FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 1 - janvier-juin 2001


 Pour une lecture du roman grec :
son intérêt pluriel, ses prolongements

par

Marie-Paule Loicq-Berger

 Chef de travaux honoraire de l'Université de Liège
Adresse : avenue Nandrin, 24 - 4130 Esneux (Belgique)

<loicq-berger@skynet.be>


[Étude reprise, avec l'aimable autorisation de l'éditeur, de Les Études Classiques, t. 48, 1980, p. 23-42. Cette revue des Facultés universitaires de Namur (Belgique) possède sur la Toile un site particulier.

[Les subdivisions ont été introduites par l'auteur de l'article elle-même, pour en faciliter la lecture sur la Toile]


Plan


 I. Aperçu synchronique : origines et caractères du roman grec antique

1. Apparition du genre dans la littérature grecque

    Dans l'histoire de la littérature grecque, le roman fait une apparition tardive. Cela n'a rien qui doive surprendre : ultime dégénérescence de l'épopée, a-t-on dit [1], le roman ne trouvait pas véritablement sa place dans l'esthétique de la Grèce archaïque et classique.

    On mesure aujourd'hui - c'est l'une des acquisitions du romantisme allemand - l'étroite relation qui lie le concept de roman à celui de romantisme [2]. Or, si l'antiquité grecque a bel et bien connu un romantisme, c'est le cadre hellénistique, seul, qui pouvait en permettre l'éclosion. Qu'est-ce qu'une période romantique ? Sans prétendre à une définition exclusive, on peut suggérer que c'est celle où, dans la vie sociale et dans la littérature, qui en est le reflet, se manifestent un certain nombre de pulsions, de tendances foncières à la fois contradictoires et complémentaires : telles, par exemple, individualisme et cosmopolitisme, réalisme et exotisme [3], agnosticisme et mysticisme. Ces traits, avec leurs conséquences, sont en germe, dans l'histoire moderne, dès le XVIIIe siècle, et prennent toute leur vigueur au lendemain de la Révolution française.

    Dans le monde grec, ils existent virtuellement dès la fin du Ve siècle, chez Euripide, mais ils ne s'affirment pleinement qu'à l'époque hellénistique [4]. Euripide, certes, avait fait passer, au sein même de la littérature classique, un premier courant romantique : son intérêt pour l'homme individuel, son attention au réalisme des caractères, son ouverture au monde en dehors des frontières de l'hellénisme, son scepticisme qui curieusement s'allie à un certain mysticisme : autant de traits qui font de lui un précurseur  ; assurément une large partie de l'oeuvre d'Euripide relève du drame romanesque [5].

    Mais on n'est point encore au roman. Alphonse Daudet, dans une étude sur le roman moderne « tel que Balzac nous l'a fait » écrivait en 1876 : « Le roman est la grande forme littéraire d'un temps où les esprits sont moins ouverts qu'autrefois aux abstractions, aux idées générales [6] ». Et s'il est vrai que la matière de l'épopée est le collectif, celle du roman « comprend tout ce qui, dans l'homme, est de nature individuelle et personnelle, l'homme considéré sous l'aspect de l'individu » [7]. C'est ainsi que, dans la littérature européenne, le roman connaît une ascension soudaine au XVIIIe siècle, époque qui découvre précisément les valeurs individuelles.

    Dans l'Antiquité, c'est le contexte socio-culturel de l'alexandrinisme qui a mis en évidence ce type de valeurs. C'est alors que l'on cesse de considérer l'homme seulement en tant que membre du groupe social, de la polis, et, que l'on va s'intéresser intrinsèquement à lui, à ses passions individuelles, à l'amour. La tendance, poussée à l'extrême, se révélera même anti-sociale - ainsi l'attitude cynique - ; de toute façon, elle développera chez l'individu un sentiment de solitude, et en compensation, l'aspiration à des formes d'évasion matérielle, de cosmopolitisme, et à des refuges spirituels et mystiques.

    C'est donc dans l'éveil tardif de traits de mentalité tenant à des raisons proprement historiques qu'il faut chercher la cause de l'apparition post-classique du roman grec. À vrai dire, la littérature classique et même pré- classique n'ignore pas tout élément romanesque : non seulement chez Euripide mais dans les mythes platoniciens, dans certains récits historiques, dans les thèmes de la comédie nouvelle, le romanesque affleure, sporadiquement ; ceci a fait conjecturer l'existence de « nouvelles » attiques transmises par une tradition orale dans laquelle, ultérieurement, auraient puisé certains genres littéraires [8]. Mais, outre le fait qu'elle demeure hypothétique, cette reconstruction, à tout prendre, concernerait seulement une veine de composition narrative à un stade élémentaire, sans grand rapport avec ce que nous appelons « roman ».

    Ce dernier, comme tel, appartient à un temps que l'on avait tendance autrefois à considérer comme celui d'un déclin. Aussi le genre n'a-t-il suscité pendant longtemps qu'un intérêt périphérique chez les hellénistes - du moins chez les hellénistes de profession, les philologues qui étudient la littérature, non les écrivains qui la font, comme on le verra. Nos manuels réservent une place très réduite au roman, quand ils consentent à lui en faire une, et la recherche philologique, singulièrement la recherche française, ne lui a guère fait d'honneur. Ceci tient à un état d'esprit qu'a créé la critique de la fin du XIXe siècle. Erwin Rohde, dans son ouvrage sur le roman grec et ses précurseurs [9], longtemps considéré comme l'autorité classique en la matière, s'intéressait surtout, conformément à la tendance de son époque, à la Quellenforschung, au problème des origines du genre, et assez peu à ses valeurs intrinsèques, que Maurice Croiset, bien après lui, estime encore fort médiocres, sans chercher à nuancer cette formule exécutoire [10].

    À ce type de jugement fondé sur des critères normatifs dominés par la notion toute dogmatique du classicisme, la critique contemporaine a substitué un autre type d'appréciation, qu'il s'agisse de littérature ou des arts plastiques. L'intérêt du roman grec apparaît de plus en plus au fur et à mesure que l'on s'interroge sur son esthétique propre [11], et son importance ne peut échapper au spécialiste de l'histoire comparée des littératures médiévales et modernes [12].

[Plan]

2. Typologie

    La première difficulté est celle d'une définition, et même d'une délimitation de la matière. En effet, s'il est théoriquement possible de proposer un classement générique, toute distribution catégorielle différenciée ne revêt qu'une signification relative, puisqu'il faudra bien se référer à une terminologie moderne qui, seule, permet des distinctions que les Anciens, en fait, n'ont jamais utilisées [13].

    À l'époque hellénistique tout au moins, les Grecs ont connu les oeuvres narratives brèves, en prose, de structure simple, que nous appelons « nouvelles » : tels les contes licencieux qu'étaient les Histoires milésiennes du IIe siècle av. J.-C. [14], semble-t-il, textes perdus mais dont le souvenir nous est parvenu à travers des allusions littéraires, quelques fragments de papyrus et les vestiges d'une version latine. Quant aux oeuvres plus amples et plus complexes que sont les romans proprement dits, en prose toujours, il y a lieu de distinguer plusieurs types qui, chacun, auront une postérité dans l'histoire ultérieure du genre :

- le roman sentimental, tel qu'il se présente chez les auteurs qui constituent le Corpus traditionnel du roman grec : Chariton, Jamblique, Xénophon d'Éphèse, Achille Tatios, Héliodore ;

- le roman pastoral, illustré par Longos ;

- le roman « historique », tel le Roman d'Alexandre, auquel se rattache la biographie romanesque comme la Vie d'Apollonios de Tyane de Philostrate ;

- le roman utopique ou roman de voyage imaginaire, genre pratiqué par Antoine Diogène, dans les Merveilles d'au-delà de Thulé et par Lucien dans l'Histoire véritable ;

- le roman licencieux, dans la tradition des Contes milésiens, dont nous ne possédons plus d'exemple-type ; on peut s'en faire une idée d'après le Satiricon de Pétrone, auquel des fragments de papyrus sont aujourd'hui venus donner un homologue grec [15] ;

- le roman épistolaire, imaginé par Chion d'Héraclée.

