FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 2 - juillet-décembre 2001


Aux sources du Bouddhisme

par

Daniel Donnet*

Professeur à l'Université de Louvain


[ Repris de Humanités chrétiennes, t. 22, 1978-1979, pp. 165-179]

 

Plan


 

Si l'on devait résumer en quelques pages l'essence du christianisme, il faudrait distinguer d'entrée de jeu le message du Christ en soi, et l'édifice monumental des théories philosophiques et théologiques qu'au fil des siècles, la chrétienté a développées. L'édifice est énorme, mais fort bref le message. Ainsi en va-t-il du bouddhisme, qui lui aussi connut ses philosophes, ses docteurs, ses penseurs, qui a vu fleurir maints traités et nourri pas mal de doctrines, mais dont l'essentiel se résume en un bref message, fait des quatre vérités prêchées par le Bouddha. Mais sans doute convient-il tout d'abord de brosser à grands traits la vie du personnage. [*]

[Plan]

La vie du Bouddha

La vie du Bouddha chevauche les 6e et 5e siècles d'avant l'ère chrétienne : elle se situe grosso modo entre 560 et 480 [1]. Siddhârtha Gautama, pour l'appeler par son nom, naquit au Népal, près de Kapilavastu, dans une famille appartenant à la caste des kshatriya [2] : disons une famille princière, mais dans le cadre modeste d'une petite principauté de l'Himalaya.

Comme il est fréquent dans l’histoire des religions, la légende s'empara de sa biographie pour en sublimer les moindres traits : c'est à l'abri de toute relation sexuelle, dans une chaste retraite, que sa mère l'a conçu ; l'accouchement lui-même tient du miracle ; et dès son jeune âge, Siddhârtha manifeste par des prodiges sa destinée extraordinaire.

Son père néanmoins, désireux de le maintenir dans les bornes classiques d'une vie sans problèmes, l'entoure de luxe et de confort. À l'âge de seize ans, le prince Siddhârtha contracte mariage ; il en aura un fils, Rahula, qui sera plus tard un de ses adeptes. Mais le bonheur paisible et les joies familiales ne suffisent pas à retenir Siddhârtha : un jour, il décide de quitter sa famille, ses biens, ses richesses, pour mener une vie d'ascète plus propice à la découverte de la vérité dont le souci le tourmente. Et c'est aux environs de Bénarès qu'au cours d'une nuit mémorable, il accède à l'éveil suprême, à la parfaite illumination : d'où son surnom de buddha, participe passé d'un verbe sanskrit [3], qui signifie : éveillé, éclairé ; le bouddha Cakyamuni [4], dit-on parfois, car l'éveillé, originaire du clan des Çakya, est devenu ascète (muni).

Le contenu de cet éveil, de cette illumination, allait faire l'objet d'une prédication à laquelle le Bouddha consacra toute sa vie, dans une aire géographique limitée à la vallée du Gange. Cette prédication eut pour premier effet d'attirer des recrues, des vocations pour son ordre de moines mendiants, tels que l’Inde en connut un grand nombre, puis, par un effet d'irradiation, de donner l'élan à une religion qui, de proche en proche, finirait par gagner tout l'extrême-orient : Ceylan, Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Laos, Vietnam, Indonésie (jusqu'au XVe s., avant la conversion à l'Islam), Chine, Corée, Japon, Tibet, Mongolie... Ainsi le bouddhisme devenait une des trois grandes religions universelles, pouvant rivaliser avec le christianisme et l'islam.

Mon propos est donc de mettre en lumière les bases philosophiques essentielles du bouddhisme. Mais il me faut au préalable parler brièvement de la religion spécifiquement indienne, qu'on appelle le brahmanisme ou l'hindouisme [5]. Car sur certains points, le Bouddha s'inscrit dans le droit fil de la pensée traditionnelle, et l'on ne peut comprendre son message qu’en se référant à celle-ci ; sur d'autres points au contraire, il accuse de telles divergences, qu'il fut jugé comme hérétique par les tenants de l'hindouisme.

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Les préalables brahmaniques

L'hindouisme est une religion qui a ses livres sacrés - sa bible, en quelque sorte - ; l'ensemble de ces livres constitue le Véda, tenu pour inspiré [6] : c'est la révélation.

Cette religion du Véda a recours aux sacrifices, aux rites, destinés à honorer tantôt des dieux particuliers, tantôt le Dieu suprême ; elle a ses gardiens attitrés, ses prêtres : les brahmanes ; elle admet et cautionne l'organisation de la société en castes, réalisée sous l'égide des brahmanes.

De tout cela, pourrait-on dire, le Bouddha fit table rase : son message s'adresse à l'homme en tant que tel, sans distinction ethnique ni sociale. Le salut qu'il propose, l'homme doit le réaliser par ses propres forces, sans rien espérer des rites, des sacrifices, des livres sacrés ; c'est une discipline ascétique qui ne doit rien à l'intervention d'un clergé ni d'un Dieu. Sans vouloir trop anticiper, on voit déjà qu'il s'agit, au départ du moins, d'une religion foncièrement « acléricale », libre-exaministe dans son principe ; c'est même dans un sens - et nous verrons plus loin dans quel sens - une religion athée qui n'attend rien des dieux ni du Dieu suprême que met à l'honneur l'hindouisme. On ne pourrait donc mieux s'inscrire en faux contre la tradition religieuse de son pays.

