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Théocrite : Présentation
Plan
- Scène 1. Chez Praxinoa (vers 1-43)
- Scène 2. En rue (vers 44-77)
- Scène 3. Au palais royal (vers 78-149)
- La chanteuse (vers 100-144)
(Praxinoa est chez elle, à Alexandrie, en compagnie de son petit garçon, le bébé Zopyrion, et de deux servantes-esclaves, quand lui arrive une visiteuse : c'est son amie Gorgo, une "payse" syracusaine, qui a traversé la ville pour venir la prendre et aller avec elle au palais. Papotages et préparatifs de sortie.)
Gorgo - (se présentant à la porte) Elle est là, Praxinoa ?
Praxinoa - Gorgo, ma chérie ! Eh ! bien, ça fait un bout de temps ! Oui, je suis là. C'est miracle que tu aies fini par venir ! Cherche un siège pour elle, Eunoa ; et mets-y un coussin.
G.- C'est parfait.
P. - Assieds-toi.
G. - Oh ! folle que je suis ! C'est à grand peine que, pour venir chez vous, Praxinoa, je me suis tirée (5) d'une cohue de gens, d'une foule de voitures ! Partout des bottes, des hommes en uniforme ! Et le trajet, interminable ! C'est que tu habites toujours un peu plus loin !
P. - Ça, c'est bien lui, ce cinglé ! C'est au bout du monde qu'il est venu prendre une tanière (c'est pas un logement !), de peur que nous soyons voisines, (10) toutes les deux ! pour qu'on se dispute, la sale bête, toujours le même !
G. - Chérie, ne dis pas des choses pareilles de ton homme, Dinon, devant le petit ! Regarde, ma fille, comme il te dévisage ! Aie pas peur, Zopy, mon mignon ! C'est pas de papa qu'elle parle !
P. - Sainte mère, c'est qu'il comprend, ce gosse !
G. - Il est gentil, papa
P. - (15) Eh ! bien, ce papa-là, avant-hier nous lui disons - oui, c'était avant-hier - d'aller à l'échope acheter de la soude et du rouge, et il nous est revenu avec du sel, cet homme prodigieux !
G. - Le mien aussi est comme ça, un fléau d'argent, mon Diocleidas ! pour sept drachmes, (20) il a été prendre hier cinq toisons, du vrai poil de chien, des lambeaux de vieilles besaces, toutes saletés, ... et besogne sur besogne ! Allez, va, prends ton châle et ton manteau. Allons au palais royal, chez Ptolémée le magnifique, nous y verrons Adonis ; j'entends dire que la reine y a arrangé quelque chose de superbe.
P. - Chez les richards, évidemment, tout est riche...
G. - (25) Enfin, ce que tu auras vu, tu pourras toujours en parler, toi, pour l'avoir vu de tes yeux, à ceux qui ne l'ont pas vu ! Bon, il serait temps d'y aller.
P. - Pour qui n'a rien à faire, c'est toujours fête ! Eunoa, ramasse mon ouvrage et (ironiquement) mets-le à nouveau là, au beau milieu de la pièce, paresseuse ! les chattes adorent dormir bien au doux Bouge-toi donc, apporte de l'eau, et plus vite que ça ! C'est de l'eau qu'il faut d'abord, (30) mais elle, elle apporte du savon ! Donne quand même. Pas une montagne, dépensière ! Verse de l'eau ! Malheureuse, pourquoi arroser ma tunique ? Enfin, à la grâce des dieux, me voilà débarbouillée ! La clé du grand coffre, où est-elle? Apporte-la ici.
G. - Praxi, ça te va vraiment bien, ce manteau plissé ; (35) dis-moi, il te revient à combien, pour le tissu ?
P. - Ne me fais pas penser à ça, Gor ! plus de deux mines de bel argent ! et la façon, en plus, où j'ai rendu l'âme !
G. - Enfin, c'est réussi à souhait, tu peux dire
P. - Ça, d'accord. (à la servante) Apporte-moi mon châle et mon chapeau. Arrange ça comme il faut. (40) (Au bébé) Toi, mon bébé, je ne t'emmène pas. Grrr !, il mord, le cheval ! Pleure tant que tu veux, il ne faut tout de même pas que tu sois estropié ! Allons-y. Phrygia, prends le petit et amuse-le, fais rentrer la chienne, referme la porte de la cour.