    Retracer la survie de ces différents genres conduirait à une étude volumineuse. Le roman utopique a toute une filiation, depuis Lucien, jusqu'à Cyrano de Bergerac, Swift et les ouvrages modernes de science-fiction. Le roman épistolaire aura des destinées trop brillantes pour qu'il faille y insister ; encore faut-il préciser que, à la différence des romans modernes rédigés sous cette forme, l'oeuvre de Chion, écrite sans doute dans la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. [16], ne comporte aucun élément sentimental : c'est un roman politique, celui d'un jeune aristocrate qui, inspiré par la philosophie de Platon, devient un ardent défenseur de la liberté et se sacrifie à la lutte contre la tyrannie. Le roman licencieux pourrait de son côté fournir un thème de recherche qui irait des littératures classiques aux formes contemporaines des arts de diffusion, par exemple au cinéma d'un Fellini.

    Pour s'en tenir à un cadre plus restreint, les réflexions qui suivent se référeront aux trois premières des catégories indiquées : principalement au roman sentimental, secondairement au roman pastoral et au roman historique. Ce choix peut se justifier, semble-t-il, car les romans de ces types ont en commun un élément important, qui est leur intention : cette intention relève d'un certain idéalisme éthique et artistique et n'est certainement ni parodique, ni politique, ni philosophique ou religieuse. Chariton et Héliodore, comme Longos, comme Philostrate, veulent divertir honnêtement un public populaire, non point railler, comme Lucien, ni endoctriner d'aucune façon.

    La matière sentimentale embrasse, dans l'ordre chronologique probable, le roman de Chariton, Chéréas et Callirhoé, qui est de la fin du Ier siècle après J.-C. [17] ; ceux de Jamblique, les Babyloniaques, de Xénophon d'Éphèse, les Éphésiaques, d'Achille Tatios, les Aventures de Leucippé et de Clitophon, tous trois du IIe siècle ; enfin les Éthiopiques ou Théagène et Chariclée d'Héliodore, du IIIe siècle. Différentes, assurément, par la personnalité et la qualité du talent de leurs auteurs, ces histoires se ressemblent jusqu'à un certain point, car toutes sont des histoires d'amour et de voyage. Une idylle naît entre un jeune homme et une jeune fille tous deux divinement beaux et nobles, mais des circonstances contraires surviennent qui les obligent à un long et périlleux voyage à travers les pays grecs et barbares, soit séparément, soit ensemble ; des péripéties de toute sorte, enlèvements, naufrages, contraintes brutales et tentations subtiles, occasionnent séparations et retrouvailles et mettent à l'épreuve la constance et la vertu des héros. Soutenus par leur foi religieuse et grâce à l'aide divine, ils viennent à bout de tout et l'histoire se termine bien, par un mariage dans la patrie retrouvée. Le héros est beau, fier, seul, mais libre face aux puissances de la terre et du ciel : il n'est plus, comme le héros tragique, prisonnier d'un Destin inéluctable, mais seulement le jouet de la Fortune, la capricieuse déesse Tyché, dont il triomphe finalement [18]. Tel est le schéma général.

   Si l'on veut juger de l'esthétique de ces romans, Chariton, Achille Tatios et Héliodore sont incontestablement les plus intéressants. En effet, de Xénophon d'Éphèse, nous n'avons plus qu'un résumé, un texte abrégé de moitié par rapport à l'oeuvre primitive. Et de Jamblique, moins encore : quelques fragments et une assez longue notice du Byzantin Photios. Peut-être toutefois, pour Jamblique, tout espoir n'est-il pas perdu : la petite histoire de l'humanisme conserve le souvenir d'un manuscrit des Babyloniaques, qui aurait figuré à la Bibliothèque de l'Escurial jusqu'en 1671, date de l'incendie de cette bibliothèque. Or, selon certaines indications, il n'aurait pas été détruit dans l'incendie, puisque l'humaniste Isaac Vossius l'aurait racheté pour le compte de Christine de Suède au prix incroyable de 160.000 écus ; le manuscrit est à nouveau mentionné au milieu du XVIIIe siècle, puis on en perd la trace [19]. Jamblique trouvera-t-il un jour son limier ?

    Aujourd'hui considéré comme le plus ancien des « grands », Chariton connaît ce destin singulier d'avoir, en cent ans, vieilli d'un demi-millénaire : Rohde, en effet, en 1876, le datait du VIe siècle de notre ère. Quant à Achille Tatios, que Rohde plaçait au Ve siècle de notre ère, il se voit actuellement reculé de 300 ans. C'est dire combien l'histoire du genre et particulièrement le problème de ses origines, doit désormais être reconsidérée.

[Plan]

3. Apport de la papyrologie

    Ce qui a ainsi révolutionné la chronologie « rohdienne », c'est la papyrologie, qui n'a cessé d'apporter, depuis un siècle, des matériaux extrêmement utiles pour l'histoire du roman grec. À l'époque de Rohde pourtant, deux fragments papyrologiques de roman étaient déjà connus, mais il n'en a tenu aucun compte ; pour lui, le roman était issu de la seconde sophistique - qui se développe à partir de la fin du Ier siècle de notre ère. Or Wilcken, dès 1893, publia un papyrus contenant des fragments du Roman de Ninos, texte attribuable au IIe siècle av. J.-C. et comportant déjà les thèmes fondamentaux, amour et aventure, du roman classique. Cela remettait entièrement en question le problème des origines. Tel fut le premier apport de la papyrologie littéraire. Il y en a bien d'autres. On possède actuellement [20] quatre fragments de Chariton et quatre d'Achille Tatios, précieux pour le contrôle de la tradition manuscrite, notamment dans le cas de Chariton dont il n'existe qu'un seul manuscrit complet. Mais la documentation papyrologique fait apparaître par ailleurs des romans nouveaux, ignorés des manuscrits traditionnels. Ainsi faut-il aujourd'hui faire place, dans l'âge d'or du roman grec, le IIe siècle apr. J.-C., à un nouveau venu : Lollianos, auteur d'Histoires phéniciennes [21], représenté par une cinquantaine de fragments, parmi lesquels d'assez longs textes - quatre ou cinq - offrent des perspectives nouvelles pour l'étude comparative de toute une veine thématique. Bien qu'il soit difficile de juger de son caractère d'ensemble, l'oeuvre comporte en tout cas des éléments qui lui confèrent une valeur documentaire originale pour l'histoire littéraire comme pour l'histoire religieuse de l'époque, celle des religions à mystères. Non moins intéressants sont les cas où la découverte papyrologique vient fournir un texte pour un auteur connu jusque-là par le seul témoignage de la tradition indirecte : ainsi en va-t-il d'Antoine Diogène, dont le voyage imaginaire Au-delà de Thulé est rapidement raconté par Photios, mais dont on n'avait nul texte original ; on en possède actuellement deux fragments [22]. Enfin - et ceci concerne spécialement le roman historique - la papyrologie permet quelquefois de retrouver une tradition grecque antérieure à la tradition littéraire conservée : le Roman d'Alexandre appelé ultérieurement à une fortune inouïe, n'a longtemps été connu, en grec, que par une compilation du IIIe siècle de notre ère, celle du pseudo-Callisthène : or, un des épisodes relatés par ce dernier apparaît dans un papyrus du IIe ou Ier siècle av. J.-C. [23].

