Les miroirs étrusques et prénestins
À de minimes modifications près, le texte qui suit a fait l'objet, sous le titre Pourquoi un Corpus Speculorum Etruscorum ou L'originalité du miroir étrusque, d'un exposé, le 9 janvier 1995, à l'Académie royale de Belgique (Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, VI, 1995, pp. 29-57 avec illustrations).
Avertissement
Quelle qu'ait été la charge symbolique, sinon la vertu magique, dont en divers temps, lieux, ou circonstances, on a pu croire le miroir porteur (1), son caractère fonctionnel fut aussi primordial dans les sociétés antiques qu'il est essentiel dans les nôtres. C'est donc avant tout comme ustensile de toilette qu'il sera envisagé ici.
Subsidiairement, on soulignera que, même s'il provient souvent d'une tombe, le miroir n'est pas un objet à destination funéraire, et qu'il s'ensuit qu'on ne saurait, dans un mobilier funéraire, lui reconnaître la même importance chronologique qu'à l'urne cinéraire par exemple. Cfr J.G. Szilágyi, Discorso sul metodo. Contributo al problema della classificazione degli specchi tardo-etruschi dans Tyrrhenoi philotechnoi. Atti della Giornata di studio (Viterbo, 13 ottobre 1990), Rome, 1994, pp. 162-164.
Plan
Matière et fabrication
Avant le recours au verre, le miroir antique est surtout en métal, et généralement il s'agit de bronze. L'emploi du verre en guise de miroir ne se diffuse qu'à l'époque impériale romaine (2). Selon Pline l'Ancien (3), les miroirs en verre auraient été inventés à Sidon, la phénicienne, dont effectivement les ateliers verriers étaient réputés à la fin de la République et au début de l'Empire. Nous n'avons cependant aucune information sur le moment précis où ce nouveau type de miroir fut introduit en Italie. Au moins le premier siècle de l'Empire l'a connu, et sans doute déjà les dernières années de la République. Mais il est certain que le miroir de bronze, longtemps encore, fut utilisé concurremment, et sans doute principalement (4).
À de très rares - et d'ailleurs parfois discutables - exceptions près, les miroirs étrusques sont en bronze. On parle quelquefois d'un miroir de Bomarzo, au Musée Archéologique de Florence (5), qui est en argent massif. Son décor représente en relief Tinia, le Jupiter étrusque, entre Aplu et Turms, Apollon et Mercure. Mais son authenticité paraît très suspecte (6) ! En revanche, le Cabinet des Médailles de Paris possède un miroir (7) provenant de la collection du Prince de Canino, dont le bronze est incrusté de cuivre rouge, d'or, et plus largement d'argent. Il représente, en faible relief également, la Minerve étrusque entre Hercule et Iolaos. Les miroirs décorés en relief, plutôt que par gravure, sont très rares : le recours à des métaux précieux est-il lié à leur caractère d'exception ? Parfois aussi l'on a fait état de certains exemplaires de luxe dont la surface de réflexion aurait été soumise à un traitement particulier d'argenture ou de dorure. Ce n'est pas à exclure, bien que les résultats d'examens spectrographiques exécutés en Italie (Istituto Sperimentale dei Metalli Leggeri ) n'aient pas été concluants dans la détection de telles techniques (8).
Parler de la matière nous a introduits d'emblée dans l'atelier étrusque. Les procédés de fabrication appliqués aux miroirs ne nous sont cependant pas bien connus. Évidemment, ils impliquent fonte et coulée. Mais directement dans des moules de pierre ou de matériau réfractaire ? ou bien suivant la technique de la cire perdue ? La première manière offrait l'avantage de faciliter la réutilisation. Cependant, pour l'époque étrusque, rien n'a été retrouvé de ces moules de miroirs éventuels. La seconde technique n'est pas nécessairement exclue par la première : elle a pu être réservée à de grands miroirs de forme complexe et très élaborée, de même peut-être qu'aux miroirs à manche décorés en relief. Quoi qu'il en soit, les analyses ont révélé que, tiré de son « moule », le bronze était soumis à un recuit, réalisé à 600/700° C environ, qui augmentait l'homogénéité et la plasticité de l'alliage, et permettait de soumettre l'objet au martelage, en vue de lui donner sa forme finale. D'autres questions liées à la technique de fabrication restent en suspens. Ainsi, si le graveur disposait de modèles, d'esquisses, de cartons, sous quelle forme se présentaient ceux-ci ? comment et où les conservait-on ? Et la question de la « cupule » ?, cette cavité peu esthétique, de diamètre, profondeur et contours très irréguliers, creusée - comment et pourquoi ? - après le refroidissement du métal et avant la gravure, au centre précis de la circonférence de presque tous les revers de disques à graver.
Sans nous attarder à discuter de ces questions techniques, bornons-nous à rappeler ici que la face décorée d'un miroir - généralement gravée, quelquefois, on l'a dit, moulée en relief - constitue évidemment le revers de l'objet. La gravure était réalisée au burin. Parfois elle reprend un tracé préliminaire, au moins partiel. L'autre côté du disque, côté utile, donc principal, demeurait lisse et était rendu suffisamment réfléchissant par un polissage adéquat du métal.
