FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 4 - juillet-décembre 2002


Orphée et Médée. Approche comparative de deux gestes mythiques
par
 
Marie-Adélaïde Debray
 
Étudiante de licence en langues et littératures classiques

Le présent travail a été réalisé à Louvain-la-Neuve en janvier 2002 dans le cadre du cours de Typologie et permanence des imaginaires mythiques dont le thème était la figure d'Orphée. Marie-Adélaïde Debray a choisi de comparer Orphée à un autre personnage mythique, fort important, Médée.

Trois travaux liés au même cours font aussi partie du fascicule 4 des Folia Electronica Classica. Il s'agit de :

  • un compte rendu de J. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1976, dû à Thomas Labeye,

  • un compte rendu de F. Buffière, Les mythes d'Homère et la pensée grecque, Paris, 1956, dû à Aline Smeesters,

  • et un compte rendu de M. Simon, Hercule et le Christianisme, Paris, 1955, dû à Stéphanie Danvoye

[Note de l'éditeur - mars 2002]


Plan

 

Introduction 

Dans le cadre du cours de typologie et permanence des imaginaires mythiques, traitant du mythe d’ Orphée, j’ai choisi de comparer ce personnage mythique à un autre, dont la geste me semblait tout aussi complexe et diversifiée. C’est pourquoi, j’ai intitulé cette brève recherche "Orphée et Médée".

La comparaison m’a paru pertinente et éclairante dans la mesure où les deux personnages, qui appartiennent manifestement à la mythologie grecque depuis la plus haute antiquité, présentent pas mal de caractéristiques communes, ainsi que des oppositions qui les rendent, du moins à première vue, complémentaires.

Afin d’explorer cette piste de manière plus systématique, j’ai commencé par analyser les sources antiques du mythe de Médée, comme cela avait été fait pour Orphée. J’ai ensuite brossé un rapide tableau de la survie de ce mythe qui a façonné l’imaginaire occidental de l’antiquité à nos jours. Cette petite digression est destinée à montrer que le mythe de Médée, comme celui d’Orphée, a joué un rôle important, pour ne pas dire fondamental, dans le cheminement de l’imaginaire européen au fil des siècles. Après cela, on trouve un résumé des principales composantes du mythe de Médée, articulées en six séquences. Enfin, dans le troisième chapitre, j’ai tenté de mettre en évidence une série de points communs ainsi qu’une série d’oppositions qui, me semble-t-il, permettent d’interpréter les figures de Médée et d’Orphée comme deux versants opposés d’une même réalité.

[Plan]


 
 1. Les sources du mythe de Médée

 

1.1. Sources grecques

* Hésiode, dans la Théogonie, présente la généalogie de Médée : fille d’Aiétès et d’Idye, elle est ainsi petite-fille du Soleil et de l’Océan, et nièce de Circé.

* C’est dans les Corinthiaca d’Eumélos de Corinthe (VIIe a.C. ?), aujourd’hui perdues, qu’apparaît la première mention de la "terre de Colchide".

* Toujours à l’époque archaïque, les Nostoi cycliques, dont il ne reste que des fragments, faisaient allusion au rajeunissement d’Aison opéré par Médée (cure grâce à laquelle, selon certaines versions, Médée persuadait les filles de Pélias de dépecer leur père).

* Pindare consacre la plus grande partie de sa Quatrième Pythique au mythe des Argonautes : Pélias a usurpé le trône, et c’est pour revendiquer son patrimoine que Jason arrive à Iôlcos. Quant à Médée, elle prédit aux Argonautes que la descendance d’Euphamos colonisera la région du Nil. Médée tombe amoureuse de Jason grâce à l’intervention d’Aphrodite et elle aide celui-ci à conquérir la Toison d’or grâce à ses potions magiques. Elle accompagne dans leur retour vers la Grèce les Argonautes, Jason lui ayant promis le mariage. Médée est désignée comme "la meurtrière de Pélias".

* Hérodote, au début du livre I, mentionne l’enlèvement de Médée par les Grecs et en fait l’une des causes du différend entre les Grecs et les barbares. Au livre VII, il dit que c’est "Médée la Colchidienne"  qui fit changer de nom les Mèdes (appelés auparavant Ariens).

* Euripide a consacré l'une de ses tragédies les plus connues à Médée. La pièce relate les événements "corinthiens" : après le meurtre de Pélias, Jason et Médée se sont réfugiés à Corinthe, où le roi Créon accorde sa fille Glaukè à Jason. La vengeance de l’épouse délaissée est terrible : elle tue la nouvelle épouse et le père de celle-ci (par sa magie), et égorge ses deux enfants. Ensuite, elle s’envole sur un char ailé vers Athènes, où Égée lui a promis l’hospitalité parce qu’elle-même lui a promis que par ses philtres, elle lui donnerait une descendance

* Le poète hellénistique Apollonios de Rhodes a consacré une épopée à la légende des Argonautes. La figure de Médée apparaît maintes fois dans les Argonautiques : magicienne et prêtresse d’Hécate, elle est aussi la fille du roi de Colchide Aiétès. Elle s’éprend de Jason grâce à l’intervention d’Héra. Après hésitations et angoisses, elle se décide à trahir son père par amour pour Jason. Le héros conquiert la Toison d’or grâce à sa magie. Puis ils s’enfuient tous deux, après avoir comploté contre le frère de Médée, Apsyrtos, que Jason tue. Jason installe la jeune fille sur la poupe d’Argô et s’engage à l’épouser. Ils sont purifiés, puis chassés, par Circé. On célèbre leurs noces chez Alkinoos. Au cours du retour des Argonautes, Héra, qui veut aider Jason, son protégé, à passer outre Charybde et Skylla, fait appel à Thétis : "Quand il [= Achille] arrivera dans la plaine Élyséenne, ce fils qu’aujourd’hui, sevré de ton lait, des Naïades nourrissent dans la demeure du Centaure Chiron, son destin est d’être l’époux de la fille d’Aiétès, de Médée : va donc au secours de ta bru, toi, sa belle-mère, et de Pélée aussi." (IV, 811-816)

* Strabon affirme que " Médée la magicienne est un personnage historique " et il fait de la magicienne Circé un doublet homérique de Médée (I, 2, 39).

* Plutarque, dans la Vie de Thésée, nous présente Médée vivant avec Égée à la cour d’Athènes, parce qu’elle lui avait promis que grâce à ses drogues, il pourrait avoir des enfants (déjà chez Euripide). Lorsque Thésée arrive, pressentant qu’il était le fils d’Égée, alors que ce dernier l’ignorait encore, elle le persuada d’inviter le jeune homme à un repas et de l’empoisonner. Mais Thésée fit un signe de reconnaissance à son père et l’empoisonnement n’eut pas lieu.

* Pausanias, dans son livre consacré à l’Élide, décrit un coffre qui se trouve dans le temple d’Héra : Médée apparaît, assise sur un trône, Jason est debout à sa droite, Aphrodite à sa gauche. Une inscription en-dessous d’eux dit : "Jason épouse Médée, Aphrodite l’y invite." Dans son livre consacré à l’Arcadie, il parle des tombeaux des filles de Pélias, et raconte à cette occasion l’épisode du meurtre de Pélias.

* Lucien, dans son opuscule 10, intitulé La salle, décrit une peinture, "Médée sur le point de tuer ses enfants".