Ajoutons que le Bouddha rejette également la théorie de l'âme - ou du « soi même » - qu'on professait autour de lui dans les sphères de pensée brahmaniques [7]. Cette théorie était la suivante : l'homme doit se rendre compte que le véritable moi n'est pas la personne individualisée qui se manifeste aux autres - le moi phénoménal et social, dirait-on en Occident - mais qu'il est à rechercher dans les zones les plus profondes de l'être humain, au-delà des phénomènes de conscience, dans les caves ténébreuses du subconscient : c'est là que passe en nous l'Absolu Universel, et le moi véritable n'est que le passage en nous de l’Absolu  : il n'y a donc pas de différenciation entre l'âme individuelle et Dieu, tout cela ne fait qu'un et nous devons prendre conscience de cette identité foncière pour fondre notre personne dans l'Absolu Universel : c'est ce qu'on appelle la théorie de la non-dualité (sanskrit : advaita).

Le Bouddha tourne résolument le dos à cette doctrine ; non certes qu'il veuille valoriser le moi et l'ériger en entité autonome par rapport à l’Absolu, mais, bien au contraire, par la négation pure et simple de ces deux pôles « moi - Absolu », par le rejet du moi et le rejet de Dieu. Mais n'anticipons pas ; nous reviendrons sur ce point dans l'exposé des Quatre Vérités Saintes.

Il est toutefois un dogme millénaire, profondément ancré dans le coeur des Indiens, auquel le Bouddha adhère sans réserve : c'est la théorie de la transmigration. Une telle croyance nous est étrangère car la pensée occidentale l'a bannie de son orthodoxie. Mais faut-il rappeler que l'idée de la réincarnation recueillait les faveurs des groupes orphiques et pythagoriciens, et, sans doute sous leur influence, d'Empédocle d'Agrigente, et de Platon ? C'est évidemment l'influence chrétienne qui a contribué à la proscrire [8] et une des raisons de cette attitude est à trouver dans la difficulté d'accorder cette théorie avec les conceptions personnalistes ; nous soulignons le fait car, au risque de débiter des truismes, nous aurons l’occasion de montrer à maintes reprises que les contrastes qui s'accusent entre les philosophies indiennes et les nôtres s'expliquent en grande partie par la problématique de la personne. Mais revenons à l'Inde pour creuser davantage le contenu spécifique que ses penseurs ont donné au dogme de la transmigration. C'est, dans la pensée indienne, un mécanisme inexorable qui soumet à sa loi tous les êtres vivants ; l'être humain, entre autres, mais avec lui les animaux et les dieux, est condamné a errer d'existence en existence pendant des millénaires, emporté par le flot incessant de la vie transmigrante ; cette perspective est pour l'indien un véritable cauchemar : il n'y a donc aucune commune mesure avec l'esquisse de théorie que l'on trouve, par exemple, chez Platon, dans le mythe d'Er (Républ., X, 617d - 621d), où la réincarnation, objet d'un choix libre et conscient, peut offrir à des âmes privilégiées une plus grande possibilité de bonheur.

Les réincarnations ne sont pas laissées au hasard ; elles sont régies, en durée et en qualité, par la loi du karma, second dogme de l'hindouisme qui obtient l'adhésion du Bouddha. Le karma est la force absolue qui régit le destin des êtres ; mais ce concept sanskrit qui signifie acte englobe également tout l'agir humain, bon ou mauvais ; il concerne aussi le vouloir-vivre, le vouloir-être, bref l'ensemble des dispositions, des tendances, des penchants à ce niveau, le karma est considéré comme l'aliment de la transmigration : plus l'être humain possède de karma au moment de la mort, plus il fournit de « carburant » à la transmigration, plus il se condamne à errer d'existence en existence jusqu'à épuisement du « carburant ». La qualité du karma, déterminée par notre conduite, influence également la qualité de la réincarnation.

Notre karma pourrait bien être divisé en deux catégories : celui dont nous héritons à la naissance parce qu'il a été accumulé dans les existences antérieures : ce karma est un dépôt qui nous détermine sans que nous en soyons responsables : c'est en quelque sorte une théorie de l'hérédité branchée sur le circuit religieux ; cette théorie a, dans la pensée indienne, des racines aussi fermes et profondes qu'en a, dans la tradition judéo-chrétienne, la doctrine, à certains égards analogue, du péché originel. Il y a, à côté de cela, le karma que, par notre conduite, nous accumulons au cours de l'existence présente.

On entrevoit dès maintenant que, pour un Indien de souche authentique, le but de toute religion sera de le débarrasser au mieux du poids du karma qui influe, dès la naissance, sur son destin, et de lui montrer la méthode à suivre pour n'en point accumuler durant cette vie. Échapper à la transmigration, à la roue infernale des renaissances : tel est donc le but de la religion pour un Indien. Et si l'on aimait les paradoxes faciles, on pourrait dire que l'occidental cherche dans la religion un moyen de vaincre la mort et de lui survivre, tandis que l'Indien, hindouiste ou bouddhiste, y voit une méthode pour échapper à la vie.

Tel est le contexte philosophique dans lequel le Bouddha va inscrire son message de salut.