Ces diverses opérations portent à admettre que, comme la plupart des bronzes anciens, un miroir n'était généralement pas l'oeuvre d'un seul homme, mais réclamait, pour les diverses étapes de sa fabrication et de sa finition, les efforts conjugués d'une petite équipe d'artisans, sous la direction d'un chef d'atelier. Même l'ensemble du décor gravé peut révéler à un examen attentif l'intervention de plus d'une main, le Maître n'intervenant, par exemple, que pour la composition principale, le cadre ou d'autres parties ornementales étant mis en place, avant ou après, par quelqu'adjoint ou apprenti (9).[Plan]
Intérêt documentaire
La majorité des miroirs étrusques conservés offre donc un disque illustré, sur toute la surface de son revers, par un décor gravé. C'est le type de miroir étrusque de loin le plus fréquent et le plus caractéristique. Il constitue une véritable production artistique nationale. Pour nous, les décors de ces miroirs, outre la valeur artistique qu'on peut leur reconnaître, sont aussi des témoins précieux d'une pensée et d'une culture, qui suppléent utilement à la perte totale de la littérature des Étrusques et à l'insuffisance documentaire relative de leur céramique, si du moins l'on mesure celle-ci à l'aune de la céramique grecque. L'art du potier, en effet, n'est certainement pas celui où le génie étrusque a le plus brillé. En ce domaine, s'il est un titre de gloire que pourrait revendiquer l'Étrurie, c'est plutôt d'avoir tant apprécié les créations de la Grèce qu'elle a importé et nous a conservé, dans ses tombes, les plus beaux vases grecs dont s'enorgueillissent nos musées. Mais si la céramique peinte étrusque n'est pas, comme la grecque, une intarissable source d'informations sur les croyances d'un peuple et ses modes de vie, souvent l'information que nous refusent les vases, on peut la puiser dans la décoration figurée des miroirs. Le panthéon étrusque s'y fait connaître, peuplé principalement de dieux et de héros hérités de Grèce, mais aussi de figures surnaturelles indigènes. Les épisodes mythiques représentés le sont parfois avec plus de détails que sur aucun monument grec, il arrive qu'ils soient ignorés tant de la littérature que de l'art grecs (10). Sur les miroirs revivent encore des cérémonies, des fêtes du culte, ou des scènes de la vie quotidienne, surtout des scènes de toilette. Occasionnellement y apparaissent même des figures semi-légendaires de l'histoire étrusque. Fréquemment des inscriptions nous aident dans l'identification des personnages figurés.
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Typologie
Généralités
Les miroirs étrusques les plus anciens sont des objets épais et lourds, ils présentent un flan plat. Avec le temps, l'ensemble tendra à s'alléger, la feuille de métal à s'amincir toujours plus. Rapidement on imprima à la face principale du disque, donc à la surface de réflexion, une certaine convexité, d'abord légère, plus marquée par la suite. Cette courbure réduisait sans doute quelque peu l'image réfléchie, mais, bien calculée, elle ne devait pas trop la déformer, et elle avait l'avantage de donner un plus grand angle utile de visibilité, d'élargir le champ de vision. À cette convexité répond une concavité équivalente de l'autre face, accentuée par un exhaussement autour de celle-ci de la tranche de l'objet, obtenu par martelage. La concavité et son rebord, qui semblent des traits consécutifs à l'introduction, vers la fin du VIe siècle, du décor de revers, protégeaient, en effet, ce dernier, lorsque le miroir était sur un plan de pose.
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Les miroirs à manche
Les miroirs étrusques se présentent sous plusieurs formes. Les plus nombreux, de fort loin, sont des miroirs à manche. En général, leur disque est parfaitement circulaire. Cette forme presque universellement ronde donnée aux miroirs antiques trouve vraisemblablement sa justification dans un symbolisme solaire. Le miroir reçoit et renvoie la lumière du jour. Que dans les cultures primitives il ait pu être lié à des pratiques rituelles, être doté de pouvoirs magiques ne semble guère douteux. Cette valeur symbolique attachée au miroir est particulièrement sensible dans la civilisation égyptienne. En Chine aussi un usage rituel du miroir serait attesté, encore à l'époque historique (11). Mais revenons au miroir étrusque. Son disque réfléchissant peut avoir un plus ou moins grand diamètre. Selon Beazley, l'un des plus grands miroirs étrusques ronds se trouve à Berlin (12). Il est haut de 31 cm et son diamètre atteint 20 cm. Mais le Cabinet des Médailles de Paris conserve un miroir rond fameux, haut de 29,6 cm, avec un diamètre de 20,4 cm, et qui pèse 848 g (13) ! Et Bruxelles possède deux miroirs, à disque piriforme cette fois, mesurant respectivement 37 et 38,3 cm en hauteur, 19,6 et 20,5 cm selon leur axe horizontal ; ils pèsent le premier 574,4, le second 772,2 g (M.R.A.H., R 1279 et R 1261).
Miroirs ronds à soie et manchon
Les manches des miroirs ronds sont de deux types. Dans les exemplaires plus anciens, une soie, sous forme de languette courte, plus ou moins étroite et épaisse, servait de manche, fichée dans une gaine rapportée. Celle-ci, faite de matière plus vulnérable que le bronze - elle est en ivoire, en os, ou simplement en bois -, le plus souvent n'a pas été conservée. Nous possédons cependant quelques exemplaires de ces manchons. Leur décor habituellement est simple et linéaire, réalisé au tour. Au reste, on peut trouver la représentation précise de ce type de miroir sur plus d'un miroir étrusque précisément. Issue de la même coulée que le disque, la soie fait donc naturellement corps avec lui, généralement par l'intermédiaire d'une patte ou talon, c'est-à-dire d'une plaquette, qui peut être rectangulaire, trapézoïdale, arrondie, ou avoir les flancs échancrés. Cette transition entre disque et manche - qui peut manquer sur des exemplaires archaïques - avait un rôle non douteux, esthétique et fonctionnel à la fois. Non seulement elle atténuait la rupture entre disque et manche, mais elle rendait aussi la prise plus confortable, et sa base avec ses deux angles, souvent étirés en saillie, faisait office de butée, contre quoi venait se bloquer le manchon amovible gainant la soie.
Miroirs à manche massif, ronds ou piriformes
À partir de l'époque hellénistique, les formes du miroir étrusque se rénovent. L'appendice de préhension, coulé en même temps que le disque, s'allonge, s'épaissit, se renforce pour, de soie qu'il était, devenir manche véritable et complet, sans plus dépendre du secours d'un quelconque cylindre adventice ; n'étant plus masqué, il ne peut plus être brut, il est désormais travaillé par relief et incision, et il se termine en protomé ou tête animale, de bélier le plus souvent, parfois de cervidé. Quant au disque, dans la production proprement étrusque, il garde sa forme circulaire, tandis que les ateliers très actifs, à l'époque, de la cité voisine, et latine, de Préneste, l'actuelle Palestrina, produisent, outre des cistes (14) gravées, leur spécialité, des miroirs qui se distinguent par un disque étiré vers le bas, ce qui crée un contour piriforme. Il est possible d'ailleurs que ce soit à l'influence de ces originaux miroirs prénestins du IVe siècle, tous pourvus d'un long manche massif, qu'il faille attribuer l'introduction de ce type de manche en Étrurie, où jusqu'au bout il se maintiendra en vogue, à côté cependant des miroirs à simple soie, dont le type ne disparaît pas. On a donc des miroirs à manche massif avec disque rond, et d'autres avec disque piriforme. On est certes en droit d'établir ici une distinction culturelle et de regarder les seconds, qui d'ailleurs portent occasionnellement des inscriptions latines, comme une spécialité prénestine. Mais il y eut échange d'influences : on trouve des miroirs piriformes porteurs d'inscriptions étrusques et des miroirs ronds affichant du latin.
