FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 19 - janvier-juin 2010


 

La métamorphose ou les ondoyances du mythe

Du bon usage d’Ovide

© Paul-Augustin Deproost, 2010


Ce texte a été prononcé comme discours d’ouverture de la deuxième journée du colloque « Métamorphoses et musique » qui s’est déroulé à Namur (IMEP — Institut supérieur de musique et de pédagogie) et Louvain-la-Neuve (CERMUS — Centre de recherche en musique-musicologie) les 24 et 25 février 2010. Je remercie ma collègue, le Professeur Brigitte Van Wymeersch, de m’avoir donné l’occasion d’évoquer, en amont des questionnements musicologiques de cette journée, à partir d’une lecture des Métamorphoses d’Ovide, quelques pistes de réflexion qui m’ont paru utiles lorsque l’on s’intéresse aux processus métamorphiques dans la création littéraire et artistique, au premier rang desquels la récriture, les rapports de continuité et de rupture, la perversion des modèles ou encore les battements du Même et de l’Autre.


 

Loin d’être le divertissement d’esthète ou le recueil de fables légères auxquels la postérité les a parfois réduites, les Métamorphoses d’Ovide sont un poème qui promeut une certaine vision du monde et du temps, une certaine conception des rapports entre l’homme, la nature et le divin, un certain déni des contours et des frontières au profit du flou, du paradoxe, de l’évanescent. Tout d’abord, à le considérer tel qu’il est, le monde apparaît, en effet, pour Ovide tout le contraire d’un mécanisme parfaitement réglé, normé, rythmé par des lois et des régularités dont, par exemple, celles des retours saisonniers ou des configurations célestes dans l’ordre naturel ou celles du fatum dans l’histoire des hommes et des sociétés. Pour Ovide, le monde est fondamentalement mouvant, irrégulier, opaque, « rien n’y est stable ; tout s’écoule et toute forme n’y est qu’image passagère », selon les formules de Pythagore, dont le grand discours définit au quinzième et dernier livre du poème le programme philosophique de l’œuvre [1] . Moins goguenard et digressif qu’il n’y paraît pour un lecteur insensible aux humeurs d’Ovide, le propos du philosophe théorise effectivement la vision baroque d’un univers définitivement instable et imprévisible, conçu par une nature qui sans cesse innove et renouvelle ses formes sous l’irréversible morsure du temps [2] . À travers Pythagore, Ovide voit et décrit l’univers comme un « kaléidoscope » d’apparences, dont les frontières entre les êtres sont en perpétuelle mutation et où les lois de la vie sont la porosité, l’évolution et le métissage plutôt que la pureté, le figement et la discrimination. Trompeusement orienté du chaos primitif à l’apothéose de Jules César, un an avant la naissance du poète, le temps des Métamorphoses est en réalité celui d’un univers qui évolue en tournant sur lui-même, perméable à toutes les tensions dans la chaine du vivant et qui réoriente la flèche du devenir en une spirale transformiste où les êtres deviennent ce qu’ils sont et sont ce qu’ils deviennent. Même s’il annonce d’emblée un « poème ininterrompu de la première origine du monde à son temps », Ovide précise d’abord, dès le premier vers, qu’il chantera « le changement des formes en des corps nouveaux » [3] .

Dans le cadre d’une poésie étiologique, le poème d’Ovide raconte, en définitive, une certaine histoire du monde dont la cohérence est moins diachronique que syntagmatique. Le « chant perpétuel » ou carmen perpetuum annoncé par Ovide dès les premiers vers n’est, en effet, pas un chant qui s’inscrit dans la logique d’une temporalité humaine, mais dans des nouages mythiques où la singularité de chaque légende prend son sens comme élément d’une « pensée mythologique » globale marquée par l’infinie fluidité des corps et des formes en mouvement [4] . Dans cette histoire, les métamorphoses particulières sont les temps d’un « destin métamorphique » qui, sans renoncer à la continuité chronologique du récit, impulse toute l’évolution du monde, dans laquelle la mort n’est rien d’autre qu’une vie métamorphosée. Toujours selon Pythagore, « tout change, rien ne meurt. Le souffle de vie circule ; il va de ci de là et il prend possession des membres qu’il veut … Rien ne périt dans le monde entier, mais tout varie, tout change d’aspect ; ce qu’on appelle naître, c’est commencer autre chose que ce qui fut avant, et mourir c’est cesser d’être cette même chose [5] . » La distance entre le divin, l’humain, l’animal, le végétal ou le minéral ne relève pas d’un processus historique de sélection naturelle, mais d’un continuum fantastique et surréel où tout est dans tout, mais différemment selon l’angle du regard comme en un hologramme universel. Tant il est vrai que le sang mêlé de Pyrame et Thisbé migre dans la nouvelle couleur sombre des fruits du mûrier pour réaliser dans un univers végétal un amour interdit dans l’univers des hommes.