* Vers le Ve siècle de notre ère ont été rédigées les Argonautiques orphiques, récit du périple de Jason et de ses compagnons. Médée n’y apparaît pas différemment de chez Apollonios et se voit attribuer plusieurs épithètes de type homérique : "Médée à la couche funeste", "Médée à la couche maudite", "Médée au triste hymen".

* En plus de ces récits, on trouve à travers la littérature grecque de nombreuses allusion à Médée. Ainsi chez Théocrite, dans l'Idylle intitulée Les Magiciennes : "Salut Hécate redoutable, assiste-moi jusqu’au bout, et rends mes enchantements aussi forts que ceux de Circé, ou de Médée, ou de la blonde Périmède." (II, 14-16). Chez Chariton, auteur du roman Chairéas et Callirhoé, l’infanticide de Médée est évoqué dans le contexte d’un débat intérieur de l’héroïne, qui hésite à avorter. Celle-ci pense qu’en avortant, elle serait encore "plus cruelle que Médée", qui avait été abandonnée par son mari, alors qu’elle-même avait perdu le sien, mais sans qu’il lui soit infidèle...

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1.2. Sources latines

* Cicéron, dans le traité De natura deorum, oppose des arguments à ceux qui rejettent les dieux des barbares. En III, 48, il présente Médée comme divine en raison de son ascendance (quae duobus auis Sole et Oceano, Aeeta patre matre Idyia procreata est).

* Properce, dans l’élégie XXIV du livre II, dit que Médée a été abandonnée par Jason, qu’elle avait auparavant secouru. Dans l’élégie XIX du livre III, il fait allusion à l’infanticide de Médée. Celle-ci est également citée dans l’élégie V du livre IV.

* Ovide, lui, reprend le mythe de Médée dans deux de ses oeuvres.

 Les vers 1 à 452 du septième livre des Métamorphoses y sont entièrement consacrés : passion de Médée dès l’arrivée en Colchide de Jason ; débat intérieur entre passion et piété filiale  ; elle prend la décision de quitter parents et pays pour l’amour de Jason qui prête serment et s’engage à l’épouser ; grâce à ses herbes enchantées, il s’empare de la toison d’or ; à Iolcos, elle rajeunit le père de Jason (lorsqu’elle célèbre pour cela ses mystères, Ovide la compare à une bacchante) ; elle assassine Pélias en trompant ses filles, puis après une brève évocation des événements de Corinthe, Ovide nous la présente à Athènes où elle tente d’empoisonner Thésée par un mélange qu’elle a composé et en trompant Égée ; elle échappe à la mort " au milieu d’un nuage amassé par ses enchantements " (VII, 424).

 Dans le recueil des Héroïdes, deux lettres s’inscrivent dans la séquence mythique des Argonautes : "Hypsipyle à Jason" (VI) et "Médée à Jason" (XII). Dans la douzième Héroïde, Médée rappelle l’aide qu’elle a apportée à Jason lors de la conquête de la toison d’or et les sacrifices qu’elle a faits pour lui, elle le maudit pour son ingratitude et sa tahison et elle annonce que sa vengeance sera terrible (Nescio quid certe mens mea maius agit, en XII, 212).

* Le mythe de Médée est un de ceux qui ont le plus inspirés les auteurs tragiques à Rome : Ennius (3e -2e s. a.C.) composa une Médée en exil, son neveu Pacuvius, une tragédie intitulée Medus (racontant l’histoire du fils de Médée et d’Égée). Plus tard, Accius (2e - 1er s. a.C.) : "La majorité des tragédies d’Accius traite de légendes grecques, déjà souvent portées à la scène. Ses sujets préférés paraissent avoir été ceux qui comportaient des épisodes violents ou atroces" (P. Grimal, Littérature latine, 1996, p. 56). C’est donc tout naturellement qu’il composa une Médée. Ces tragédies sont aujourd’hui perdues. Nous avons conservé la Médée de Sénèque. Celui-ci reprend le sujet de la pièce d’Euripide, mais s’en distingue à plusieurs points de vue : la trame est moins complexe que chez son précécesseur ; présence de dialogues rhétoriques entre Médée et Jason ; le meurtre des enfants a lieu sur scène ; le personnage d’Égée est absent de l’intrigue.

* Dans le registre de l’épopée, Valerius Flaccus (règne de Domitien) écrit ses Argonautica en s’inspirant de Virgile. "Le sujet appartenait, depuis Apollonios de Rhodes, au répertoire de l’épopée hellénistique ; Virgile, dans l’Énéide, n’avait pas été sans s’inspirer de ce modèle ; si bien que Valerius Flaccus retrouve, indirectement, une inspiration hellénique, à travers la création virgilienne. [...] De plus, on voit que Valerius Flaccus a connu et apprécié les tragédies romaines - peut-être même, plus précisément, celles de Sénèque - il est sensible, comme celui-ci, à la poésie 'cosmique', l’évocation du ciel étoilé, des vents, de la mer, moins comme spectacles que comme forces naturelles." (P. Grimal, Littérature latine, 1996, p. 107). Médée apparaît dans les Argonautica aux chants VII et VIII. À la fin, Jason est persuadé de l’abandonner.

* Les Fables XII à XXVII d’Hygin (1er a.C.-1er p.C.) retracent le mythe des Argonautes et de Médée, depuis Pélias jusqu’à l’exil de Médée à Athènes, en passant par le périple d’Argô et la conquête de la toison d’or. D’Athènes, elle retourne en Colchide. Le fils qu’elle a eu d’Égée, Médos, tua Persès (frère d’Aiétès) et donna son nom à la Médie. La fable CCXXXIX intitulée Matres quae filios interfecerunt mentionne Médée qui tua "Mermérus et Phérès, les fils qu’elle eut de Jason".

* Vers 200 p.C., Hosidius Geta compose un centon, Medea, à partir de vers de Virgile (extraits des Bucoliques, des Géorgiques et de l'Énéide), en suivant dans les grandes lignes la structure de la pièce de Sénèque.

* En plus des récits suivis et des informations concernant le mythe, on trouve dans la littérature latine de nombreuses allusions à Médée, surtout chez les poètes. ex. chez Horace (Épodes, XVI, 59-60, tr. F. Villeneuve) : "Vers cette terre n’ont point dirigé leur course, sous les rames de l’Argo, les pins assemblés, et la Colchidienne impudique n’y a point porté ses pas." - dans les Fastes d’Ovide : "Égée, trop volontiers crédule, donna une assistance imméritée à Médée du Phase amenée à travers les airs par un attelage de dragons" (II, 41-42) ; et, en parlant des mauvais parents, le poète cite" l’épouse de Jason" (II, 627).

Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive !

1.3. Survivance du mythe

De l’Antiquité à nos jours, le personnage de Médée a fortement marqué l’imaginaire occidental : de nombreuses allusions littéraires, réécritures du mythe et créations artistiques en témoignent.

Dans son ouvrage Médée antique et moderne. Aspects rituels et socio-politiques d’un mythe, Duarte Mimoso-Ruiz ne recense pas moins de 300 oeuvres inspirées par le mythe de Médée, du moyen âge à 1980 !

Je laisserai ici de côté le domaine des arts plastiques, pour épingler plutôt des oeuvres représentant les différents genres littéraires. Quant aux nombreuses mises en scène des pièces d’Euripide et de Sénèque, il serait trop long de les énumérer. C’est pourquoi, je mentionnerai seulement celle qui est, du moins à ma connaissance, la plus récente.