    Il arrive même que des données papyrologiques révèlent un original grec là où on ne possédait qu'une version latine. Il existe à présent deux fragments grecs de Dictys de Crète, si célèbre lui aussi au Moyen Âge par son Journal de la guerre de Troie (Belli Troiani Ephemeris) ; le texte latin est précédé d'une notice du « traducteur » affirmant qu'il se réfère à un original grec : cette indication, parfois considérée comme fantaisiste, est pleinement confirmée par les papyrus, qui assurent l'existence de cet original au Ier ou au IIe siècle de notre ère [24].

[Plan]

4. Intérêt documentaire et esthétique

    La matière romanesque, on peut le constater, est encore en voie d'extension. Son analyse interne reste largement à développer, et la critique contemporaine s'y montre d'autant plus attentive que c'est là, précisément, que l'on cherche aujourd'hui une réponse à la question des origines du genre, suivant une démarche méthodologique qui vise à le situer dans son contexte historique et culturel [25]. Contrairement à ce que l'on estimait autrefois, la valeur documentaire et esthétique de ces histoires d'amour et d'aventures n'est nullement négligeable.

    Leur intérêt documentaire réside dans leur réalisme. Née au coeur de cette civilisation alexandrine cosmopolite dont elle porte les marques, la littérature romanesque est constamment ouverte aux réalités maritimes et terrestres. La mer, source perpétuelle d'imprévu et de dangers, y est présente, non comme un élément poétique mais comme le tissu même de la vie méditerranéenne ; et pour qui sait y regarder, l'exotisme des paysages n'a rien d'irréel : les tableaux égyptiens, par exemple, si puissamment évoqués par Héliodore, rencontrent les scènes nilotiques de la mosaïque et de la peinture, qu'on sait inspirées de la réalité [26]. Parallèle au souci de réalisme géographique, celui d'une certaine exactitude historique, par-delà d'éventuels anachronismes, explique l'authenticité d'atmosphère qui frappe le lecteur dans l'oeuvre d'un Chariton.

    Sur le plan esthétique, la production romanesque, considérée en dehors d'une référence normative au classicisme, n'est sûrement pas dépourvue de mérites non plus. Ainsi, la technique narrative y a de la variété : Chariton, le plus simple, à cet égard, enroule le récit, du point de départ au point terminal, en une structure circulaire ; la technique est déjà plus élaborée chez un Achille Tatios qui utilise, entre autres, le procédé de la narration au second degré, et elle devient, chez Héliodore, savante, linéaire [27], avec une tension vers un dénouement qui est loin du point de départ et un art du récit qui recourt à des procédés modernes, tel le flash-back. Au cinéma, Héliodore permettrait de très grands effets ; c'est un metteur en scène né, qui pratique le travelling en promenant sa caméra à travers des paysages grandioses, qui a le sens des scènes somptueuses, fortement évocatrices, du spectacle pour écran panoramique [28].

    Les moteurs de l'action ne sont pas toujours naturels dans le roman grec, qui s'accommode trop aisément d'une causalité mécanique, de l'intervention de la Fortune, sans grands ressorts psychologiques ; et les personnages sont, à notre goût, trop souvent des types plutôt que des individus : cela tient au caractère propre de cette littérature, destinée à un public populaire. Pourtant, bien des épisodes témoignent d'une réelle invention psychologique, même chez Chariton, dont la Callirhoé a été rapprochée de l'Andromaque de Racine [29]. Achille Tatios se targue beaucoup, non sans humour, de psychologie : ainsi dans le préambule du roman où, au cours d'une longue scène à éclairage intimiste, le héros Clitophon s'entend prodiguer les conseils d'un spécialiste pour la conduite d'une aventure amoureuse. Cet auteur, au reste, occupe parmi ses confrères une place un peu particulière. Sophistiqué, ironique, il est, par rapport à ses devanciers, dans la même situation qu'un Fielding (Joseph Andrews) vis-à-vis de Richardson (Pamela), - celle aussi de l'abbé Prévost dans Manon Lescaut - : une situation de confluent entre une tradition sérieuse, morale et une tradition satirique, parodique [30]. S'il est vrai, comme l'écrit G. Lukacs, que l'ironie est, dans un monde sans Dieu, la plus haute liberté possible«  [31], alors A. Tatios est bien un homme de son temps, dans ce monde hellénistique où l'Olympe s'est vidé de ses dieux.

    Il reste assurément beaucoup à dire sur l'esthétique du roman grec ; ce qui en garantit sans doute la valeur, c'est le rayonnement qu'il a exercé, par-delà les siècles, sur la littérature moderne.

[Plan]


II. Esquisse diachronique : les prolongements

   Ceci amène à considérer un autre point de vue : les perspectives diachroniques qui, seules, peuvent conférer un sens à une question par ailleurs légitime : savoir si le roman moderne est, de quelque manière que ce soit, l'héritier du roman antique.

    Il est possible d'opérer des rapprochements qui révèlent de curieuses coïncidences : ainsi entre Achille Tatios et Hemingway (L'adieu aux armes). Ayant fait choix de plusieurs scènes-clés, un critique a naguère proposé une lecture parallèle du texte grec et du texte américain [32]. Mais Hemingway avait-il lu Achille Tatios ? Tant que l'on ne peut apporter quelque élément de réponse à cette question, la comparaison reste sans portée véritable, elle ne fait progresser notre connaissance, notre compréhension ni de l'un ni de l'autre des deux auteurs. Il en irait autrement si l'on pouvait démontrer que Hemingway s'est inspiré, directement ou indirectement du roman grec. Un problème de ce genre ne peut être posé que dans le cadre de l'histoire de la littérature, de la littérature comparée.

    Jusqu'à quel moment les romans grecs ont-ils été lus ? Le témoignage de la papyrologie, si important pour l'histoire des débuts du genre, est en revanche peu significatif en ce qui concerne sa fin - mais ceci n'est pas propre au roman. On sait que les trouvailles de papyrus littéraires s'échelonnent suivant une courbe ascendante jusqu'au IIIe siècle de notre ère, puis presque verticalement descendante ; d'une manière générale, dans le répertoire de Pack, le matériel postérieur à la fin du IVe siècle représente moins d'un dixième de l'ensemble [33]. C'est donc du côté de la tradition littéraire qu'il faut chercher une réponse à la question.

