FEC -  Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 25  - janvier-juin 2013

 


 

Jean d'Outremeuse, traducteur des Mirabilia et des Indulgentiae

 

Conclusions et perspectives

 

par


Jacques
Poucet

 

Professeur émérite de l'Université de Louvain

Membre de l'Académie royale de Belgique
<jacques.poucet@skynet.be>

 


 

 

     Avant toute chose, nous avons plaisir à reconnaître une nouvelle fois tout ce que nous devons aux minutieuses recherches de Mme Miedema sur la tradition des Mirabilia (au sens strict et au sens large). Le lecteur a très souvent rencontré son nom dans les pages qui précèdent. Sans elle, notre enquête aurait été infiniment plus difficile, voire impossible.

 

Les résultats

     Cela dit, et pour insatisfaisante qu’elle soit, cette enquête a livré quelques résultats que nous avons la faiblesse de croire intéressants et prometteurs, notamment par les perspectives de recherches qu’ils ouvrent.

 

1.    Nous savons maintenant que les pages 58 à 85 du premier livre de Ly Myreur des Histors de Jean d’Outremeuse contiennent une traduction française des Mirabilia (p. 58 à 73) et des Indulgentiae (p. 73 à 85). Nos sondages l’ont dégagée d’une manière indiscutable, alors qu’elle était passée inaperçue des spécialistes.

 

2.    Ces sondages ont également mis en évidence l’importance de Martin d’Opava comme source de Jean d’Outremeuse dans sa traduction des Mirabilia.

 

3.    Pour les Mirabilia toujours, nos sondages ont montré que si Jean d’Outremeuse s’inspirait, parfois très étroitement, des versions antérieures des Mirabilia, il n’était pas ce que nous appellerions un simple traducteur. L’analyse approfondie des additions et des suppressions qu’il apporte à ses sources pourrait d’ailleurs livrer des informations intéressantes sur ses préoccupations.

 

4.    À ce propos, nous avons constaté que plusieurs de ses interventions introduisaient Virgile là où les versions antérieures des Mirabilia le passaient complètement sous silence. C’est notamment le cas de deux notices rencontrées plus haut dans la liste des palais de Rome : l’une (c’était notre § 6) traitait du Palais de la Paix avec la statue en or de Romulus, l’autre (c’était notre § 17), du groupe équestre visible devant le Palais de Constantin.

       Mais il y a d’autres cas où une comparaison précise entre Ly Myreur et la tradition des Mirabilia ferait apparaître des additions propres à Jean d’Outremeuse et mettant en évidence Virgile. Des éléments de ce type ne peuvent que retenir l’attention d’un chercheur qui, comme nous, s’intéresse au Virgile de Jean d’Outremeuse. Nous les retrouverons dans la suite de nos travaux.

 

5.    Notre enquête a également dégagé certaines informations sur la méthode de travail de Jean d’Outremeuse et sur sa conception de la notion de « source ».

       Alors qu’il a indiscutablement suivi Martin d’Opava, parfois même de très près, Jean ne l’avoue nulle part expressis verbis au fil de son exposé. Il se contente, au tout début du Myreur, de le citer dans une liste générale de plus de 60 noms, groupés en plusieurs blocs. Le chroniqueur allemand apparaît dans un de ces blocs, à la fin d’une liste de 15, et sans mention particulière.

       Nous avons découvert qu’en fait, dans ce bloc, Jean d’Outremeuse présente comme ses propres sources la liste des auteurs que Martin d’Opava, plus d’un siècle auparavant, donnait comme étant ses sources à lui, Martin. Apparemment pour le chroniqueur liégeois, le fait d’utiliser Martin semblait l’autoriser à « reprendre à son compte », sans plus, toutes les sources de son modèle.

 

6.    En ce qui concerne les Indulgentiae, nos sondages ont montré, d’une manière indiscutable, que les pages 73 à 85 du Myreur contiennent une traduction française du traité des Indulgentiae ecclesiarum urbis Romae, traduction qui, elle aussi, avait échappé jusqu’ici aux spécialistes.

       Pour le reste nous n’avons pas réussi à identifier la source précise utilisée. Tout ce que nous avons pu dire, en travaillant avec la typologie de Mme Miedema, c’est que la traduction de Jean d’Outremeuse est relativement proche de la tradition du D 44, pour l’organisation générale de la matière ainsi que pour la description des églises majeures. Par contre, en ce qui concerne la présentation des églises mineures, la version française de Jean d’Outremeuse ne correspond à aucun des modèles que Mme Miedema avait repérés dans la tradition des traductions allemandes.

 

Les perspectives

     Nous avons conscience de n’avoir fait que tracer des pistes, davantage peut-être pour la section des Mirabilia que pour celle des Indulgentiae, et sans jamais aller au bout d’un chantier.

     Notre excuse sera que nous nous sommes intéressé à Jean d’Outremeuse avec comme objectif essentiel l’analyse du rôle qu’il accorde à Virgile. C’est au fil de cette recherche que nous avons abordé les Mirabilia (au sens strict comme au sens large), sur lesquels nous n’avions jamais travaillé. Nous avons dû faire un très gros effort pour comprendre cette tradition très complexe et c’est par hasard que nous avons constaté que Jean d’Outremeuse avait en fait traduit les Mirabilia et les Indulgentiae.

     On aurait pu envisager une édition complète et un commentaire détaillé de cette traduction française de Jean d’Outremeuse. On aurait alors pu déterminer sa place exacte non seulement au sein des autres traductions françaises des Mirabilia et des Indulgentiae mais aussi dans l’ensemble de la tradition des Mirabilia au sens large. On aurait évidemment dû pour cela collationner le texte de Jean d’Outremeuse avec celui des témoins encore cachés dans les bibliothèques de Londres, de Berne, d’Oxford, de Rouen ou de Nantes. Un tel travail dépassait nos compétences, nos forces et le temps qui nous reste.

     Nous allons donc retourner maintenant à notre centre d’intérêt principal : le Virgile de Jean d’Outremeuse. Mais peut-être les lignes qui précèdent pousseront-elles un de nos lecteurs à s’occuper sérieusement de cette traduction française, en s’efforçant d’en identifier avec précision les sources et de la comparer aux autres traductions françaises existantes. Ce serait évidemment la seule manière de définir la place exacte de Jean d’Outremeuse dans la tradition des Mirabilia anciens.

 

 [Précédent]


FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 25 - janvier-juin 2013

<folia_electronica@fltr.ucl.ac.be>