Itinera Electronica Du texte à l'hypertexte Virgile Aeneis, Livre XII |
1. Revirement de Junon (791-842)
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CommentaireÉnée Indigète (12, 794). Dans la religion romaine, le sens précis du mot latin Indiges, traduit ici par "Indigète", est difficile à déterminer. Comme épithète cultuelle, on ne le rencontre en tout cas qu'avec Sol, Iuppiter et Aeneas. Il implique ici qu'Énée doit devenir dieu.
les destins (12, 795).Les destins ont décidé qu'Énée deviendrait un dieu. On sait que les divinités peuvent éventuellement retarder l'accomplissement des destins, mais qu'elles ne peuvent pas les modifier.
outrager un dieu (12, 797). Allusion à la flèche anonyme qui blessa Énée (12, 319), pourtant destiné, Jupiter vient de le dire, à devenir dieu, ou bien au coup tenté par Turnus contre l'armure d'Énée (12, 728ss). Cf aussi les regrets de Diomède qui avait blessé Vénus (11, 275-277).
de rendre à Turnus (12, 798-799). Jupiter reproche à Junon d'avoir poussé Juturne à rendre à Turnus son épée "miraculeuse" (12, 783ss), ce qui a contribué à prolonger en vain la résistance de Turnus, dont la défaite est arrêtée par les destins.
Tu as pu tourmenter (12, 803). Rappel de l'acharnement de Junon contre les Troyens depuis leur départ de Troie. C'est Junon qui a suscité la tempête racontée au premier livre, en faisant intervenir Éole, le dieu des vents (1, 12-80); c'est elle aussi qui a allumé la guerre entre Troyens et Latins au livre sept, en envoyant Allecto sévir dans le Latium (7, 286-622).
déshonorer une famille (12, 805). Le suicide d'Amata (12, 595-603), imputable lui aussi à Junon, a apporté le déshonneur dans la maison et endeuillé le mariage de Lavinia.
sur ce nuage (12, 810). "Les dieux résident habituellement dans l'éther (ou Olympe), d'où ils peuvent observer la terre (1, 223-226; 10, 758-760). Junon elle-même descend parfois jusqu'à terre (mais sans se montrer aux hommes, 2, 612; 10, 633-635; 12, 134 [...]. Ici dans un nuage, elle surveille les événements de plus près. Quand elle quittera son nuage et le "ciel" (12, 842), ce sera pour remonter dans l'Olympe " (J. Perret, Virgile. Énéide, III, 1980, p. 156, n. 1). Dans l'histoire de Camille, Opis, que Virgile appellera déesse (11, 852), observait la bataille du haut d'une montagne (11, 836); elle s'installera plus près encore du sol, sur un tertre, pour tuer Arruns, puis, sa mission accomplie, elle regagnera l'Olympe (11, 849-867).
J'ai persuadé Juturne (12, 813). Junon rappelle ici la mission qu'elle avait confiée à Juturne au début du chant (12, 138-159), en un moment où elle savait déjà que tout était perdu pour Turnus. Dans ce passage, le terme "audace" revient à plusieurs reprises.
je le jure (12, 816). Comme l'écrit Homère (Iliade, 15, 37-38), le serment par le Styx est "le plus grand, le plus terrible des serments, pour tous les dieux bienheureux" (cfr aussi Énéide, 6, 323). La divinité parjure était privée pour neuf ans de la table de Jupiter et d'autres prérogatives. Jupiter avait ainsi voulu récompenser le dieu du Styx d'avoir pris parti pour lui dans la lutte contre les Titans, en lui envoyant notamment ses deux filles, la Victoire et la Force,
la majesté des tiens (12, 820). C'est-à-dire des Latins. Latinus, leur roi, descendait de Jupiter et de Saturne (7, 47-49).
heureux mariages (12, 821). L'union d'Énée et de Lavinia sera sans doute imitée par beaucoup d'autres couples, et l'on assistera à des mariages mixtes.
changer leur ancien nom (12, 823). Par cette intervention de Junon, Virgile explique pourquoi le nom célèbre de Troie n'a pas été conservé par Énée et ses descendants (M. Rat). On notera d'ailleurs que dans l'Énéide les Latins apparaissent comme les plus anciens occupants du lieu, ce qui n'était pas le cas dans la tradition antérieure (Caton par exemple) et même chez Tite-Live ou chez Denys d'Halicarnasse. Chez ces auteurs, le peuple de Latinus aurait porté le nom d'Aborigènes, et le terme "Latins" ne serait apparu qu'à l'époque d'Énée, pour désigner précisément le peuple résultant de la fusion des Troyens et des Aborigènes. Le discours de Junon met bien en évidence l'amour qu'elle porte aux Latins, à leur langue et à leurs coutumes. Ce qu'elle ne supporterait pas, c'est la persistance des termes"Troie" et "Troyens".
le Latium vive etc. (12, 826-827). Horace (Odes, 3, 3, 57-64) attribue la même pensée à Junon, dans l'assemblée des dieux qui délibèrent sur l'accession au ciel de Romulus. Les rois qui se succéderont à Albe seront appelés albains, et non troyens. Le vers 827 est important dans l'optique de l'Énéide et de la mentalité augustéenne : Rome est forte de tout ce qui fait la valeur des différents peuples qui constituent l'Italie. C'est elle (et Auguste) qui assure la synthèse.
soeur de Jupiter (12, 830-832). Servius propose de voir dans le vers 831 une explication de 830 : "Tu es bien ma sur et je le reconnais à la vivacité de tes ressentiments". Selon J. Perret (Virgile. Énéide, III, 1980, p. 257), Jupiter rappellerait ici à Junon que, compte tenu de sa majesté et de son autorité, elle n'a pas besoin de se mettre en colère. En substance, Jupiter lui dirait de ne pas perdre son calme.
physiquement fusionnés (12, 835-836). Les Troyens constitueront seulement un apport physique (Junon avait évoqué un peu plus haut les mariages qui uniraient les deux peuples). Ils vont se fondre dans le peuple latin; "non seulement le nom de Troie aura disparu, mais les Troyens perdront le sentiment de leur identité distincte: au même titre que les indigènes, ils se proclameront Latins" (J. Perret, Virgile. Énéide, III, 1980, p. 258).
nulle autre nation ne célébrera (12, 840). Il s'agit bien évidemment des Romains, chez qui Junon était particulièrement honorée. Elle partageait notamment avec Jupiter et Minerve le grand temple érigé sur le Capitole (celui de la triade capitoline), mais elle possédait aussi à Rome beaucoup de sanctuaires qui lui étaient propres. Ainsi, sous l'épithète de Lucina, elle avait sur l'Esquilin un temple dédié en -375, où on célébrait annuellement, au mois de mars, la fêtes des Matronalia; Junon Moneta avait un temple, sur le Capitole, élevé en -344 par Camille, sur l'emplacement de la maison de Manlius Capitolinus; Junon Regina était encore vénérée dans deux autres sanctuaires, l'un sur l'Aventin, érigé par Camille et reconstruit par Auguste, l'autre au portique d'Octavie. Junon était également vénérée en dehors de Rome, à Véies, à Lanuvium, à Faléries, à Tibur.
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