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Aspect originel du revers gravé
Une brève parenthèse ne paraît pas superflue ici. Nous savons qu'un bronze qui fut en contact prolongé avec l'air et surtout l'humidité se couvre d'une sédimentation que nous appelons « patine », c'est-à-dire des produits de sa propre corrosion, en grande partie des sels de cuivre. Que l'aspect actuel de la plupart des bronzes antiques ne nous fasse pas perdre de vue cependant que la couleur du bronze neuf est dorée et claire. Cette couleur originelle et spécifique était maintenue telle par l'usage et l'entretien, et sur cette surface claire et dorée, le sillon de la gravure se détachait en sombre, par l'effet de l'ombre qu'il créait ou de l'oxydation qui s'y formait. Or, à ce graphisme sombre sur fond clair - dont fournissent encore l'exemple certaines pièces épargnées par la patine ou dont l'oxydation a pu être éliminée - nous substituons généralement dans nos vitrines de musées un dessin à traits blancs sur fond sombre. En effet, suivant un usage discutable mais fréquent, on répand sur la surface gravée de la poudre blanche, talc ou autre, afin que, tassée au creux des sillons, elle ravive le dessin trop souvent voilé par la corrosion et qu'elle rende l'image plus intelligible. Ce faisant toutefois, nous soumettons au visiteur de musée, pour des raisons de commodité, exactement le négatif de la création originelle. S'ajoute à ceci le fait que les musées exposent la surface décorée du miroir, qui pour le visiteur en quête d'art antique présente certainement l'intérêt majeur, mais dont nous n'oublierons pas qu'elle n'est que le revers, la surface réfléchissante, et forcément lisse, étant, du point de vue fonctionnel et donc antique, le côté principal.
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Les miroirs-boîtes
À côté des miroirs à manche, de types divers, l'Étrurie nous a rendu aussi des miroirs-boîtes. Il s'agit de disques-miroirs sans manche, mais à couvercle, tout en bronze également, que les Allemands désignent du terme suggestif de « Klappspiegel ». Représentons-nous deux valves rondes réunies par une charnière, qui permet de rabattre la valve supérieure, en guise de couvercle, sur la valve de fond. La face supérieure, donc interne, de celle-ci est la surface réfléchissante. Cette dernière est polie et faiblement convexe, tandis que le côté interne de la valve-couvercle est concave : ainsi elle ne touche pas la surface de réflexion, son rebord étant retenu par une moulure en ressaut sur la tranche de la pièce de fond. Un anneau de suspension est habituellement passé dans la charnière. Une petite poignée permettait de soulever et rabaisser le couvercle. La face supérieure, donc externe, de celui-ci était décorée en relief d'une composition figurée. Ce décor était obtenu par soudure sur le couvercle d'une mince feuille de bronze, travaillée au repoussé sur matrice (ce qui a pour conséquence de nombreuses répliques) et parachevée au poinçon et au ciseau. La soudure remplissant les creux de l'applique servait aussi à donner au relief plus de consistance. Ce type de miroir s'inspire de modèles grecs, sans doute via la Grande-Grèce. Toutefois, si en Grèce il est prédominant à l'époque hellénistique, son imitation étrusque ne semble pas avoir connu la même vogue. Les exemplaires parvenus jusqu'à nous ne sont en tout cas pas très nombreux (une ou deux centaines ?). D'usage peut-être moins commode, ils ne supplantèrent jamais les miroirs à manche.
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Autre type
On signalera enfin brièvement un type de miroir qui n'apparaît que sculpté sur des urnes cinéraires, essentiellement de Volterra, datables entre la fin du IIIe et le Ier siècles av. J.-C. Sur plusieurs couvercles d'urnes, en effet, sont sculptés des gisants féminins tenant un miroir. Il s'agit parfois du miroir à manche, ou du miroir à boîte ronde, mais souvent est figuré un réceptacle à charnière de forme carrée ou rectangulaire, dans lequel semble avoir été logé un miroir en bronze indépendant. On n'a rien conservé de ces étuis quadrangulaires étrusques, probablement parce qu'ils étaient le plus souvent en bois, mais pour le Ier siècle ap. J.-C., on possède quelques miroirs romains, qui furent trouvés encore dans leur boîte d'origine en bois, ou du moins parmi des vestiges de bois. Il semble que les miroirs de cette sorte représentent le dernier type proposé aux élégantes étrusques, au moins dans le nord du pays. Ils n'y ont toutefois pas supplanté les autres modèles.
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Esquisse chronologique
On fait débuter l'histoire de l'art du miroir étrusque autour de 530/520. De fait, les plus anciens miroirs à décor gravé proprement étrusques peuvent être datés de la fin du VIe siècle av. J.-C. Nous n'avons cependant que relativement peu de témoignages de cette époque archaïque. Il faut ajouter que la Toscane connaissait dès avant les Étrusques l'usage du miroir de métal, puisqu'on a trouvé à Tarquinia un miroir à soie, sans décor, d'époque villanovienne (Xe siècle ?) (15). La fin des miroirs étrusques est plus difficile à fixer. Communément on admet que leur histoire s'achève au IIIe-IIe siècle av. J.-C., certains estiment pouvoir descendre jusqu'au Ier. Ce qui est évident, c'est qu'à partir du IIIe-IIe siècle, la production des miroirs apparaît fortement industrialisée, en même temps que concentrée probablement en un nombre limité d'ateliers. Ceux-ci inondent le marché d'exemplaires stéréotypés, exécutés à la hâte et en série, souvent très négligés, à la limite parfois de la caricature. Les disques sont généralement de diamètre plus étroit, leur convexité est plus marquée. Ensuite, il devient très difficile, dans une période mal connue et mal étudiée, parce que sans intérêt esthétique, de faire le tri entre les derniers miroirs étrusques, petits, minces, sans décor, voire sans manche, et certaines variétés de miroirs romains.