    Moyen âge

* Dans l’Enfer de Dante, Médée est mentionnée en même temps qu’Hypsipyle, à l’occasion du châtiment de Jason :

Lý il lí [= Hypsipyle] abandonna, enceinte et seule ;
cette faute le condamne au martyre ;
et Médée aussi y trouve sa vengeance. (Enfer, XVIII, 94-96, trad. Jacqueline Risset)
 

* En Angleterre, signalons le roman de J. Lydgate, Les exploits de Jason en Colchide et les Artifices de Médée (1421).

    Renaissance

* Érasme cite Médée dans L’Éloge de la Folie (Laudatio stultitiae) :

Allez maintenant, mortels stupides, demander aux Médée, aux Circé, aux Vénus, aux Aurore, à je ne sais quelle fontaine, de vous rendre la jeunesse : seule j'ai ce pouvoir, seule je l'exerce. ª

* La Péruse (France) écrit en 1553 une tragédie Médée.

* Jodelle (France) compose en 1558 un ballet Les Argonautes.

* S. de Abril (Espagne) écrit en 1570 une tragédie Medea.

* En Italie, plusieurs tragédies Medea voient le jour à cette époque : celles de Martirano, Galladei et Dolce.

XVIIe

* En 1662, " drama di fuoco " de Kerl et Bissari, Medea vendicativa.

* Lope de Vega (Espagne) écrit une comédie El Vellocino de oro.

* En Espagne également, Rojas Zorrilla reprend en 1645 le mythe dans sa comédie Los Encantos de Medea.

* En France, le mythe inspire Pierre Corneille pour sa première tragédie, Médée (1635). C'est Jason qui parle (V, 7) :

O Dieux ! ce char volant, disparu dans la nue,
La dérobe à sa peine, aussi bien qu'à ma vue ;
Et son impunité triomphe arrogamment
Des projets avortés de mon ressentiment.
Créuse, enfants, Médée, amour, haine, vengeance,
Où dois-je désormais chercher quelque allégeance ?
Où suivre l’inhumaine, et dessous quels climats
Porter les châtiments de tant d’assassinats ?

* Aux Pays-Bas, J. Vos écrit en 1665 une tragédie Medea.

* Gianettini (Italie) compose en 1675 un opéra Medea in Atene.

* Enfin, en France, Th. Corneille compose le livret de l’opéra de M.A. Charpentier, Médée (1693).

XVIIIe

* En 1797, Luigi Cherubini (avec Hoffman) compose un opéra en trois actes, Medea " qui, un siècle et demi plus tard, fournira à la Callas un de ses plus beaux rôles " (La Libre Belgique, mercredi 8 novembre 2000).

* L’opéra de Larocque et Salomon (France), Médée et Jason, date de 1713.

* En 1728, toujours en France, parodie de Dominique, La méchante Femme.

* En 1735, au Portugal, O. Judeu compose un opéra Os Encantos de Medeia.

* Noverre (France) écrit en 1780 un ballet-pantomime, Médée et Jason.

* Quant au Français L.S. Mercier, il reprend le genre littéraire de l’héroïde dans Médée à Jason (1773).

* En Suède, un mélodrame de P. de Winter voit le jour en 1790, Medea und Jason.

* En Allemagne, c’est un drame que compose, la même année, Klinger : Medea auf dem Kaukasos.

* Enfin, signalons la parodie de Capelle (France, 1797), Bébée et Jargon !

XIXe

* Le poète parnassien José-Maria de Heredia (élève de Leconte de Lisle) écrit, dans un sonnet intitulé Le vase :

L’ivoire est ciselé d’une main fine et telle
Que l’on voit les forêts de Colchide et Jason
Et Médée aux grands yeux magiques. La Toison
Repose, étincelante, au sommet d'une stèle.

* Lamartine écrit en 1813 une tragédie Médée.

* Aux États-Unis, Damrosch écrit lui aussi une tragédie Medea, en 1843.

* Toujours pour la tragédie, il faut mentionner la Media du Russe Tsereteli (1892).

* Le Polonais Orzeskowa écrit, lui, un roman intitulé Argonauci, en 1899.

* En Italie, un bon nombre d’opéras Medea sont composés au XIXe : Niccolini, Mayr, Salfi, Coccia, Pacini-Castiglia, Pini, Mercadante et Somma.

XXe

* En 1920, l’Anglais Th. Sturge-Moore écrit une tragédie, Tragic Mothers.

* En 1926, l’Allemand H.H. Jahnn écrit lui aussi une tragédie, Medea.

* Toujours dans le genre tragique, G. Marfond (France) compose en 1931 Médée la Magicienne.

* En 1935, le mythe inspire L. Daudet (France) pour son roman Médée.

* L’Américain R. Jeffers écrit, en 1946 une tragédie Medea.

* C’est de la même année que date la "pièce noire" de Jean Anouilh, Médée.

MÉDÉE- Tu serais mort. Comme ce serait facile un monde sans Jason !
JASON- Un monde sans Médée ! Je l’ai rêvé aussi. (p. 46)

* En 1955, l’Espagnol E. Soriano écrit le roman Medea 55.

* Au Danemark, C. Wright crée en 1964 des marionnettes : Medea et Jason.

* En 1966, J. Vauthier et J. Lavelli (France) composent une tragédie Medea.

* Dans le film de Pier Paolo Pasolini, sorti en 1969, les préoccupations morales et politiques du poète-romancier-cinéaste s’accompagnent de recherches psychanalytiques.

* Au Brésil, Paulo Pontes et Chico Buarque écrivent en 1975 un drame, d’après Euripide, Gota d’Agua.

* En 1976, une pièce pour enfants est créée en Suède par P. Lysander et S. Olsten, Medeas Barn.

* En 1979, Dario Fo et Franca Rame (Italie) réalisent un mime intitulé Medea.

* En 1992, la Medea-Material (Matériau Médée) de Heiner Müller donne lieu à la création, à la Monnaie, d’un nouvel opéra.

* Enfin, la pièce d’Euripide est mise en scène, au festival d’Avignon en 2000, par Jacques Lassalle, dans une traduction nouvelle de Myrto Gondicas et de Pierre Judet de la Combe, avec Isabelle Huppert dans le rôle de Médée, et Jean-Quentin Châtelain dans celui de Jason.

Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres, qui montrent combien le mythe de Médée a été fécond, et l’est encore aujourd’hui...

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2. Résumé du mythe

Qui est Médée ?

Fille du roi de Colchide Aiétès (fils du Soleil et de Perséis, frère de Circé) et d'Idyie (la plus jeune fille de Téthys et d’Océan), Médée est parfois aussi considérée comme fille de la déesse Hécate (et soeur de Circé). Elle est en tout cas prêtresse d’Hécate et détient des pouvoirs magiques qui lui permettent d’influer sur les phénomènes naturels. Les herbes enchantées, les philtres, les potions magiques ou encore les incantations n’ont aucun secret pour Médée. Comme tous les descendants du Soleil, elle a des yeux perçants et étincelants. Elle est de plus d’une grande beauté.