[Plan]

1. Dans la littérature byzantine

    L'Antiquité tardive paraît avoir bien oublié déjà la littérature romanesque des trois premiers siècles de notre ère. L'époque que l'on appelle celle du premier sauvetage de l'hellénisme par Byzance [34], le IVe siècle, ne semble pas s'être intéressée aux romans. Julien fait une allusion brève et méprisante aux vieilles oeuvres de fiction, aux histoires d'amour, pour en condamner la lecture [35]. Au Ve siècle, l'écrivain ecclésiastique Socrate mentionne, pour la première fois, un roman déterminé : ce sont les Éthiopiques d'Héliodore [36]. Il faut attendre le IXe siècle et le second sauvetage byzantin de la littérature classique pour retrouver la trace des romans : une épigramme dédiée à Achille Tatios par Léon le Mathématicien [37], mais, surtout, le témoignage précieux et circonstancié de son contemporain, le patriarche Photios. Infatigable liseur, celui-ci connaît fort bien Antoine Diogène (Codex 166), Lucien (Codex 128), dont il apprécie le scepticisme et l'atticisme, Jamblique (Codex 94), dont il loue la forme tout en faisant des réserves sur le fond, Achille Tatios (Codex 87), dont il approuve le style mais honnit l'indécence, voire l'obscénité, Héliodore enfin (Codex 73), celui qu'il préfère à tous et dont il aime tout. La critique littéraire de Photios est révélatrice d'une mentalité : humaniste raffiné, nuancé dans son appréciation esthétique mais dépourvu de tolérance morale, il voudrait que la littérature romanesque joue un rôle utile et fasse en sorte que le méchant finisse toujours par être puni, tandis que les innocents seraient toujours sauvés. Il faut donc sélectionner les oeuvres. C'est très évidemment ce qu'a fait l'érudition byzantine.

    Le roman, qui est populaire, relève tout au plus des arts de divertissement, non des arts libéraux [38] ; il ne peut entrer dans un programme d'éducation sérieux, il est hors des cadres de la paideia, dont les deux pôles sont la philosophie et la rhétorique. De plus, et c'est un autre aspect du formalisme byzantin, l'idéal de la paideia, en matière de langue, est l'atticisme. Or le roman n'est ni philosophique, ni rhétorique, ni attique. Ceci joint à son caractère immoral explique qu'au sein du naufrage de la littérature antique la production romanesque se soit, pour la plus grande part, engloutie. La sélection byzantine n'a favorisé que deux auteurs, Achille Tatios et Héliodore, ce qui, dans le premier cas du moins, n'est guère explicable, et ne tient ni à la valeur des oeuvres, ni à leur vogue, mais peut-être à une raison religieuse : ces deux auteurs avaient, dès le Ve siècle, la réputation d'avoir été chrétiens [39].

    Si imprégnée qu'elle ait été de formalisme, d'exclusivisme intellectuel, la civilisation byzantine permet cependant de comprendre comment le roman antique a pu passer, jusqu'à un certain point, dans les littératures occidentales. D'abord parce qu'il existe une littérature romanesque byzantine héritière de l'hellénisme ; ensuite parce que c'est de Byzance que viendra ce qui, à la Renaissance, va faire revivre en Europe l'hellénisme, et le roman grec.

    Ce n'est pas ici le lieu d'évoquer le grand « roman épique » byzantin, qui commence avec la chanson de geste de Digenis Akritas. Développé à partir d'une première rédaction (944), le poème comporte cependant nombre de passages qui sont seulement une mise en vers du texte en prose d'Achille Tatios [40]. Mais c'est dans le genre romanesque proprement dit que la continuité se révèle véritablement.

    La littérature byzantine offre, pour l'histoire du roman, trois moments significatifs : le VIIIe, le XIIe et le XIVe siècle.

    Pour la survie du roman antique, la première de ces dates est quasiment sans importance : en effet, la littérature populaire antérieure à la floraison du premier humanisme byzantin, au IXe siècle, accuse une solution de continuité par rapport à l'héritage grec. Cela est vrai, au VIIIe siècle, du fameux « roman » de Barlaam et Joasaph attribué à saint Jean Damascène ; il s'agit d'un conte d'origine bouddhique qui, du grec, sera traduit dans quantité de langues et qui, au Moyen Âge appartiendra véritablement à la littérature européenne [41]. Or, la version grecque ne laisse transparaître nulle trace d'une influence du roman grec classique ; elle est dans la ligne des biographies de saints qui, à la fin de l'antiquité païenne, ont remplacé le roman dans la littérature populaire.

    Il en va tout autrement, en revanche, de la production romanesque du XIIe siècle. Cette époque, désastreuse à beaucoup d'égards pour l'empire des Comnènes, et sans éclat culturel [42], voit refleurir le roman à l'antique, sous la plume de trois auteurs, Eustathe (ou Eumathe) Macrembolitès, Théodore Prodrome et Nicétas Eugenianos, que la critique moderne juge avec le dernier dédain, ne voyant en eux que de misérables pédants tout juste capables d'imitations serviles d'Achille Tatios et d'Héliodore [43]. Il est vrai qu'Eustathe imite (caricature, dit Rohde) A. Tatios ; son Hysmené et Hysmenias mérite toutefois quelque considération car cette oeuvre ne sera pas sans influence, quatre siècles plus tard, sur Montemayor et, à travers lui, sur Honoré d'Urfé. Quant à Prodrome, imitateur d'Héliodore, son roman en vers Rodanthé et Dosiclès serait bien oublié si l'on n'y avait retrouvé la source de la Jeune Captive d'André Chénier [44], admirable helléniste, on le sait.

    Ainsi continuée, même sans grand talent, au XIIe siècle, la tradition romanesque antique va connaître un renouveau au XIVe siècle. C'est que la civilisation des Paléologues, dans la seconde moitié du XIIIe et au XIVe siècle, se trouve être l'héritière de la Renaissance byzantine de la première moitié du XIIIe siècle. Or les empereurs Lascarides, installés à Nicée depuis la prise de Constantinople par les Croisés, en 1204, avaient fait de leur capitale une nouvelle Athènes : Jean Vatatzès, Théodore II Lascaris, princes humanistes épris de culture, sont des rassembleurs de manuscrits. Aussi la vie intellectuelle sous les Paléologues sera-t-elle dominée par le prestige de l'hellénisme antique [45].

    Sans doute le roman byzantin du XIVe siècle n'est-il pas exclusivement d'inspiration antique ; il subit pour une part des influences occidentales - ainsi Phlorios et Platzia Phloré n'est autre chose qu'une version grecque de Floire et Blancheflor, par l'intermédiaire d'une traduction italienne [46]. Curieusement, il y a aussi des récits byzantins, comme l'Apollonios de Tyr ou la Guerre de Troie, où le texte grec retrouve des traditions antiques par le canal de la littérature d'Occident.

    Cependant toute une branche de la production romanesque de ce temps se présente bel et bien comme une résurgence du roman grec. Mais à la différence des oeuvres du XIIe siècle, celles-ci ne sont pas dépourvues d'originalité propre. L'une d'elles est, à cet égard, exemplative : c'est le roman de Callimaque et Chrysorhoé, composé par Andronic Paléologue dans les premières années du XIVe siècle [47]. À vrai dire, la matière, ici, ne vient pas de l'antiquité mais de contes populaires. Et le cadre général est différent du roman ancien : ce dernier était une histoire de mer et de voyage, et un roman bourgeois ; le récit byzantin est continental, sédentaire et aristocratique - c'est un roman de cour. Mais, d'autre part, nombreux sont les traits de ressemblance : même religion, toute païenne, dominée par l'action de la Fortune, même intervention de la magie, d'un folklore emprunté aux légendes antiques, même peinture de l'amour, même technique du récit, même goût pour l'éloquence et pour la digression descriptive, l'ancienne ecphrasis. Seulement, rien dans tout ceci ne relève d'une imitation servile : Andronic Paléologue n'imite pas les imitateurs du XIIe siècle, mais il retourne directement aux modèles antiques et, les modernisant, en artiste, il les régénère.