Nonobstant des regroupements plus ou moins obvies — thématiques, géographiques, généalogiques —, des cycles légendaires « en gigogne » ou des parodies épiques en marge de la guerre de Troie ou du destin d’Énée, les quelque deux cent cinquante légendes que totalise cette chronique du monde n’ont d’autre cohérence que celle de l’éclatement, d’une poussière de fables, d’importance et de longueur diverses, semée au gré de la fantaisie du conteur. Pour beaucoup, les légendes sont connues et bien attestées par ailleurs, mais le poète se plaît ici à les sortir de leur contexte mythique originel sinon à en relayer des variantes secondaires ou périphériques ; ce faisant, il brise la cohésion des grands cycles familiaux, dynastiques ou civiques, et il dépèce les anciennes chronologies en autant de « fragments » légendaires qu’il redistribue pour définir les termes d’une nouvelle histoire du monde.

La syntaxe de cette nouvelle histoire est celle du fantasme, où la transformation des êtres exprime l’aition qui en détermine la destinée et la vérité profonde. Car, si les Métamorphoses sont bien une épopée, techniquement écrite dans le mètre et l’éthos requis, le destin de leurs héros relève d’un déterminisme très différent de celui qui anime les poèmes homériques ou virgilien. L’épopée mythologique d’Ovide inscrit le destin des êtres non plus dans la nécessité, rationnelle ou divine, d’un projet, qui implique une visée, un progrès ou une construction, mais dans le hasard d’oscillations entre le Même et l’Autre, où les personnages participent, en définitive, moins à une logique de mouvement, qui fait évoluer les êtres vers leur destin, qu’à une logique de dévoilement qui les fige « tels qu’en eux-mêmes ils sont ». Tant il est vrai que la métamorphose est, avant toute chose, la révélation de l’Autre qui est en chacun de soi et qui en est, sans doute, la part la plus fondamentalement vraie, celle du fantasme masqué par les apparences et les contraintes des convenances, quand elle n’est pas celle du refoulé. Si le visage de Narcisse échappe infiniment à l’étreinte, c’est qu’il est justement la copie de l’original dans le reflet de la source ; il n’est que l’illusion ou le mirage de l’Autre ; il n’est pas l’Autre, qui seul peut être aimé. Dans cette perspective, la métamorphose est le processus fantasmatique qui lie tout sujet à son Autre, elle est la figure qui en exprime la vérité cachée. Plutôt qu’une figure de l’imaginaire, elle s’avère, en définitive, être la vraie figure du réel. La statue de Pygmalion n’est qu’un leurre du désir amoureux tant qu’elle n’est pas devenue la chair d’une femme désirable. La métamorphose ne serait-elle pas alors le tatouage qui, tout à la fois, authentifie et perpétue le modèle, au-delà de son évidence et de sa fragilité premières, dans l’ordre du symbole, qui atteste la vraie signification des choses et des êtres. C’est tout le sens du récit étiologique, où l’anecdote légendaire et son signifié ont moins d’importance que l’entre-deux symbolique qui les réunit. À défaut d’être l’épouse d’Apollon, Daphné consent à être son arbre, le laurier symbolisant à la fois l’honneur d’être la parure du dieu et celui d’avoir renoncé à son désir.

Comme aujourd’hui les lentilles qui scrutent le passé primordial et confus de l’univers dans l’observation des étoiles, les Métamorphoses d’Ovide sont aussi un puissant révélateur des premiers âges du monde, de ces temps mythiques de l’âge d’or où les hommes parlaient aux dieux, mais où la proximité qui les unissait relevait plus de l’entropie que de l’harmonie. Car, au moins en ses lointaines origines, l’univers mythologique d’Ovide apparaît souvent hostile aux hommes, méchant, cruel et pervers, conduit par les débordements amoureux ou l’orgueil des dieux toujours à l’affût pour abuser les belles mortelles, comme Apollon en chasse de Daphné, ou punir les humains trop talentueux, comme Minerve offensée par l’habileté de la tisserande Arachné. Dans les Métamorphoses, les interventions des dieux dans le monde des hommes ne sont plus réglées par le destin, mais par le hasard et les passions, et, loin d’apporter le bonheur, elles engendrent souvent l’injustice et la souffrance. Comme on l’a souvent observé, Ovide subvertit les mythes en une lecture très différente de la lecture traditionnelle, éloignée de la vulgate reconnue, laissant parfois la place à l’ironie et au dénigrement qui redéfinissent la nature des relations entre l’homme et le divin. L’univers mythique des Métamorphoses sert, en définitive, un programme esthétique et spirituel fondamentalement réfractaire à la restauration augustéenne des valeurs religieuses et à l’instrumentalisation politique de la mythologie.

