Bibliotheca Classica Selecta - Autres traductions françaises dans la BCS - Plan - vv. 204-213 - vv. 271-354

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EURIPIDE

MÉDÉE

Traduction nouvelle commentée et annotée
Danielle De Clercq, Bruxelles, 2005

TEXTE


vv. 214-270 (
Scène VI)

(Médée, coryphée )

MÉDÉE (214- 266)

(214-229) Dames de Corinthe, me voici hors de la maison... Non, ne me blâmez pas. Je connais pas mal de gens qui ont fière allure, les uns sous mes yeux, d'autres à l'étranger. Cette désinvolture leur vaut la mauvaise réputation d'être superficiels. Est-il équitable le regard du public? Non, car sans connaître quelqu'un en profondeur, des gens se mettent à le haïr rien qu'à le regarder et sans avoir subi de sa part le moindre mal.

Certes, il faut que l'étranger noue des liens avec la ville qui l'accueille et je n'ai jamais non plus donné raison au citadin que son arrogance rend odieux à ses concitoyens qu'il préfère ne pas connaître.

Moi, cet événement inattendu qui m'est tombé dessus, m'a complètement détruite. Je suis perdue. Je n'ai plus aucun plaisir de vivre. Je veux en finir, mes amies. Celui qui représentait tout pour moi - je ne le sais que trop! - est devenu le plus abject des hommes... et dire que c'est mon mari.

(230-251) De tous les êtres vivants doués de pensée, nous sommes, nous les femmes, la plus malheureuse des espèces. Tout d'abord, il faut - en y mettant le prix! - acheter un époux pour en faire le maître de notre corps. Or, il y a un mal encore bien plus dur à endurer, puisque c'est cela le grand enjeu: tomber sur un mauvais bougre ou un homme de bien. Car ce n'est pas bien glorieux pour des femmes que d'être répudiées et il ne leur est pas possible de refuser un époux.

Une fois installée chez son époux, la femme découvre des habitudes et des usages qu'elle ne soupçonnait pas. Il lui faut être devin, puisqu'elle sort de chez elle sans rien savoir, pour se mettre au mieux avec celui qui partage son lit.

Et, si nous nous en tirons bien dans cette tâche et que l'époux vit avec nous en portant le joug sans réchigner, alors notre existence est enviable. Mais, si ce n'est pas comme ça, il n' y a plus qu'à mourir.

(244-247) L'homme qui ne supporte plus ceux avec qui il vit à la maison, va voir hors de chez lui et il a vite fait de mettre fin au dégoût qui le tient. Mais nous - il ne peut en être qu'ainsi! - nous n'avons qu'un seul être vers qui attacher nos regards.

On dit de nous que nous menons une vie sans risques à l'intérieur de nos maisons, tandis que les hommes soutiennent des luttes armées. Quel mauvais raisonnement! (250) Car moi je préférerais combattre trois fois qu'accoucher une seule!

(S'adressant au coryphée) (252-266)

(252-255) Mais ce qui se passe, c'est que toi et moi, nous ne parlons pas de la même chose. Toi, tu vis dans ta propre ville, où se trouve la maison de ton père, où tu as des moyens d'existence et des amis à fréquenter. 

(256-266) Mais moi qui suis seule, apatride, arrachée comme un butin à ma terre barbare, je subis les outrages d'un homme, je n'ai ni mère ni frère, pas même un parent (258) auprès de qui jeter l'ancre loin de ce marasme.

Quelle est donc la seule chose que je veux obtenir de toi, si je découvre un moyen, un stratagème pour faire payer à mon époux la contrepartie de mes souffrance?

Ton silence!

(264) Car la femme en général est très peureuse et elle perd ses moyens si on la confronte à la violence et aux armes. Mais si elle est atteinte injustement dans sa vie conjugale, il n'y a pas d'âme plus meurtrière.

CORYPHÉE (267-270)

C'est ainsi que j'agirai, c'est en toute justice que tu châtieras ton mari, Médée! Je ne m'étonne pas de te voir pleurer sur tout ce qui t'arrive.

(Créon, tyran de Corinthe arrive solidement escorté)

Mais je vois s'approcher Créon, prince de notre terre, qui vient annoncer ses nouvelles décisions.

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