Entre ces deux termes chronologiques, c'est-à-dire pendant au moins trois siècles, ce que l'on peut appeler le « style » de la décoration des miroirs étrusques évolue en parallèle plus ou moins décalé avec les grands mouvements stylistiques qui inspirèrent les arts de la Grèce. Ceci est source de fructueuses comparaisons avec la peinture céramique grecque. Les problèmes de composition posés au graveur étrusque ne sont pas différents de ceux rencontrés par le peintre d'un médaillon de coupe, ce sont ceux du tondo, de la scène inscrite dans un cercle. Comme certaines compositions de la peinture sur vases, certaines scènes gravées peuvent être regardées comme des reflets lointains de tableaux illustres de la grande peinture grecque, que nous avons perdue. Ce que l'on considère comme la période classique des miroirs étrusques va de la fin du Ve à la fin du IVe siècle av. J.-C. environ. On sait, en effet, qu'il a fallu attendre le IVe siècle pour que l'Étrurie soit vraiment touchée par l'influence du classicisme grec. C'est que le déclin de l'empire étrusque, que le Ve siècle déjà avait amorcé et que le IVe précipite, a freiné les échanges culturels avec la Grèce et considérablement retardé la pénétration en Toscane des formules classiques. Par exemple, les miroirs-boîtes, qui ont été décrits plus haut, apparaissent en Grèce vers la fin du Ve siècle. En Étrurie, ils ne commencent à être produits que depuis la fin du IVe, et c'est au siècle suivant que cette industrie semble y avoir connu sa meilleure période (16).[Plan]
Origines et originalité
Que l'influence grecque ait été prépondérante sur l'art étrusque de toutes les époques, personne ne le conteste. On doit donc l'admettre également dans l'art des miroirs. Faut-il pour autant postuler des archétypes grecs pour chaque type de miroir étrusque ? Dans le cas des miroirs-boîtes, l'imitation est irréfutable sur le plan technique ; l'influence n'est pas moins évidente dans le style du décor et dans les choix iconographiques, au point qu'elle n'a laissé aucune place sur les produits d'imitation à ces figures mythologiques indigènes que nous font connaître les gravures des miroirs étrusques à manche. Pour ces derniers en revanche, qui, en Étrurie, furent de loin les plus prisés, il s'avère impossible de postuler une origine grecque convaincante. Certes, Grèce et Grande-Grèce ont produit d'autres types que les miroirs à boîtes, à savoir, depuis le début du VIe siècle, des miroirs sur pied, c'est-à-dire supportés par une statuette ou une colonne, et aussi des miroirs à soie ou à manche massif (ces derniers étant les plus anciens). Tous ont le disque rond et la surface réfléchissante souvent un peu convexe. Mais la comparaison doit s'arrêter là. Le décor du miroir grec, de quelque type qu'il soit, touche à peine le disque. Ainsi, pour les miroirs à manche, le décor gravé éventuel se limite au manche et au talon. Les talons peuvent être chargés d'un décor plus ou moins élaboré, gravé, souvent en relief ajouré, ou compliqué de figures généralement ailées qui adoucissent la transition au disque. Les manches massifs, plats et plutôt larges, sont souvent gravés, totalement ou en partie. La tranche peut être ornée de moulures, ou, dans le cas des miroirs sur pied, elle peut porter, autour du disque, des figurines en ronde-bosse, généralement animales. Mais où trouver, dans cette fantaisie décorative, un revers de disque entièrement décoré, par gravure ou relief, à la façon étrusque (17) ? S'il y a décor gravé sur le disque, ce ne sont - très occasionnellement - que des motifs ornementaux entourant la surface de réflexion ; le revers, en général, ne présente au plus qu'un décor géométrique fait, par exemple, de cercles concentriques obtenus au tour. On avancera que la face interne des couvercles de miroirs à boîtes présente parfois un champ gravé. Mais les plus anciennes de ces gravures en tondo sont d'une centaine d'années plus tardives que les premiers miroirs étrusques !
Et les « Préhellènes », au moins dès le IIe millénaire, usaient déjà de miroirs sous des formes pas toujours si éloignées de celles qui nous occupent. Il est certain que les mondes minoen et mycénien ont connu le miroir en bronze, et, par eux, aussi Chypre, Rhodes, etc. Ces miroirs égéens imitaient sans doute ceux des Égyptiens. L'Étrurie est donc bien loin d'avoir inventé le miroir métallique. Que ce soit dans l'Orient méditerranéen, ou bien sûr en Grande-Grèce, il n'est pas difficile de trouver au miroir d'Étrurie des précédents. Mais le miroir étrusque à revers entièrement gravé, où en trouver l'origine première ?
En Égypte ? L'hypothèse a été émise (18). C'est que l'Égypte ancienne a connu, depuis très tôt (19) et à travers les siècles de son histoire, une grande variété de miroirs en métaux ou alliages divers. Habituellement il s'agissait de miroirs à soie, insérée dans un fourreau. Beaucoup de ces miroirs sont plats, mais certains présentent une surface de réflexion convexe. Leur disque pouvait être rond, ou « cordiforme ». Cependant leur forme la plus fréquente est légèrement elliptique : c'est la forme dite « solaire », celle attribuée au soleil quand, au lever ou au coucher, il paraît écrasé sur l'horizon. Le symbolisme religieux du miroir égyptien n'est pas contesté, en effet. Malgré son caractère fonctionnel, le disque de métal brillant est toujours resté, pour l'Égyptien, un symbole du soleil. Pour ce qui est de son décor, on le trouve généralement limité au manche ou support, et au talon éventuel. On connaît cependant dans le monde égyptien, à côté de la grande majorité des miroirs, qui sont à flan lisse, quelques autres d'époque saïte (664-525), très peu nombreux il est vrai, dont le revers est gravé : il est occupé, bien qu'en partie seulement, par une scène de culte figurant précisément une offrande sacrée de miroirs (20). Incite à la comparaison le fait d'une part qu'il semble s'agir des seuls miroirs à manche de l'aire méditerranéenne porteurs d'une composition gravée, qui soient antérieurs aux premiers miroirs étrusques, et d'autre part que sur plus d'un miroir étrusque, d'époque archaïque surtout, le sujet de la gravure de revers se réfère au soleil. La vérification de l'hypothèse ne peut être poussée plus loin. On ne perdra pas de vue non plus que les miroirs égyptiens en question sont des objets votifs.