Le protecteur personnel d’Auguste, Apollon, n’est pas la dernière divinité à faire les frais de cette remise en question, lorsqu’Ovide raconte les sombres aventures du bourreau des enfants de Niobé, du tortionnaire de Marsyas ou du séducteur éconduit de Daphné. Mais le plus bel exemple de ce dévoiement est sans doute la récriture de l’Énéide aux livres XIII et XIV, lorsqu’Ovide efface les enjeux collectifs et romains de la quête héroïque pour privilégier les drames individuels qu’elle a rencontrés sinon induits, jetant, à terme, le soupçon sur la piété traditionnelle, familiale et nationale, du héros virgilien. Les travaux de Jacqueline Fabre-Serris ont, à cet égard, bien montré comment, dans la relecture ovidienne de l’Énéide, la qualité majeure du héros virgilien, à savoir sa pietas, est relayée par l’idée, moins glorieuse, de faveur divine [6] . Une telle évolution traduit un affadissement des qualités héroïques du personnage, protégé des dieux quoi qu’il arrive, dans un univers où la pietas n’est pas toujours récompensée et l’impietas punie, comme, du reste, le laissait déjà entendre le dernier vers du poème virgilien, où la vie de Turnus s’enfuit dans un gémissement, indignée de la sauvagerie criminelle d’Énée [7] . Par ailleurs, dans le même ordre d’idées, les Métamorphoses négligent la part du destin dont on sait l’importance dans la quête du héros virgilien ; quant à la guerre, qui constitue le thème de toute la deuxième partie du poème de Virgile, elle est presque évacuée des Métamorphoses qui n’hésitent pas à réduire les deux derniers livres de l’Énéide à une formule qui en discrédite les péripéties et les exploits : « Bientôt, ce n’est plus un royaume promis en dot que l’on recherche, ni le sceptre d’un beau-père, ni ta personne, jeune Lavinie, mais la victoire, et on fait la guerre par honte de déposer les armes [8]  ». En revanche, Ovide est beaucoup plus sensible à l’arrière-plan légendaire ou romanesque du périple d’Énée, ponctué de récits fondés sur l’amour ou la souffrance, comme l’histoire du roi Anius, dont les filles persécutées par les Grecs vainqueurs, ont été changées en colombes, celle des amours d’Acis et Galatée, de Scylla et Glaucus, ou encore les aventures des compagnons d’Ulysse transformés en pourceaux par Circé, celles de Picus, le roi de Laurente, changé en pivert pour avoir dédaigné l’amour de la magicienne, et la métamorphose de son épouse, la nymphe Canente, devenue une voix prophétique dépourvue de corps. Autant d’anecdotes et de digressions qui déstructurent le genre officiel de l’épopée et qui, jointes aux critiques larvées des valeurs épiques, contestent la prégnance idéologique qui lui était associée. Le projet virgilien est explosé en médaillons légendaires où le souffle des labores héroïques s’étiole dans les murmures ou les gémissements d’amours contrariées.

Sans compter que le poète qui se présentait lui-même comme le magister amoris se plaît aussi à raconter longuement les déviances érotiques de ses personnages, hommes ou dieux, brouillant ainsi l’exigence morale propre à l’univers épique dans lequel s’inscrivent formellement les Métamorphoses. Très significative à cet égard est l’absence de Vénus dans l’Énéide ovidienne, qui efface donc le rôle décisif de la mère d’Énée dans l’accomplissement de son destin romain et familial. En revanche, elle apparaît ailleurs dans les Métamorphoses, toujours dans sa puissance divine, mais comme déesse de l’amour : on la voit notamment soucieuse d’étendre son empire jusqu’aux enfers rebelles à sa domination, lorsqu’elle presse son fils Cupidon de percer de ses flèches le cœur sévère de Pluton ; moins glorieux assurément son adultère scabreux avec Mars, l’un et l’autre surpris au beau milieu de leurs enlacements par le filet de Vulcain, le mari trompé, qui s’amuse à offrir les amants en spectacle à l’assemblée des dieux. La culture mythologique d’Ovide présente de singuliers accents et éclipses qui n’ont pas dû plaire aux lointains descendants de la Genitrix !

Brooks Otis a pu définir le poème d’Ovide comme une « épopée de l’amour », en une formule paradoxale qui concilie le caractère résolument narratif et visionnaire de l’œuvre et le goût du poète pour les arts de la séduction [9] . Chez Ovide, le mètre héroïque devient, en effet, le réceptacle d’un érotisme récurrent qui relit de nombreux mythes à la lumière des thèmes de l’élégie, comme la puella inaccessible, l’exclusus amator, l’obstacle qui sépare les amants, les manifestations du désir amoureux, la lettre d’amour, etc. Cette héroïsation de l’amour, mâtinée d’un recours systématique à l’irrationalité de ses représentations, n’a sans doute pas compté pour rien dans la disgrâce du poète auprès d’un prince soucieux de restaurer les anciennes vertus romaines de fidélité et de pudeur. Au cœur d’un projet épique qui théoriquement est censé y renoncer, l’exaltation du sentiment amoureux, y compris dans ses manifestations les plus troubles comme les passions incestueuses de Byblis pour son frère et de Myrrha pour son père, n’était décidément pas à l’ordre du jour du « réarmement moral » entrepris par le premier empereur.

En réalité, le ton même du récit mythologique change complètement dans la récriture ovidienne des mythes. Les grands récits fondateurs perdent leur force primitive, telle qu’elle apparaissait encore dans la première tragédie grecque ou dans les premières cosmogonies. L’univers du mythe est désormais celui d’une société romanisée, notamment dans la hiérarchie et les institutions de l’Olympe ; il repose aussi sur un commerce plus policé et mondain entre les êtres, qui n’exclut pas le libertinage, l’hypocrisie et la transgression. La Muse craint de fatiguer Pallas par un trop long récit, et celle-ci, qui sait vivre, la prie gracieusement de continuer ; Apollon tue les enfants de Niobé, parce que la légende l’exige, mais il ne peut s’empêcher de les plaindre. Nonobstant la brutalité de certains épisodes, les scènes de pur carnage et de supplices violents sont réduites sinon éliminées ; la mort de Penthée et celle des fils de Médée sont racontées très sommairement. L’Olympe d’Ovide est un Olympe galant, courtois, avide de scandales et potins divers, très proche du monde madrigalesque ou du marivaudage, jusque dans la préciosité des femmes, leur fausse ingénuité, leur molle résistance, leur timidité feinte. Il est aussi un univers de rare élégance où, par exemple, le soleil dépose la couronne de ses rayons pour éviter de blesser son fils Phaéton au moment de l’embrasser une dernière fois. Toutes modalités qui libèrent les mythes de leur archaïsme anthropologique en les chargeant de nouvelles virtualités de sens, plus centrées sur des questionnements psychologiques, où l’on voit que la métamorphose affecte non seulement les personnages, mais aussi l’univers mythique dans lequel elle se déploie.