Scène 2 (vers 44-77). En rue
(Les jeunes femmes sont sorties, escortées chacune d'une servante esclave, Eunoa et Eutychis)
P. - Bons dieux ! quelle cohue ! De quelle façon, à quel moment traverser (45) cette horreur ? une fourmilière innombrable et sans fin ! Ben, Ptolémée, tu en as fait, des masses de belles choses, depuis que ton paternel est parmi les dieux ! Plus aucun malfrat qui moleste le passant, en se faufilant à l'égyptienne, comme s'amusaient à le faire autrefois des individus pétris de ruse, (50) tous pareils, avec leurs sales tours, tous des maudits! Ah !, Gor, ma chérie, qu'allons-nous devenir ? Voici les chevaux d'armes du roi ! Hé ! là, mon bonhomme, ne m'écrase pas ! Voilà que le rouquin se cabre, regarde un peu comme il est sauvage ! Eunoa, friponne, veux-tu bien te tirer ! Il va démolir son conducteur ! (55) J'ai eu une riche idée en laissant le petit à la maison
G. - Courage, Praxi ! Nous voilà dorénavant à l'arrière, ils sont allés prendre place.
P. - Bon, je commence à me remettre. Le cheval et le serpent tout froid, voilà ce dont j'ai le plus peur, depuis mon enfance. En vitesse ! une énorme cohue va nous submerger !
G. - (60) (s'adressant à une vieille femme) Tu viens du palais, bonne-maman ?
La vieille - Eh ! oui, mes enfants.
G. - Et alors, on parvient à entrer ?
La vieille - À force d'essayer, les Achéens sont bien entrés dans Troie, mes jolies ! En essayant, tout finit par arriver !
G. - Son oracle proféré, l'aïeule s'en est allée
P. - Les femmes savent tout, jusqu'à la manière dont Zeus a épousé Héra !
G. - (65) (les deux amies sont aux portes du palais) Regarde ça, Praxi, quel rassemblement autour des portes !
P. - Prodigieux ! Gor, donne-moi la main ; toi, Eunoa, prends celle d'Eutychis et fais attention à ne pas t'en séparer. Entrons toutes ensemble. Tiens-toi soudée à nous, Eunoa. Malheur, quelle guigne, voilà mon châle en deux morceaux, (70) tout déchiré, Gor ! Pour l'amour de Dieu, mon gars, fais attention à mon châle - et que ça te porte bonheur !
Le gars - J'y peux rien, mais on essaiera quand même !
P. - Quelle foule compacte ! on se pousse comme des cochons !
(Les femmes, propulsées par la cohue, parviennent à entrer, avec le gars)
Le gars - Courage, ma petite dame ! nous voilà en sécurité.
P. - Restes-y, en sécurité, présentement et par la suite, ami, (75) toi qui nous entoures si bien ; quel excellent garçon, compatissant avec ça ! Voilà notre Eunoa toute comprimée ! Vas-y un peu, couarde, de toutes tes forces ! Parfait. "Toutes dedans !", comme dit celui qui a enfermé la mariée
Scène 3 (vers 78-149). Au palais royal
(Les deux amies pénètrent, à l'intérieur du palais, dans une pièce - ou une tente, ou un berceau de verdure ? - où sont suspendues d'admirables tapisseries qui attirent immédiatement leur regard ; la figure centrale en est Adonis étendu sur un lit d'argent. Les Syracusaines, exprimant un peu trop bruyamment leur enthousiasme, se font tancer par un autre visiteur, qui raille leur accent dorien).
G. - Praxi, viens par ici. Les tapisseries, d'abord, regarde ça, comme elles sont fines et ravissantes ! Des ouvrages de déesse, tu peux dire !
P. (80) - Notre-Dame Athéna ! Quelles ouvrières les ont travaillées ! quels dessinateurs en ont tracé si exactement les motifs ! Comme les poses et les mouvements sont vrais ! Elles ne sont pas tissées, elles sont vivantes ! L'homme est tout de même quelque chose de malin ! Et Adonis lui-même, comme il est admirable, étendu sur un lit d'argent, (85) avec ce jeune duvet qui lui descend des tempes, notre Adonis trois fois chéri, lui qu'on chérit encore dans l'Achéron !
