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Horace (Art poétique) : Traduction française - Hypertexte louvaniste

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Horace

L'Art poétique ou Épître aux Pisons

Introduction

 


Extrait de H. Zehnacker et J.-Cl. Fredouille, Littérature latine, Paris, PUF, 1993, p. 164-165 :
Par son contenu, la lettre à Auguste (Épîtres, II, 1) prépare directement l'oeuvre majeure de la vieillesse d'Horace, l'Épître aux Pisons ou Art poétique. La date en est incertaine, mais on la situerait volontiers vers 13 av. J.-C. ou même après. On ne sait pas davantage qui sont ces Pisons, un père et ses deux fils, auxquels s'adresse le poète; parmi les homonymes, on préférera peut-être celui qui fut consul en 23 et ses fils, consuls en 7 et en 1 av. J.-C.

L'Art poétique est une des oeuvres les plus difficiles et les plus déconcertantes d'Horace. On ne peut la comprendre que si on la situe dans la perspective des théories littéraires d'Aristote et de ses successeurs; l'épicurien Philodème de Gadara avait réfuté les théories de l'académicien Néoptolème de Parion, dans une oeuvre dont les papyrus d'Herculanum nous ont transmis des bribes.

Il semble qu'Horace ait voulu traiter successivement de la poésie (en général), du poème (en tant qu'oeuvre particulière) et du poète, selon le schéma grec : poièsis, poièma, poiètès. Mais cette épître est, comme toutes les autres, une conversation à bâtons rompus, un sermo, et non un traité pédant, une ars : le titre De arte poetica, poutant attesté depuis Quintilien, n'est sans doute pas d'Horace. L'auteur passe en souplesse d'une idée à une autre, sans trop se soucier d'un plan; pour illustrer un précepte, il choisit ses exemples, non sans intentions, mais sans vouloir être complet. On s'est beaucoup étonné de l'importance qu'il accorde à la poésie dramatique, tragédie et comédie (qu'il ne pratique pas), et même au drame satyrique que les Grecs avaient connu autrefois, mais que les Latins ignoraient totalement et qu'Horace semble avoir voulu ressusciter. À l'inverse, il ne dit mot, du moins explicitement, de la poésie lyrique dans laquelle il est pourtant passé maître.

L'Épître aux Pisons commence par la description d'une peinture qui représenterait un monstre à tête de femme, à encolure de cheval, à corps d'oiseau et à queue de poisson : ce serait affreux et ridicule. Une oeuvre d'art est comme un organisme vivant : elle doit avoir son unité. Et l'épître se termine par un autre tableau, tout aussi amusant, celui d'un poète déraisonnable qui fait fuir tout le monde; C'est dire que la folie n'a rien à voir avec le génie poétique. Toujours Horace subordonne la sensibilité aux lois de la raison et de l'intelligence.


Extrait de R. Pichon, Histoire de la littérature latine, 3e édition, Paris, Hachette, p. 376-378 : Les "Épîtres" littéraires :

Parmi les travers dont le poète se raille, est la manie d'écrire; c'est ainsi qu'il se trouve amené à passer des questions morales aux questions littéraires. Il les traite toujours sous [la] forme de l'épître, évitant tout appareil didactique : c'est dans une lettre à Auguste [Épîtres, II, 1] qu'il agite la grave question des anciens et des modernes, et ce que nous appelons l'Art poétique n'est qu'une épître adressée aux fils de Pison qui voulaient s'exercer dans la tragédie. [...] Il y a dans les doctrines littéraires d'Horace un peu de vague et de décousu; il ne fait pas de théories, ne compose pas un traité dogmatique et suivi, s'amuse plutôt à railler les mauvais écrivains. Cependant ses idées sur la poésie peuvent se ramener à trois principales : la poésie est un art très noble, et non un divertissement de salon; - par suite elle est très difficile; - enfin, si l'on veut à toute force s'y hasarder, il n'y a de salut que dans l'imitation des Grecs.

Horace place très haut l'objet de la poésie : il lui assigne une fonction morale, sociale, religieuse; le poète pour lui est un éducateur de la cité, utilis urbi, presque un prêtre. Autrefois, la poésie n'a-t-elle pas créé et gouverné les sociétés ? n'a-t-elle pas popularisé les préceptes de vertu et de courage ? Horace lui-même n'a-t-il pas été près des dieux l'interprète de Rome ? Ce serait donc faire tort à la poésie que de la réduire à un badinage d'amateurs.

Or à cette époque ce sont des amateurs désoeuvrés qui se jettent sur la poésie. Horace défend son art contre cette invasion de dilettantes superficiels. Pour les en éloigner, il en exagère les difficultés, insistant sur la part de métier que contient l'art d'écrire. Déjà, dans une épître à Florus [Épîtres, I, 3], il félicitait ironiquement les courtisans de Tibère de n'avoir pas peur de puiser aux gouffres profonds de Pindare

Pindarici fontis qui non expalluit haustus
"[Titius] qui a pu sans pâlir puiser à la source pindarique" (vers 10),

et de déchaîner leur fureur dans des tragédies pompeuses :

an tragica desaeuit et ampullatur in arte
"ou bien se déchaîne-t-il et fait-il gronder les mots dans l'art tragique (vers 14).

Ce ton de raillerie déguisée est plus sensible encore dans l'Art poétique; il se moque des écrivains incohérents, des maniaques, des flatteurs complaisants; il énumère toutes les fautes contre la vraisemblance, l'unité, le bon goût, l'usage de la langue; bref, il s'attache moins à diriger les apprentis poètes qu'à les décourager

Cependant il existe un moyen, d'achapper à tous ces écueils : c'est d'imiter les Grecs. Horace rompt absolument avec l'ancienne littérature latine, où il ne voit que de vieux textes incompréhensibles, des épopées ridicules ou de plates bouffonneries. Tout au plus veut-il reconnaître aux Romains un souffle tragique assez puissant, spirat tragicum satis, mais cela même est gâté, d'abord par l'absence de soin et de travail, et ensuite par les préoccupations bassement utilitaires. La Grèce seule possède la notion de l'art désintéressé :

praeter laudem nullius auaris,
"[aux Grecs] avides de la gloire seule" (vers 323),

de la forme pure et parfaite; seule elle enseigne à châtier son style, à composer un ensemble, à éviter la vulgarité aussi bien que l'emphase; ses poètes donneront à leurs disciples la mesure et l'harmonie. Et ses philosophes apprendront à penser :

Rem tibi Socraticae poterunt ostendere chartae;
"les ouvrages socratiques pourront te faire voir l'idée" (vers 310);

il faudra les avoir lus, et surtout avoir vu le monde, pour faire une oeuvre sérieuse, appuyée sur une profonde vérité psychologique, car la poésie doit être une image de la vie et une leçon pour l'humanité. Perfection esthétique et utilité pratique, voilà les deux qualités qu'Horace trouve chez les Grecs, et qu'il conseille aux Latins, parce qu'il les a lui-même.

Ainsi, l'Art poétique apparaît comme la consécration des oeuvres personnelles de l'écrivain.

 

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[Dernière intervention : 17 septembre 2002]