Au total, les Métamorphoses d’Ovide proposent une lecture des mythes qui nécessite chaque fois un déchiffrement par rapport à leur source pour que l’on en comprenne tout le sens. Elles sont elles-mêmes une métamorphose des histoires qu’elles racontent. J’en prendrai comme illustration la légende bien connue de Dédale et Icare que je voudrais commenter quelque peu ici, car elle est emblématique du projet esthétique et idéologique d’Ovide dans le cadre d’une récriture d’un modèle largement reçu par la tradition mythologique et déjà attesté dans une œuvre antérieure d’Ovide. En effet, contrairement à la vulgate du mythe, la mort d’Icare dans les Métamorphoses n’est pas d’abord la sanction d’une insouciance ou d’une imprudence ; elle est la punition d’une transgression que le soleil — oserait-on dire Apollon ? — a sévèrement châtiée. La machine de Dédale est un engin qui autorise désormais les hommes à « s’emparer de l’éther », en un geste vindicatif qui fait aussi croire à ceux qui les observent d’en bas qu’« ils sont des dieux », car l’éther est, plus haut que le ciel, le lieu où résident précisément les dieux [10] . Certes Dédale a bien ordonné à son fils de voler « entre les deux », et donc à emprunter la route du ciel ou des airs, entre l’eau et le feu, les deux territoires interdits aux humains, et il « craint pour son compagnon comme l’oiseau qui pousse sa tendre nichée du haut du nid dans le ciel » [11] . Mais Icare n’a pas su respecter le conseil et il est monté trop haut ; le fils paie sa transgression, le père paie l’audace d’avoir inventé l’appareil qui l’a permise.

Au demeurant, on pourrait prolonger l’analyse en interrogeant le statut de la métamorphose dans cette légende, où Ovide récrit la version qu’il en avait déjà proposée dans l’Art d’aimer. Comme l’a montré Françoise Daspet, les deux textes se ressemblent de très près : les Métamorphoses citent la première version en plusieurs endroits à un tel point qu’elle en apparaît souvent comme une récriture littérale [12] . Cela étant, ce qui les distingue, c’est précisément la dimension métamorphique de l’expérience, même s’il s’agit d’une métamorphose transitoire, volontaire et incomplète, car ceux qui la vivent ne sont censés la vivre que pour un temps, la réalisent de leur propre volonté et ne connaissent qu’une transformation « artisanale » de leur humanité. Mais, il s’agit bien d’une métamorphose : pour des humains, se munir d’ailes et prendre l’air, c’est opérer une transformation vers un état nouveau qui les éloigne de leur humanité, ou, plus exactement, qui en redéfinit les lois, car ici la nature humaine des deux personnages n’est pas destinée à s’effacer de manière irréversible. Cette transformation les rapproche du monde animal des oiseaux, sans pour autant les identifier à des oiseaux.

En l’occurrence, l’enjeu de la métamorphose n’est pas ici de subir un changement d’espèce par la volonté des dieux, mais de prendre l’initiative unilatérale de modifier l’ordre d’une espèce particulière, l’espèce humaine. Ce faisant, Dédale perturbe gravement l’équilibre de la nature et s’approprie des pouvoirs réservés aux dieux, comme l’atteste la stupéfaction des témoins de l’événement, absente de la première version. Contrairement au processus habituel de la métamorphose, qui correspond le plus souvent à une dégradation par rapport à l’état initial d’être humain, dans son audace, Dédale se substitue aux dieux pour modifier son handicap humain, tout en restant homme. Il imagine une métamorphose dont il est personnellement l’acteur et l’auteur, et non les dieux, mais qui, sans effacer sa nature humaine, lui permet d’en transgresser les limites : de sa propre initiative, Dédale étend les pouvoirs de l’homme, il en redéfinit indûment la nature et, s’il emprunte leurs ailes aux oiseaux, ce n’est pas pour devenir l’un des leurs, mais pour s’en approprier leur maîtrise dans une humanité métamorphosée. Il devient même, pendant son vol, une créature mixte, homme et oiseau, qui condamne par avance son entreprise, de la même manière que le Minotaure, homme et taureau, avait finalement été tué. Le travail de l’artisan qui s’applique à trouver les matériaux et à ajuster la machine au corps aboutit à une sorte de métamorphose à l’envers où la forme humaine ne disparaît pas en animal ou en végétal, mais suggère la présence possible d’une divinité, seule habilitée à modifier les lois de la nature. Alors que la version du mythe dans les Métamorphoses abrège plutôt les détails de la version de l’Art d’aimer, à cet endroit précis, Ovide se fait plus long et plus explicite, pour souligner justement cette dimension subversive de l’entreprise : la fabrication des ailes est l’acte de l’artisan qui lui permet d’échapper à sa condition sans subir une métamorphose complète, en restant pleinement homme, mais doté de nouveaux pouvoirs.