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Les Quatre Vérités Saintes

Comme nous l'avons dit au début de notre exposé, ce message est coulé en quatre vérités, dites Les Quatre Vérités Saintes : vérité sur la douleur, vérité sur l'origine de la douleur, vérité sur la suppression de la douleur, vérité sur le chemin menant à la délivrance.

Première vérité : tout est douleur

La première des vérités saintes pose en thèse l'universalité de la douleur : la naissance est douleur, de même que la vieillesse et la mort, de même encore que la maladie, la rencontre de ce qu'on n'aime pas, la séparation d'avec ce que l'on aime, l'insatisfaction des désirs. Douleur également que les « cinq agrégats d'attachement » que nous appelons « personne » et qui, on s'en doute, vont avoir droit, dans notre exposé, à quelque commentaire philosophique.

Résumer la première vérité est donc chose aisée : Tout est douleur. Mais quand on a dit cela, on n'a pas nécessairement ressenti la portée de cette vérité dans le contexte bouddhique. Faisons dès lors l'effort de percer la surface des mots pour atteindre le tuf philosophique dans lequel ils prennent racine.

Pour le Bouddha, la douleur n'est pas seulement provoquée par la souffrance physique, les peines de cœur ou les déceptions mentales : elle s'identifie en profondeur avec la nature même du monde. Toutes les choses, toutes les manifestations psycho-physiques de l'existence sont, par essence, douloureuses car elles sont formées de la rencontre transitoire d'éléments qui sont tôt ou tard voués à la dislocation ; il n'y a rien, dans l'existence, qui soit stable et permanent, il n’y a pas de « self », pas d'entité substantielle ; il n'y a que des conglomérats d'éléments multiples qui se rejoignent pour se séparer par après : cette instabilité d'éléments rassemblés pour bientôt se disjoindre fonde le caractère profondément douloureux de l'existence : la vie est un océan d'impermanence, clament les bouddhistes. « Tout est douleur » résume en quelque sorte l'ontologie du bouddhisme, si l'on peut user de ce terme pour qualifier l'affirmation de l'impermanence universelle et la négation de toute substance.

L'être humain lui-même est inclus dans cette définition : car si l'on ne trouve d'entité substantielle dans aucune chose, on ne peut davantage reconnaître dans l’être humain la présence d'un moi véritable et permanent : nous ne sommes que la rencontre transitoire des cinq agrégats que nous venons d'évoquer: matière, sensation, volition, notion, connaissance [9].

C’est une illusion de croire qu'il existe un élément stable, fédérateur de ces agrégats, un élément qui en puisse revendiquer la propriété et assurer l'unité. On mesure immédiatement qu'un gouffre se creuse par cette affirmation entre la pensée bouddhique et la pensée occidentale centrée tout entière sur la notion de personne, sur la recherche de l'ego et sur sa valorisation.

Tout est, dans l'existence, instable, transitoire, impermanent ; cette affirmation vise, entre autres - nous venons de le dire - l'être humain ; mais elle s'applique aussi à tout ce qu'on pourrait appeler l’Être Absolu : s'il n'existe aucune entité substantielle, il ne peut exister de personne divine : le Bouddha est donc athée. Mais nous réserverons à ce thème un point particulier de notre exposé car ce mot, comme beaucoup d’autres du reste, n'a pas pour le Bouddha la résonance qu'il a pour nous.

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Deuxième vérité : l'origine de la douleur

L'origine de la douleur, qui se confond avec l'origine de l'existence puisque tout est douleur, fait donc l'objet de la deuxième vérité. C'est dans un certain sens, avec la troisième vérité qui lui fait contrepoids, la phénoménologie du bouddhisme. On y reconnaît des traces de la mentalité indienne traditionnelle, mais la formulation bouddhique, tributaire de la négation du moi, a pris un tour original.

Nous pourrions résumer comme suit le contenu philosophique de cette vérité : prenant par ignorance le moi pour une réalité véritable, je m'attache à l'existence, je ressens une « soif », j'éprouve un vouloir-être : cet « élan vital » m'amène à agir, donc à accumuler du karma, et les formations karmiques me retiennent dans la transmigration car elles alimentent les renaissances. Même le désir du néant, du fait qu'il est soif, entraîne renaissance.

Malgré l'absence d'un moi véritable qui en serait l'élément fédérateur et permanent, la ronde des existences ne tourne pas au hasard ; elle n'est pas livrée au chaos : elle obéit à un déterminisme fondé sur la rétribution automatique des actes, et illustré par la théorie dite des douze causes, ou encore des origines interdépendantes, ou encore de la production en dépendance ou conditionnée.

Cette théorie, qui est une pièce fondamentale de la doctrine bouddhique, analyse le mécanisme qui lie inéluctablement le désir à l'acte (karma), et l'acte à la vie, laquelle est, répétons-le, douloureuse par nature. C'est une théorie fouillée et complexe qu'il n'est pas facile de résumer en quelques lignes. Il est toutefois indispensable de s'y attarder quelque peu.