"Médée intervient dans cinq épisodes mythiques constitués à des époques différentes de l’antiquité grecque" (Cours UCL). Pour reprendre l’expression de Florence Dupont (Médée de Sénèque, 2000, p. 15), "Médée, c'est une multitude de contes qui vont dans toutes les directions."

En Colchide

À Iolcos en Thessalie, Pélias usurpait le trône de son frère Aison. Jason, le fils de ce dernier, revendiqua le trône de son père et fut envoyé par Pélias en Colchide avec mission de ramener en Grèce la toison d’or dont Phrixos avait fait cadeau au roi Aiétès. Une expédition se mit en route sur la nef Argo. (En imposant à Jason la quête de la toison d’or, Pélias pensait le faire périr.)

Lorsque les Argonautes arrivent en Colchide, Héra demande à Aphrodite de faire en sorte que Médée tombe amoureuse de Jason. La jeune princesse-prêtresse-magicienne trahit son père par amour pour le héros thessalien et l’aide à conquérir la toison d’or, grâce à sa magie. Ensuite, elle s’enfuit avec les Argonautes et Jason qui lui a promis de l’épouser. Afin de retarder la poursuite de son père, elle complote avec Jason le meurtre de son frère Apsyrtos.

Lors du voyage de retour, Jason et Médée sont purifiés, puis chassés par Circé. On célèbre leurs noces chez Alkinoos.

En Thessalie

De retour à Iolcos, elle rajeunit Éson, le père de Jason. Selon un autre version, Pélias avait fait disparaître les parents de Jason. Médée perpètre le meurtre de Pélias, par l’intermédiaire des filles de ce dernier en leur faisant croire qu’elle va le leur rajeunir.

À Corinthe

Médée et Jason fuient alors à Corinthe. Là, le roi Créon accorde en mariage à Jason sa fille Créüse (aussi appelée Glaukè). Jason abandonne alors Médée, dont il a eu entre-temps deux fils. Bannie de la cité, l’épouse délaissée obtient un délai d’un jour, qui va lui permettre de préparer sa vengeance Celle-ci est terrible : elle tue Créüse en lui faisant apporter par ses enfants des présents magnifiques (un voile léger et une couronne d’or). Lorsque la princesse revêt la parure, elle se consume de l’intérieur et meurt dans des souffrances atroces ; son père, qui s’est couché près de sa fille agonisante, subit le même trépas. Mais ce double meurtre ne suffit pas à apaiser la colère de Médée contre son mari : elle égorge de sa propre main leurs deux fils. Après cela, elle s’envole dans le ciel sur un char traîné par des dragons ailés.

Cette séquence du mythe "se présente comme un amalgame de traditions centrées autour d’un culte rendu aux ‘enfants de Médée’" (Cours UCL).

En ce qui concerne la mort des enfants de Médée, plusieurs variantes existent : ils auraient été lapidés par les Corinthiens ; Médée les aurait enfouis dans le sol du temple d’Héra lors de la cérémonie de mariage de Jason et Créüse.

À Athènes

Elle se réfugie à Athènes, à la cour du roi Égée, qui lui avait promis l’hospitalité parce qu’elle lui avait promis que grâce à ses philtres, il pourrait avoir une descendance. Lorsque Thésée, fils d’Égée encore ignoré, qui a passé son enfance à Trézène, arrive à Athènes pour se faire reconnaître de son père, Médée essaie de l’empoisonner avec le concours d’Égée. En l’absence de Thésée, le fils qu’elle avait donnée à Égée, Médos, était en effet appelé à succéder à son père. Mais la tentative échoue. Médée s’enfuit alors une nouvelle fois...

Nouvel exil

Dans des versions plus tardives, Médée, chassée d’Athènes, se rend à Ephyra en Élide ou encore retourne en Colchide. Son fils Médos reconquiert des pays ayant appartenu au royaume colchidien et donne à ce territoire son nom : c’est ainsi qu’on fait du fils de Médée le héros éponyme de la Médie.

Dernière étape

"Selon une tradition périphérique, Médée ne serait pas morte mais aurait été transportée aux Champs Élysées, où elle se serait unie à Achille (comme Iphigénie, Hélène et Polyxène). L’enlèvement céleste qui conclut la Medea de Sénèque pourrait s’inscrire dans cette tradition qui libère Médée de la mort avant de la confier à Achilee pour des noces éternelles" (Cours UCL). Il en va de même chez Euripide et chez Apollonios de Rhodes.

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 3. " Médée, le double négatif d'Orphée
Caractéristiques du personnage de Médée, en comparaison avec celui d’Orphée 

 

3.1. Introduction

Médée, personnage mythique d’une complexité singulière, a, comme Orphée, la capacité de jouer sur 3 registres différents : la légende, le mythe et le folklore.

    La légende

"Récit merveilleux où les faits historiques sont transformés par l’imagination populaire ou l’invention poétique" (Larousse de poche, Larousse, Paris, 1995, p. 383), ou "récit populaire traditionnel" (Micro-Robert en poche, Paris, 1973, p. 607), la légende est rattachée à une localité particulière.

Médée :

    "princesse des Neiges", fille du roi de Colchide et d’une déesse, petite fille du Soleil et de l’Océan, jeune et d’une beauté resplendissante, ayant hérité de pouvoirs magiques.

Orphée :

    musicien-poète enchanteur, fils d’une Muse et d’Apollon, capable de charmer par la magie de sa musique même les êtres inanimés.

    Le mythe

Selon une définition inspirée de celle donnée au cours de Ch. Vielle, le mythe est un récit traditionnel présenté comme vrai qui met en scène des dieux, des héros ou de simples personnages : il se déroule dans un passé primordial et sa fonction est d’expliquer les origines et/ou les phénomènes naturels.

Médée :

    magicienne, sorcière et enchanteresse redoutable, prêtresse d’Hécate incarnant les     forces du mal, capable d’influer sur les phénomènes naturels.

Orphée :

    maître initiatique, prêtre-prophète d’une religion à mystères, incarnant par la complexité et l’ambiguité de sa personnalité l’émergence de la conscience humaine.

     Le folklore

Médée :

    amoureuse passionnée, puis déçue et égarée par sa colère,
    femme victime de l’ambition d’un homme,
    mère désespérée et emportée par les feux terribles de la vengeance.

Orphée :

    amoureux rongé de chagrin par la mort de sa femme adorée
    homme victime de la violence de femmes déchaînées.

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3.2. Points communs

Orphée et Médée ont tous deux une ascendance divine du côté maternel (une Muse pour Orphée, et une nymphe pour Médée ou encore la déesse Hécate), et humaine du côté paternel (Oeagros pour Orphée, et Aiétès, roi de Colchide pour Médée, bien que celui-ci soit lui-même fils du Soleil). De plus, on leur attribue une double ascendance, paternelle pour Orphée (Oeagros ou Apollon), et maternelle pour Médée (l’Océanide Idyie ou la déesse Hécate).

Ces deux personnages sont aussi des figures religieuses : Orphée est considéré comme un " prêtre-prophète " ayant fondé sa propre religion, l’orphisme (religion à mystères). Quant à Médée, elle est prêtresse d’Hécate et célèbre ses mystères. Avant de procéder au rajeunissement de Aison, chez Ovide :

Elle commande au fils d’Éson et à ses serviteurs de se retirer loin de là ; elle les avertit qu’ils doivent détourner de ses mystères leurs yeux profanes. (Mét., VII, 255-256)

Ils détiennent des pouvoirs magiques enchanteurs, procurés par la musique chez Orphée et par les philtres, herbes, incantations,... chez Médée. L’un comme l’autre ont un pouvoir sur la nature, mais différent : il prend chez Orphée une connotation positive (le musicien charme les cours d’eau, les animaux sauvages, les pierres,...) ; chez Médée, ce pouvoir a une connotation négative, car il est utilisé la plupart du temps à des fins funestes.

