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Pervigilium Veneris : Introduction

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 Pervigilium Veneris

La Veillée de Vénus

 

Poème latin anonyme de l'époque impériale

 

Texte et traduction nouvelle avec notes de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2004

 


Peruigilium Veneris La veillée de Vénus

Couleurs d'avril (vv. 1-27)

Vert nouveau

1

Crás amét qui númquam amáuit /
quique amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

2

Vér nouúm, uer iám canórum. / Vére nátus órbis ést Avril s'ouvre, avril chante déjà. En avril naquit le monde,

3

uére cóncordánt amóres, / uére núbunt álités, En avril s'accordent les amours, en avril s'accouplent les oiseaux,

4

ét nemús comám resóluit / dé marítis ímbribús. Et la forêt déploie sa chevelure sous les pluies fécondantes.

5

Crás amórum Cópulátrix / ínter úmbras árborúm Demain, sous le couvert des arbres, Celle qui lie d'amour

6

ímplicát casás uiréntis / dé flagéllo myrteó: Enlacera des rameaux de myrtes en huttes verdoyantes.

7

Crás Dióne iúra dícit / fúlta súblimí thronó. Demain, installée bien haut sur un trône, Dioné proclamera ses lois.

8

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

Bleu mer
(lacune) -----------------------

9

Túnc cruóre dé supérno / spúmeó pontús globó Un jour comme celui-là, de sang tombé du ciel, la masse écumeuse du grand large,

10

cáerulás intér catéruas ínter / ét bipedés equós Au beau milieu de troupes d'azur et de chevaux bipèdes,

11

fécit úndantém Diónen / dé marínis ímbribús. Créa Dioné qui, telle une vague, surgit de l'onde marine.

12

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

Pourpre et flamme

13

Ípsa gémmis púrpurántem / píngit ánnum flóridís. Elle colore l'année des gemmes pourpres des fleurs.

14

Ípsa súrgentés papíllas / dé Fauóni spíritú Quand les boutons de roses poussent sous le souffle du zéphyr,

15

úrget ín nodós tepéntes, / ípsa róris lúcidí, Elle les enfièvre tendus à faire éclater leurs calices. De la rosée lumineuse

16

nóctis áura quém relínquit / spárgit úmentís aquás. Que laisse la brise nocturne, elle répand les gouttes mouillantes,

17

Ét micánt lacrimáe treméntes / dé cadúco pónderé. Qui, entraînées par leur poids, brillent, larmes tremblantes.

18

Gútta práeceps órbe páruo / sústinét casús suós. Prêtes à tomber, les gouttes rondes se resserrent pour freiner leur chute.

19

Én pudórem flóruléntae / pródidérunt púrpuráe. Pourpres, voici des fleurs dans leur pudeur dévoilée :

20

Úmor ílle quém serénis / ástra rórant nóctibús La rosée que dans la plénitude des nuits distillent les astres,

21

máne uírgineás papíllas / sóluit úmentí pepló. A ouvert à l'aube l'humide manteau des roses virginales en boutons.

22

Ípsa iússit máne núdae / uírginés nubánt rosáe. La déesse a fait à l'aube s'offrir nues les roses vierges.

23

Fácta Cypridis dé cruóre / déque Amóris ósculís Née du sang de Cypris et de baisers de l'Amour

24

déque gémmis déque flámmis / déque sólis púrpurís, Et de gemmes et de flammes et d' éclats pourpres du soleil,

25

crás rubórem quí latébat / uéste téctus ígneá, Demain, ce voile de feu qui la couvre et la cache rougissante,

26

únicó maríta nódo / nón pudébit sólueré. Sans pudeur la rose l'ouvrira pour nouer un seul hymen.

27

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

La veillée de Vénus (vv. 28-58)
Cupidon

28

Ípsa Nymphas díua lúco / iússit íre myrteo Elle, la divine, a donné l'ordre à ses Nymphes d'aller au bois des myrtes.

29

Ít puér comés puéllis. / Néc tamén credí potést Le jouvenceau se joint aux jouvencelles. Mais, qui irait donc croire

30

ésse Amórem fériátum / sí sagíttas uéxerít. Qu' Amour observe une trêve, s'il emportait ses flèches ?