Cet aménagement, apparemment anodin, donne en réalité à l’épisode toute sa place dans le poème. La métamorphose est ici elle-même la transgression, plutôt qu’elle ne la punit comme c’est souvent le cas ailleurs. Lorsque l’artisan Dédale construit ses ailes, il donne à son travail une dimension presque surnaturelle qui remet en cause l’ordre du monde. Comprise dans cette perspective, l’indiscipline d’Icare apparaît alors sous un tout autre éclairage. Le jeune garçon ne s’est pas seulement trop rapproché du soleil ; il a surtout violé l’espace du ciel réservé aux immortels. Contrairement à Dédale, qui a réussi à ne rester que l’imitateur des oiseaux, Icare a été pris par l’ivresse des hauteurs et il a quitté l’espace des oiseaux pour entrer dans celui des dieux, réalisant ainsi complètement la métamorphose, mais la condamnant du même coup comme impie et sacrilège. La transformation réussie par Dédale échoue en la personne d’Icare, car ce qui n’était que métaphore tolérée chez le père est devenu une métamorphose intolérable chez le fils. Et cela d’autant plus qu’elle est due non pas à une insouciance de jeune garçon, mais à un sentiment que les Métamorphoses présentent comme une pulsion, un désir, une jouissance qui, dans la première version étaient plus diffus et, à tout le moins, le fait des deux personnages. Comme Phaéton, Icare expie son attrait irrésistible pour un vol interdit. En amollissant la cire qui lie la voilure d’Icare, le soleil punit, du reste, les enfantillages du garçon qui avait lui-même joué avec l’œuvre de son père avant qu’ils ne prennent leur envol.

Pour autant, la punition n’épargne pas non plus Dédale lui-même. Certes, il ne meurt pas, mais il paie son invention au prix fort par la mort de son fils, et toute la fin de l’épisode des Métamorphoses est traversée par l’émotion du père, alors que, dans la première version, c’est le malheureux Icare qui occupe toute la conclusion de la légende. Dédale « maudit son art », qu’il voue aux dieux infernaux, selon le sens premier du verbe latin deuouere, renonçant ainsi définitivement et complètement à la transgression religieuse qu’a induite son entreprise ; le nomen du père et le nomen du fils se croisent pour évoquer le destin tragique des deux personnages dans un cri désespéré que lance désormais la mer icarienne à celui dont elle a englouti l’enfant [13] . Sans compter que la chute du garçon fait pendant à celle de Perdix, le neveu que Dédale avait tenté d’assassiner par jalousie et qui sera sauvé de son côté par une métamorphose complète en oiseau : l’échec d’Icare retombe sur Dédale comme une contrepartie du meurtre avorté que l’architecte a commis jadis contre son jeune apprenti trop talentueux. Dédale éprouve une lourde responsabilité personnelle dans ce désastre qu’il pressent beaucoup plus intensément dans la version des Métamorphoses : au moment des derniers conseils à Icare, Ovide y souligne l’émotion et l’angoisse du vieil homme dans les larmes, mais aussi dans les gestes, notamment de ses mains — absentes de la première version —, qui « tremblent », perdant ainsi l’assurance des mouvements auxquels on reconnaît un habile artisan [14] .

De l’Art d’aimer aux Métamorphoses, le mythe est toujours bien là, dans toutes ses articulations, mais les mots pour le dire ne disent plus la même chose. Racontée sous l’angle de la métamorphose, la récriture de la légende inclut une dimension inédite liée au projet global de l’œuvre dans laquelle elle prend place : comme dans bien d’autres mythes de métamorphose, Ovide y voit le lieu de l’hostilité divine aux entreprises humaines qui menacent l’ordre et l’équilibre des mondes : « (Dédale) porte son esprit vers des arts inconnus et il bouleverse les lois de la nature [15] . » D’une version à l’autre, il y a certes la conviction que l’homme a transgressé un territoire qui lui était interdit ; mais, dans l’Art d’aimer, Dédale s’en excuse auprès de Jupiter dont il s’apprête à violer le ciel, prétextant que c’est le seul moyen qui s’offre à lui de quitter le labyrinthe où il est enfermé ; les Métamorphoses, en revanche, n’avancent aucune excuse à cette impiété ; au contraire, elles en appuient le sentiment, en concurrençant l’œuvre de la natura nouatrixpar celle de l’homme qui, ce faisant, s’érige comme nouveau maître des harmonies naturelles. Dans sa propre reprise du mythe, Ovide ne renie pas l’interprétation qu’il en a donnée une première fois, mais il en reconfigure les accents pour l’ajuster au paradigme idéologique du poème lorsqu’il apparaît comme un mythe de métamorphose.