Médée tourne trois fois sur elle-même, trois fois elle puise dans un fleuve de l’eau qu’elle répand sur sa chevelure, trois fois elle pousse un cri strident ; puis, fléchissant le genou sur la terre dure : ´ O nuit, dit-elle, fidèle amie des mystères, et vous, qui avec la lune, succédez aux feux du jour, étoiles d’or, et toi, Hécate aux trois têtes, qui viens à mon appel pour recevoir la confidence de mes desseins et pour leur donner l’aide dont tu favorises les chants et l’art des magiciens ; et toi, Terre, qui fournis aux magiciens des herbes toutes puissantes ; et vous, airs, vents, montagnes, fleuves, lacs ; vous tous, dieux des forêts ; dieux de la nuit, assistez-moi ; grâce à vous, quand je l’ai voulu, les fleuves, entre leurs rives étonnées, ont remonté vers leur source ; j’apaise par mes chants les flots agités et j’agite les flots paisibles ; je dissipe et j’amasse les nuages ; je chasse et j’appelle les vents ; je réduis à l’impuissance par mes incantations la gueule des serpents ; j’arrache tout vifs à leur terre natale des rochers, des chênes, des forêts entières et je les mets en mouvement ; je fais trembler les montagnes, mugir le sol, sortir les mâmes des tombeaux. Toi aussi, ô Lune, je t’attire jusqu’à moi en dépit des bronzes de Témèse qui diminuent tes souffrances ; mes chants font pâlir le char de mon aïeul, mes poisons font pâlir l’Aurore. (Ov., Mét., VII, 189-209)

Pour toi, selon les rites de notre famille, ôtant le bandeau de ma chevelure, j’ai parcouru, pieds nus, des forêts solitaires, j’ai tiré des pluies de nuages secs, j’ai repoussé des mers jusqu’en leurs profondeurs et l’Océan a dû me laisser refouler ses ondes puissantes et triompher de ses courants, de même le ciel, dont j’ai bouleversé les lois, a vu en même temps le soleil et les étoiles et vous avez touché, Ourses, une mer qui vous était interdite. J’ai changé le cours des saisons : au coeur de l’été la terre, par l’effet de mon chant, s’est couverte de fleurs, sous ma contrainte Cérès a vu des moissons en hiver ; le Phase a ramené vers sa source ses flots impétueux, l’Hister, aux bouches si nombreuses, a contenu dans toutes ses rives ses ondes farouches et s’est fait nonchalant ; les vagues ont retenti, la mer s’est soulevée en une folle tempête, quand les vents demeuraient en silence ; une forêt, antique asile, a perdu ses ombrages sur l’ordre de ma voix. Abandonnant son cours quotidien, Phébus s’est arrêté au milieu du ciel et les Hyades, ébranlées par mes charmes, vacillent : il est temps, Phébé, d’assister à tes sacrifices. (Sén., Médée, 752-770)

On conte qu’il avait charmé dans les montagnes les durs rochers et le cours des fleuves par la musique de ses chants. Des chênes sauvages attestent encore les effets de cette mélodie : sur la côte thrace de Zôné, ils s’avancent avec leurs frondaisons verdoyantes en files serrées ; c’est lui qui les a fait descendre depuis la lointaine Piérie par le charme de sa lyre[= Orphée]. (Apoll. Rhod., I, 26-31)

À ce propos, Duarte Mimoso-Ruiz (Médée, 1980, p. 22) explique que " Médée représente ce principe des puissances occultes et nocturnes. Médée exerce un pouvoir particulier sur une nature située au-delà de l’espace fermé de la cité, dans les montagnes et les espaces boisés qui sont, par définition, les lieux du mystère. La magicienne est la détentrice de la Toison d’or, agalma symbolisant à la fois la richesse agraire, la fécondité et l'autorité royale avec la présence de l'or ou de la couleur pourpre souvent attribuée à la Toison. Le dragon qui défend le trésor est bien une émanation de ces puissances chtoniennes, dont Médée détient les secrets. Face à Jason, à la recherche de l'hégémonie royale et de l'instauration d'un ordre, Médée est l'image du chaos et des forces maléfiques. Lorsque Médée se montre l'alliée de Jason (et encore est-ce malgré elle, vaincue par un charme que les poètes expliqueront par la toute-puissance d'Eros), ses bienfaits se manifestent en faisant intervenir la discorde, par exemple dans les travaux de Jason, avec la pierre lancée au milieu des géants armés, nés des dents du dragon. "

Orphée et Médée sont des "Êtres hybride", ambigus. Le premier, par son père divin (Apollon) est lié à une idée de soleil, de feu, d’harmonie, et par son père mortel (Oeagros), à une idée de flux, d’eau, de discordance. C’est toutefois l’aspect lumineux et harmonieux qui domine. La seconde, par son grand-père paternel (le Soleil), est liée à une idée de lumière

(Circé) désirait savoir si la jeune fille parlait la langue de sa race dès qu’elle la vit lever les yeux du sol, car tous les descendants du Soleil étaient faciles à reconnaître grâce au rayonnement de leurs yeux qui lançaient au loin devant eux des feux pareils à ceux de l’or. (Apoll. Rh., IV, 725-729) 

Ces deux figures mythiques, dans leur parcours, rejoignent les trois axes cosmiques : la terre, le ciel et les enfers. En effet, Orphée et Médée passent leur vie sur la terre, montent au ciel (on y reviendra) et sont associés au monde d’en bas : Orphée y descend pour rechercher Eurydice et Médée est prêtresse d’Hécate, déesse de l’ombre lunaire, associée à tous les actes obscurs [1].

Médée est même liée étroitement aux éléments naturels par le sang : petite-fille d’Océan par sa mère, petite-fille du Soleil par son père, considérée parfois comme la fille d’Hécate (au moins sa prêtresse) !

Médée subsiste : en elle tu vois la mer, la terre, le fer, le feu, les dieux, la foudre. (Sén., Médée, 166-167)

 ... par le ciel et les eaux, témoins de mon mariage. (Sén., Médée, 481)

(en parlant de Médée)  Qu’après avoir épuisé la mer et la terre, elle essaie l’air. (Ov., Hér., VI, 161)

Les deux personnages effectuent une montée au ciel : Orphée, par l’intermédiaire du catastérisme de sa lyre (objet qui est le fil rouge de tout le mythe d’Orphée), et Médée, sur un char traîné par des dragons ailés.

On a affaire dans les deux cas à des auteurs de transgressions, soit comme manquement à un devoir, soit comme franchissement d’une limite.

* manquement à un devoir :

- Orphée ne tient pas la promesse faite au juge des Enfers ;
- Médée trahit son père et sa patrie en collaborant à la conquête de la toison d'or, et complote avec Jason le meurtre de son frère ;
-> elle manque à son devoir de "piété filiale".