31

" Íte Nymphae, pósuit árma, / fériátus ést Amór. " Allez-y, Nymphes, Amour a déposé les armes, il observe une trêve.

32

Iússus ést inérmis íre, / núdus íre iússus ést, C'est un ordre, il doit venir sans armes ! Il doit venir tout nu, - c'est un ordre ! -,

33

néu quid árcu néu sagítta / néu quid ígne láederét. Pour ne blesser quiconque ni de son arc ni de ses flèches ni de sa torche.

34

Séd tamén, Nympháe, cauéte, / quód Cupído púlcher ést: Mais tout de même, Nymphes, prenez garde ! Qu'il est beau, mon Cupidon !

35

Tótus ést in ármis ídem / quándo núdus ést Amór. Il est tout en armes, même tout nu, Amour ! "

36

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

Délia
(lacune) ---------------------------

37

" Cómparí Venús pudóre / míttit ád te uírginés. Vénus t'envoie des vierges tout aussi pudiques.

38

Úna rés est quám rogámus: / céde, uírgo Déliá, Nous ne te demandons que cela: Retire-toi, Délia, la vierge,

39

út nemús sit íncruéntum / dé ferínis strágibús N'ensanglante pas ce bois en y massacrant du gibier,

40

ét rigéntibús uiréntes / dúcat úmbras flóribús. Laisse ses ombres verdoyantes s'étendre sur des fleurs qui se dressent.

41

Ípsa uéllet té rogáre, / sí pudícam flécterét. Vénus elle-même voudrait te demander de... , mais peut-elle fléchir ta pudeur ?

42

Ípsa uéllet út ueníres, / sí decéret uírginém. Elle, elle voudrait bien que tu viennes, si cela agréait la vierge que tu es.

43

Iám tribús chorós uidéres / fériátis nóctibús Tu verrais nos choeurs au cours de trois nuits de fêtes,

44

cóngregés intér catéruas / íre pér saltús tuós Parmi des groupes serrés, traverser tes boqueteaux,

45

flóreás intér corónas / myrteas intér casás. Sous des couronnes de fleurs, au long des huttes de myrtes.

46

Néc Cerés nec Bácchus ábsunt / néc poétarúm deús. Ni Cérès ni Bacchus ne se tiennent à l'écart, pas plus que le dieu des poètes.

47

Détinénda tóta nóx est, / péruigilánda cánticís. Il faut y consacrer toute la nuit et veiller tout en chantant.

48

Régnet ín siluís Dióne! / Tú recéde, Déliá. Que sur les forêts règne Dioné! Et toi, va-t-en, Délia!

49

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

Hybla

50

Iússit Hyblaeís tribúnal / stáre díua flóribús. La déesse a fait dresser sa tribune dans Hybla en fleurs.

51

Práeses ípsa iúra dícet / ádsidébunt Grátiáe. Elle présidera et proclamera elle-même ses lois. À ses côtés, siègeront les Grâces.

52

Hybla, tótos fúnde flóres / quídquid ánnus ádtulít ! Hybla, répands toutes tes fleurs et tout ce que t'apporte l'année !

53

Hybla, flórum súme uéstem / quántus Áetnae cámpus ést ! Hybla, revêts ton manteau de fleurs aussi vaste que la plaine de l'Etna !

54

Rúris híc erúnt puéllae / uél puéllae móntiúm, Ici viendront les jouvencelles des champs, les jouvencelles des montagnes aussi,

55

quáeque síluae, quáeque lúcos / quáeque fóntes íncolúnt. Et toutes celles qui hantent les forêts et les bosquets et les sources.

56

Iússit ómnes ádsidére / púeri Máter álitís, Elle leur a dit à toutes de s'asseoir, la Mère du jouvenceau ailé.

57

Iússit, ét nudó, puéllas / níl Amóri créderé. Elle leur a dit à ces jouvencelles, même s'il est nu, de ne pas du tout se fier à Amour.

58

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

Influx de Vénus (vv.59-93)
Orbi...

59

Crás erít quo prímus Áether / cópuláuit núptiás. Demain reviendra le jour où Éther, le premier, contractait des noces.