Un autre visiteur - Arrêtez un peu, malheureuses, de roucouler sans relâche, tourterelles ! Elles finiront par nous écorcher les oreilles, à ouvrir large le bec à chaque mot
P. - Mais d'où sort-il, ce type-là ? Qu'est-ce que ça peut te faire, si nous jacassons ? (90) Pour donner des ordres, aie des gens à toi ! C'est à des Syracusaines que tu veux en donner ?! Encore un mot, pour t'instruire : nous sommes Corinthiennes d'ascendance, tout comme Bellérophon ! C'est le péloponnésien que nous parlons ; les Doriens ont bien le droit, je pense, de "doriser" ? Ah ! douce Perséphone, qu'il ne naisse jamais homme qui soit notre maître, (95) excepté un seul ! De toi, je n'ai cure, ne racle pas à vide avec moi !
G. - Silence, Praxi ! Elle va chanter notre Adonis, la fille de l'Argienne, cette chanteuse si experte qui, l'an passé déjà, a eu le prix d'excellence dans le lamento Elle va nous faire entendre, je le sais pertinemment, quelque chose de beau Voici qu'elle commence à s'éclaircir la voix.
(Ici débute un solo chanté qui constitue à la fois un hymne en l'honneur d'Adonis et une ekphrasis, c'est-à-dire une description telle que les affectionnait la littérature poétique et romanesque de l'époque. On peut imaginer qu'au centre de l'espace décoré par les tapisseries, Adonis et Aphrodite reposent côte à côte, sur un lit incrusté d'ébène et d'or, garni de pourpre, et dont les pieds sont soutenus par des aigles d'ivoire. Alentour sont disposées diverses offrandes : fruits, "jardins d'Adonis", parfums, pâtisseries. D'autres éléments évoqués dans l'ekphrasis, comme ces berceaux de verdure où voltigent Amours et rossignols, sont peut-être plus difficiles à situer: sont-ils à chercher sur les tapisseries ou dans la mise en scène réelle, autour du reposoir proprement dit ?)
100
Ô Maîtresse, toi qui te plais à Golgoi, à Idalion
et dans les hauteurs de l'Éryx, ô Aphrodite, toi qui joues dans l'or,
ah ! quel merveilleux Adonis, au sortir de l'intarissable Achéron,
te ramènent, après douze mois, les Heures aux pas de velours,
les Heures amies, les plus lentes d'entre les Bienheureux mais qui viennent au devant des désirs,
105 à tous les mortels apportant toujours quelque don !
Cypris, fille de Dionè, c'est toi qui, de mortelle,
as fait Bérénice immortelle, comme disent les hommes,
en instillant l'ambroisie dans son sein de femme.
C'est pour te rendre grâces, à toi riche de tant de noms, de tant de sanctuaires,
110 que la fille de Bérénice, cette Arsinoé pareille à Hélène,
comble Adonis de toutes les plus belles offrandes.
Près de lui s'étalent fruits de saison, autant qu'en portent les arbres,
jardins mignons conservés en des paniers d'argent,
fioles d'or emplies de parfum de Syrie.
115 Voici encore tous les mets que, sur le plateau, apprêtent les femmes,
mêlant des fleurs variées à la blanche farine,
avec tout ce qu'ajoutent miel suave et macération dans l'huile fine.
Et voici près de lui toutes les créatures du ciel et de la terre ;
on a façonné des berceaux de verdure chargés de tendre aneth,
120 et là-haut volent de jeunes Amours
et des rossignolets qui, sur un arbre,
voltigent de rameau en rameau en essayant leurs ailes grandissantes.
Oh ! l'ébène, l'or, les aigles d'ivoire blanc
apportant à Zeus fils de Cronos son jeune échanson !
125 Au-dessus, des couvertures de pourpre, plus douces que le sommeil !
Milet dira, avec le pâtre de Samos :
"La couche du bel Adonis, c'est chez nous qu'elle a été préparée !".
C'est lui que tient Cypris, elle qu'embrasse Adonis aux bras de rose.
L'époux a dix-huit ou dix-neuf ans ;
130 son baiser ne pique pas, blond est encore le duvet qui ourle ses lèvres.
À présent, que Cypris soit en joie d'embrasser son amant !
Pour nous, demain à l'aube, à l'heure de la rosée, toutes ensemble,
nous le porterons dehors jusqu'aux vagues écumant sur la grève ;
chevelure dénouée, vêtement retombant jusqu'aux chevilles,
135 poitrine découverte, nous entonnerons un lamento modulé à l'aigu.