Quoi qu'il en soit, le miroir à manche dont le revers du disque est entièrement occupé par une composition gravée reste un produit typique de la civilisation et de l'art étrusques. Répétons-le, l'Étrurie n'a certes pas inventé le miroir à décor gravé. Des antécédents existent, même si aucun ne s'impose comme véritable archétype. Des influences ont été reçues de l'extérieur. Mais nulle part ailleurs l'application de cette formule artistique originale n'a connu un développement aussi continu, aussi heureux. L'Étrurie est seule à en avoir saisi et exploité toutes les ressources, à avoir su élever la fabrication d'objets usuels, comme le miroir ou la ciste, au rang de production artistique nationale, en en faisant le champ d'application privilégié de l'art de la gravure qu'elle pratiquait avec bonheur.[Plan]
Les miroirs romains
Des miroirs romains, il n'y a qu'un mot à dire ici. Jusqu'à la fin de la République, ils ne se distinguent pas par une originalité particulière. À l'exception de quelques pièces de luxe en argent, ce sont de simples disques en bronze, d'ailleurs plutôt rares, en tout cas pas toujours bien identifiés, et mal datés, car encore mal étudiés. À partir d'Auguste, le miroir revient au premier plan comme objet de luxe ou de demi-luxe, et dans une grande variété de types, de formes et de grandeurs, de matières, de nouvelles formes naissant de combinaisons d'influences diverses : miroirs en argent, en bronze, ou en verre ; dans un cadre ou dans une boîte ; miroirs sans manche ou à manche séparé et soudé ; miroirs à couvercle ; miroirs rectangulaires ; miroirs à disque lisse, ou décoré de moulures, ou à bord découpé, ou perforé. Cependant, exception faite des pièces en métaux précieux, la production de miroirs en tant qu'expression d'artisanat d'art cède graduellement la place à une production, industrialisée et de grande diffusion, d'objets plus petits, plus minces, meilleur marché. Beaucoup de miroirs en bronze révèlent un pourcentage plus élevé d'étain, ils sont plus blancs. On le constate : rien dans cette production qui poursuive ou reprenne la tradition étrusque du miroir à revers de disque gravé.
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Édition et étude des miroirs étrusques et prénestins
Il n'est pas douteux, dans ces conditions, que l'étruscologue, à quelque niveau qu'il exerce sa discipline - fouille archéologique, histoire de l'art, iconographie, étude des mythes... - a beaucoup à gagner d'une connaissance plus rigoureuse de ces miroirs en bronze si caractéristiques d'Étrurie ou du Latium étrusquisé. Mais il est non moins certain que cette histoire générale du miroir étrusque, qui, en grande partie, doit être écrite encore (21), ne le sera jamais que si elle peut se fonder sur une édition adéquate des sources disponibles (22). Or, aujourd'hui encore, l'unique recueil général de miroirs étrusques et prénestins dont nous disposions est une synthèse monumentale en cinq tomes d'Eduard Gerhard, les Etruskische Spiegel, dont les premières pages sortirent de presse en 1840, il y a un siècle et demi ! Cet ouvrage, l'un des derniers conçus par l'illustre savant allemand, qui n'en vit d'ailleurs pas l'achèvement, était assurément d'une richesse et d'une qualité peu communes en ce temps-là, et c'est ce qui explique sa longévité. Plus de 900 miroirs s'y trouvent édités, dans une distribution thématique, soit l'essentiel des documents connus à l'époque, et l'étude de chacun d'eux, ou presque, est accompagnée d'un dessin, généralement très soigné et souvent d'une grande beauté. Il est pourtant clair que, malgré ses mérites, l'oeuvre de Gerhard, excessivement vieillie, ne saurait satisfaire encore aux exigences scientifiques d'aujourd'hui (23). En aucun cas, en effet, on y peut trouver des critères vraiment objectifs d'appréciation stylistique ou de datation. Les problèmes formels sont ignorés systématiquement. Aucune attention n'est prêtée à la technique de la gravure, pas plus qu'à la typologie du miroir. L'illustration est presque toujours limitée au disque, si bien qu'habituellement nous échappent des éléments d'identification essentiels, comme les ornements moulés ou gravés du manche ou de la tranche. Les motifs décoratifs du bandeau qui encadre le médaillon de revers, ou du talon, sont à peine décrits ; ceux dont l'artisan, parfois, a paré aussi le pourtour ou le bas de la surface de réflexion, ou la face principale du talon, sont totalement passés sous silence. On ne dit rien des dimensions, du poids de l'objet, de son état de conservation, de la patine du métal. Même quand exceptionnellement est connue la provenance de la pièce, on ne nous informe pas des circonstances de sa découverte, de son contexte archéologique (24). Autant de données fondamentales qui, dans les Etruskische Spiegel, sont sacrifiées à de filandreux développements sur le mythe et la religion, qui sont totalement dépassés et devenus absolument inutilisables, ou à des interprétations iconographiques d'autant moins convaincantes qu'elles recherchent dans les scènes figurées un symbolisme qui ne s'y trouve pas (25). En outre, seuls les miroirs à revers figuré ont été retenus. Quant à l'illustration, pour brillante qu'elle soit, elle a dû se passer presque entièrement encore de la photographie et, résultant de gravures sur cuivre et de lithographies, elle consiste donc essentiellement en dessins au trait, généralement d'excellente apparence, certes, mais qui souvent pèchent plus ou moins gravement par infidélité, car, sauf dans le cas des miroirs de la collection personnelle de l'auteur - importante, il est vrai -, ces dessins n'ont pas été exécutés directement sur l'original, mais par calque d'une photo, sinon d'un autre dessin. L'infidélité touche particulièrement la reproduction du trait, les caractères de la gravure, le style de la composition, la transcription d'éventuelles inscriptions. Ajoutons enfin qu'en tant d'années la liste du matériel recensé s'est allongée notablement : le nombre de miroirs étrusques en nos diverses collections est évalué aujourd'hui à 3000 environ.