Techniquement, enfin, l’écriture de la métamorphose autorise une grande virtuosité verbale, parfaitement maîtrisée par le poète lorsqu’il met en scène le moment mixte où les êtres ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient et ne sont pas encore ce qu’ils seront. La métamorphose induit, en effet, un étrange processus où chaque mouvement est possible dans l’ordre de la métaphore — des doigts deviennent branchage, des cheveux deviennent feuillage —, mais où l’ensemble ne l’est pas, du moins dans la logique et selon la finalité propre des univers concernés. Loin de rendre vraisemblables les prodiges des métamorphoses, Ovide se plaît à en souligner l’étrangeté. La métamorphose n’est que très rarement une transformation instantanée provoquée par un coup de baguette magique ; elle est presque toujours un passage qui, pour un temps plus ou moins long, ouvre les frontières entre les choses au surgissement de l’irréel, et la description stroboscopique de la mutation dissout la vérité des êtres dans les interférences fantasmagoriques et parfois hallucinatoires qui affectent l’intermède hybride. La métamorphose jette un doute sur la consistance réelle de la nature ; elle « figure un état paradoxal de l’être », selon la belle définition qu’en a donnée Rosalba Galvagno [16] . « Une mince écorce entoure son sein délicat ; ses cheveux s’allongent en une frondaison ; ses bras, en rameaux ; son pied, tout à l’heure si agile, se fige en de paresseuses racines ; une cime couronne son visage ; en elle ne demeure plus que son éclat. Phébus l’aime toujours et sa main droite posée sur le tronc sent encore le cœur palpiter sous l’écorce nouvelle, et, entourant de ses bras les rameaux comme des membres, il couvre le bois de ses baisers ; mais le bois repousse ses baisers [17] . » La féminité de Daphné s’estompe ici dans le mouvement du discours poétique qui file l’ambivalence érotique de son corps végétalisé, telle que le célèbre marbre du cavalier Bernin a su admirablement la reproduire avec toute la sensualité requise par l’épisode, en ce compris les sentiments d’effroi et de félicité dont le visage de la jeune fille porte les traces contrastées.

Comme on le sait, les Métamorphoses d’Ovide ont été, précisément, un des modèles qui ont le plus inspiré les artistes et poètes aux siècles du baroque romain historique. Tout d’abord, bien sûr, à cause de leur esthétique dynamisée par le mouvement des formes, la liberté de la composition en médaillons, le chatoiement des tons et des genres qui hésitent entre pathétique et burlesque, épopée et élégie, cruauté et grâce, mais aussi à cause de leur élan qui emporte le regard dans l’illusion, les jeux de miroir et les ecphrases visionnaires des anatomies transformées ou des décors fantasmés, comme les illustrent, par exemple, la métamorphose de Picus et le lieu où elle se produit. Puni pour avoir refusé les avances de Circé, le roi « fuit, mais il s’étonne lui-même de courir plus vite que de coutume ; il voit des plumes sur son corps ; nouvel oiseau devenu tout à coup un hôte des forêts du Latium, il s’en indigne ; de son bec dur il frappe les chênes sauvages et, dans sa colère, il blesse leurs longues branches. Ses plumes ont contracté la couleur pourpre de sa chlamyde ; l’or dont était fait sa fibule et qui avait mordu son vêtement devient plumage, sa nuque s’entoure d’or fauve, et de ce qui fut le passé de Picus, il ne lui reste rien si ce n’est son nom » ; quant aux compagnons du roi, ils deviennent des bêtes sauvages au milieu d’un décor d’épouvante où « les forêts ont bondi, la terre a gémi, les arbres voisins ont pâli, les pâturages sont trempés de gouttes de sang ; on voit les rochers pousser de rauques gémissements, les chiens aboyer, le sol souillé de serpents hideux et des âmes subtiles semblent voltiger [18]  ». Par ailleurs, dans le rapport étroit qu’elles entretiennent entre l’hybridation des corps et les crises intérieures des personnages, les Métamorphoses répondent aussi à la célèbre définition que donnait Lacan du baroque comme « régulation de l’âme par la scopie corporelle [19]  ». Elles traduisent encore cet « idéal de complication intérieure », dont parlait Fernand Desonay toujours à propos du baroque, en faisant valoir une vision globale, multiforme des choses, où la vérité ne se trouve pas dans l’évidence des contours et du saisissable, mais dans la fluence de l’« inter », de l’irrégulier, du fuyant, dans l’opacité de l’anormal et du monstrueux [20] .