* franchissement d’une limite :

- Orphée ne tient pas compte de la séparation entre vivants et morts, lorsqu'il tente d'aller récupérer Eurydice ;
- Médée fait peuve de démesure, notamment par les meurtres qu’elle commet (son frère, Pélias, Créuse/Glaukè et Créon) et surtout par l’infanticide, donnant ainsi la mort à ceux-là-mêmes à qui elle avait donné la vie, ce qui est une autre manière de passer outre la frontière vie-mort [
2].

Monstre ! De toutes les femmes la plus haïe des dieux, de moi, de tout le genre humain ! Sur tes enfants tu as osé porter le glaive, après les avoir mis au monde, et tu m’as frappé à mort en m’ôtant mes fils. Et après ce forfait, tu contemples le soleil et la terre, quand tu as osé l’action la plus impie ! (Eur., Médée, 1323-1328)

D’autre part, ils ont tous deux apporté leur aide aux Argonautes de Jason, Orphée durant l’expédition vers la Colchide, et Médée, sur place, pour la conquête de la toison d’or, collaborant ainsi à la transgression, le "péché originel" [3] que constitue le "premier voyage" [4] mettant en quelque sorte fin à l’âge d’or. Ils ont en effet transgressé les séparations établies primitivement entre les terres :

Trop audacieux le premier qui, sur un si fragile radeau, rompit les flots perfides et, voyant derrière lui sa terre, abandonna sa vie au caprice des vents ; fendant les mers en une course incertaine, il a pu se fier à une mince lame de bois, frontière trop grêle tracée entre les chemins de la vie et de la mort. Personne ne connaissait encore les astres et ne faisait usage des étoiles dont le ciel est décoré, la barque ne savait pas encore éviter les Hyades pluvieuses ni les feux de la Chèvre d’Olène, ni le char attique que suit et dirige lentement le vieux Bouvier ; ni Borée ni Zéphyr n’avaient encore de nom. Tiphys osa déployer ses voiles sur la vaste mer et dicter des lois nouvelles aux vents : tantôt on tend les cordes suivant la courbure des voiles, tantôt en larguant les écoutes on prend de biais les vents, tantôt, prudemment, on place à mi-mât les antennes, tantôt on les attache au sommet, lorsque, trop avide, le matelot veut cueillir tous les vents et qu’en haut du navire palpitent les voiles rouges. Nos pères virent des temps d’innocence, éloignés de toute perfidie. Chacun, paisiblement attaché à son rivage, vieillissait sur la terre de ses ancêtres, riche de peu, ne connaissait d’autres ressources que ce qu’avait produit le sol natal. Le pin thessalien réduisit à une seule les règles de cet univers bien cloisonné, voulut que la mer subisse des coups et que ses flots inconnus deviennent l’une de nos craintes. Le funeste navire, dans sa course parsemée de multiples terreurs, endura de pénibles tourments, lorsque les deux montagnes faisant barrage à la mer se rapprochèrent en un élan soudain, firent un fracas pareil à celui du tonnerre et que les eaux prises entre elles inondèrent les astres et les nuages eux-mêmes. Le hardi Tiphys pâlit et laissa glisser toutes les rênes de sa main défaillante, Orphée se tut, sa lyre s’assoupit et Argô elle-même perdit la voix. Et lorsque la vierge du Pélore sicilien, les flancs entourés de chiens enragés, donna champ libre en même temps à toutes leurs gueules ? Qui ne trembla de tous ses membres à l’aboiement multiple de ce monstre unique ? Et lorsque les sinistres fléaux apaisaient d’une voix mélodieuse la mer d’Ausonie, lorsque, s’accompagnant sur sa cithare de Piérie, le Thrace Orphée força presque à le suivre la Sirène habituée à retenir les navires par son chant ? Quel fut le prix de cette course ? La Toison d’or et Médée, mal plus grand que la mer, digne récompense de ce premier vaisseau. Maintenant la mer a cédé et subit toutes les lois : on ne cherche pas une illustre Argô, assemblée par la main de Pallas, où des rois manient les rames ; la première barque venue parcourt la haute mer. Toutes les bornes ont été déplacées et des villes ont installé leurs murailles sur de nouvelles terres ; devenu totalement accessible le monde n’a laissé aucune chose à la place où elle était : l’Indien boit les eaux glacées de l’Araxe, les Perses celles de l’Elbe et du Rhin. Plus tard, avec les années, des temps viendront où l’Océan ouvrira les barrières de l’univers et la terre s’offrira dans son immensité ; Téthys dévoilera de nouveaux mondes et Thulé cessera d’être la plus éloignée des terres. (Sén., Médée, 301-379)

Ils sont tous deux, dans une séquence du mythe, présentés comme des amoureux mortifiés, bien que pour des raisons tout à fait différentes : Orphée, après la mort d’Eurydice, et Médée, après son abandon par Jason. Dans un cas comme dans l’autre, la situation donnera lieu à une transgression, le franchissement d’une limite "naturelle"  au sens fort, comme on vient de l’expliquer.

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  3.3. Oppositions 

La figure d’Orphée, bien qu’ambiguë, est typiquement une figure apollinienne : elle est caractérisée surtout par l’harmonie, la modération, la musique bénéfique,... Celle de Médée est, au contraire, dionysiaque. Ovide compare d’ailleurs Médée à une bacchante

Médée, les cheveux épars, à la manière des bacchantes, fait le tour des autels où brûle la flamme. (Ov., Mét., VII, 257-258)

 Elle incarne le désordre, la démesure, la passion :

Médée ne sait mettre de frein ni à ses rages ni à ses amours : maintenant colère et amour ont fait cause commune ; quelle va être la suite ? (Sén., Médée, 866-867)

Tous deux étroitement liés à la nature, ils en symbolisent cependant des versants opposés : Orphée, le bien (beauté, harmonie, musique qui charme les bêtes sauvages, les arbres et même les pierres), Médée, le mal, car elle agit sur la nature pour en troubler l’harmonie et pour causer du mal :

... le ciel, dont j’ai bouleversé les lois, a vu en même temps le soleil et les étoiles et vous avez touché, Ourses, une mer qui vous était interdite. J’ai changé le cours des saisons : au coeur de l’été la terre, par l’effet de mon chant, s’est couverte de fleurs, sous ma contrainte Cérès a vu des moissons en hiver ; le Phase a ramené vers sa source ses flots impétueux, l’Hister, aux bouches si nombreuses, a contenu dans toutes ses rives ses ondes farouches et s’est fait nonchalant ; les vagues ont retenti, la mer s’est soulevée en une folle tempête, quand les vents demeuraient en silence ; une forêt, antique asile, a perdu ses ombrages sur l’ordre de ma voix. Abandonnant son cours quotidien, Phébus s’est arrêté au milieu du ciel et les Hyades, ébranlées par mes charmes, vacillent [...]. (Sén., Médée, 758-769)

Médée, mal plus grand que la mer (maiusque mali Medea malum). (Sén., Médée, 362)

Maintenant je suis Médée ; ma nature s’est épanouie dans le mal (Medea nunc sum ; creuit ingenium malis).  (Sén., Médée, 910)

"La magicienne incarne l’anti-nature portée à son extrémité, génératrice de tous les maux, s’enchaînant de manière inéluctable jusqu’à l’anéantissement final." (Sénèque. Tragédies. I, éd. F.-R. Chaumartin, p. 152)