On comprend dès lors qu'il ait paru indispensable, sinon urgent, de refaire a fundamentis le grand recueil de Gerhard, et sur des bases scientifiques qui ne seraient pas discutables. Ce n'est pas qu'après les Etruskische Spiegel le sujet ait été délaissé. Le « monde du miroir étrusque », comme l'a appelé Beazley, a continué de susciter des recherches : édition de documents nouveaux, réexamen de problèmes exégétiques ou chronologiques, articles de synthèse (26), monographies (27), un « guide » même (28), ou encore plusieurs inventaires ou catalogues de musées (29), parmi lesquels notre propre catalogue de la grande collection du Cinquantenaire (30). Dans tout ceci cependant on ne trouve encore que des tentatives plus ou moins timides, et isolées, de renouvellement de nos instruments de travail, mais pas encore l'entreprise, attendue, concertée, d'édition d'un grand corpus des miroirs étrusques, d'un recueil général et complet, qui ne se limiterait pas qu'aux documents figurés, et qui remplacerait définitivement l'oeuvre dépassée de Gerhard.[Plan]
Le Corpus Speculorum Etruscorum
Cette situation m'a conduit à présenter, dès 1969, quelques Suggestions pour un « Corpus » des miroirs étrusques et prénestins (31), puis à inscrire, en 1971, ce projet de corpus au nombre des activités du Centre de Recherches étrusques et italiques, dont j'avais la responsabilité à l'Université de Louvain. En juin 1971, j'entrepris l'étude, que je viens de mentionner, de l'importante série de miroirs (plus de 70 pièces) que conservent, à Bruxelles, les Musées Royaux d'Art et d'Histoire. D'emblée, cet ouvrage fut conçu sinon déjà comme fascicule du Corpus Speculorum Etruscorum projeté, du moins comme un catalogue qui pût servir de base, par son objet, sa structure, son illustration, à l'établissement des normes de rédaction et d'édition du futur corpus. Par son objet et sa structure déjà, car le groupement thématique adopté par Gerhard y était abandonné, comme il va de soi. En effet, du moment qu'il s'agissait non de refaire déjà une synthèse à la manière des Etruskische Spiegel, mais de procéder préalablement à un recensement complet de tous les miroirs actuellement dispersés de par le monde, il fallait opter pour un classement topographique, qui est le meilleur garant d'une heuristique sans lacune, et qui met à la disposition du chercheur des documents bruts, sans choix herméneutiques préalables. On voyait donc le futur corpus articulé suivant les lieux actuels de conservation, l'ouvrage paraissant en fascicules successifs, par pays, et dans chaque pays, par musées ou collections, comme l'exemple en est fourni par d'autres corpus. D'autre part, un corpus n'étant pleinement utile que si l'inventaire qu'il dresse est complet, nous voulions que dans le catalogue du musée du Cinquantenaire, comme ce devrait être le cas dans chacun des suivants, fussent inclus tous les miroirs ou fragments de miroirs étrusques conservés, de quelque type que ce soit, sans exclure les miroirs dépourvus de composition figurée au revers, mais dont la forme même, voire divers ornements peuvent présenter de l'intérêt, ni les miroirs à boîtes, de technique autre mais produits à la même époque et dans le même milieu, ni encore la production étrusco-latine des ateliers de Préneste, différente mais si apparentée.
Dans ce type d'oeuvre, l'importance de l'image est capitale. Il fallait donc que les futurs tomes du corpus fussent illustrés par des photographies nombreuses, à l'échelle 1/1, photos de chaque pièce étudiée, non seulement de son revers gravé, mais aussi de la face principale, c'est-à-dire de son côté réfléchissant ; si nécessaire, seraient photographiés également le profil du manche, les ornements de la tranche, d'autres détails. D'autre part, on sait bien que pour des documents de cette nature souvent la photo ne suffit pas. La corrosion du métal, l'usure de la gravure rendent fréquemment irréalisable une photo parfaitement lisible, et les directions de musées ne sont pas toujours prêtes à procéder à une restauration par nettoyage de leur collection. Aussi avons-nous estimé qu'il convenait de présenter chaque fois, à côté de la photo, un dessin au trait : le dessin précise la photo, la photo corrige la part de subjectivité que pourrait comporter le dessin. Et il ne saurait être question ici de réutiliser les dessins des Etruskische Spiegel, justement condamnés pour infidélité. Il faut des dessins neufs, exécutés au contact direct de l'original, avec un maximum d'objectivité, sous le contrôle scrupuleux de l'archéologue, sinon par lui-même. On songera même, dans certains cas de lecture exceptionnellement difficile, aux ressources possibles de la radiographie.
Naturellement, c'est la description écrite, minutieuse et objective, basée sur une analyse directe de l'objet, qui toujours doit conserver la primauté sur les descriptions graphique, photographique ou éventuellement radiographique. C'est elle qui chaque fois suppléera aux inévitables insuffisances de l'illustration. N'est-elle pas seule à pouvoir noter les caractères techniques de la gravure ou des reliefs, à pouvoir apprécier exactement la qualité de l'exécution ? Elle se voudra très attentive aussi aux divers motifs qui composent l'ornementation, à toutes les formules dont use le graphisme, à la manière dont sont recherchés les effets chromatiques, le modelé, dont est obtenue la perspective..., avec l'espoir que l'enregistrement de tous ces motivi firma selon Morelli mènera peut-être à l'individualisation d'ateliers, voire de personnalités artistiques.
Le rôle d'un corpus étant essentiellement analytique, la « fiche » de chaque document enregistrera toutes les données pouvant contribuer à son identification, tout ce qui a pu être retenu de sa provenance et peut aider à sa datation, à la localisation d'un centre de production. Si un prélèvement de matière et une analyse chimique ont pu être faits, elle signalera en outre les constituants de l'alliage et communiquera leur dosage (32).
Bien sûr, le temps est révolu où l'on pouvait encore croire un programme aussi ambitieux à la mesure d'un chercheur isolé. La structure imaginée implique d'ailleurs que l'entreprise soit réalisée par coopération internationale. Aussi, devant l'Assemblée générale extraordinaire de l'Istituto di Studi Etruschi ed Italici, tenue à Florence les 31 mars et 1er avril 1973, j'ai défendu ce projet de corpus des miroirs et suggéré les lignes maîtresses du programme à suivre, faisant appel à cette coordination des efforts. Le projet fut retenu, et l'Institut accepta de promouvoir et patronner la nouvelle édition (33). Presque aussitôt fut mis en place un Comité Promoteur restreint, qui tint une première réunion à Florence, en 1974 (34), une seconde à Grosseto, l'année suivante (35), et étudia les problèmes posés par l'entreprise, décidant des contacts internationaux à nouer et des premières mesures à prendre en vue d'une organisation rationnelle du travail. Ce comité provisoire a cédé la place à un Comité Scientifique International, dont, depuis, les rapports d'activité sont régulièrement publiés dans l'annuaire Studi Etruschi. À Padoue en 1976 et Londres en 1978, ce Comité International a discuté un projet de normes de rédaction et d'édition élaboré par mes soins à la demande du Comité Promoteur (36). Enfin, les premières livraisons du nouveau Corpus Speculorum Etruscorum sont sorties de presse en 1981 : il s'agissait de deux fascicules italiens consacrés au Museo Civico de Bologne.