Toi, cher Adonis, d'ici à l'Achéron, tu vas et viens,
bien le seul, dit-on, d'entre les demi-dieux. Ce n'est point à Agamemnon
que la chose est arrivée, ni au grand Ajax, le héros au lourd ressentiment,
140 ni à Patrocle, ni à Pyrrhos revenant de Troie,
non plus qu'en des temps plus anciens encore, aux Lapithes et aux Deucalions,
ni aux Pélopides et aux Pélasges seigneurs d'Argos.
Sois-nous favorable, cher Adonis, l'année prochaine encore ;
nous étions dans la joie que tu sois à présent venu à nous, Adonis ;
et à ton retour tu nous arriveras en ami.
*
(Le concert terminé, Gorgo et Praxinoa se disposent à regagner leur logis)
G.- (145) Praxi, elle est extraordinairement douée, cette femme-là ! veinarde de savoir tant de choses, bien veinarde d'avoir une voix si douce ! Mais c'est l'heure de rentrer. Diocleidas n'a pas déjeuné, et notre homme est tout vinaigre, quand il a faim, ne l'approche pas ! Et toi, notre Adonis bien-aimé, sois en joie, comme nous-mêmes, à ton retour !
NOTES
Soude : certainement d'usage ménager, pour la lessive. [Retour]
Rouge : usage domestique (teindre des laines ou des étoffes) ou cosmétique (pour se farder les joues ou les lèvres) ? De toute façon, Dinon a parfaitement raté la commission ! [Retour]
Toisons : la laine était d'ordinaire vendue au poids, et d'après les cours indiqués par les papyrus pour cette époque, cinq toisons devaient valoir un peu plus de six drachmes. L'indignation de Praxinoa laisse donc supposer que les pièces achetées par Diocleidas ne faisaient pas le poids ou étaient de très mauvaise qualité. [Retour]
châle et manteau : Praxinoa porte chez elle une simple tunique d'intérieur (chitônion). Mais les termes grecs désignant les diverses pièces de sa tenue de sortie sont difficiles à interpréter. On peut admettre que le vêtement appelé tantôt ampechonon (vers 21, 39, 71), tantôt theristrion (vers 69) est un châle, passé au-dessus d'un manteau agrafé (désigné lui aussi de plusieurs noms : peronatris, vers 21 ; emperonama, vers 34) et plissé (v. 34), dont la façon a coûté fort cher. Cette toilette s'accompagne d'un chapeau de soleil (tholia, vers 39), gracieuse coiffure de forme conique telle qu'en portent les célèbres figurines de terre cuite produites en abondance, aux IVe-IIIe siècles, à Tanagra (Béotie). [Retour]
Ptolémée : sur Ptolémée II Philadelphe, fils de Ptolémée I Sôter et de Bérénice, frère et époux de la reine Arsinoé II Philadelphe; cfr Présentation. [Retour]
Adonis : sur les fêtes en l'honneur d'Adonis; cfr Présentation. [Retour]
paresseuse : ou " insolente " ? La lecture et le sens du mot grec, non attesté ailleurs, sont discutés. [Retour]
chattes : le terme grec désigne indifféremment la chatte et la belette, tolérée dans les maisons où elle fait office de ratier. Mais ici, il s'agit bien d'une chatte, qu'on a déjà surprise pelotonnée dans l'"ouvrage" (littéralement le fil) de Praxinoa, car on est à Alexandrie. On sait que le chat était en Égypte un animal à la fois sacré et domestique ; issu du croisement entre le chat de Nubie et le lynx des marais, il y était apparu aux environs de 5000 (J. Dumont, Les animaux dans l'Antiquité grecque, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 200). Sa patronne divine, Bastet, déesse à tête de chat, avait à Bubastis (zone orientale du Delta) un sanctuaire célèbre. En Grèce, l'apparition du petit félin sera beaucoup plus tardive, mais Hérodote connaissait déjà le statut du chat domestique égyptien, vénéré de son vivant et embaumé à sa mort (Hérodote, II, 66-67 ; témoignage confirmé par Diodore de Sicile, I, 83 et par les innombrables momies de chats retrouvées en divers sites). Les Grecs, pour leur part, semblent n'avoir guère aimé l'animal : un auteur comique fait dire à un Hellène s'adressant à un Égyptien : "Toi, si tu vois un chat mal en point, tu pleures, alors que moi, je le tue et l'écorche très volontiers !" (Athénée, VII, 300 a), tandis que des épigrammes (Anthologie grecque, Jacobs 111, p. 65, 69) applaudissent à la mort de chats qui ont dévoré un oiseau favori. [Retour]