Pour utiliser un vocabulaire anthropologique, on pourrait dire qu’Orphée est une figure mystique, tandis que Médée se rapproche plutôt du type "chaman", ainsi que les décrit François Laplantine (Les trois voix de l'imagnaire, 1974, p. 29) :

Le chaman est un individu marginal, mal intégré à sa société et souvent détesté. On ne fait vraiment appel à lui qu’en tout dernier recours, lorsque les pratiques religieuses en vigueur dans le groupe ont échoué. Parce qu’il poursuit assez souvent une démarche ascensionnelle, abandonnant ses compagnons empêtrés dans leurs difficultés quotidiennes, et 'vole' à la recherche du divin, on l’a généralement assimilé au mystique, dont il représente pourtant la figure inversée. Alors que le mystique se laisse posséder par le sacré, qui descend pour ainsi dire gratuitement vers lui, le chaman incite le 'surnaturel' à parler, le force à se révéler et à agir à son profit ou au profit de son groupe. Irrespectueux pour ce qui constitue le voile et le mystère dont s’entourent habituellement les dieux, il n’hésite pas, le cas échéant, à rivaliser avec eux et à les tromper. Processus typiquement magique et anti-mystique, le chamanisme se propose comme but de capter par lui-même la puissance et l’efficience sacrée ; de recouvrir la condition d’avant 'la chute'. C’est pourquoi, une fois 'redescendu' sur terre, il se considËre et est considÈrÈ par son groupe comme un Ítre hybride qui ne possËde plus vraiment la condition humaine. 

De plus, la thématique de la vie et de sa victoire sur la mort est omniprésente dans le mythe d’Orphée. Ainsi, la tête du héros dépecé chante encore ! Quant au mythe de Médée, la thématique de la mort y revient dans les séquences principales : Médée procède au dépeçage de son frère en Colchide, de Pélias en Thessalie, à l’égorgement de ses enfants à Corinthe et à Athènes, tente l’empoisonnement de Thésée.

--> dépecage passif pour Orphée, et actif pour Médée

À la thématique de l’éternel retour d’Orphée, on pourrait opposer celle de l’ "éternel départ / exil" pour Médée.

Orphée

* favorise par son chant le retour des Argonautes ;
* entreprend une catabase dont le but est le retour d'Eurydice dans le monde des vivants ;
* perd ce qu’il croit avoir gagné à cause de son mouvement quasi instinctif : le retournement ;
* inconsolable, retourne en Thrace pour s'y faire tuer ;
* dont la tête retourne dans son pays pour y conjurer une peste.

Médée

* s’enfuit de Colchide parce qu'elle a trahi son père et sa patrie ;
* s’enfuit d'Iolcos parce qu'elle a tué Pélias ;
* s’enfuit de Corinthe où elle a perpétré un quadruple meurtre ;
* s’enfuit d'Athènes après avoir voulu empoisonner Thésée ;
* quitte enfin ce monde pour se rendre aux Champs Élysée.

[Certaines versions lui accordent quand même un retour dans sa patrie...]

Il me semble que la thématique de l’éternel retour symbolise l’harmonie cosmique, puisque pour les Grecs, le temps était cyclique : Orphée est donc un être parfaitement en symbiose avec la nature (le kosmos), tandis que Médée est en rupture continuelle avec l’ordre naturel (cfr plus haut : "anti-nature"). Ce n’est qu’après son anéantissement total (lorsqu’elle a tout perdu) qu’elle trouve un certain "équilibre" et cesse de perturber l’ordre des choses.

De plus, Duarte Mimoso-Ruiz dit (p. 23) que " haque fois que Médée s’enfuit, chaque passage de la magicienne d’un pays à un autre, par mer (avec la nef Argo), ou dans les airs, avec le char du Soleil, chaque fois qu’elle passe d’un statut à un autre - de princesse, elle devient une 'étrangère' ou une exilée - Médée accomplit un meurtre symbolique. Cette notion de 'passage' indiquerait bien non seulement que nous nous trouverions en présence d’un mythe sotériologique mais aussi face à un rapport privilégié de Médée avec le monde de l’errance. Médée est une figure venue d’un 'ailleurs' inquiétant."

Nos deux héros sont, on l’a dit, des êtres hybrides. L’ambiguïté se traduit pour Orphée par l’opposition Apollon (dieu de la lumière) / Oeagros, et pour Médée, par l’opposition Soleil / Hécate (déesse de l’ombre lunaire). Cependant, c’est la lumière qui domine chez Orphée, et chez Médée, l’ombre.

MÉDÉE : J’invoque la foule des ombres silencieuses et vous, dieux mânes, Chaos obscur, sombre demeure du ténébreux Dis, cavernes de la Mort sordide entourées par les eaux du Tartare. (Sen., Médée, 740-742)

Enfin, la démarche d’Orphée, qui va chercher une morte pour la ramener dans le monde des vivants, est inversée chez Médée : elle précipite des vivants - même ceux à qui elle a elle-même donné la vie !- dans le monde des morts.

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 Conclusion 

Outre qu’ils ont pas mal de points communs, nous voyons que le personnage masculin d’Orphée et le personnage féminin de Médée sont à bien des égards complémentaires. Ils incarnent les oppositions :

* Apollon / Dionysos, c'est-à-dire

harmonie / désordre
modération / démesure ;

* bien / mal ;

* retour / départ, exil ;

* lumière / ombre ;

* nature / anti-nature ;

* mystique / chaman ;

* vie / mort.

Le couple Orphée-Médée élève ce réseau de tensions fondamentales et créatrices (cfr Héraclite : Polemos pater panton) au niveau du mythe.

C’est pourquoi j’ai qualifié Médée de "double négatif" d’Orphée...

Mais ce n’est qu’une grille de lecture parmi d’autres : elle n’a donc pas la prétention d’épuiser toutes les potentialités de ces deux mythes remarquables par leur complexité, leur ancienneté et leur diversité.

On n’aura probablement jamais fini de découvrir ce qu'Orphée et Médée ont à nous dire sur l’être humain. Aujourd’hui encore, ils nous intriguent : c’est pour cela qu’on les retrouve, plus que jamais, sur la scène, dans la littérature, la musique, les arts plastiques et... les travaux d’étudiants !

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Notes

[1] Déesse aux trois formes : Diane sur la terre, Séléné (Lune) dans le ciel et Hécate dans les enfers (ou sur la terre pendant la nuit). [Retour au texte]

[2] Les traducteurs d'Euripide pour le spectacle de Jacques Lassalle font remarquer qu'en grec ancien, le même mot désigne l'infanticide et le suicide... [Retour au texte]

[3] On peut mettre en parallèle le péché originel de la Bible et le premier voyage chez les Grecs dans la mesure où le premier consiste en la consommation du fruit de l'arbre de la connaissance, provoquant l'expulsion du jardin d'Éden (paradis originel), et où le deuxième correspond à un désir de connaissance, la notion de voyage étant liée à celle de connaissance chez les Grecs (cfr Odyssée : prélude, épisode des sirènes,...), provoquant la fin de l'âge d'or donc du "paradis originel". [Retour au texte]

[4] Bien qu'Orphée soit censé avoir voyagé en Égypte avant de participer à l'expédition de l'Argo... [Retour au texte]


 

Bibliographie

1. Ouvrages généraux

GRIMAL (Pierre), La littérature latine, Presses Universitaires de France, Paris, 1996 (1ère éd. 1965), 132 p. (Que sais-je?)