Depuis, l'entreprise, largement internationalisée, va son chemin à cadence relativement régulière (37). À ce jour, plus de vingt fascicules ont paru, éditant ou rééditant plus de 800 miroirs ou fragments ; plusieurs autres volumes sont sous presse ou en phase finale de rédaction (38).[Plan]
Notes
(1) Sur le symbolisme « catoptrique », on lira notamment les études récentes d'E.M. Jónsson, Le miroir. Naissance d'un genre littéraire, Paris, 1995, et de F. Frontisi-Ducroux, L'oeil et le miroir, dans F. Frontisi-Ducroux et J.-P. Vernant, Dans l'oeil du miroir, Paris, 1997, pp. 51-250.
(2) R. Bloch, L'art et la civilisation étrusques, Paris, 1955, p. 128.
(3) N. H., XXXVI, 66, 193. Cfr R. J. Forbes, Studies in ancient Technology, V, 2e éd., Leyde, 1966, pp. 165 svv.
(4) Forbes, op. cit., p. 187.
(5) Inv. 74831.
(6) U. Fischer-Graf, Spiegelwerkstätten in Vulci, Berlin, 1980, p. 2.
(7) Inv. 1288. Voir D. Rebuffat-Emmanuel, Le miroir étrusque d'après la collection du Cabinet des Médailles, Rome, 1973, pl. 6.
(8) C.Panseri-M.Leoni, Sulla tecnica di fabbricazione degli specchi di bronzo etruschi dans StEtr, XXV (1957), pp. 309 sv. et 318.
(9) Cfr J.G. Szilágyi, art. cit. , p. 171, à propos notamment de deux miroirs de Berlin (fig. 13-14).
(10) G.A. Mansuelli, Studi sugli specchi etruschi. IV. La mitologia figurata negli specchi etruschi dans StEtr, XX, 1948-49, pp. 59-60 : Non esiste in Etruria altra specie di monumenti figurati, fino all'Ellenismo, che sia così ricca di soggetti mitologici. Anche in questo i prodotti dell'arte incisoria corrispondono a quello che in Grecia significò la ceramica... L'interesse maggiore degli specchi incisi è quello di offrire una documentazione continuata ed omogenea dall'alto arcaismo fin quasi all'età romana. Cfr E. Richardson, Etruscan Votive Bronzes, Mayence, 1983, p. 336 : ... we would be completely at a loss to visualize the gods with Etruscan names if we did not have a great corpus of Etruscan engraved mirrors dating from the fourth and third centuries B.C.
(11) G.A. Mansuelli dans EAA, VII (1966), p. 433, s. v. Specchio.
(12) Staatl. Mus. (Charlottenburg), inv. Fr 146 (de Pérouse, fin IVe s. av. J.-C.).
(13) Inv. 1287 (de Vulci, vers 320).
(14) Les cistes sont des boîtes en bronze destinées principalement à contenir des objets de toilette ou des accessoires de couture. Elles sont généralement cylindriques et décorées par gravure suivant la même technique que les miroirs.
(15) H. Hencken, Tarquinia and Etruscan Origins, Londres, 1968, pp. 45, 47, 117, pl. 59.
(16) W. Züchner, Griechische Klappspiegel (JdI, Ergänzungsheft XIV), Berlin, 1942, p. 148.
(17) J.D. Beazley, The world of the Etruscan mirror dans JHS, LXIX (1949), p. 2 : No Greek mirrors of this sort have come down to us.
(18) I. Mayer-Prokop, Die gravierten etruskischen Griffspiegel archaischen Stils (RM, Ergänzungsheft XIII), Heidelberg, 1967, pp. 119-120 ; D.Rebuffat-Emmanuel, op. cit., pp. 370-374.
(19) N. Thomson de Grummond ed., A Guide to Etruscan Mirrors, Tallahassee, 1982, p. 25 : le plus ancien miroir égyptien complet que nous connaissions daterait-il déjà de la IIe dynastie ?
(20) Ibidem, pp. 25-29.
(21) R. Bloch, op. cit., p. 132.
(22) J.-R. Jannot, Les bronzes étrusques : à propos de quelques travaux récents dans JRA, 6, 1993, p. 278 : « Tout progrès dans la connaissance des bronzes étrusques repose sur la publication accessible et rigoureuse du plus grand nombre possible d'objets. La... catégorie de travaux, celle des catalogues... se trouve être la condition de tous les autres ».
(23) Cfr déjà R. Lambrechts, Un miroir étrusque inédit et le mythe de Philoctète dans Bulletin de l'Institut Historique Belge de Rome, XXXIX (1968), pp. 11-12.
(24) Cfr J.D. Beazley, op. cit., p. 1.
(25) On s'amusera à relire le jugement foudroyant de C. Friederichs, Berlins antike Bildwerke. II. Geräthe und Broncen im Alten Museum. Kleinere Kunst und Industrie im Alterthum, Düsseldorf, 1871, p. 26, n. 1 : Ich habe geschwankt, ob ich in den hier beginnenden Erklärungen etruscischer Spiegel auf die Deutungen Gerhard's in seinem bekannten Werk eingehen sollte oder nicht. Was mich bestimmt hat, wenigstens kurz darauf einzugehen, ist der Umstand, dass so Viele über Gerhard urtheilen und so Wenige ihn kennen. Selbst Otto Jahn hat in seinem Buch über ihn, in welchem es überhaupt an unrichtigen Darstellungen nicht fehlt, seine wissenschaftliche Thätigkeit in einer Weise geschildert, dass gerade das Charakteristische nicht erwähnt wird. Dies Charakteristische liegt, so weit es seine Erklärungen der Spiegel betrifft, darin, dass er die Spiegelzeichnungen nicht als das ansah und behandelte, was sie sind, als Fabrikwaare, sondern als Producte tiefer, zum Theil mystischer Weisheit, die eigenthümlicher Weise sich gerade in den Spiegeln, die am rohesten und flüchtigsten gezeichnet sind, aufs Höchste steigert. Es ist derselbe für den gesunden Menschenverstand so schwer begreifliche Irrthum, der ihm auch das Verständniss der Vasen unmöglich machte. Dazu kam aber weiter, dass Gerhard ausser Stande war, die Ausdrucksmittel der Kunst, Formen, Stellungen etc. zu verstehen. Er stand den Kunstwerken gerade so gegenüber, wie ein Philolog ohne Kenntniss der Sprache, selbst der ersten Elemente ihrer Grammatik, einem Schriftsteller gegenübersteht. Diese beiden Umstände lassen es begreiflich erscheinen, dass der Irrthum in Gerhard's Schriften nicht etwas Vereinzeltes, sondern etwas Perpetuirliches, Habituelles ist, was seine Schriften von Anfang bis zu Ende durchzieht. In dem Text zu den Spiegeln ist dies in dem Grade der Fall, dass nur sehr wenige Erklärungen darin stehen mögen, die nicht, sei es im Ganzen oder im Detail, Irrthümer enthielten. Es ist daher Pflicht, alle noch Lernenden und Unselbständigen vor Gerhard's Erklärungen zu warnen.