Et tout d'abord, pour ouvrir une parenthèse : nous devons souligner, en effet, que s'il s'agit bien d’illustrer un enchaînement de causes et d'effets, il n'y a toutefois pas matière à comparaison avec la théorie des causes chère à la philosophie grecque, tout au long de son histoire : les Grecs, qu'il s'agisse des physiciens ioniens à la recherche de l'archê, d'Aristote avec sa catégorie des causes premières, ou d'autres encore, les Grecs donc s'inquiétaient d'identifier la réalité ultime explicative de la diversité régnant dans le monde du devenir. Telle n'est pas l'optique du bouddha, qui se détourne résolument de la recherche de la cause ou des causes premières : celles-ci, de son point de vue, se perdent si loin dans la nuit des temps qu'il est vain de s'interroger à leur sujet.

On représente habituellement cette théorie des causes par un triptyque axé sur la vie antérieure, la vie présente et la vie future, ces tranches de vie étant, bien entendu, une découpe purement théorique dans l'infinité des vies que comprend la transmigration. 

 

Vie précédente

n° 1  ignorance                             

n° 2  formations karmiques       

(= passion)

(= acte)

Processus d’action

 

 

 

Vie actuelle

 

n° 3   Conscience-connaissance

n° 4   Mentalité-corporéité
           
(ou : nom et forme)

 

n° 5   Six organes des sens            

n° 6   Contact

n° 7   Sensation

 

 

 

(fruit de rétribution)

 

 

Processus

de

renaissance

n° 8   Soif (désir)

n° 9   Attachement appropriation

n° 10  Karma de l’existence

 

(= passion)

 (= acte)

 

Processus d’action

 

 

Vie future

n° 11 Renaissance

n° 12  Vieillesse-mort

(= fruit de

rétribution)

Processus de renaissance

Avant d'aborder le commentaire de ce tableau, revenons quelque peu en arrière pour faciliter l'intelligence des numéros 3 à 5. Nous avons vu que l'analyse bouddhique « désagrégeait » la personne en cinq éléments : conscience-connaissance, notion, sensation, volition, matière ; c'est sur cette base qu'au plan technique, pourrait-on dire, les bouddhistes envisagent la formation d'une nouvelle naissance : l'agrégat conscience-connaissance descend dans le sein de la mère, entraînant la formation des quatre autres, dont il est inséparable : parmi ces quatre autres, la notion, la sensation, la volition sont regroupées sous le vocable « mentalité », tandis que la corporéité désigne la matière (cf. n° 4) ; le composé sanskrit utilisé pour désigner cet ensemble correspond littéralement à « nom et forme ». Les organes des sens (n° 5) sont au nombre de 6, car l'intellect est compté parmi eux.

Voyons maintenant la portée philosophique de ce tableau. À la base du schéma, y a un vice fondamental, une passion qui s'appelle l'ignorance (n° 1) ; c'est l'ignorance qui nous fait prendre le moi pour une réalité digne de polariser l'élan vital, alors qu'il n'est qu'un fantoche articulé d'éléments transitoires  : cet attachement au moi entraîne des formations karmiques : nous avons là un processus d’action.

Les formations karmiques, nous l'avons dit déjà, sont cause de renaissance : le processus de renaissance amène, comme fruit de rétribution des actes, les éléments inséparables que sont : conscience-connaissance, mentalité-corporéité, et les six sens (n° 3 à 5). Les six sens entraînent le contact, et du contact naît une sensation (n° 6-7). Mais aussitôt se déclenche un nouveau processus d'action : de la sensation, en effet, naît le désir, la soif (n° 8), soif qui, à son tour, entraîne des comportements qui ont pour nom : attachement, appropriation, préhension, etc. (n° 9). Ces passions réalimentent le karma, source de réexistence (n° 10). Et voilà enclenché à nouveau un processus de renaissance dont le tableau, sautant les étapes intermédiaires, se contente de noter les deux stades extrêmes : la naissance et la mort.

La destinée obéit donc à un mécanisme de causes et d'effets sans que, bien entendu, n'apparaisse dans cette série de phénomènes aucun moi. Remarquons également le caractère inexorable de ce mécanisme puisque le schéma en est :

- la naissance à cause des passions et des actes,

- nouvelles passions et nouvel agir suite à la naissance,

- en raison de ces nouvelles passions et du nouvel agir, promesse automatique d'une naissance à venir.

ou encore :

- passion et agir rétribués en existence,

- mais le fruit de la rétribution qu'est l'existence porte en lui-même les germes de passions et d'actes.

Bref, puisque la naissance entraîne ipso facto un agir, et que l'agir est lui-même générateur d'une nouvelle naissance, nous tournons en rond, nous sommes enchaînés, prisonniers d'un cercle infernal d'errances, sans commencement ni fin.

Ni fin... sauf le cas d'illumination dont le Bouddha va faire bénéficier l’humanité. Et nous voici à la troisième vérité sainte.

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Troisième vérité : les principes de la suppression de la douleur

Le Bouddha a donc trouvé le moyen de libérer l’homme des travaux forcés de la transmigration. Ce moyen n'est pas compliqué et pourrait tenir tout entier dans ce principe  : pour briser une chaîne, il suffit de casser un maillon : si je déracine le désir, j'interromps l'enchaînement « désir - acte - nouvelle existence ». Et si l'on veut rejoindre davantage encore la philosophie profonde du bouddhisme, on pourrait paraphraser ainsi la troisième vérité : si l'on dissipe l'ignorance qui nous fait considérer le moi comme une réalité substantielle et digne d'intérêt, l'attachement à la vie s'éteint, le karma s'épuise progressivement car il n'est plus réalimenté, et ainsi nous échappons à la ronde des existences.