Au total, les Métamorphoses d’Ovide répondent idéalement à l’idée que se fait Philippe Beaussant de la musique baroque comme « musique à fleur de peau » [21] . Œuvre résolument charnelle, le poème d’Ovide dévoile, en effet, le grain universel du vivant en mettant en scène un monde qui dilue les hiérarchies naturelles dans la plasticité des espèces et la mouvance des choses. Charnel aussi parce qu’il est l’expression d’un monde traversé d’émotions en toutes ses composantes, où il est toujours possible de trouver dans une fleur, un arbre ou une étoile l’empreinte d’une jouissance ou d’une souffrance humaines. Marqué du sceau de tous les entrelacements, le poème d’Ovide se plaît aux contrastes et dissonances, aux surprises et dévoiements, aux miroirs et aux ambivalences des formes et des corps, le tout habité par un art intense de la séduction qu’appellent les plaisirs fugaces de l’entre-deux. Sans doute Ovide ignorait-il que la métamorphose serait, un jour, une des marques caractéristiques de ce que l’on appellera l’esthétique baroque, mais il ne pouvait pas ignorer qu’en se faisant le chantre de l’irrégulier et du bizarre, qui sont au cœur de cette esthétique, il heurtait de front le programme officiel d’un art marqué par l’ordre et la norme, comme en attestent respectivement les tapisseries foisonnante et trouble de la mortelle Arachné, minérale et solennelle d’Athéna, sa rivale divine. Comme on l’a souvent observé, le baroque est un art qui ne renonce à rien, qui fait exploser les cadres ; dans le même temps où il bourre les moindres recoins de la composition, il en souligne chaque élément comme une séquence esthétique autonome. Ce faisant, il crée l’impression d’une profusion ornementale et ostentatoire dont déborde précisément la toile d’Arachné lorsqu’elle démultiplie à l’envi les métamorphoses animales des dieux prédateurs de jeunes mortelles.

C’est aussi l’impression qui se dégage du déluge des Métamorphoses lorsqu’au premier livre de son poème, Ovide illustre le cataclysme primordial par une redondance de paradoxes extravagants qui illustrent le renversement des lois de la nature. Rien n’est plus à sa place ; l’agriculteur navigue sur ses moissons ; les tigres et les lions nagent sur la mer ; les phoques s’étalent sur le gazon que broutaient les chèvres ; les dauphins habitent les forêts ; le loup nage au milieu des brebis ; les poissons s’ébattent dans les branches des arbres. De surcroît, nonobstant cette surcharge descriptive, Ovide savait qu’il prenait alors l’exact contrepied de l’esthétique apollinienne préconisée par Horace au début de son Art poétique, quand il expliquait aux Pisons toute l’incongruité de celui qui, par souci de variété, viendrait à peindre « un dauphin dans les bois, un sanglier sur les flots », après avoir disqualifié par avance tout le projet des Métamorphoses en contestant, dès les premiers vers du traité, l’idée « d’ajuster à une tête d’homme un cou de cheval et d’appliquer ensuite des plumes multicolores sur des membres pris de tous côtés, si bien qu’un beau buste de femme se terminerait honteusement en un sombre poisson » [22] .

Assurément, Ovide renonce à l’« ordre de la lumière » théorisé et pratiqué par Horace pour le compte de la culture augustéenne et relayé par la « ligne claire » de tous les classicismes européens ; nonobstant les raffinements de son goût littéraire et la perfection formelle de sa poésie, Ovide lui oppose « un art qui ressemble au hasard », en un oxymore dont s’accommoderaient sans doute tous les théoriciens du baroque [23] . Serait-ce là la métamorphose suprême, celle qui travestit l’art en improvisation, dont les musiciens savent qu’elle est la plus haute exigence de leur discipline ? Dans le poème d’Ovide, le hasard se fraie une route à travers les contiguïtés des mondes humain et divin, en reconnaissant aux êtres pour seul destin celui du désir et du délire. Plutôt que de rendre compte d’un monde achevé et structuré, le « poème inépuisable » n’en finit pas d’interroger, sous l’œil de Pythagore, « une plénitude de vie qui ne s’accommode pas des ordonnances », selon l’heureuse formule d’Henry Bardon à propos du baroque [24] . Car, au final, c’est bien la vie qui triomphe dans ce poème exubérant, en circulant d’un bout à l’autre des mythes qui en relaient les vicissitudes. La métamorphose permet aux êtres de ne jamais mourir ; elle permet au mythe de perdurer dans les figures qui en sont issues ; elle permet, enfin, à l’écrivain de conjurer la hantise du devenir qui l’obsède personnellement. « Viuam » — « Je vivrai » ; au-delà du poète, le dernier mot des Métamorphoses semble perpétuer, dans les « corps nouveaux » qui les habitent, l’émotion des mythes qu’ils ont été, tel le bel Adonis dont accouche l’écorce de l’arbre à myrrhe, après qu’il a été conçu dans l’étreinte incestueuse de sa mère, tel aussi le son léger surgi de la nouvelle Syrinx en réponse aux soupirs de Pan.



[1]        Ov., met. XV, 177-178 : « Nihil est toto, quod perstet, in orbe ; / cuncta fluunt omnisque uagans formatur imago. »

[2]        Voir Ov., met. XV, 252 : « Nec species sua cuique manet rerumque nouatrix / ex aliis alias reddit natura figuras » … 234 : « Tempus edax rerum. »

[3]        Ov., met. I, 1-4 : « In noua fert animus mutatas dicere formas / corpora ; di, coeptis, nam uos mutastis et illas, / adspirate meis primaque ab origine mundi / ad mea perpetuum deducite tempora carmen. »

[4]        Sur la chronologie dans les Métamorphoses, voir notamment P. Grimal, La chronologie légendaire dans les Métamorphoses d’Ovide, dans N. I. Herescu, Ovidiana. Recherches sur Ovide, Paris, Belles Lettres, 1958, p. 245-257.