    Nous voici arrivés au XVe siècle, et la démarche diachronique doit s'orienter désormais vers de nouveaux horizons, des horizons occidentaux.

    Dans l'Italie de la pré-Renaissance, la connaissance du grec est encore peu répandue. Au XIVe siècle, Pétrarque, qui possède cependant un texte grec d'Homère et de Platon, avoue ne pouvoir les lire. Mais vers la fin du siècle, le grec sera enseigné à Florence, à Milan et à Venise, et au XVe siècle l'hellénisme se diffuse largement. Après la prise de Thessalonique (1430) puis de Constantinople (1453), des Grecs lettrés, souvent porteurs de précieux manuscrits, arrivent de plus en plus nombreux en Italie, où leur enseignement attire une élite internationale. Ainsi se formeront, par exemple, ces jeunes hellénistes anglais de renom prestigieux auxquels s'attachera le Hollandais Érasme, mécontent des maîtres parisiens [48].

[Plan]

2. Dans le roman « antique » médiéval

    Mais avant d'évoquer ce printemps européen où fleurit une communauté culturelle, la Renaissance, qui va rendre au roman grec une nouvelle forme de jeunesse, une question assurément se pose, qu'on ne peut passer tout à fait sous silence : celle du roman « antique » médiéval.

    Assez généralement, les romans « antiques » dérivent d'une tradition latine. C'est le cas de celui que l'on considère comme le premier roman français [49], le Roman de Thèbes (± 1150) imité de la Thébaïde de Stace, ou encore du Roman d'Énéas (± 1160) imité de Virgile. Mais en ce qui concerne leur contemporain, le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (1165), qui s'inspire de deux textes latins, attribués à Darès le Phrygien et à Dictys de Crète [50], il y a lieu désormais d'apporter un correctif : il faut lui rendre son ancêtre grec puisque, on l'a vu, la papyrologie a révélé l'existence d'un Dictys de Crète grec. En fait, dans un certain nombre de cas, il est possible d'entrevoir, à travers les intermédiaires latins, ou même en leur absence, une origine grecque : ainsi le Cligès de Chrétien de Troyes, dont les sources sont perdues mais dont l'origine lointaine est certainement grecque [51] ; ou l'Apollonius de Tyr qui connut dans toute l'Europe, durant dix siècles, une diffusion extraordinaire [52] : l'Apoloine (XIIe s.) dérive de textes latins dont l'ancêtre paraît remonter au IIIe siècle, mais il est extrêmement probable qu'au-delà du texte latin il y a eu une source grecque [53] : aussi bien, dans sa forme la plus ancienne, ce roman d'aventures semble-t-il très proche de la manière des romans grecs classiques [54].

     Le Roman d'Alexandre, dont le plus ancien texte français est le poème hexasyllabique d'Albéric de Besançon (fin XIe /début XIIe s.), ce Roman qui devait, lui aussi, avoir un rayonnement immense sur le plan éthique, esthétique et scientifique dans l'Europe médiévale [55], remonte, on le sait depuis longtemps, à un roman grec : la compilation du pseudo-Callisthène (IIIe s. apr. J.-C.) [56], à laquelle l'investigation papyrologique donne maintenant des origines bien plus anciennes (IIe /Ier s. av. J.-C.).

    Dans tous ces cas, si différemment que se pose à chaque fois le problème des sources, un fait semble assuré : les compositeurs médiévaux ne se réfèrent pas directement à la tradition grecque.

    Il en va tout autrement à la Renaissance, qui a désormais retrouvé l'accès des textes et de la langue.

[Plan]

3. Dans le roman pastoral du XVIe siècle (Espagne, Angleterre, France)

    Dès avant 1600, Héliodore, Longos et Achille Tatios font l'objet d'une editio princeps, et de traductions françaises, anglaises, italiennes et espagnoles - c'est le XVIIIe siècle seulement qui verra paraître pour la première fois Xénophon et Chariton -. Ces trois auteurs, dont deux, Héliodore et Achille Tatios, avaient été privilégiés déjà par l'érudition byzantine, vont nourrir un genre littéraire qui, au XVIe siècle, connaît un peu partout une vogue singulière : le roman pastoral.

    Sans doute n'y a-t-il guère lieu de mentionner ici la fameuse Arcadie du Napolitain Sannazzaro, qui exerça une grande influence sur la formation du genre en Europe : sa première édition complète est de 1504, date antérieure aux premières éditions et traductions des romans grecs, et si Sannazzaro abonde en réminiscences antiques, c'est de manière assez diffuse. Il serait plus intéressant d'étudier les souvenirs de Longos dans l'Aminte du Tasse (1573) ou dans le Berger fidèle de Guarini (l590), illustres modèles du genre eux aussi : à ces dates avait paru la traduction de Daphnis et Chloé par Amyot (1559), une quarantaine d'années avant l'editio princeps.

    Mais par ailleurs le Tasse et Guarini avaient lu la Diane de Montemayor, et c'est peut-être là surtout - et chez les romanciers élisabéthains - qu'il faut chercher des traces précises du roman grec, non seulement de la pastorale de Longos mais aussi d'Héliodore et d'Achille Tatios.

En Espagne

    En 1559, paraissait la Diane du Portugais Montemayor, roman pastoral écrit en castillan, dont le succès fut considérable. La même année sortait une traduction française du roman byzantin d'Eustathe Macrembolitès, Hysmené et Hysménias dont, à vrai dire, une traduction italienne circulait depuis plusieurs années déjà [57]. Montemayor avait-il lu, en italien, Eustathe, à qui il emprunte un prénom d'héroïne, son Ysménie, et d'autres traits ? La chose n'est peut-être pas prouvée absolument dans le chef de Montemayor [58], mais il est hors de doute que son continuateur Gaspar Gil Polo était un familier des romans grecs et byzantins : la Diane amoureuse de Polo (1564) est une oeuvre de grand talent, dont l'auteur, poète et humaniste (il fut professeur de grec à Valence de 1566 à 1573), a su emprunter avec goût et sans aucune servilité des épisodes précis à Achille Tatios et à Héliodore [59].

    S'il ne peut être comparé, quant à la qualité littéraire, à Montemayor ou à Polo, leur contemporain Alonso Nuñez de Reinoso doit tout de même être cité aussi pour ses Amours de Clareo et Florisea (1552), imitation des quatre derniers livres d'Achille Tatios ; l'oeuvre eut un tel succès qu'elle fut immédiatement traduite en français (1554) et qu'elle devait plus tard inspirer Cervantès. C'est la plus ancienne imitation d'un roman grec dans la littérature moderne [60].

En Angleterre

    Le grand moment de la Renaissance anglaise, appelé un peu inexactement l'époque élisabéthaine, qui voit fleurir les traductions de presque tous les chef-d'oeuvre grecs et latins [61], s'intéresse manifestement au roman grec. Remarquable est l'influence de ce dernier sur Lyly, Sidney et Greene, trois romanciers fameux qui écrivent dans une prose poétique, caractéristique de l'époque.