dépensière : je m'écarte ici du texte corrigé suivi par Gow pour conserver, avec Legrand, la leçon des manuscrits. Négligente, Eunoa verse sur les mains de sa maîtresse une trop grande quantité de savon pâteux. [Retour]
Grrr...! : inexpressive serait pour nous la transcription littérale du terme grec, Mormô ; ce nom, celui d'un démon femelle mangeur d'enfants, fonctionnait comme un épouvantail, et son évocation, avec celle d'un "méchant cheval", vise naturellement à effrayer le petit pour lui ôter toute envie d'être de la promenade ! [Retour]
chevaux : des chevaux de parade, assez fougueux, qu'on a fait sortir des écuries du palais pour les convoyer jusqu'à l'hippodrome, dans un autre quartier de la ville. On possède une assez longue description topographique de l'Alexandrie ptolémaïque (Strabon, XVII, 791-795). L'architecte-urbaniste choisi par Alexandre avait adopté un plan orthogonal, c'est-à-dire en damier, avec des rues se coupant à angle droit suivant une orientation générale N.E. > S.O. ; tel est l'axe que suivent vraisemblablement les chevaux convoyés pour se rendre des écuries royales (au N.E.) vers l'hippodrome (au S.O.). On trouvera un plan schématique de la ville dans l'article de K. Jansen Winkeln, Alexandreia 1) dans Der neue Pauly, I (1996), 463-465. [Retour]
Toutes dedans : le cérémonial des noces prévoit que la mariée et son époux soient escortés jusqu'à la chambre nuptiale par leurs amis qui, une fois la porte refermée, entonnent l'épithalame ; si l'un d'eux dit alors "toutes dedans !", c'est évidemment par plaisanterie, et la formule reprise ici par Praxinoa ne peut donc être qu'ironique puisque, paradoxalement, elle s'applique tout juste à la situation ! [Retour]
palais royal : le quartier royal qui occupait à Alexandrie, en bordure du Grand Port (cfr Présentation), un quart ou un tiers de la ville, s'enrichit au fil des règnes ptolémaïques, et notamment sous les Philadelphes, de divers palais, de jardins (y compris botanique et zoologique), de temples (dont l'Arsinoeion), de prestigieux édifices culturels (Bibliothèque, Musée) et de somptueuses nécropoles. [Retour]
Achéron : un des fleuves des Enfers, fleuve marécageux et sinistre que doivent traverser les âmes, dans la barque du passeur Charon, pour atteindre le monde des morts. Le terme Achéron désigne ici, comme il arrive souvent, l'ensemble du royaume des Enfers, sur lequel règne Perséphone, amante d'Adonis; cf. présentation et note Perséphone. [Retour]
large le bec : le dorien abonde, effectivement, en sons "ouverts", tel par exemple le a long, qui se substitue au êta de l'ionien-attique. [Retour]
Bellérophon : fils du dieu Poséidon mais accueilli par un père "humain" qui est le roi de Corinthe, Bellérophon est au coeur d'une geste qui a pour cadre tantôt l'Argolide, tantôt la Lycie. Maître du cheval ailé Pégase, Bellérophon était vraiment le héros national et emblématique de Corinthe dont, au terme de nombreuses aventures, il était à son tour devenu le roi. [Retour]
péloponnésien : le péloponnésien est un dialecte dorien ; sur la langue utilisée par Théocrite dans les Syracusaines; cf. Présentation. [Retour]
Perséphone : c'est sans doute cette déesse qu'invoque l'épithète grecque ("Dame au miel"). Fille de Zeus et de Déméter, la jeune et charmante Perséphone avait été enlevée par Hadès, dieu des Enfers, qui fit d'elle la souveraine du sombre royaume ; toutefois Zeus, compatissant au désespoir de Déméter, décida que Perséphone ne passerait au souterrain séjour qu'une partie de l'année, pour revenir ensuite sur terre - situation comparable à celle du héros aimé de la déesse, Adonis (cf. Présentation), mais unique dans le cas d'un demi-dieu : cf. v. 136-137. [Retour]
