse de la communauté, mais il n'habitera pas dans la capitale de l'État (évidemment l'urbs Latini); il se retirera dans une ville nouvellement édifiée et dont le nom, pris de celui de Lavinia, marquera son dévouement et sa piété envers Latinus son beau-père."
les mêmes engagements (12, 197). Sur ce point, Latinus est très peu explicite : il entend souscrire purement et simplement aux dispositions prises par Énée.
la double progéniture de Latone (12, 198). Il s'agit d'Apollon et de Diane.
Janus aux deux visages (12, 198). Janus, une ancienne divinité romaine, dieu des commencements et des passages, était régulièrement représenté avec deux visages, l'un regardant devant lui et l'autre derrière lui. On en avait fait un ancien roi du Latium, qui aurait donné son nom à une des collines romaines, le Janicule, et on avait considéré qu'il avait été déifié après un règne pacifique. Sur cette divinité, voir aussi 7, 177-182n, 7, 601-610n et 8, 357n.
Dis le cruel (12, 199). Dis est une ancienne divinité romaine des enfers, qui fut identifiée à Pluton. Il représente ici à les puissances infernales.
Jupiter qui par sa foudre (12, 200). Les traités étaient placés sous la protection de Jupiter, qui était censé frapper de sa foudre ceux qui violeraient leur serment.
touche les autels (12, 201). C'était l'attitude habituelle des suppliants et de ceux qui prêtaient serment (cfr par exemple 4, 219).
ainsi ce sceptre (12, 206-211). La comparaison est inspirée d'Homère (Iliade, 1, 234-239).
pères du Latium (12, 211). Le modèle homérique dit (Iliade, 1, 237-239) : "Le voici maintenant entre les mains des fils des Achéens qui rendent la justice et, au nom de Zeus, maintiennent le droit". Virgile transpose en évoquant les "pères du Latium", à savoir les "rois du Latium". Le sceptre de Latinus serait celui des rois du Latium.
bassins (12, 215). Reprise de la fin du vers 8, 284. C'est la continuation du sacrifice. Mais Virgile n'est pas très précis. S'agit-il des exta, la partie réservée aux dieux, ou des chairs mêmes, qui sont consommées par les participants ? Cfr 8, 180n.
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