    Le célèbre Euphues de John Lyly (1578), qui donnera son nom à une mode littéraire, cette préciosité du style appelée l'euphuisme, l'Euphues affecte, dans sa forme, des traits qui rappellent spécifiquement Achille Tatios ; de surcroît, il est fort probable que non seulement la technique narrative mais aussi la matière du récit dérivent d'un roman grec, car la source de Lyly, on le sait, est un conte de Boccace qui lui-même (soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'un poème français) paraît s'être inspiré d'un roman grec perdu [62].

    Sir Philip Sidney, dans son Arcadia (c. 1580), qui est une pastorale mêlée de chevalerie, a emprunté à la fois à Achille Tatios et à Héliodore des épisodes précis, une méthode narrative et des procédés stylistiques - tel l'usage de l'ecphrasis, cher à ses modèles ; il se distancie toutefois par rapport à eux dans son interprétation du rôle de la Fortune, qu'il réduit pour laisser plus de jeu à la personnalité humaine [63]. L'Arcadia exercera une influence incontestable sur Richardson et sur Walter Scott, et l'on a pu raisonnablement invoquer l'héritage du roman grec, par l'intermédiaire de Sidney, dans Pamela et Ivanhoé [64].

    L'oeuvre de Robert Greene n'est, sous ce rapport, pas moins significative. Il s'inspire d'Achille Tatios dans l'histoire d'amour d'Arbasto (1584) ; de Longos et d'Héliodore - et pour l'esprit et pour la lettre - dans sa pastorale Menaphon ; et des trois auteurs dans Pandosto (1589) qui, traduit en français, sera la source du Roman d'Albanie et Sicile de du Bail, et dont, surtout, sera tirée une des dernières pièces de Shakespeare, le Conte d'hiver (1611) [65]. Mais le génie de Shakespeare saura assouplir et humaniser ce qui, dans le roman grec et encore chez Greene, relève d'une causalité mécanique : il arrivera enfin à substituer au hasard un ordre naturel et humain.

    Le Conte d'hiver n'a pas qu'un lien indirect avec le roman grec, par l'intermédiaire de Greene : il est probable qu'il emprunte directement à Longos, car Daphnis et Chloé venait de connaître une traduction anglaise, faite sur celle d'Amyot [66], et Shakespeare a dû l'utiliser. Au reste, dans l'oeuvre du grand dramaturge, le Winter's Tale n'est pas seul à avoir pris quelque chose au roman grec ; le Périclès (1608 ?) est tiré de la version donnée quatre cents ans plus tôt par John Gower [67], contemporain de Chaucer, du vieux roman d'Apollonios de Tyr[68].

En France

    En France, le troisième quart du XVIe siècle voit paraître successivement les traductions d'Héliodore et de Longos par Amyot, puis d'Achille Tatios. Mais vraisemblablement, les humanistes n'avaient pas attendu jusque-là pour découvrir les romans grecs.

    Bachelier puis docteur en médecine à Montpellier, Rabelais avait l'audace insolite d'expliquer sur le texte grec Hippocrate, Galien et Aristote ; lui qui fait figurer au programme d'études de Pantagruel tous les grands classiques grecs et latins, et qui était à même de s'entretenir de Platon avec Marguerite de Navarre, avait néanmoins un goût particulier pour des auteurs comme Lucien - la fantaisie ironique -, Pausanias et Athénée - le réalisme documentaire -. Serait-il dès lors étonnant qu'il ait lu, dans le texte, Héliodore, peut-être avant même de connaître la traduction d'Amyot ? Celle-ci est de 1548 ; or, la même année paraissaient à Lyon les premières éditions partielles du Quart livre, en attendant l'édition complète sortie à Paris en 1552 [69]. Cette dernière montre, au chapitre LXIII, Pantagruel arrivant en vue de l'île de Chaneph, « tenant un Héliodore grec en main » - à vrai dire, c'est pour aider son sommeil (« Telle estoit sa coutume, que trop mieulx par livre dormoit que par coeur ») : mais Pantagruel n'est pas maître François, et celui-ci ne dormait sans doute pas sur son Héliodore, dont il devait goûter l'imagination puissante et l'exotisme fait à la fois de réalité et de fantaisie.

    D'autre part, en 1599, un traducteur par ailleurs inconnu, Martin Fumée, publiait à Paris la version française d'une oeuvre grecque jusqu'alors inconnue aussi, celle d'Athénagoras [70]. Il s'agissait d'un roman manifestement imité d'Héliodore, comme l'indiquait d'ailleurs le sous-titre Théogène et Charide. La lumière a depuis lors été faite sur une supercherie à inscrire dans la pittoresque histoire des faux littéraires [71]. L'ouvrage, au demeurant, ne manquait pas de mérites, et son invention, à elle seule, atteste la vogue du genre auprès du public français.

[Plan]

4. Au XVIIe siècle (d'Urfé, Hardy, Cervantès)

    L'enquête pourrait être poursuivie. La descendance du roman grec ne s'arrête pas au pré-classicisme. Elle se prolonge au XVIIe siècle.

    Honoré d'Urfé a dû lire, au moins dans les traductions d'Amyot, Longos et Héliodore. Le premier influence manifestement la peinture de l'amour naissant à laquelle s'essaiera à son tour l'Astrée (publiée entre 1607 et 1627) ; du second paraissent venir des réminiscences précises, d'ordre rituel et religieux par exemple. Quant à Achille Tatios, d'Urfé pourrait l'avoir connu indirectement, à travers le Tasse et Eustathe Macrembolitès, traduit depuis un demi-siècle ; mais il n'est nullement exclu que le Français ait des souvenirs directs de Leucippé et Clitophon, dont une traduction circulait aussi [72].

    Dans le même temps, Alexandre Hardy, auteur prolifique sans culture humaniste mais fort épris d'antiquité, réussit, dans son poème dramatique Théagène et Chariclée, à présenter, en huit journées, tout le roman d'Héliodore. Celui-ci enchantera encore la jeunesse de Racine qui, adolescent, à Port-Royal, le lira secrètement, passionnément, et s'en souviendra toute sa vie.

    Enfin, leur grand contemporain, Cervantès, dans sa dernière oeuvre - l'édition posthume est de 1617 -, les Travaux de Persiles et Sigismonde, déclare s'inspirer d'Héliodore. La chose, à vrai dire, est contestée par la critique moderne. Il semblerait que Cervantès, en fait, ait imité plutôt Muñes - donc, en somme, Achille Tatios [73]. De surcroît, il paraît établi qu'il a dû connaître Antoine Diogène, par l'intermédiaire de Photios dont l'editio princeps et la traduction latine avaient paru au moment où l'Espagnol entreprit Persiles : le cadre nordique du début de l'oeuvre (sous-titrée Historia setentrional), sa structure même l'ont fait rapprocher des Merveilles d'au-delà de Thulé [74]. Il est patent, d'autre part, que les Nouvelles de Cervantès et celles des conteurs espagnols du début du XVIIe siècle, tel Montalvan, empruntent volontiers des situations qui sont familières aux romans grecs [75].

***

    Le jeune classicisme européen, des deux côtés des Alpes et des Pyrénées, se nourrissait ainsi de la vieille littérature romanesque de la Grèce. Les candidats hellénistes de nos classes n'auraient-ils pas plaisir à la redécouvrir, en une lecture directe que la relative simplicité de la langue, au reste, rend souvent fort aisée ? [76].

