FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 14 - juillet-décembre 2007


 


Évocation d'un habitat gaulois
© Musée des Celtes, Libramont.

Villas et campagnes en Gallia Belgica.

Recueil de textes
I. Avant les uillae

par

Paul Fontaine

 

Table des matières - I - II - III - IV - V


Plan

1. Varron, Économie rurale, I, 7, 8

2. César, Guerre des Gaules, VI, 5, 7-6,1

3. César [Hirtius], Guerre des Gaules, VIII, 24, 4-25,1

 


 

 

1. Tremelius Scrofa, agriculteur expérimenté et ami de Varron, servit comme officier dans l’armée de César lors de la conquête de la Gaule. D’une opération menée dans le nord, il conserve le souvenir de paysages et de traditions inhabituels pour un méditerranéen.

     (Varron, Économie rurale, I, 7, 8 ; texte établi et traduit par J. Heurgon, Paris, 1978)

 

    In Gallia transalpina intus, ad Rhenum cum exercitum ducerem, aliquot regiones accessi, ubi nec uitis nec olea nec poma nascerentur, ubi agros stercorarent candida fossicia creta, ubi salem nec fossicium nec maritimum haberent, sed ex quibusdam lignis combustis carbonibus salsis pro eo uterentur.

 

    À l’intérieur de la Gaule transalpine, à l’époque où je conduisais une armée vers le Rhin, j’ai atteint plusieurs régions où ne croissaient ni la vigne ni l’olivier ni les arbres fruitiers, où l’on amendait les terres avec une craie blanche extraite du sol1, où l’on ne connaissait ni le sel gemme ni le sel marin, et où on le remplaçait par des charbons salés obtenus par la combustion de certains bois.

 

1 Il pourrait s’agir de la marga dont parlera Pline un siècle plus tard. Voir infra, texte n° 37.


2. Le récit qu’a laissé César de la conquête de la Gaule contient de nombreuses informations susceptibles d’éclairer la géographie physique et humaine des territoires traversés. Ainsi, en dépit de son extrême sobriété, le rapport de la troisième attaque du pays des Ménapiens (53 av. J.-C.) laisse entrevoir le paysage de cette région, avec ses villages ou hameaux (uici), ses fermes isolées (aedificia), d’importants troupeaux aussi.

    (César, Guerre des Gaules, VI, 5,7-6,1 ; texte établi et traduit par L.A. Constans, Paris, 1926)

 

    Illi nulla coacta manu loci praesidio freti in siluas paludesque confugiunt suaque eodem conferunt. [6] Caesar partitis copiis cum Gaio Fabio legato et Marco Crasso quaestore celeriterque effectis pontibus adit tripertito, aedificia uicosque incendit, magno pecoris atque hominum numero potitur.

 

    Sans rassembler de troupes, confiants dans la protection que leur offrait le pays, ils (= les Ménapiens) se réfugient dans les forêts et les marécages et y transportent leurs biens. [6] César partage ses troupes avec son légat Caius Fabius et son questeur Marcus Crassus, fait jeter des ponts et pénètre dans le pays en trois endroits ; il incendie fermes et villages, prend beaucoup de bétail et fait de nombreux prisonniers.


3. Chez les Nerviens, les Aduatiques et les Éburons, la conquête de César décapite l’aristocratie guerrière au pouvoir et entraîne de véritables catastrophes humanitaires. En 57, près de 60.000 Nerviens furent tués ou blessés et, la même année, pas moins de 53.000 Aduatiques furent déportés comme esclaves (César, Guerre des Gaules, II, 28 et 33). Enfin, le génocide des Éburons, entrepris en 53 (VI, 30-31 et VI, 43), fut encore relancé en 51, avec d’autant plus de hargne qu’Ambiorix, instigateur d’un massacre de troupes romaines trois ans plus tôt, demeurait insaisissable.

    (César [Hirtius], Guerre des Gaules, VIII, 24,4-25,1 ; texte établi et traduit par L.A. Constans, Paris, 1926)

 

 

    [24] Ipse ad uastandos depopulandosque fines Ambiorigis proficiscitur ; quem perterritum ac fugientem cum redigi posse in suam potestatem desperasset, proximum suae dignitatis esse ducebat, adeo fines eius uastare ciuibus, aedificiis, pecore, ut odio suorum Ambiorix, si quos fortuna reliquos fecisset, nullum reditum propter tantas calamitates haberet in ciuitatem. [25] Cum in omnes partes finium Ambiorigis aut legiones aut auxilia dimisisset atque omnia caedibus, incendiis, rapinis uastasset, magno numero hominum interfecto aut capto, Labienum cum duabus legionibus in Treueros mittit.

 

    [24] De son côté, il (César) part pour ravager et saccager le pays d’Ambiorix. Ayant renoncé à l’espoir de réduire ce personnage, bien qu’il l’eût contraint de trembler et de fuir, il jugeait que son honneur exigeait au moins cette satisfaction : faire de son pays un désert, y tout détruire, hommes, maisons, bétail, si bien qu’Ambiorix, abhorré des siens - si le sort permettait qu’il en restât -, n’eût plus aucun moyen, en raison de tels désastres, de rentrer dans sa cité. [25] Après avoir dirigé ses troupes sur toutes les parties du territoire d’Ambiorix, soit des légions, soit des auxiliaires, après avoir semé partout la désolation en massacrant, incendiant, pillant, après avoir tué ou faits prisonniers un grand nombre d’hommes, César envoya Labiénus chez les Trévires avec deux légions.

 

Même si le rapport de César, seul témoignage écrit dont nous disposons, peut receler certaines exagérations, il est un fait assez significatif de l’ampleur de la tragédie chez les Aduatiques et les Éburons: quelque trente années encore après la conquête, l’empereur Auguste dut repeupler leurs territoires en y installant des populations originaires de Germanie, les Tongres et les Taxandres. D’un point de vue plus général, dans les campagnes du nord de la Gaule, fortement traumatisées par la « pacification » de César, un siècle s’écoula avant la véritable renaissance que manifeste l’apparition des uillae romaines.

 

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