ne racle pas : littéralement "ne racle pas une mesure (de grains, de farine) quand elle est vide", c'est-à-dire "ne perds pas ton temps !". [Retour]
Golgoi et Idalion : sont deux cités de l'île de Chypre, mentionnées pour avoir célébré le culte d'Aphrodite. Le site de Golgoi, colonie de Sicyone, n'est pas déterminé avec certitude ; Idalion, centre cultuel au S.E. de Nicosie, a livré une longue inscription syllabique ainsi que la bilingue qui en a permis le déchiffrement. [Retour]
Éryx : le mont Éryx, proche de la côte occidentale de la Sicile, en pays élyme, était couronné par un temple d'Aphrodite dont plusieurs traditions affirmaient l'ancienneté ; l'occupation phénicienne de la région avait laissé sa trace dans la prostitution sacrée qui s'y pratiqua dans le cadre d'un culte syncrétique d'Astarté-Aphrodite-Vénus. Virgile attribuait la fondation de ce temple à Énée (Enéide, V, 759 ss.) et le culte de Vénus Erycina fut très populaire à Rome à l'époque républicaine. [Retour]
Heures : les Heures (ou Saisons: le terme grec est identique), filles de Zeus et de Thémis, maintes fois chantées par les poètes, ont inspiré, plusieurs siècles après Théocrite, un très gracieux Hymne orphique, traduit avec bonheur, en français, par J. Lacarrière, Dictionnaire amoureux de la Grèce, Paris, Plon, 2001, p. 381. [Retour]
Cypris : Aphrodite de Chypre (Cypris) était fille de Zeus et de Dionè. [Retour]
Bérénice : mère de Ptolémée Philadelphe et de sa soeur Arsinoé, avait été divinisée peu de temps auparavant, vers 275 (cf. Présentation). [Retour]
jardins mignons : allusion à un usage bien connu, les jardins en miniature, dits "jardins d'Adonis" que les femmes confectionnaient à l'occasion des Adonies, en plaçant dans des vases ou des caissons des graines qu'on arrosait d'eau chaude pour hâter la floraison ; les plantes ainsi forcées se flétrissaient rapidement, symbolisant le destin du jeune héros. [Retour]
jeune échanson : continuation de l'ekphrasis: le lit nuptial où l'effigie d'Adonis repose auprès d'Aphrodite est incrusté d'or et d'ébène et enrichi de motifs appliqués, tels ces aigles d'ivoire qui transportent jusqu'à Zeus le jeune échanson Ganymède, aimé du père des dieux. [Retour]
Milet et Samos : sont des centres de production lainière. [Retour]
vêtement retombant jusqu'aux chevilles : une fois détachées les agrafes qui le tiennent aux épaules, le vêtement, même retenu par la ceinture, va tomber jusqu'aux pieds, dénudant la poitrine. Tenue et attitudes d'un deuil intense : après le jour d'allégresse qui a vu l'union mystique d'Adonis et d'Aphrodite-Arsinoé, les adoratrices du héros iront noyer dans la mer l'effigie du héros, dont elles chantent le déplorable trépas. Ici s'arrête la description des Adonies par Théocrite. Il est fait allusion, à vrai dire, à la résurrection du héros, mais elle n'interviendra que l'an prochain (v. 143-144). D'autres sources, en revanche, parlent d'un festival étalé non sur deux jours, mais sur trois, et qui se termine avec la résurrection d'Adonis ; c'est ce triduum qu'évoque par exemple le papyrus mentionné plus haut (cf. Présentation). [Retour]
Agamemnon : descendant d'Atrée, c'est-à-dire de Pélops et de Tantale (cf. note Pélopides), roi d'Argolide, Agamemnon est le commandant suprême de l'armée grecque devant Troie. Alors qu'Artémis irritée immobilise la flotte grecque, retardant le départ de l'expédition, Agamemnon, pressé par le devin Calchas, consent à sacrifier sa propre fille, Iphigénie, pour apaiser le courroux de la déesse ; le roi va dès lors encourir la fureur de son épouse, la reine Clytemnestre, par qui il sera tué à son retour de la guerre. La sombre histoire des Atrides se poursuit à la génération suivante, avec Oreste (cf. note Pyrrhos), fils d'Agamemnon et de Clytemnestre qui, pour venger son père, se fera le meurtrier de sa mère. [Retour]