La délivrance bouddhique peut donc se définir comme étant l'interruption de la série des phénomènes psycho-physiques, la cessation de l'élan vital qui nous soutient dans le monde douloureux de la vie transmigrante. L'état qui en résulte est appelé Nirvâna.

Le Nirvâna compte deux degrés : le Nirvâna atteint en ce monde ou incomplet, et le Nirvâna complet [10]. Le Nirvâna incomplet est l’état du saint qui a déraciné complètement le désir et l'attachement à la vie : il est un délivré-vivant, il sait qu’il ne renaîtra plus, mais il lui reste encore à traîner la vie présente : cette vie va continuer à tourner comme « en roue libre », sans que de nouvelles impulsions n'en viennent prolonger le mouvement ; avec la mort, la roue s'arrêtera : le délivré-vivant entrera en Nirvâna complet.

On a disserté à perte de vue sur le Nirvâna : les uns y voient le Néant, d'autres le tiennent au contraire pour un état de béatitude, pour une plénitude. À vrai dire, il y a là un dilemme qui, concernant le bouddhisme, est inadéquat. Car en fait, quand nous opposons Néant à Plénitude, nous ressentons implicitement cette opposition suivant les termes que voici : vais-je être anéanti ou au contraire pleinement épanoui ? Mais il est évident qu'en raisonnant de la sorte, nous réintroduisons la notion de personne, le moi, au centre de nos préoccupations métaphysiques. Et nous pourrions difficilement faire autrement car nous sommes prisonniers de notre conditionnement philosophique et de nos traditions millénaires. Mais le Nirvâna est au premier chef un état totalement impersonnel puisque, pour l'atteindre, nous devons renoncer à l'illusion que constitue l'attachement au moi. Et si, de ce fait, nous sommes tentés de l'identifier à un anéantissement, il n'en va pas de même dans la logique du bouddhisme. Le Nirvâna existe - du reste, s'il était le Néant, comment pourrait-on l'atteindre en étant encore en vie -, et c'est un absolu en ce sens qu'il n'est pas produit en dépendance d'autre chose, comme les douze maillons de la chaîne des causes évoquée à propos de la deuxième vérité. Rien ne le cause, rien ne le conditionne. C'est un Inconditionné, un Absolu, mais pour être la Réalité Absolue, il faut qu'il soit totalement impersonnel.

Les textes anciens aiment souligner cette vérité dans une formule aussi limpide de parallélisme que grosse de paradoxe : si, dans l'ordre du devenir, l'enchaînement « désir-agir-existence... » s'explique sans la présence d'une personne substantielle, par le simple jeu de la rétribution automatique des actes, de même, dans l'ordre de l'Absolu, le Nirvâna s'explique sans la présence du Nirvâné :

« Le Nirvâna existe, mais il n'est point de Nirvâné » : voilà bien une sentence typiquement bouddhique ; mais pourrait-on mieux dérouter nos habitudes de pensée ? On mesure par ces quelques mots l'abîme qui sépare nos conceptions du message du Bouddha.

Une fois de plus, c'est autour de la problématique de la personne que le fossé va s'élargissant...

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Quatrième vérité : le chemin de la délivrance

La quatrième vérité trace le chemin que doit suivre le candidat à la délivrance. Nous entrons dans le domaine de l'éthique.

Le chemin prescrit compte huit branches : foi pure, volonté pure, langage pur, action pure, moyens d’existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure. Ces dispositions ont donné lieu à des développements techniques très poussés, toute religion ayant tôt ou tard ses casuistes. Mais l'allure générale de notre exposé nous incitant à la concision, contentons-nous de préciser qu'une des conditions de la pureté de ces dispositions est de n'être pas souillées par l'attachement au moi, et que la foi bouddhique ne correspond en rien à ce qu'entendent par ces mots les chrétiens : elle résulte d'une conviction intellectuelle, d'un effort mental concernant le bien-fondé des quatre vérités saintes.

La conquête de ces huit dispositions ou, si l'on préfère, la progression dans l'octuple chemin, est fondée sur trois éléments : la moralité, la concentration et la sagesse.

La morale bouddhique consiste en un catalogue des vices et des passions susceptibles de contrarier la délivrance. Nous ne procéderons pas à la fastidieuse énumération de tous ces interdits. Soulignons seulement le lien qui unit cet aspect de l'éthique et la philosophie qui la sous-tend : si la rétribution des actes obéit à une loi aveugle, si aucun dieu n'intervient pour rendre la justice, si l'acte produit par lui-même tel ou tel genre de renaissance, il importe au plus haut point de désigner, de classer les actes sous ce rapport : il faut bien sûr éviter ceux qui entraînent de mauvaises renaissances.

Remarquons également qu'en stricte logique, puisque seul le non-agir ne mûrit pas en renaissance, il faudrait éviter les actes bons autant que les mauvais. Dans la pratique cependant, les actes mauvais sont beaucoup plus redoutables car ils nous font renaître dans de mauvaises conditions qui font obstacle à la délivrance tandis que les actes bons nous assurent des renaissances dont les conditions facilitent l’accès à l'ultime étape. C'est ainsi qu'un laïc nourrira l'espoir de mener, dans une existence ultérieure, la vie monacale, plus propice à la libération ; on pourra aussi espérer renaître parmi les dieux : nous allons revenir à l'instant sur ce point.