[5]        Ov., met. XV, 165-167 : « Omnia mutantur, nihil interit ; errat et illinc / huc uenit, hinc illuc et quoslibet occupat artus / spiritus … 254-257 : « Nec perit in toto quicquam, mihi credite, mundo, / sed uariat faciemque nouat ; nascique uocatur / incipere esse aliud quam quod fuit ante, morique / desinere illud idem. »

[6]        Voir J. Fabre-Serris, Mythe et poésie dans les Métamorphoses d’Ovide. Fonctions et significations de la mythologie dans la Rome augustéenne, Paris, Klincksieck, 1995 (Études et commentaires, t. 104) ; Ead., Mythologie et littérature à Rome. La réécriture des mythes aux Iers siècles avant et après Jésus-Christ, Lausanne, Payot, 1998 (Sciences humaines).

[7]        Voir Verg., Aen. XII, 952 : « Vitaque cum gemitu fugit indignata sub umbras. »

[8]        Ov., met. XIV, 569-572 : « Nec iam dotalia regna / nec sceptrum soceri, nec te, Lauinia uirgo, / sed uicisse petunt deponendique pudore / bella gerunt. »

[9]        Voir B. Otis,Ovid as an epic poet, Cambridge, University Press, 1966 (2e éd. 1970).

[10]       Ov., met. VIII, 219-220 : « … quique aethera carpere possent, / credidit esse deos. »

[11]       Ov., met. VIII, 206 : « ‘Inter utrumque uola’… (213-214) comitique timet uelut aues ab alto / quae teneram prolem produxit in aera nido. »

[12]        Voir F. Daspet, La légende de Dédale et Icare chez Ovide, dans Orphea Voce, t. 2 (1985), p. 81-124 ; et M. Hoefmans, Myth into Reality : the Metamorphosis of Daedalus and Icarus (Ovid, Metamorphoses VIII, 183-235), dans L’Antiquité classique, t. 63 (1994), p. 137-160.

[13]       Ov., met. VIII, 229-230 : « Oraque caerulea patrium clamantia nomen / excipiuntur aqua, quae nomen traxit ab illo… (234) deuouitque suas artes. »

[14]       Ov., met. VIII, 210-211 : « Inter opus monitusque genae maduere seniles / et patriae tremuere manus.

[15]       Ov., met. VIII, 188-189 : « Dixit et ignotas animum dimittit in artes / naturamque nouat. »

[16]        Dans son livre au titre évocateur, Le sacrifice du corps. Frayages du fantasme dans les Métamorphoses d’Ovide, Paris, Panormitis, 1995, p. 26.

[17]        Ov., met. I, 549-556 : « Mollia cinguntur tenui praecordia libro, / in frontem crines, in ramos bracchia crescunt ; / pes modo tam uelox pigris radicibus haeret, / ora cacumen habent ; remanet nitor unus in illa. / Hanc quoque Phoebus amat positaque in stipite dextra / sentit adhuc trepidare nouo sub cortice pectus / complexusque suis ramos, ut membra, lacertis oscula dat ligno ; refugit tamen oscula lignum. »

[18]       Ov., met. XIV, 388-396 : « Ille fugit, sed se solito uelocius ipse / currere miratur ; pennas in corpore uidit, seque nouam subito Latiis accedere siluis / indignatus auem, duro fera robora rostro / figit et iratus longis dat uulnera ramis. / Purpureum chlamydis pennae traxere colorem, / fibula quod fuerat uestemque momorderat aurum, / pluma fit et fuluo ceruix praecingitur auro, / nec quicquam antiquum Pico nisi nomina restant… (406-411) Exsiluere loco (dictu mirabile) siluae, / ingemuitque solum uicinaque palluit arbor / sparsaque sanguineis maduerunt pabula guttis / et lapides uisi mugitus edere raucos / et latrare canes et humus serpentibus atris / squalere et tenues animae uolitare uidentur. »

[19]       J. Lacan, Encore. Le Séminaire, livre 20 (1972-1973), Paris, Seuil, 1975, p. 105.

[20]       F. Desonay, Les variations métriques de Ronsard, poète de l’amour, dans R. Antonioli e.a., Lumières de la Pléiade, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1966, p. 365 (Coll. De Pétrarque à Descartes. Actes du 9e colloque international d’études humanistes, Tours, 1965).

[21]        Ph. Beaussant, Vous avez dit « baroque » ? Musique du passé, pratiques d’aujourd’hui, Arles, Actes Sud, 1994, p. 114.

[22]       Cf. Ov., met. I, 291-310, et Hor., ars, 29-30 : « Qui uariare cupit rem prodigialiter unam, / delphinum siluis adpingit, fluctibus aprum ». Les premiers vers de la lettre d’Horace anticipent la condamnation esthétique des Métamorphoses, en ars, 1-5 : « Humano capiti ceruicem pictor equinam / iungere si uelit et uarias inducere plumas / undique conlatis membris, ut turpiter atrum / desinat in piscem mulier formosa superne, / spectatum admissi risum teneatis, amici ? »

[23]       Cf. Hor., ars, 41 : « Lucidus ordo », et Ov., ars III, 155 : « Ars casus similis. »

[24]        H. Bardon, Ovide et le baroque, dans N. I. Herescu, Ovidiana. Recherches sur Ovide, Paris, Belles Lettres, 1958, p. 75-100 (surtout p. 75).

 


[Déposé sur la Toile le 8 mars 2010]


FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 19 - janvier-juin 2010

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