[Plan]


 Notes

[1] M. Menéndez y Pelayo, Orígenes de la novela, I, Santander, 1943, p. 10. [Retour]

[2] Cf. G. Lukacs, La théorie du roman, trad. franç. J. Clairevoye, Genève, 1963, p. 32. [Retour]

[3] On pourrait, mutatis mutandis, appliquer à la littérature grecque telles réflexions relatives au roman français classique. Par exemple, sur le réalisme dans la fiction, cf. H. Benac, Quelques réflexions sur l'« actualité » du Roman comique de Scarron, dans Bull. Assoc. G. Budé, 3e série, 1951, 1, p. 92-93. Sur l'exotisme - en l'occurrence l'« orientalisme » du roman français du XVIlle siècle, cf. A. Mirambel, L'Histoire d'une Grecque moderne de l'Abbé Prévost (1741) dans Bull. Assoc. G. Budé, 3e série, 1951, 3, p. 44-45. [Retour]

[4] Ce sujet fait l'objet d'une excellente analyse chez M. B. Ogle, Romantic Movements in Antiquity dans T. P. A. Ph. A., 74 (1943), p. 1-18. [Retour]

[5] Comme l'a amplement démontré A. Rivier, Essai sur le tragique d'Euripide, 2e éd., Paris, 1975. [Retour]

[6] Cité par A. Mirambel, Le roman néo-grec et la langue littéraire en Grèce,dans Bull. Assoc. G. Budé, 3e série, 1951, 1, p. 63. [Retour]

[7] W. Kayser dans R. Barthes, W. Kayser, W.C. Booth, Ph. Hamon, Poétique du récit, Paris, 1977, p. 65. [Retour]

[8] C'est la thèse de S. Trenkner, The Greek Novella in the Classical Period, Cambridge, 1958. [Retour]

[9] Erwin Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig, 1876 ; 2e éd., Leipzig, 1900 ; 3e éd. avec additions de W. Schmid, Leipzig, 1914 ; 4e éd., Hildesheim, 1960 (même pagination que la 3e) avec une introduction de K. Kerényi. [Retour]

[10] M. Croiset dans A. et M. Croiset, Manuel d'histoire de la littérature grecque, 10e éd., Paris, 1900, p. 733. [Retour]

[11] Cf. l'étude très systématique, de caractère général, d'Antonio Ruiz de Elvira, El valor de la novela antigua a la luz de la ciencia de la literatura dans Emerita, 21 (1953), p. 64-110. D'une manière plus précise, dans les pages lumineuses qu'il consacre au roman, B. P. Reardon (Courants littéraires grecs des IIe et IIIe siècles après J.-C., Paris, 1971) se montre particulièrement attentif au point de vue esthétique ; même intérêt pour « l'oeuvre d'art » chez le dernier éditeur de Chariton (G. Molinié, Chariton. Le roman de Chairéas et Callirhoé, Paris, « Les Belles Lettres », 1979, p. 22-41 de la Notice). [Retour]

[12] Cf. déjà Menéndez y Pelayo, Orígenes de la novela, 1, p. 17, n. 1. [Retour]

[13] Les Grecs désignent indifféremment les romans par les termes logos (Philostrate, Lettres à Chariton) ou drama, dramatikon (Photios, codd. 73, 87, 94, 166). Julien (Lettres 89 B Bidez-Cumont) distingue les romans historiques (en historias eidei plasmata) des romans amoureux (erôtikai hupotheseis). [Retour]

[14] Cf. Trinkner, o.l., p. 172-175 ; l'auteur a tenté de démontrer que ces nouvelles ont des antécédents dans la littérature classique, et même avant. Cf. d'autre part B. E. Perry, The Ancient Romances. A Literary-Historical Account of their Origins, Berkeley-Los Angeles, 1967, p. 92-95. [Retour]

[15] Texte : P. Oxy 3010. Comm. : P. Parsons, A Greek Satyricon ? dans Bull. Inst. Class. Stud. Univ. London, 18 (1971), p. 53-68 ; R. Merkelbach, Fragmente eines satirischen Romans : Aufforderung zur Beichte dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 11 (1973), p. 81-100. [Retour]

[16] Selon l'éditeur I. Düring (Chion of Heraclea, A Novel in Letters, Göteborg, 1951). [Retour]

[17] C'est la date proposée par l'éditeur le plus récent, G. Molinié (Chariton, Le roman de Chairéas et Callirhoé, Paris, « Les Belles Lettres », 1979, Notice, p. 2). Toutefois, se fondant sur une étude minutieuse de la langue, A. Papanikolaou (CharitonStudien. Untersuchungen zur Sprache und Chronologie der griechischen Romane, Göttingen, 1973) arrivait à une datation plus haute : milieu ou seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. [Retour]

[18] Cf. P. Grimal, Romans grecs et latinsRetour]

[19] Cf. E. Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig, 1876, p. 365, n. 2. Le sauvetage du manuscrit de Jamblique n'est pas impossible en soi, si l'on considère les circonstances de l'incendie : sur ce dernier point, cf. Ch. Graux, Essai sur les origines du fonds grec de l'Escurial, Paris, 1880, p. 319-320. [Retour]

[20] D'après les relevés de R. A. Pack, 2e ed. (The Greek and Latin Literary Texts from Greco-Roman Egypt, Ann Arbor, 1965 ; cette édition est actuellement en cours de révision par les soins du Séminaire de papyrologie littéraire de l'Université de Liège, qui prépare un Pack 3), augmentés d'une unité pour chacun des auteurs en question ; - pour Chariton : P. Oxy. 2948. Publié en 1972, ce long fragment (date probable : fin IIe s.) recoupe partiellement P. Oxy. 1019 (= Pack 2, 241) ; - pour A. Tatios : P. Colon. inv. 901 (date probable : fin IIIe s. p. C.). Commentaire de ce texte. A. Henrichs dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 2 (1968), p. 211-226. [Retour]

[21] Éditions : A. Henrichs, Lollianos, Phoinikika. Fragmente eines neuen griechischen Romans dans Zeitschriff für Papyrologie und Epigraphik, 4 (1969), p. 205-215 ; Id., Die Phoinikika des Lollianos. Fragmente eines neuen griech. Romans, Bonn, 1972 ; I. Cazzaniga, Eco di riti e culti orientali... Lollianos dans Vetera Christianorum, 10 (1973), p. 305-318. [Retour]

[22] À Pack 2 n. 95, il y a sans doute lieu d'ajouter P. Oxy. 3012 (IIe /IIIe s.). [Retour]

[23] P. Berol. 13044. Cf. R. M. Rattenbury, Romance : Traces of Lost Greek Novels dans New Chapters in the History of Greek Literature, 3e série, éd. J.U. Powell, Oxford, 1933, p. 221. [Retour]

[24] Les deux fragments (P. Tebt. 268 et P. Oxy. 2539) peuvent être datés du début IIIe s. p. C. Cela suppose un original du IIe (ou même du ler) s. p. C., ce qui confirme de manière éclatante l'intuition conjecturale de L. Constans, L'épopée antique dans L. Petit de Julleville, Histoire de la langue et de la littérature française I, Paris, 1927 (= 1896), p. 210. [Retour]

[25] Dans cette ligne, cf. une analyse récente du personnage d'Héliodore, Chariclée, dont le caractère et le comportement sont à expliquer par le syncrétisme philosophique et religieux de l'époque : J. Hani, Le personnage de Charicleia dans les « Éthiopiques » : incarnation de l'idéal moral et religieux d'une époque dans Bull. Assoc. G. Budé, 1978, p. 268-273. [Retour]