Dans la morale bouddhique primitive, la charité, sans être déconseillée, est à tout le moins objet de méfiance : c'est que les actes inspirés par cette vertu sont généralement entachés de la croyance en la personne, et du désir de la promouvoir : il y a donc grand risque de voir vicier par une erreur funeste une généreuse intention. Ce n'est qu'avec le temps, et sous la pression des laïcs, aux prises avec leurs responsabilités familiales et sociales, que l'altruisme fera sa percée dans la doctrine bouddhique : mais cela concerne l'histoire, et non plus l'inspiration primitive du message.

La moralité perd tout son sens si la pensée n'est pas pure : c'est à la concentration qu'incombe le rôle de la purifier. La concentration, c'est un yoga, une méthode permettant de grimper un à un les échelons de la spéculation, non certes comme dans le yoga orthodoxe, pour opérer la jonction du moi et de l'âme universelle, puisque le Bouddha rejette ces notions, mais pour obtenir l'abolition de la conscience individuelle et pénétrer, en dernier ressort, le mystère du Nirvâna.

Certes, la pente est raide et nombreux sont les échelons ; avant d'atteindre le sommet qui a pour nom « recueillement de la destruction de la conscience et de la sensation », et qui ouvre la porte du Nirvâna, on dénombre huit paliers qui sont à la fois les demeures successives de la pensée abîmée dans la concentration, et les différents étages des mondes célestes et immatériels [11] : de cette identité, il résulte que si, par la force de ma volonté et de mon esprit, je me suis hissé, par exemple, à un niveau d'extase correspondant au monde de tels ou tels dieux, j'ai l'assurance de renaître parmi eux. Mais il reste entendu que cette étape est accessoire dans l'économie de la libération et que la visée idéale est l'entrée en Nirvâna.

La concentration est aussi importante dans le bouddhisme que l'est, dans le christianisme, la prière ou la méditation. Mais on aura compris que la démarche est totalement différente. Le bouddhiste compte sur ses propres forces et, dans le bouddhisme primitif, la prière n'a aucun sens puisqu'elle impliquerait l'existence d'une personne humaine s'adressant à une personne divine.

Le troisième élément de l'éthique, la sagesse, n'a rien de commun avec la compréhension dont nous couvrons ce mot : c'est la vue pénétrante, l'intuition vécue du caractère impermanent, transitoire, impersonnel des choses, qui, dans son stade ultime - car il y a plusieurs niveaux de sagesse - va de pair avec l'état de sainteté, avec l'accès au Nirvâna.

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Un point particulier : l'athéisme du Bouddha

Que le Bouddha, inspirateur d'une des grandes religions universelles, ait fait profession d'athéisme, voilà bien la caractéristique qu'on nous présente généralement comme typique du personnage : c'est le trait que, dans aucune notice, on ne pourra manquer.

Et dans un certain sens, le jugement est fondé : le Bouddha gomme de sa doctrine la présence de l'âme en même temps que celle d'un Dieu susceptible d'aimanter ses aspirations. Que veut-on de plus pour être taxé d'athéisme ? Du reste, les tenants de l'orthodoxie brahmanique ne s'y sont pas trompés qui, à tort ou à raison, dénonçaient, sur ce point, le danger du bouddhisme.

Convenons donc que, dans le contexte philosophique de son époque, le Bouddha a dû faire figure d'athée.

Ceci étant dit, cette épithète nous gêne beaucoup car il nous paraît douteux qu'un occidental en perçoive la juste résonance quand elle s'applique au Bouddha. Pour un occidental, en effet, l'athée est celui qui proclame l'existence du monde sans Dieu, tandis que le théiste proclame Dieu et le monde (qu'on nous pardonne d’enjamber aussi allégrement les nuances des différentes attitudes philosophiques, mais on verra à l'instant qu'elles seraient superflues pour notre propos). L'athéisme entraîne donc une certaine valorisation du monde : celui-ci devient le seul objet des préoccupations humaines, c'est en lui qu'on recherche les critères, les valeurs, les tables de référence morale : c'est lui qui devient, en quelque sorte - et sans vouloir caricaturer - l'Absolu : ce qu'on prend à Dieu, on l'ajoute au monde. Si tel est le sens à donner au concept d'athéisme - et nous pensons que, pour un occidental, cette acception est presque inéluctable - on ne peut en aucune façon l'imputer au Bouddha : car si le bouddhisme rejette Dieu, il n'en valorise pas pour autant le monde ; bien au contraire, il le rejette comme n'étant qu'un océan d'impermanence, indigne d'intérêt. Ignorant le dilemme « le monde avec Dieu ou le monde sans Dieu », le Bouddha proclame : « Ni Dieu ni le monde ».

Et ce n'est pas le seul contraste que le bouddhisme accuse avec la conception occidentale de l'athéisme. Imaginerait-on, par exemple, qu'un athée admette l'existence de mondes des dieux que l'homme peut rejoindre par l'extase, par la concentration mentale ? Pour le Bouddha, il n'y a pas là matière à contradiction car, dans son optique, c'est encore le monde de l'impermanence, de la vie transmigrante ; ce n'est, en aucune façon, un absolu.