Ajax : le grand Ajax, fils de Télamon, est le plus valeureux, après Achille, des guerriers grecs de l'Iliade. Il affronte à plusieurs reprises le champion troyen Hector cf. note Hector) et s'oppose d'autre part à Ulysse, lequel sera finalement décrété par les Troyens le plus brave des Achéens, à la grande fureur d'Ajax ; ce dernier, devenu fou, massacre dans sa rage les troupeaux qui doivent assurer le ravitaillement des Hellènes, et finit par se donner la mort. [Retour]
Hector : fils aîné de Priam, roi de Troie, et de sa très féconde épouse, Hécube, Hector est le défenseur par excellence de Troie assiégée. Époux d'Andromaque, à qui il fait d'émouvants adieux, Hector se mesure héroïquement à Ajax (cf. note Ajax), puis tue de sa main Patrocle (cf. note Patrocle), ce qui décide Achille à reprendre les armes. Abandonné par son divin protecteur, Apollon, Hector tombera sous les coups d'Achille, qui consentira finalement à rendre aux Troyens le corps mutilé de leur héros. [Retour]
Patrocle : autre héros de la guerre de Troie, le Grec Patrocle, lié à Achille par une amitié proverbiale et auréolé par de nombreux exploits, prend au combat la place d'Achille lorsque celui-ci s'est par dépit retiré sous sa tente. Patrocle ayant été tué par Hector, Achille organise pour son ami Patrocle d'impressionnantes et barbares funérailles. [Retour]
Pyrrhos : c'est-à-dire "le Roux" est le surnom de Néoptolème, le fils d'Achille, que les Grecs, après la mort de celui-ci, savent convaincre de les rejoindre à son tour à Troie, où il continue les exploits de son père. Néoptolème tue le petit Astyanax, fils d'Hector (cf. note Hector) et d'Andromaque, avant d'obtenir la princesse troyenne comme captive lors du partage du butin de guerre. Le fluide génie de Jean Racine mettra en scène l'affrontement de Pyrrhos et d'Andromaque face à Hermione, l'épouse grecque que certaines sources donnaient à Néoptolème à son retour de Troie. Hermione, fille de Ménélas, était aimée d'Oreste, fils d'Agamemnon (cf. note Agamemnon) ; jalouse d'Andromaque et voulant tirer vengeance de Néoptolème, Hermione fit tuer ce dernier par Oreste. [Retour]
Lapithes : les Lapithes sont un peuple mythique qui chassa de Thessalie les Pélasges, premiers habitants de cette région. Célèbre était la lutte qui opposa les Lapithes, conduits par Thésée et son ami Pirithoos, aux Centaures, mi-hommes, mi-chevaux: c'est l'épisode splendidement évoqué sur le fronton O. du temple de Zeus à Olympie (2e quart du Ve siècle a.C.). [Retour]
Deucalions : ce sont les descendants de Deucalion, lui-même fils de Prométhée ; ce dernier formait avec son épouse Pyrrha un couple de justes qu'épargna la colère de Zeus lorsqu'il abattit sur la terre un déluge destiné à anéantir les hommes vicieux de l'âge du bronze. Deucalion et Pyrrha allaient donc devenir père et mère de la nouvelle race humaine. [Retour]
Pélopides : les Pélopides sont les descendants de Pélops. Ce dernier, fils infortuné de Tantale, fut tué et dépecé par son père qui servit cet horrible festin aux dieux ; mais ceux-ci reconstituèrent le corps de Pélops et ressuscitèrent le malheureux, dont les fils, Atrée et Thyeste allaient reproduire la sinistre histoire (Atrée offrit en repas à son frère les propres enfants de ce dernier: le "festin des Atrides"...). [Retour]
Pélasges seigneurs d'Argos : ces Pélasges règnent sur une plaine de Thessalie (cf. note Lapithes) où est localisée une Argos différente de la cité pélopésienne de ce nom, fief des Pélopides. [Retour]
Tout vinaigre : traduction littérale; l'usage métaphorique de ce mot est bien attesté en grec, comme en latin. [Retour]
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[Dernière intervention : 18 septembre 2002]