[26] Grimal, o. l., Notice, p. XVII-XVIII. [Retour]

[27] Reardon, o. l., p. 384-385. [Retour]

[28] G. Dalmeyda faisait déjà - à l'époque du cinéma muet - des remarques de ce genre à propos de Xénophon (Éphésiaques, « Les Belles Lettres », Paris, 1926, p. XXV). [Retour]

[29] Grimal, o. l., p. XIX. [Retour]

[30] Cf. D. B. Durham, Parody in Achilles Tatius dans C. Ph., 33 (1938), p. 1-18 ; B. E. Perry, The Ancient Romances, p. 115-117 ; p. 352, n. 21. [Retour]

[31] Lukacs, o. l., p. 89. [Retour]

[32] A. Scobie, More Essays on the Ancient Romance and its Heritage, Meisenheim am Glan, 1973, p. 89-95. [Retour]

[33] P. Lemerle, Le premier humanisme byzantin, Paris, 1971, p. 57-58. [Retour]

[34] ibid., p. 54-57. [Retour]

[35] Julien, Lettres, 301 b. [Retour]

[36] Hist. eccl., V, 22. [Retour]

[37] Anth. Pal., IX, 203. [Retour]

[38] Le Stoïcien Posidonios distingue quatre catégories d'arts : les arts populaires et grossiers, les arts de divertissement, ceux d'éducation et les arts libéraux : cf. Sén., Lettres à Luc., 88, 21. [Retour]

[39] Perry, o. l., p. 100. [Retour]

[40] Perry, o. l, p. 103-104 et n. 8, p. 347. [Retour]

[41] Le relevé des versions médiévales latines et romanes a été établi d'une manière exhaustive par J. Sonet, Le roman de Barlaam et Josaphat, I, Paris-Namur, 1949. En ce qui concerne le problème des origines, état de la question dans H.-G. Beck, Geschichte der byzantinischen Volksliteratur, Munich, 1971, p. 35-39. [Retour]

[42] Cf. A. Tuilier, Recherches sur les origines de la Renaissance byzantine au XIIIe siècle, dans Bull. Assoc. G. Budé, 4e série, 1955, 3, p. 71. [Retour]

[43] Cfr déjà P.-D. Huet, Lettre-traité sur l'origine des romans, édition du tricentenaire (1669-1969). Paris, 1971, p. 94-95 ; également Perry, The Ancient Romances, p. 103. [Retour]

[44] Menéndez y Pelayo, Orígenes de la novela, I, p. 17, n. 1. [Retour]

[45] Tuilier, o. l., p. 75-76. [Retour]

[46] Beck, Gesch. d. byz. Volksliteratur, p. 141-142. [Retour]

[47] Cf. M. Pichard, Le roman de Callimachos et Chrysorrhoé, dans Bull. Assoc. G. Budé, 4e série, 1955, 3, p. 56-70 : excellente étude, à laquelle sont empruntés les éléments de l'analyse qui suit. [Retour]

[48] E. Legouis, L. Cazamian, R. Las Vergnas, Histoire de la littérature anglaise, éd. rev., I, Paris, 1965, p. 198. [Retour]

[49] Cf. G. R. De Lage, Le premier roman dans Orbis Mediaevalis. Mélanges R. R. Bezzola, Berne, 1978, p. 323-327. [Retour]

[50] Cf. Constans dans Petit de Julleville, o. l., I, p. 204-214. [Retour]

[51] Cf. E. Faral dans J. Bédier, P. Hazard, P. Martino, Littérature française, I, Paris, 1948, p. 34. [Retour]

[52] Cf. M. Delbouille, Apollonius de Tyr et les origines du roman français dans Mélanges R. Lejeune, Gembloux, II, 1969, p. 1171-1204, spécialement p. 1186-1187. [Retour]

[53] Cf. Reardon, o. l., p. 369. Peut-être la papyrologie révélera-t-elle un jour, comme c'est le cas pour Dictys de Crète, quelque chose de cet original grec. On est d'autant mieux fondé à l'espérer que le Satiricon grec aujourd'hui connu par des fragments papyrologiques offre des traits de ressemblance avec l'Historia Apollonii Regis Tyri : cf. R. Merkelbach, Fragmente eines satirischen Romans : Aufforderung zur Beichte dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 11 (1973), p. 88, n. 24. [Retour]

[54] Delbouille, o. l., p. 1179. [Retour]

[55] Cf. A. Abel, Le roman d'Alexandre. Légendaire médiéval, Bruxelles, 1955. [Retour]

[56] Cf. W. Spoerri, s. u. Kallisthenes 2) dans Kleine Pauly, III (1967), col. 86. [Retour]

[57] Depuis 1550. L'editio princeps est postérieure : 1617. [Retour]

[58] Menéndez y Pelayo, Oríg. de la novela, Il, p. 273. [Retour]

[59] Ibid., p. 292. [Retour]

[60] Ibid., p. 75-79 ; 83. [Retour]

[61] Cf. Legouis-Cazamian-Las Vergnas, o. l., p. 243-244. [Retour]

[62] Cf. S. L. Wolff, The Greek Romances in Elizabethan Prose Fiction, New York, 1912, p. 248. [Retour]

[63] Ibid., p. 338-339. [Retour]

[64] Ibid., p. 463. [Retour]

[65] Cf. Wolff, o. l., p. 375-376 ; 447 ; 452. M. Magendie, Le roman français au XVIIe siècle, Paris, 1932 (réimpr. Genève, 1978), p. 67. [Retour]

[66] Traduction d'Angel Day (1587), qui est une paraphrase d'Amyot. [Retour]

[67] Au livre VIII de la Confessio amantis. [Retour]

[68] Cf. Legouis, Cazamian, Las Vergnas, o. l., p. 426 ; Delbouille, o. l., p. 1186-1187. [Retour]

[69] P. Jourda, éd. critique de Rabelais, Oeuvres complètes, Paris, 1962, t. 1, p. LVI. [Retour]

[70] Du vray et parfaict amour, escrit en grec par Athenagoras, contenant les amours honnestes de Théogénès et de Charide, de Phérécydès et de Mélangénie, Paris, 1599. [Retour]

[71] Cf. P. D. Huet, o. l., p. 81 ss. Le roman d'Athénagoras - Fumée donnera lieu, à son tour, à un singulier plagiat, le Péristandre d'un certain de Moreaux (1642) : cf. Magendie, Le roman français au XVIIe siècle, p. 27 ss. [Retour]

[72] L'influence des romanciers grecs sur Honoré d'Urfé a été étudiée par M. Magendie, Du nouveau sur l'Astrée, Paris, 1927, p. 107-115. [Retour]

[73] Menéndez y Pelayo, o. l., II, p. 73, 76, 79. [Retour]

[74] Cf. l'analyse comparative de D. Weissert, Cervantes und Antonius Diogenes dans Arcadia, 2 (1967), p. 1-10. [Retour]

[75] Magendie, Le roman français au XVIIe siècle, p. 63. [Retour]

[76] Pour une bibliographie des travaux récents (1950-1970) consacrés aux romans grecs et latins, cf. G. H. Sandy, Recent Scholarship on the Prose Fiction of Classical Antiquity dans Classical World, 67 (1974), p. 321-359. [Retour]


FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 1 - janvier-juin 2001

<folia_electronica@fltr.ucl.ac.be>