HAMILTON (Édith), La mythologie, traduit de l’anglais par Abeth DE BEUGHEM, Marabout, Alleur, 1978, 425 p.

LAPLANTINE (François), Les trois voix de l’imaginaire. Le messianisme, la possession et l’utopie. Étude ethnopsychiatrique, Éditions Universitaires, Paris, 1974

MUND-DOPCHIE (Monique), Les survivants de l’âge d’or. Les pays des confins dans l’imaginaire grec avec un aperçu de leur survie dans la culture occidentale, Diffusion universitaire Ciaco, Louvain-la-Neuve, 2001, 96 p.

SOULI (Sophia), Mythologie grecque, Toubis, Athènes, 1997, 171 p.

2. Sur le mythe des Argonautes et de Médée

DEISSER (André), Dante et le dernier voyage d’Ulysse in Les Études Classiques n°67 (1999), p. 21-41

DUPONT (Florence), Médée de Sénèque ou Comment sortir de l’humanité, Bélin, Paris, 2000, 123 p.

GARITTE (Gérard), La Géorgie. Grandeur d’une petite nation, Louvain, 1967, 17 p.

JUDET DE LA COMBE (Pierre), Médée, quelqu’un in Tragédie grecque. Défi de la scène contemporaine, études réunies et présentées par Georges BANU, Études théâtrales n°21 (2001), p. 111-122

MIMOSO-RUIZ (Duarte), Médée antique et moderne. Aspects rituels et socio-politiques d’un mythe, préface de Georges DUMÉZIL, Ophrys, Paris, 1980, 241 p.

 La Libre Culture, mercredi 8 novembre 2000 (in La Libre Belgique)

http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/itinera/enseignement/GLOR2330/Seneque/Medee_liste.htm

3. Les textes anciens

Apollonios de Rhodes. Argonautiques. Chant III, texte traduit par Émile DELAGE et Francis VIAN, établi et commenté par Francis VIAN, Les Belles Lettres, Paris, 1981, 150 p. dont 122 doubles. (Collection des Universités de France)

Apollonios de Rhodes. Argonautiques. Chant IV, texte traduit par Émile DELAGE et Francis VIAN, établi et commenté par Francis VIAN, Les Belles Lettres, Paris, 1981, 269 p. dont 234 doubles. (Collection des Universités de France)

Argonautiques orphiques, texte établi et traduit par Francis VIAN, Les Belles Lettres, Paris, 1987, 215 p. dont 124 doubles. (Collection des Universités de France)

Bucoliques grecs. Tome I. Théocrite, texte établi et traduit par Ph.-E. LEGRAND, Les Belles Lettres, Paris, 1946 (3e édition revue et corrigée), 221 p. dont 114 doubles. (Collection des Universités de France)

[Cicéron] Marcus Tullius Cicero. De natura deorum, post O. PLASBERG, ed. W. AX, Teubner, Stuttgart, 1968, 126 p. (Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana)

Euripide. Tome I. Le Cyclope-Alceste-Médée-Les Héraclides, texte établi et traduit par Louis MÉRIDIER, Les Belles Lettres, Paris, 1925, 235 p. dont 193 doubles. (Collection des Universités de France)

Hérodote. Histoires. Livre I, texte établi et traduit par Ph.-E. LEGRAND, Les Belles Lettres, Paris, 1970 (5e tirage revu et corrigé), 204 p. dont 176 doubles. (Collection des Universités de France)

Hésiode. Théogonie. Les travaux et les jours. Le bouclier, texte établi et traduit par Paul MAZON, Les Belles Lettres, Paris, 1967. (Collection des Universités de France)

[Hosidius Geta] Osidio Geta. Medea, introduzione, testo critico, traduzione ed indici a cura di Giovanni SALANITRO, Ateneo, Roma, 1981, 171 p.

Hygin. Fables, texte établi et traduit par Jean-Yves BORIAUX, Les Belles Lettres, Paris, 1997, 230 p. dont 198 doubles. (Collection des Universités de France)

Lucien. Opuscules 1-10, texte établi et traduit par Jacques BOMPAIRE, Les Belles Lettres, Paris, 1993, 188 p. dont 154 doubles. (Collection des Universités de France)

Ovide. Les Métamorphoses. Tome II, texte établi et traduit par Georges LAFAYE, Les Belles Lettres, Paris, 1930, 168 p. dont 147 doubles. (Collection des Universités de France)

Ovid. Heroides and Amores, transl. by Grant SHOWERMAN, Heinermann, London, 1914, 523 p. (The Loeb Classical Library)

Ovide. Les Fastes, texte établi et traduit par Émile RIPERT, Librairie Garnier Frères, Paris, s.d., 393 p.

Pausanias. Description de la Grèce. Livre V. L’Élide, texte établi par Michel CASEVITZ, traduit par Jean POUILLOUX, commenté par Anne JACQUEMIN, Les Belles Lettres, Paris, 1999, 279 p. dont 206 doubles. (Collection des Universités de France)

Pausanias. Description de la Grèce. Livre VIII. L’Arcadie, texte établi par Michel CASEVITZ, traduit et commenté par Madeleine JOST avec la collaboration de Jean MARCADÉ, Les Belles Lettres, Paris, 1998, 319 p. dont 235 doubles. (Collection des Universités de France

Pindare. Pythiques, texte établi et traduit par Aimé PUECH, Les Belles Lettres, Paris, 1966 (6e tirage), 170 p. dont 148 doubles. (Collection des Universités de France)

Plutarque. Vies. Thésée-Romulus, texte établi et traduit par Robert FLACELIÈRE, Les Belles Lettres, Paris, 1961, 239 p. dont 192 doubles. (Collection des Universités de France)

[Properce] Sextus Aurelius Propertius. Elegies, ed. by W.A. CAMPS, Cambridge university press, Cambridge, 1961-1967

Sénèque. Tragédies. Tome I. Hercule furieux-Les Troyennes-Les Phéniciennes-Médée-Phèdre, texte établi et traduit par François-Régis CHAUMARTIN, Les Belles Lettres, Paris, 1996, 253 p. dont plusieurs doubles. (Collection des Universités de France)

Strabon. Géographie. Livre I, texte établi et traduit par Germaine AUJAC, Les Belles Lettres, Paris, 1969, 219 p. dont 168 doubles. (Collection des Universités de France)

Tibullus, ed. Georg LUCK, Teubner, Stuttgart, 1988, 117 p. (Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana)

Valerius Flaccus. Argonautiques, texte établi et traduit par Gauthier LIBERMAN, Les Belles Lettres, Paris, 1997, 258 p. dont plusieurs doubles. (Collection des Universités de France)

4. Survivance du mythe

ANOUILH (Jean), Médée, La Table Ronde, Paris, 1953, 91 p.

CORNEILLE, Théâtre, texte établi et annoté par Pierre LIÈVRE, Hachette, s.l., s.d., 1048 p. (Bibliothèque de la Pléiade)

DANTE, La divine comédie. L’Enfer, traduction, introduction et notes de Jacqueline RISSET, G-F Flammarion, Paris, 1985, 354 p.

ÉRASME, L’éloge de la folie, traduction de Victor DEVELAY, éditions du Frêne, Bruxelles, s. d., 116 p.

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FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 4 - juillet-décembre 2002

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