60

Út patér totúm creáret / uérnis ánnum núbibús, Pour créer, comme un père, de nuées printanières l'année tout entière,

61

ín sinúm marítus ímber / flúxit álmae cóniugís Il s'est écoulé, pluie féconde, dans le sein de son épouse nourricière

62

únde fóetus míxtus ómnis / áleret mágno córporé. Et s'est fondu dans son vaste corps pour sustenter toute sa progéniture.

63

Ípsa uénas átque méntem / pérmeánti spíritú Vénus de son souffle pénètre veines et esprit,

64

íntus óccultís gubérnat / prócreátrix uíribús. Que ses forces occultes de procréatrice régissent de l'intérieur.

65

Pérque cáelum pérque térras / pérque póntum súbditúm, De par le ciel et les terres et la mer, tout son royaume,

66

péruiúm suí tenórem / sémináli trámité Sans fin elle affirme sa présence par la voie de la fécondité,

67

ímbuít iussítque múndum / nósse náscendí uiás. Elle qui a imposé au monde les modes de l'enfantement.

68

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

et Vrbi

69

Ípsa Tróianós nepótes / ín Latínos tránstulít. Elle a fait de sa descendance troyenne des Latins,

70

Ípsa Láurentém puéllam / cóniugém nató dedít. Elle qui donna une jeune Laurente comme épouse à son fils.

71

Móxque Márti dé sacéllo / dát pudícam uírginém. Ensuite, elle donne à Mars une vierge pudique d'un sanctuaire.

72

Rómuléas ípsa fécit / cúm Sabínis núptiás, Elle encore, aux hommes de Romulus fit épouser des Sabines.

73

únde Rámnes ét Quirítes / próque próle pósterúm Ainsi créa-t-elle Ramnes et Quirites, et inscrivit dans leur postérité

74

Rómulí + matrém + creáret ét nepótem Cáesarém. +la mère+ César aussi, descendant de Romulus.

75

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

Terre

76

Rúra fécundát uolúptas / rúra Vénerem séntiúnt. La Volupté fertilise les campagnes, qui ressentent l'influx de Vénus.

77

Ípse Amór, puér Diónae, / rúre nátus dícitúr. Amour lui-même, fils de Dioné, est né, dit-on, de la campagne.

78

Húnc agér cum párturíret, / ípsa súscepít sinú. Alors qu'une terre le mettait au monde, la déesse le reçut dans son sein.

79

Ípsa flórum délicátis / éducáuit ósculís. Et le sustenta elle-même des tendres baisers des fleurs.

80

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

Vie animale

81

Écce iám subtér genéstas / éxplicánt taurí latús Voilà que près des genêts les taureaux étendent leurs flancs.

82

Quísque tútus quó tenétur / cóniugáli fóederé. Chacun se sent rasséréné par le pacte d'amour qui le tient.

83

Súbter úmbras cúm marítis/ écce bálantúm gregés. L'ombre accueille les brebis et leurs mâles en troupeaux.

84

Ét canóras nón tacére / díua iússit álités. La déesse n'a pas fait taire les chants des oiseaux.

85

Iám loquáces óre ráuco / stágna cygni pérstrepúnt. Les cygnes bavards de leurs voix rauques font retentir les étangs.

86

Ádsonát Teréi puélla / súbter úmbram pópulí, En écho, la jeune épouse de Térée leur répond dans l'ombre du peuplier.

87

út putés motús amóris / óre díci músicó On croirait que le lyrisme de sa voix traduit les élans de l'amour

88

ét negés querí sorórem / dé maríto bárbaró. Et non pas des pleurs pour une soeur, victime de ce mari barbare.

 

Silence et abandon

89

Ílla cántat, nós tacémus. / Quándo uénit uér meúm? Cet oiseau chante et moi, je me tais ! Quand viendra-t-il mon avril ?

90

Quándo fíam utí chelídon / út tacére désinám? Quand deviendrai-je comme l'hirondelle, pour ne plus me taire ?

91

Pérdidí musám tacéndo / néc me Phóebus réspicít. J'ai perdu l'inspiration en me taisant et Phébus ne me regarde plus.

92

Síc Amyclas, cúm tacérent, pérdidít siléntiúm Ainsi en fut-il des Amycléens: ils se taisaient et leur silence les perdit.

93

Crás amét qui númquam amáuit /
quíque amáuit crás amét.
Demain vive d'amour qui jamais n'a aimé,
et qui a aimé, demain vive d'amour.

 

 Introduction