Nous mesurons, par l'évocation de ce problème, comme pour la question du Nirvâna, combien il nous est difficile de saisir la portée exacte des concepts philosophiques que véhiculent des civilisations étrangères à la nôtre ; nous prenons en même temps la mesure de l'enracinement dont nous sommes tributaires jusqu'à ne pouvoir mentionner un concept sans que ne monte avec lui, dans notre esprit, tout un réseau de références, toute une structure, tout un conditionnement.

Mais en montrant qu'il contrastait avec nos schémas de pensée, nous n'avons situé que de façon négative l'athéisme du Bouddha. De façon positive, on pourrait dire que, si le Bouddha tourne le dos à Dieu quand il cherche une issue pour la libération de l’homme, c'est parce que la recherche du divin entraînerait dans le coeur de l’homme un vouloir-être, une aspiration à communier avec une personne divine, et que ces dispositions suffiraient à l'enchaîner davantage encore à la transmigration. C'est donc de l'hostilité foncière au désir, source des renaissances douloureuses, que découle l'athéisme du Bouddha. Mais qu'il existe un monde du divin ne jouant dans son plan d'accès au Nirvâna, qu'un rôle facultatif de relais pour ceux qui n'atteignent pas d'emblée la dernière étape, ne le contrariait pas.

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Conclusion

De ce rapide survol des idées fondamentales du Bouddha, il ressort que celui-ci ne se veut ni un Dieu, ni un envoyé de Dieu : c'est un guide qui montre la voie, après avoir percé à jour le mystère de la destinée humaine : par son illumination, il a vaincu la transmigration, il a traversé, pour gagner la rive du Nirvâna, le courant des perpétuelles formations et dislocations des phénomènes de l'existence ; et de cette illumination, il fait bénéficier l'humanité entière. Mais la vérité qu’il découvre existe en dehors de lui, il ne s'identifie pas avec l'objet de son message, et, une fois nirvâné, il ne peut rien pour ses disciples : rien ne sert donc de le prier, contrairement à l'invitation adressée à leurs adeptes par Jésus ou par Mahomet. Le Bouddha est un guide, ce n'est pas un sauveur qui prétend intervenir dans notre destinée.

À cet égard, le bouddhisme primitif apparaît plus comme une discipline que comme une religion ; une discipline faite d'ascétisme et de dépouillement qui tient en maigre estime la religiosité et la ferveur dévotionnelle ; c'est à tel point que le bouddhisme primitif laissera insatisfaits les besoins religieux et mystiques des peuples et qu'il sera, sur ce point, « dépassé par la demande » émanant des fidèles. Mais ceci concerne l'évolution du bouddhisme et déborde le cadre que nous avons imposé à notre communication. Disons simplement qu'on assistera, en dehors de l’Inde surtout, à la naissance de bouddhismes plus chaleureux, plus dévots, qui ne rappellent que de loin l'attitude du Çâkyamuni, mais qui, de toute façon, témoignent de l'intarissable fécondité de son message.

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Daniel DONNET
Professeur à l'Université de Louvain
Faculté de Philosophie et Lettres
Collège Erasme
1347 Louvain-la-Neuve (Belgique)


Notes

[*] Le problème de la bibliographie nous a causé quelque perplexité. N’en pas faire état laisserait croire à plus d'originalité que n'en a ce travail ; et la moindre bibliographie qui pourrait trouver place dans le cadre limité d'un exposé général sera forcément incomplète. Résolvons le problème en espérant que cet avertissement nous fera pardonner de ne mentionner que quelques livres, tous en langue française. Cette mention, en tête d'article, nous dispensera de citer chaque fois nos références pour les différents points de doctrine. Il y a tout d’abord l'ouvrage de base, qui serre de très près, avec mention des références, les sources en langues indiennes et les versions tibétaines et chinoises : E. LAMOTTE, Histoire du bouddhisme indien, des origines à l’ère Çaka, Louvain, 1958 (rééd. 1967). Autre instrument scientifique : A. BAREAU, Les Religions de l’Inde : III. Le Bouddhisme, Collection : Les Religions de l'humanité, Paris, Payot, 1966. Il y a ensuite quantité d'exposés, d'allure plus générale, et par exemple : J. BACOT, Le Bouddha, Paris, P.U.F., Collection : Mythes et religions, 1947 ; H. ARVON, Le Bouddhisme, Collection : Que-sais-je ? 468, Paris, 1951 ; C. HUMPHREYS, Le Bouddhisme (traduit de l'anglais), Paris, 1961 ; A. MIGOT, Le Bouddha (Collection : Portraits de l'histoire n° XI), Paris, 1957 ; A. DAVID-NEEL, Le Bouddhisme, ses doctrines et ses méthodes, Paris, 1936, 8ème édition (nombreuses rééditions) ; Les enseignements secrets des bouddhistes tibétains : la vue pénétrante, réédité à Paris, Adyar, 1976 (plus éclairant sur le bouddhisme primitif que ne le suggère le titre) ; J. NAUDOU, Le Bouddha, Paris, 1973, etc., etc. Sur des points particuliers de la doctrine, mentionnons, entre autres : L. de la VALLEE POUSSIN, La morale bouddhique, Paris, 1927 ; Le Nîrvâna, Paris, 1925. - Quant au magistral ouvrage de A. FOUCHER, La vie du Bouddha, Paris, Payot, 1949, il ne concerne que très indirectement la doctrine. - Signalons aussi un syllabus hors commerce : J. RIES, Le Bouddhisme, en dépôt à la Faculté de Théologie U.C.L., Louvain-la-Neuve. [Retour]