(26) Dont le modèle restera J.D. Beazley, op. cit., pp. 1-17. Nous ne pourrions cependant oublier G.A. Mansuelli, Gli specchi figurati etruschi dans StEtr, XIX, 1946-47, pp. 9-137 ; Studi sugli specchi etruschi. IV. La mitologia figurata negli specchi etruschi, ibid., XX, 1948-49, pp. 59-98 ; et EAA, VII (1966), pp. 433-438, s.v. Specchio. Voir aussi, quoique plus rapide et vulgarisateur, R. Bloch, op. cit., pp. 127-152.
(27) Notamment G. Matthies, Die praenestinischen Spiegel. Ein Beitrag zur italischen Kunst- und Kulturgeschichte, Strasbourg, 1912 ; I. Mayer-Prokop, op. cit. ; G. Pfister-Roesgen, Die etruskischen Spiegel des 5. Jhs. v. Chr., Berne-Francfort, 1975 ; U. Fischer-Graf, op. cit. ; R. Adam, Recherches sur les miroirs prénestins, Paris, 1980.
(28) A Guide to Etruscan Mirrors cit. : ouvrage collectif, donc forcément de valeur inégale, mais dont l'apport global est précieux, et auquel nous-même sommes ici redevable d'utiles informations.
(29)Voir surtout G.A. Mansuelli, Gli specchi etruschi del Museo Civico di Bologna dans StEtr, XV, 1941, pp. 307-316, et Materiali per un supplemento al « Corpus » degli specchi etruschi figurati, ibid., XVI, 1942, pp. 531-551, et XVII, 1943, pp. 487-521, ainsi que D. Rebuffat-Emmanuel, op. cit.
(30) R. Lambrechts, Les miroirs étrusques et prénestins des Musées Royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles, Bruxelles, 1978.
(31) Dans Hommages à Marcel Renard. III, Bruxelles, 1969 (= Coll. Latomus, 103), pp. 328-332.
(32) Du point de vue historique et artistique, il pourra être intéressant de confronter les résultats de ces examens de laboratoire avec les lieux de découverte des objets - quand on a la chance de pouvoir les connaître - et avec les groupements déjà suggérés par les analogies formelles et stylistiques. Ces analyses devraient en tout cas nous mieux armer dans le dépistage de faux éventuels.
(33) Voir StEtr, XLI, 1973, p. 426.
(34) Cfr StEtr, XLII, 1974, p. 450 ; et XLIII, 1975, pp. 320-323.
(35) Cfr StEtr, XLIV, 1976, p. 328.
(36) Cfr StEtr, XLIV, 1976, p. 328 ; XLV, 1977, pp. 365-375 ; XLVII, 1979, pp. 403-411. On trouvera la formulation définitive de ces normes (amendée et complétée par le Comité Scientifique International) dans l'opuscule Corpus Speculorum Etruscorum. Recommandations aux auteurs, Rome, 1980.
(37) Lire F.R. Serra Ridgway, Etruscan Mirrors in the Louvre, and the Corpus dans JRA, 5, 1992, pp. 281-282.
(38) Sont sortis de presse à ce jour dans le Corpus Speculorum Etruscorum : Italia 1. Bologna-Museo Civico I et II (G. Sassatelli, 1981) ; Italia 2. Perugia-Museo Archeologico Nazionale I (A. Frascarelli, 1995) ; Italia 3. Volterra-Museo Guarnacci I (G. Cateni, 1995) ; Italia 4. Orvieto-« Museo Claudio Faina » (M. S. Pacetti, 1998) ; Italia 5. Viterbo - Museo Archeologico Nazionale (G. Barbieri, 1999) ; Denmark 1 (H. Salskov Roberts, 1981) ; The Netherlands (L. Bouke van der Meer, 1983) ; Deutsche Demokratische Republik I et II (G. Heres, 1986 et 1987) ; Belgique 1 (R. Lambrechts, 1987) ; U.S.A. 1. Midwestern Collections, et 2. Boston and Cambridge (R. D. De Puma, 1987 et 1993), U.S.A. 3 : New York. The Metropolitan Museum of Art (L. Bonfante, 1997) ; U.S.A. 4 : Northeastern Collections, (R. D. De Puma, 2005) ; Bundesrepublik Deutschland 1 (U. Höckmann, 1987) ; Bundesrepublik Deutschland 2 (U. Liepmann, 1988) ; Bundesrepublik Deutschland 3 (B. v. Freytag gen. Löringhoff, 1990) ; Bundesrepublik Deutschland 4 (G. Zimmer, 1995) ; Schweiz 1 (I. Jucker, 2001) ; France 1. Paris-Musée du Louvre I, II et III (D. Emmanuel-Rebuffat, 1988, 1991, et 1997) ; Hongrie-Tchécoslovaquie (J.G. Szilágyi, J. Bouzek, 1992) ; Great Britain 1. The British Museum I (J. Swaddling, 2001) ; Great Britain 2. Cambridge (R.V. Nicholls, 1993) ; Stato della Città del Vaticano 1 (R. Lambrechts, 1995).
[Dernière intervention ponctuelle : 15 mars 2008]
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- Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 2 - juillet-décembre 2001