Itinera Electronica
Du texte à l'hypertexte

Virgile Aeneis, Livre XII

IV. Dénouement proche [554-696]

 1. Assaut de la ville de Latinus (554-592)

Alors la mère d'Énée, la toute belle, lui inspira l'idée

12, 555 de s'approcher des murs, de tourner au plus tôt ses troupes
vers la ville, pour troubler les Latins par une attaque soudaine.
Lui, cherchant Turnus à travers les divers bataillons,
faisait porter partout ses regards; il aperçut la ville,
à l'abri de la terrible guerre et impunément tranquille.

12, 560 Aussitôt l'idée d'un combat plus important lui brûle l'esprit :
il convoque les chefs, Mnesthée et Sergeste et le vaillant Séreste,
et occupe une hauteur, où accourt le reste de la légion troyenne;
tous, sans déposer ni boucliers ni javelots, se pressent en rangs serrés.
Debout en haut du talus au milieu de ses hommes, Énée dit :

12, 565 "Mes ordres ne souffriront aucun retard, Jupiter est avec nous;
que personne, malgré ma décision soudaine, n'hésite à me suivre.
Aujourd'hui, cette ville, cause de la guerre, et le royaume même de Latinus,
s'ils ne consentent pas à accepter notre joug et à nous obéir en vaincus,
je les détruirai et en raserai complètement les édifices fumants.

12, 570 Vais-je donc attendre qu'il plaise à Turnus de se battre avec moi
et de reprendre à nouveau les armes, lui qui est déjà vaincu ?
C'est ici le début, citoyens, c'est ici le noeud de cette abominable guerre.
En hâte, apportez des flambeaux et, flamme au poing, exigez le respect du traité".
Il avait parlé, et tous, avec la même ardeur au coeur,

12, 575 se forment en triangle, et se portent en masse compacte vers les murs;
Des échelles apparaissent à l'improviste, puis un feu soudain.
Certains courent vers les portes et tuent les premiers qu'ils rencontrent,
d'autres brandissent leur arme, l'éther s'assombrit sous les traits.
Énée en personne, au premier rang, au pied des remparts,

12, 580 tend la main droite et, d'une voix forte, interpelle Latinus,
prétend devant les dieux qu'il est à nouveau contraint à la guerre,
que pour la seconde fois les Italiens lui sont hostiles et un traité est rompu.
La discorde s'élève parmi les citoyens épouvantés :
les uns veulent laisser aux Dardanides l'accès à la ville

12, 585 et ouvrir les portes, entraînant même le roi sur les remparts;
d'autres apportent des armes et persistent à défendre les murs.
C'est comme lorsqu'un berger a découvert un essaim d'abeilles
dans les creux d'un rocher qu'il emplit d'une fumée piquante;
à l'intérieur, les abeilles effrayées volent en tous sens dans leur camp de cire,

12, 590 et d'incessants bourdonnements aigus attisent leurs colères;
une odeur sombre roule dans leurs demeures, puis, à l'intérieur,
les pierres craquent sourdement, et la fumée s'échappe à l'air libre.

Hic mentem Aeneae genetrix pulcherrima misit,

555 iret ut ad muros urbique aduerteret agmen
ocius et subita turbaret clade Latinos.
Ille ut uestigans diuersa per agmina Turnum
huc atque huc acies circumtulit, aspicit urbem
immunem tanti belli atque impune quietam.

560 Continuo pugnae adcendit maioris imago:
Mnesthea Sergestumque uocat fortemque Serestum
ductores tumulumque capit, quo cetera Teucrum
concurrit legio nec scuta aut spicula densi
deponunt. Celso medius stans aggere fatur:

565 'Nequa meis esto dictis mora; Iuppiter hac stat,
neu quis ob inceptum subitum mihi segnior ito.
Urbem hodie, causam belli, regna ipsa Latini,
ni frenum accipere et uicti parere fatentur,
eruam et aequa solo fumantia culmina ponam.

570 Scilicet exspectem, libeat dum proelia Turno
nostra pati rursusque uelit concurrere uictus?
Hoc caput, O ciues, haec belli summa nefandi:
ferte faces propere foedusque reposcite flammis.'
Dixerat, atque animis pariter certantibus omnes

575 dant cuneum densaque ad muros mole feruntur.
Scalae improuiso subitusque apparuit ignis.
Discurrunt alii ad portas primosque trucidant,
ferrum alii torquent et obumbrant aethera telis.
Ipse inter primos dextram sub moenia tendit

580 Aeneas magnaque incusat uoce Latinum
testaturque deos, iterum se ad proelia cogi,
bis iam Italos hostis, haec altera foedera rumpi.
Exoritur trepidos inter discordia ciuis:
urbem alii reserare iubent et pandere portas

585 Dardanidis ipsumque trahunt in moenia regem,
arma ferunt alii et pergunt defendere muros.
Inclusas ut cum latebroso in pumice pastor
uestigauit apes fumoque impleuit amaro:
illae intus trepidae rerum per cerea castra

590 discurrunt magnisque acuunt stridoribus iras;
uoluitur ater odor tectis, tum murmure caeco
intus saxa sonant, uacuas it fumus ad auras.


Commentaire

la mère d'Énée (12, 554). Vénus.

Mnesthée... Sergeste... Séreste (12, 561). Ce sont les fidèles compagnons d'Énée, souvent cités. Pour Mnesthée, voir par exemple 12, 127 et 12, 549; pour Sergeste, voir 1, 510; 4, 288, et 5, 121; pour Séreste, voir par exemple 10, 541 et 12, 549.

Jupiter est avec nous (12, 565). Cette finale de vers est reprise aux Annales d'Ennius.

ma décision soudaine (12, 566). Il n'avait pas auparavant l'intention d'attaquer la ville; il a donc changé d'avis.

déjà vaincu (12, 572). Énée ignore donc le stratagème de Juturne (12, 466ss) et croit que Turnus a fui.

C'est ici le début (12, 572). Énée a à l'esprit la ville des Latins.

interpelle Latinus (12, 580). En fait, Latinus n'est pour rien dans la reprise de la guerre, mais pour Énée, il reste le chef des ennemis.

pour la seconde fois (12, 582). La première fois, lorsque fut rompu, suites aux manoeuvres de Junon et d'Allecto (livre 7), l'accord conclu entre Latinus et Ilionée, porte-parole d'Énée (7, 249-285); la seconde fois, lorsque le geste de Tolumnius (12, 258-268), téléguidé par Junon et par Juturne, rendit caduc le pacte conclu devant les autels par Latinus et Énée.

La discorde (12, 583). La ville est divisée, comme au livre 11, 213-444, après la défaite des Latins et à l'occasion du conseil de guerre chez Latinus.

entraînant le roi (12, 585). Pour qu'il parle à Énée et reprenne les négociations.

c'est comme lorsqu'un berger (12, 587-592). Cette comparaison avec des abeilles enfumées se trouve déjà dans Apollonius de Rhodes, qui l'applique aux Bébryces mis en déroute par les Argonautes (Argonautiques, 2, 130ss.).

fumée piquante (12, 588). On enfumait les abeilles pour recueillir le miel (cfr Géorgiques, 4, 230).

une odeur sombre (12, 591). C'est-à-dire l'odeur de la sombre fumée.

 



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Dernière mise à jour : 12/03/2002