[1] La chronologie relative à la vie du Bouddha est loin de faire l'unanimité, et les écarts sont parfois considérables entre les différentes positions : voir l'étude des sources à ce sujet, dans E. LAMOTTE, Histoire..., pp. 13-15. [Retour]

[2] Les castes sont : 1) les brahmanes, ou prêtres ; 2) les kshatriya, caste constituant le « bras séculier » : aristocratie guerrière, administrateurs, hauts fonctionnaires ; 3) les vaiçya : fermiers, commerçants, artisans ; 4) les çoudra, ou serfs. [Retour]

[3] Il s'agit de la racine verbale budh-, que nous retrouvons probablement dans le grec punthanomai (e-puth-o-mên) avec adjonction du suffixe -ta (dh-ta devient, dans la phonétique du sanskrit : ddha) ; ce suffixe correspond au tu-s du participe latin, et au to-s de l’adjectif verbal grec. [Retour]

[4] Prononcez : chakyamouni. [Retour]

[5] Nous pouvons ignorer ici les connotations particulières qui s'attachent aux mots « brahmanisme » et « hindouisme », voire « védisme », lorsqu'on oppose l'un à l'autre ces termes qui ont un fond commun de signification. Confrontés à « bouddhisme » pour opposer l'orthodoxie à l'hétérodoxie, ils peuvent être tenus pour synonymes. [Retour]

[6] Les livres du Véda, de chronologie incertaine (l’élaboration orale s'étend sur une période qui pourrait aller du XIIIe au VIe s. av. J.-C.) comprennent en premier lieu la série des mantra, ou formules sacrées: Rigveda, ou véda des strophes ; Sâmaveda, livre des mélodies ; Yajurveda, formules des sacrifices ; Atharvaveda, recueil de magie. Ces ouvrages sont eux-mêmes encadrés de commentaires : les Brâhmana, concernant surtout l'explication du rituel ; les Aranyaka esquissant une symbolique des valeurs rituelles, à tendance ésotérique ; les Upanishad, qui amorcent la spéculation philosophique. [Retour]

[7] Sanskrit âtman : soi-même ; âme. [Retour]

[8] Dans l’ouvrage La parapsychologie devant la science, ouvrage collectif contenant les actes de la Rencontre internationale de parapsychologie, organisée par le chaînon champenois, à Reims, les 16 et 17 décembre 1975 (publié à Paris, 1976), on lit, p. 264, une intervention que je cite textuellement : « Je rappelle que l'église catholique a enseigné la réincarnation en 553 au concile de Constantinople ». Nous avons vérifié aux sources, c'est-à-dire dans les Actes des Conciles, cette surprenante affirmation : Cf. Acta Conciliorum Oecumenicorum, IV : Concilium universale Contantinopolitanum, 2 vol. Berlin et Strasbourg, 1914 et 1971 ; Conciliorum Oecumenicorum decreta, Istituto per le Scienze religiose, Bologna, curantibus J. ALBERIGO et..., 1962, pp. 81-98. Nous avons consulté également H. DENZINGER et A. SCHÖNMETZER, Enrichiridion symbolorum definitionum et declarationum.... 34e édit., 1957, pp. 144-153. Nulle part nous n'avons trouvé le moindre indice susceptible de confirmer cette affirmation. [Retour]

[9] Les termes sanskrits traduits respectivement par notion et par connaissance sont de même racine (jnâ : cf. grec gi-gnôskô ; lat. co-gnoscere ; gnose) mais de composition différente (samjnâ, et vijnâna). Nous ne pourrions, sans de longs développements qui ralentiraient indûment l'exposé, en établir les nuances respectives. Pourrait-on, pour prendre une comparaison dans un autre secteur sémantique, préciser en quelques lignes la différence exacte que présentent, pour la théorie de la connaissance, des mots tels que : impression/sensation ; percevoir/saisir, etc... ? [Retour]

[10] Les termes sanskrits utilisés se traduisent respectivement par : Nirvâna « avec conditionnement restant » ou « avec reste de dépôt », et Nirvâna « sans conditionnement restant » ou « sans reste de dépôt ». [Retour]

[11] Pour que notre exposé soit exact et complet, nous devons dire que la progression s'établit comme suit : les quatre premiers niveaux de la concentration correspondent à la « sphère matérielle subtile », abritant les êtres célestes qui ont repris naissance dans le monde de Brahma ; les quatre suivants concernent le monde immatériel comprenant les êtres célestes ayant repris naissance sous forme de « série mentale ». Vient ensuite le recueillement de la destruction de la conscience et de la sensation (cf. E. LAMOTTE, Histoire... , pp. 34-35 et 46-48 ; A. BAREAU, Le Bouddhisme, pp. 54-58). On conviendra que l'esprit de cet article ne nous permet pas d'entrer à ce point dans le détail, au risque d’en rester, sur certains points, à des approximations. [Retour]


FEC - Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 2 - juillet-décembre 2001

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