FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 15 - janvier-juin 2008


Des «remparts de Romulus» aux murs du Palatin.

 Du mythe à l'archéologie

Paul Fontaine

Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles)
Adresse : Chaussée de Stockel 446 -- B 1150 Bruxelles
<fontaine.paul@belgacom.net>


[Vers le texte PDF]

Les équipes de l'archéologue italien Andrea Carandini ont fait ces vingt dernières années plusieurs trouvailles très importantes dans le centre historique de Rome (Palatin, Sanctuaire de Vesta, Forum, Capitole). La plus ancienne de la série remonte à 1988 et fut réalisée au bas des pentes septentrionales du Palatin. Elle aboutit à la découverte de quelques vestiges du VIIIe siècle qui furent immédiatement interprétés par A. Carandini comme les restes de la muraille et du pomerium dont, « selon la tradition », Romulus, le roi fondateur, aurait entouré la colline. Le fouilleur alla même plus loin. Très vite il présenta sa découverte comme la preuve archéologique que Rome avait bien été fondée vers le milieu du VIIIe siècle, qu'elle fournissait la confirmation de l’historicité du récit traditionnel, que ce dernier disait le vrai et qu'on pouvait dès lors lui faire confiance.

Il fallut attendre quelque 12 années pour qu'on puisse avoir accès au rapport complet de la fouille. Paru en 2000, dans la prestigieuse collection du Bollettino di Archeologia, sous la direction de A. Carandini et de P. Carafa, ce rapport comportait deux volumes : Palatium e Sacra via. I. Prima delle mura, l'età delle mura e l'età delle case arcaiche (t. 31-32-33, 326 p.) et Palatium e Sacra via. I. Prima delle mura, l'età delle mura e l'età delle case arcaiche. Tavole. Racconto breve dello scavo (t. 34, en fait un coffret de planches et un fascicule indépendant de 74 p.).

Très rares sont les études archéologiques quelque peu détaillées qui ont été faites jusqu'ici de cette monumentale publication. Celle que nous présentons dans ce fascicule 15 des FEC est due à un chercheur belge qui a beaucoup étudié les murs d'enceinte des cités d'Italie (Paul Fontaine, Cités et enceintes de l'Ombrie antique, Bruxelles, Rome, 1990, 456 p., 55 pl. [Études de philologie, d'archéologie et d'histoire anciennes de l'Institut historique belge de Rome, 27]). Et son avis est d'autant plus intéressant qu'il porte précisément sur les vestiges présentés par le fouilleur comme étant les restes des « remparts du Romulus ».

Comme on le lira ci-après, la conclusion du chercheur est nette. Sans remettre en cause « le soin apporté à la fouille » ou « la matérialité et l'intérêt des vestiges mis au jour », il décèle de gros problèmes au niveau de l'interprétation. Selon lui, introduire Romulus, sa muraille et son pomerium dans l'interprétation historique des restes découverts relève de la pure  hypothèse. P. Fontaine voit même dans cette interprétation « un empilement d'hypothèses qui obéissent à une logique interne, fondée moins sur la réalité archéologique que sur la conviction -  au sens théologique - d'avoir trouvé l'enceinte de Romulus ».

Limitant son examen aux découvertes initiales et à l'interprétation qui en a été donnée par A. Carandini, P. Fontaine ne s'engage pas plus loin. On nous permettra toutefois d'ajouter, à titre personnel, que les conclusions auxquelles le chercheur belge aboutit risquent d'être lourdes de conséquences. En effet les fouilles ont continué depuis 1988, et c'est évidemment une excellente chose pour les progrès de notre connaissance du lointain passé de Rome. Mais ce qui risque d'être grave - et ce qui est déjà en cours d'ailleurs -, c'est que les équipes de fouilleurs, acceptant sans réserve les interprétations initiales de leur maître, ne les considèrent comme des bases de départ solides, à partir desquelles doivent être interprétées les découvertes ultérieures. Si - comme nous le croyons - P. Fontaine a bien dégagé le caractère hypothétique de l'interprétation donnée au départ par A. Carandini (à savoir « on a bien retrouvé la muraille et le pomerium de Romulus ; et le récit traditionnel dit substantiellement le vrai »), le risque est considérable, dans le travail d'interprétation historique, d'entasser simplement des hypothèses sur d'autres hypothèses, d'élaborer des hypothèses au carré ou au cube, en d'autres termes de construire sur le sable, ou, si l'on préfère une autre métaphore, de tenter de faire tenir une pyramide sur sa pointe.

L'étude de Paul Fontaine a été publiée dans Paul-Augustin Deproost  et Alain Meurant [Éd.], Images d'origines. Origines d'une image, Louvain-la-Neuve, 2004, p. 35-54 (Transversalités, 4). Tout comme l'a fait Bruno Poulle qui a recensé le  volume dans la Revue des Études Latines de Paris (t. 85, 2007 [2008], p. 471), nous la considérons comme une « contribution importante » et nous pensons qu'elle doit être versée au dossier de la discussion actuelle sur les interprétations historiques d'A. Carandini. Comme l'article comporte beaucoup d'illustrations, nous avons choisi de la reprendre, non pas au format HTML, mais au format PDF. On en trouvera ci-après une version légère (378 Ko), qui n'offre pas la possibilité de recherches internes, mais nous tenons une version plus lourde (quelque 5 Mo) à la disposition de ceux qui nous en feraient la demande.

Pour être complet, nous préciserons encore que A. Carandini, dans une très longue note de Remo e Romolo (Turin, 2006, p. 445-453), a vigoureusement critiqué les réserves manifestées par P. Fontaine. Nous aurons certainement à revenir sur la question.

 

Bruxelles, le 11 juillet 2008

Jacques Poucet

[Vers le texte PDF]


FEC - Folia Electronica Classica  (Louvain-la-Neuve) - Numéro 15 - janvier-juin 2008

<folia_electronica@fltr.ucl.ac.be>